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LE REFUS DE SOINS ILLICITE

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A. Refus fautif

En cas d’urgence, le médecin ne peut refuser des soins : c’est une des exceptions posées à l’article R. 4127-47 (voir p. 66).


B. En cas non-assistance à personne en péril

« Tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril ou, informé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires » (CSP, art. R. 4127-9).
Au niveau pénal, il s’agit de l’article 223-6 du Code pénal qui réprime l’omission de porter secours (sur la responsabilité pénale, voir infra, Chapitre 4).
Une praticienne à qui est reproché un manquement à son obligation déontologique ne peut pas utilement invoquer les dispositions de l’article 223-6 du Code pénal, qui ne réprime pas l’abstention volontaire de porter assistance à une personne en péril lorsqu’elle présente un risque. Ces dispositions pénales ne sont pas applicables dans une instance disciplinaire. Toutefois, en l’espèce, il a été admis que l’attitude du médecin résultait des comportements agressifs répétés dont étaient coutumiers des voisins chez lesquels s’est produit le drame et que le comportement du médecin n’était pas constitutif d’un manquement (CNOM, 24 janv. 2018, n° 12999).
Par exemple : Manque à ses obligations d’assistance à personne en péril un praticien anesthésiste qui refuse de se déplacer alors qu’il est alors présent à la clinique, dans son cabinet de consultation. Un radiologue venait de procéder à un examen radiologique sur une patiente qui présentait les signes d’un choc anaphylactique à la suite de l’injection d’un produit de contraste. Contacté par l’hôtesse d’accueil pour intervenir, le praticien lui a répondu qu’il était occupé avec un patient et qu’il n’était donc pas disponible. Il ne pouvait dire qu’il ignorait l’état de péril dans lequel se trouvait la patiente dès lors que cette ignorance résultait précisément de son refus de se déplacer (CNOM, 24 mai 2012, n° 11131).
L’organisation du système de santé et d’urgence a un impact sur les mécanismes de prise en charge, ce qui peut entraîner des retards de prise en charge : le praticien doit s’assurer que la prise en charge s’effectue.
Un pédiatre a l’obligation d’accomplir les gestes de base qui s’imposent, et de s’assurer de la prise en charge du nouveau-né (CSP, art. R. 4127-32 et R. 4127-35). Les circonstances étaient les suivantes : un pédiatre de garde dans une clinique avait pris en charge un nouveau-né d’une taille et d’un poids normaux pour le terme mais d’une pâleur anormale et en état de mort apparente, né par césarienne, la patiente présentant un placenta praevia. Après plusieurs examens, la mise en place d’une perfusion intraveineuse et la réalisation de manœuvres de réanimation, le Samu avait pris en charge tardivement l’enfant pour qu’il soit transféré à l’hôpital où il est arrivé dans un état critique et est décédé. Si le pédiatre avait l’obligation de donner aux parents de l’enfant une information loyale, claire et appropriée sur son état de santé et son pronostic vital (CSP, art. R. 4127-35), le défaut d’information ne peut, dans les circonstances de l’espèce, qu’être excusé par l’urgence d’une situation rapidement évolutive, dans laquelle une surveillance médicale constante de l’enfant était indispensable. En revanche, le praticien a manqué à son obligation d’assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents (CSP, art. R. 4127-32). Le praticien ne s’était pas non plus inquiété du temps important que mettait l’équipe d’urgence à arriver et n’a pas appelé lui-même le régulateur pour lui fournir les informations dont il ne disposait pas qui lui auraient permis de dépêcher immédiatement une équipe et un véhicule pour assurer la prise en charge et le transfert de l’enfant (CNOM, 23 juill. 2019, n° 13625).
Un pneumologue retraité, participant à la permanence des soins d’un centre 15, avait établi un diagnostic erroné à l’endroit d’un homme de 42 ans qui est décédé d’un arrêt cardiaque. Le praticien avait établi que cet homme, ressentant de vives douleurs dans le haut du dos et en arrière des bras, accompagnées de transpiration et de pâleur, avait été victime d’une pathologie vertébro-musculo-ligamentaire. Pour élaborer son diagnostic, le praticien s’était fondé sur le fait que le patient venait de tailler une haie, n’avait pas de traitement et était un fumeur modéré. Il ne s’était pas donné les moyens d’établir un meilleur diagnostic en sous-estimant la gravité de la situation. Il n’avait pas parlé directement avec le patient mais avec son épouse qui avait téléphoné au 15. Il aurait pu prendre directement le rendez-vous en urgence au centre médical de garde. Surtout, en n’orientant pas le patient vers le SAMU, il avait laissé ce dernier dans une errance ayant entraîné une perte de chance (CNOM, 22 nov. 2019, n° 13769).
S’agissant d’un manquement lié à l’absence de déplacement et à un diagnostic établi par téléphone, il est intéressant d’analyser ces dispositions au regard du développement des télésoins et de ses limites (voir supra, Chapitre 1).
Un cardiologue de garde dans un centre hospitalier a, après avoir été appelé par le médecin urgentiste qui venait de prendre en charge un patient souffrant d’une douleur thoracique, sur la base des résultats de l’électrocardiogramme et du dosage de la troponine communiqués par téléphone, considéré par téléphone et sans se déplacer que le patient présentait « une douleur thoracique atypique sur patient tabagique » et recommandé la réalisation d’une épreuve d’effort en écartant un pronostic de syndrome coronarien aigu. Le patient, autorisé à rentrer chez lui, est décédé le lendemain après avoir présenté de nouvelles douleurs thoraciques. Compte tenu du caractère de l’urgence et de son statut de cardiologue de garde, le praticien avait l’obligation de se déplacer afin d’examiner lui-même le patient, d’apprécier les résultats des examens et d’affiner le diagnostic. Si le praticien soutenait que c’est le comportement discutable de son confrère urgentiste qui l’avait conduit à ne pas se déplacer dans la mesure où il n’aurait pas transmis les résultats des examens correctement, cela ne pouvait justifier la méconnaissance des obligations déontologiques faites au médecin d’assurer des soins consciencieux et de consacrer le temps nécessaire à l’élaboration de son diagnostic (CNOM, 23 oct. 2019, n° 13817).
Voir infra, Chapitre 4, pour d’autres décisions.


