Le vaccin est défini dans le code de la santé publique comme un « médicament immunologique » (CSP, art. L. 5121-1).
Dans le contexte actuel de l’épidémie de Covid-19, ce texte a une résonance particulière alors que de nombreuses questions se posent face à l’éventualité d’un vaccin – obligatoire ou recommandé.
Comme pour tout produit de santé, une part de risque existe.
Sur les contentieux des accidents vaccinaux sous l’angle de la responsabilité pénale, voir C. Lequillerier, « La vaccination au prisme du droit pénal », RD sanit. et soc. 2018, p. 877 ; N. Reboul-Maupin, « Le vaccin contre le Covid-19 : un bien public mondial de l’humanité ! », D. 2020, p. 1120).
Le rôle de la vaccination dans les politiques de santé publique et de prévention a été mis en avant dans la nouvelle stratégie de santé 2018-2022 (voir P. Roche-Curier, « La politique de vaccination dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale de santé », RD sanit. et soc. 2018, p. 402).
L’obligation de vaccination déroge au principe de consentement et le refus de la personne est apprécié sous le prisme du droit civil, du droit du travail, du droit pénal, selon les contextes, pour envisager les sanctions. Le refus de la personne est respecté mais elle encourt des sanctions directes ou indirectes.
Seul le législateur peut imposer des vaccinations (CE, 15 nov. 1996, n° 172806, RD sanit. et soc. 1997, p. 247).
D’ores et déjà, au titre de la lutte contre les épidémies et certaines maladies transmissibles, des vaccinations sont obligatoires sauf contre-indication médicale reconnue, dans des conditions d’âge pour certaines ou selon les milieux professionnels (CSP, art. L. 3111-2 et s.).
A. Vaccinations obligatoires pour les enfants
Le refus de vaccination exprime une position individuelle mais la société peut aussi exercer une pression par le biais de règles qui conditionnent l’accès des enfants à certaines structures collectives à la vaccination. Ainsi, l’admission ou le maintien dans toute école, garderie, colonie de vacances ou autre collectivité d’enfants est subordonnée à la preuve du respect des obligations vaccinales (CSP, art. R. 3111-8).
En 2018, l’extension des vaccinations obligatoires – passant de trois vaccinations obligatoires à onze, incluant des vaccinations auparavant recommandées – s’est accompagnée de la suppression des sanctions pénales (L. n° 2017-1836, 30 déc. 2017, de financement de la sécurité sociale pour 2018). L’objectif alors énoncé était « d’améliorer la couverture vaccinale (et d’)éviter la réémergence de foyers épidémiques » (Exposé des motifs dans le projet de loi). La suppression de cette sanction pénale spécifique s’explique en réalité par la volonté politique de restaurer, à travers l’extension de l’obligation vaccinale, la confiance dans les vaccins (Ministre de la Santé, 26 sept. 2017).
I. LISTE DES VACCINS OBLIGATOIRES
Les vaccinations suivantes sont obligatoires, sauf contre-indication médicale reconnue, dans des conditions d’âge déterminées par décret, pris après avis de la Haute autorité de santé :
- antidiphtérique ;
- antitétanique ;
- antipoliomyélitique ;
- contre la coqueluche ;
- contre les infections invasives à Haemophilus influenzae de type b ;
- contre le virus de l’hépatite B ;
- contre les infections invasives à pneumocoque ;
- contre le méningocoque de sérogroupe C ;
- contre la rougeole ;
- contre les oreillons ;
- contre la rubéole.
Les vaccinations sont tracées dans le carnet de santé (CSP, art D. 3111-16 et D. 3111-7).
II. CONVENTIONNALITÉ À LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
En rendant obligatoires les onze vaccins figurant déjà au calendrier des vaccinations rendu public par le ministre chargé de la santé, mais qui, pour huit d’entre eux, étaient antérieurement seulement recommandés, l’article L. 3111-2 du code de la santé publique a apporté au droit au respect de la vie privée prévu à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme une restriction justifiée par l’objectif poursuivi d’amélioration de la couverture vaccinale pour, en particulier, atteindre le seuil nécessaire à une immunité de groupe au bénéfice de l’ensemble de la population, et proportionnée à ce but (CE, 6 mai 2019, n° 419242).
