L’obligation alimentaire comporte des imbrications sociales et fiscales (Rapp. CES, « L’obligation alimentaire : des formes de solidarité à réinventer », précité, p.9).
Un des enjeux est la mobilisation des ressources et, le cas échéant, du patrimoine lorsqu’une personne sollicite des aides. La question qui se pose est celle de la portée et de l’étendue de l’obligation alimentaire et, par voie de conséquence, de ses incidences sur le choix opéré en cas de besoin d’aide.
Soulignons que, à l’origine, il s’agissait de couvrir les moyens de subsistance de la personne dans le besoin. Et la satisfaction de ces besoins était examinée et mise en relation avec les moyens dont disposaient les débiteurs, en respectant le principe de proportionnalité. Or, comme l’a souligné le CES, « l’application de ce principe aux frais d’hébergement ne va pas de soi. Ceux-ci n’ont qu’un lointain rapport avec la satisfaction de besoins relatifs à la subsistance. » Dans des résidences, ils concernent des frais relatifs à l’animation et à l’amortissement des biens mobiliers et immobiliers.
Le montant de ces frais est souvent hors de portée des revenus moyens des actifs, qui ont le plus souvent encore d’autres charges : logement, éducation (N. Kesterman, « Les obligations alimentaires envers les ascendants : la double peine des descendants », Retraite et société 2011/2, n° 261).
Le rapport du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge de juillet 2020 précité précise, quant à lui, que 75 % des personnes âgées vulnérables vivant en établissement sont dans l’impossibilité de financer leurs frais de séjour à partir de leurs ressources courantes (A. Fizzala, « Le reste à charge des personnes âgées dépendantes résidant en établissement », in « Dépendance des personnes âgées : qui paie quoi ? L’apport du modèle Autonomix », Les Dossiers de la Drees, n° 1, mars 2016). Le financement des frais de séjour passe par l’aide financière des proches (y compris des personnes non tenues par l’obligation alimentaire).
Note : Dans le rapport « Libault » (« Grand âge et autonomie, mars 2019), une des priorités évoquées est celle du reste à charge en établissement en faisant baisser la contribution des personnes modestes. Aujourd’hui, les restes à charge sont élevés en établissement. La participation financière des résidents, une fois versées les différentes allocations et les contributions des obligés alimentaires, est estimée à un peu moins de 1 850 euros par mois pour la moitié d’entre eux. Une action ciblée est proposée en direction des familles modestes. Le caractère récupérable ou non des aides pourrait revenir dans les débats avec la question du financement de la 5e branche et de la future loi « grand âge », qui à ce jour n’est pas programmée.
L’ensemble de ces éléments conduisent au renoncement des aides (frein venant de la part de la personne elle-même et/ou des possibles héritiers). La mobilisation du patrimoine se heurte à la volonté de la personne âgée de ne pas solliciter ses proches ou de réduire l’héritage. Ces personnes restent à leur domicile, ce qui a un impact pour elles-mêmes et pour les proches aidants (Rapp. HCFEA, 2017). « La disparition de l’obligation alimentaire et de la récupération sur succession amènerait nombre de résidents en établissements à demander le bénéfice de l’aide sociale à l’hébergement alors qu’ils ne le font pas aujourd’hui parce qu’ils ne souhaitent pas qu’on sollicite leur famille et qu’on opère de lourds prélèvements sur leur patrimoine lors de leur succession » (Rapp. HCFEA, précité, 2017). Ce qui implique une rupture avec l’idée que l’aide publique est subsidiaire et doit passer après la solidarité.
En droit et en pratique, la solidarité « pécuniaire » se traduit donc principalement par la notion juridique d’« obligation alimentaire », d’une part, et par l’opportunité de solliciter davantage le patrimoine des personnes dépendantes, d’autre part.
Il est difficile de trouver une cohérence d’ensemble. Ainsi, la solidarité pécuniaire a conduit à écarter la possibilité d’accueil familial à titre onéreux à l’intérieur de la parenté (CASF, art. L. 441-1).
Mais, a contrario, le choix inverse est fait lorsque des personnes appartenant à la famille (à l’exception du conjoint, du concubin, ou de la personne liée par un Pacs) peuvent être rémunérées pour prendre en charge une personne dépendante bénéficiaire de l’APA (CASF, art. L. 232-7) (voir infra, Chapitre 4).
Concernant l’aide sociale et l’obligation alimentaire, une règle est que le principe qui prévaut est celui de la primauté de la solidarité familiale sur l’aide de la collectivité et des services qu’elle offre, qui ont donc un caractère subsidiaire. Mais cette articulation est organisée au cas par cas et varie selon les prestations.