Aider renvoie à une complémentarité des solidarités : familiale, collective, avec des logiques qui se juxtaposent, évoluent et qui doivent s’articuler entre elles.
Le vieillissement de la population a nourri le questionnement sur la place à donner aux solidarités familiales (termes utilisés pour la première fois dans le champ politique en 1972 et dans le champ scientifique en 1976 ; voir I. Sayn, « Les obligations alimentaires : droit civil et droit de la protection sociale », Doc. fr., 2005) et progressivement à construire des politiques publiques qui prennent en compte la question de la dépendance.
Mais la question de l’aidance ne saurait se limiter aux personnes âgées : la prise en charge familiale concerne le handicap, l’accident, la maladie (avec notamment le développement des maladies chroniques) et même plus largement la précarité sociale. Des différences importantes existent dans l’approche de cette prise en charge.
Note : Selon Michel Billé, sociologue, ce vocable « prise en charge » est signe d’un regard porté sur la vieillesse qu’il conviendrait d’interroger.
La traduction en est significative sur le terrain de l’obligation alimentaire. Fondée initialement sur des obligations relevant du code civil, elle s’est introduite dans les politiques sociales, avec des effets à géométrie variable. Illustration avec la question du financement du coût de l’hébergement en établissement sanitaire ou social : l’aide sociale aux personnes âgées est subordonnée à la mise en œuvre de l’obligation alimentaire, à la différence de l’accès à l’aide sociale aux personnes handicapées.
Note : Dans son rapport « L’obligation alimentaire, la récupération sur succession et leur mise en œuvre dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement » (juill. 2020), le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) développe les effets de cette mesure et propose différents scénarios, sans trancher sur une suppression de la récupération sur l’aide sociale à l’hébergement.
Le principal vecteur de la solidarité familiale est l’obligation alimentaire, laquelle s’accompagne de mécanismes de recouvrement de la dette, ce qui dénote, selon le Conseil économique et social (CES), une « logique comptable », rompant ainsi avec la logique des articles du code civil auxquels renvoient les textes de droit social (Rapp. CES, « L’obligation alimentaire : des formes de solidarité à réinventer », par Christiane Basset, 2008, p. 14 ; sur les textes, voir infra). Des différences qui nécessitent de définir le champ de l’obligation alimentaire, ses limites et ses implications sur le recours ou le non-recours aux aides pour être aidé. Autrement dit, l’aidant l’est-il ou le devient–il par choix, par obligation ou par nécessité ?
« La relation d’aide renvoie à une dimension objective se rapportant au volume horaire de l’aide, à sa durée et à sa nature (soins d’hygiène et de confort, accompagnement à la vie sociale, démarches administratives, coordination, vigilance permanente, soutien psychologique, communication, activités domestiques...). Elle renvoie aussi à une dimension subjective portant sur le ressenti de l’aidant (physique, psychologique, émotionnel, social et de coût financier). »
Note : Anesm, « Recommandations de bonnes pratiques professionnelles. Le soutien des aidants non-professionnels », 2014.
Un ressenti d’autant plus pesant quand l’aide n’est pas choisie. À cet égard, il convient de mentionner l’élargissement possible du champ de l’obligation : en complément de l’obligation alimentaire, est reconnue une « obligation naturelle » avec « le devoir de conscience » (C. civ., art. 1100 ; Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016). Contrairement à l’obligation alimentaire, imposée par la loi et dont le champ est strictement défini, l’obligation naturelle peut naître volontairement. « Les obligations naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou de l’autorité seule de la loi. Elles peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui. » À côté d’obligations légales, dont relève l’obligation alimentaire au sens strict, apparaît ainsi une autre catégorie d’engagements : quels impacts ont-ils sur l’aidance ? Comment comprendre et interpréter le « devoir de conscience ? Ce texte étant récent, il est difficile d’en mesurer à ce jour la portée pratique dans le domaine de « l’aidance ».