C. Péril imminent, fin de vie et prise en compte du refus de l’obstination déraisonnable

L’approche juridique est modifiée dès lors que le médecin agit dans le cadre de la loi qui lui permet de déroger à la nécessité d’intervenir. Le médecin doit en effet éviter toute obstination déraisonnable. Il peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie (CSP, art. R. 4127-37, devoirs envers les patients).
L’obstination déraisonnable a un versant législatif correspondant aux « droits des personnes malades » : l’article L. 1110-5-1 du code de la santé publique énonce que les actes de traitements (visés à l’article L. 1110-5) ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable, ces actes doivent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, à l’issue d’une procédure collégiale (CSP, art. R. 4127-37 à R. 4127-37-4).
Sont inclus au nombre des traitements l’ensemble des actes qui tendent à assurer de façon artificielle le maintien des fonctions vitales du patient (CE, 24 juin 2014, n° 375081A). La ventilation mécanique, l’alimentation et l’hydratation artificielles sont au nombre des traitements susceptibles d’être arrêtés lorsque leur poursuite traduirait une obstination déraisonnable (CSP, art. L. 1110-5-1 ; CE, 8 mars 2017, n° 408146 A).
Dans ce cas, le médecin ne peut être mis en cause pour non-assistance à personne en danger ou délaissement d’une personne hors d’état de se protéger, si les conditions et la procédure sont respectées (C. pén., art. 223-3 et 223-6). Si la procédure collégiale n’est pas respectée, le médecin s’expose à nouveau à des poursuites pénales (voir infra, Chapitre 4).
La possibilité de demander la sédation profonde s’applique jusqu’au décès du patient (CSP, art L. 1110-5-2) (voir supra, Chapitre 2).
Le rôle central du médecin à qui appartient de façon générale la décision ressort tant des commentaires faits par l’ordre des médecins que de la jurisprudence, ce qui peut provoquer, comme nous l’avons vu récemment, de longues années de procédures contentieuses.
Par exemple : « Il appartient au médecin en conscience et de façon purement personnelle de prendre la décision qui lui paraît s’imposer » (site CNOM, sous l’article R. 4127-37-2). Même en présence de directives anticipées, « la décision appartient au seul médecin en charge du patient après qu’il a mis en œuvre la procédure collégiale. Comme toute décision médicale, elle est individuelle (CSP, art. R. 4127-69) et engage la responsabilité de celui qui la prend », souligne le conseil de l’ordre (CNOM, commentaire sous « Directives anticipées », art. R. 4127-37-1, article 37-1 du code de déontologie médicale).
Voir supra, Chapitre 2, sur l’ensemble du sujet.


D. Devoir de porter secours : intervention personnelle ou fait de provoquer le secours

Le médecin doit d’abord essayer de porter secours personnellement, puisque, en tant que médecin, il est susceptible de pouvoir apporter sa propre assistance (CE, 12 mars 1973).
Exemple : Un généraliste interrompt sa consultation à l’arrivée aux urgences chirurgicales de l’accompagnante d’un patient, souffrant de maux de tête et de nausées, resté dans sa voiture sur le parking pour lui demander de décrire les symptômes du malade. Suspectant un accident vasculaire cérébral, le praticien décide, après avoir consulté le radiologue de la clinique qui lui a confirmé ne pas disposer du matériel permettant un examen utile de ce patient, son transfert immédiat au moyen de son véhicule déjà sur place, au service des urgences de l’hôpital, distant de quelques kilomètres et disposant, contrairement à l’établissement dans lequel il exerce, des équipements adaptés à sa prise en charge. En prenant la décision la plus pertinente à l’égard de ce patient, face à une situation qui réclamait sa prise en charge rapide, le praticien ne manque pas, compte tenu des moyens dont il disposait, à son obligation de porter assistance ou d’assurer à son patient les soins nécessaires (CSP, art. R. 4127-9) quand bien même il ne se serait pas rendu sur le parking pour examiner le patient ou n’aurait pas demandé qu’il soit conduit auprès de lui aux fins d’examen (CNOM, 25 juill. 2019, n° 13851).

SECTION 4 - LES LIMITES À LA LIBERTÉ DE REFUSER DES SOINS

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