III. PERSONNES RESPONSABLES
Les personnes titulaires de l’autorité parentale ou qui assurent la tutelle des mineurs sont tenues personnellement responsables de l’exécution de l’obligation.
La vaccination est considérée comme un acte usuel au sens de l’article 372-2 du Code civil, le consentement d’un seul parent est suffisant. « À l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant. »
S’agissant de vaccination non obligatoire, s’agit-il d’un acte usuel ?
Des précisions ont été apportées dans le contexte d’un contentieux disciplinaire suite à une sanction prononcée contre un pédiatre qui avait procédé à la vaccination de deux jeunes filles mineures, notamment contre le papillomavirus humain, en présence de leur mère. Le père a porté plainte contre le médecin devant l’instance disciplinaire et ce professionnel reçut un blâme. L’arrêt du Conseil d’État a été rendu au visa des articles L. 1111-4, L. 1111-5 et R. 4127-42 du code de la santé publique combinés avec l’article 372-2 du Code civil. Pour prononcer cette sanction, la chambre disciplinaire nationale a considéré que le médecin avait manqué à ses obligations déontologiques (CSP, art. R. 4127-42) et elle s’est fondée sur la circonstance que la vaccination en cause n’était pas obligatoire. Selon elle, l’acte ne pouvait être qualifié d’acte usuel de l’autorité parentale, quelle que soit l’appréciation portée sur l’absence ou non de risque pouvant en résulter. Pour le Conseil d’État, cette décision est entachée d’une erreur de droit : la chambre disciplinaire n’a relevé aucun autre élément se rapportant à la nature de la vaccination en cause, aux caractéristiques des patientes concernées ou à l’ensemble des circonstances dont le médecin pouvait avoir connaissance et pouvant justifier qu’il n’était pas de bonne foi (CE, 4 oct. 2019, n° 417714).
IV. SANCTIONS
Des sanctions pénales et/ou disciplinaires à l’encontre du professionnel de santé qui délivre des faux certificats ou qui refuse la vaccination sont inscrites dans la loi (C. pén., art. 441-7 ; CSP, art. R. 4127-40, R. 4127-3 et R. 4127-32 ; CE, 22 déc. 2017, n° 406360).
V. AUTRES VACCINATIONS OBLIGATOIRES
Certaines vaccinations sont rendues obligatoires en fonction des métiers exercés et des contextes professionnels. La non-vaccination ou le refus de vaccination se traduit par des sanctions indirectes ou directes : impossibilité d’accéder à une fonction, voire un licenciement justifié. Le refus d’une vaccination obligatoire a en effet été considéré comme constitutif d’une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc., 11 juill. 2012, n° 10-27888).
Les thanatopracteurs en formation pratique et en exercice doivent, en l’absence d’infection en cours ou antérieure, être vaccinés contre l’hépatite B. La preuve de la vaccination ou de la contre-indication est jointe à l’inscription en formation ou à la demande d’habilitation à exercer, dans des conditions garantissant la confidentialité des informations transmises (CSP, art. L. 3111-3).
Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention, de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l’exposant ou exposant les personnes dont elle est chargée à des risques de contamination doit être immunisée contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe.
Les personnes qui exercent une activité professionnelle dans un laboratoire de biologie médicale doivent être immunisées contre la fièvre typhoïde (CSP, art. L. 3111-4).
Tout élève ou étudiant d’un établissement préparant à l’exercice des professions médicales et des autres professions de santé dont la liste est déterminée par arrêté, qui est soumis à l’obligation d’effectuer une part de ses études dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, doit être immunisé contre les maladies.
Les établissements ou organismes employeurs ou, pour les élèves et étudiants, les établissements ayant reçu leur inscription, prennent à leur charge les dépenses entraînées par ces vaccinations.
Voir tableau en cas d’effets des vaccinations : reconnaissances et responsabilité.
La vaccination contre la fièvre jaune est obligatoire, sauf contre-indications pour toute personne âgée de plus d’un an et résidant ou séjournant en Guyane (CSP, art. L. 3111-6).
Sur le contentieux lié aux vaccinations et la responsabilité, voir infra, Chapitre 4.