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DROITS DES MALADES ET REFUS DE SOINS À L’ÉPREUVE DU COVID-19

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Sans reprendre les dispositifs mis en place qui sont très mouvants, il s’agit en premier lieu de préciser l’évolution du cadre législatif et réglementaire.
L’état d’urgence a autorisé un réagencement des normes et des pouvoirs totalement inédit tant dans la forme que sur le fond, avec une succession d’ordonnances prises dès le mois de mars et l’état d’urgence décrété.
Principalement, au chapitre déjà existant sur les mesures d’urgence pouvant être prises, notamment en cas de menace d’épidémie (CSP, art. L. 3131-1 et s.), a été ajouté un Chapitre 1 bis « État d’urgence sanitaire » (CSP, art. L. 3131-12 à L. 3131-20). La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 précise que le chapitre 1 bis est applicable jusqu’au 1er avril 2021.
Par ailleurs, l’article L. 3131-1 a été complété par la loi n° 2020-546 du 10 mai 2020. Ainsi, les mesures individuelles ayant pour objet la mise en quarantaine, le placement et le maintien en isolement de personnes affectées ou susceptibles d’être affectées sont prononcées dans les conditions prévues au II des articles L. 3131-15 et L. 3131-17.
Au titre des articles L. 3131-15 et L. 3131-17 du Code de la santé publique, peuvent être prises des mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement ainsi que des mesures individuelles.
Note : Sur la loi du 23 mars 2020, voir O. Beaud, « L’état d’urgence sanitaire. Était-il judicieux de créer un nouveau régime d’exception ? », D. 2020, p. 891.
Sans entrer dans le détail des mesures législatives et réglementaires qui se succèdent, trois points sont à relever.


A. Sur le dépistage et le traçage

Rappelons que la réponse apportée par la communauté mondiale à la pandémie du Sida dans les années 1980 a consisté à refuser la contrainte en privilégiant une démarche volontaire, préventive. Tout comme il a été fait alors le choix de respecter le secret médical et de ne pas imposer une divulgation des risques de contamination à des tiers. La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission (CSP, art. L. 1111-2). Seul le patient contaminé est informé, y compris dans ce cas, s’il a demandé de ne pas l’être.
Cette démarche contraste totalement avec l’état d’urgence sanitaire et les mesures qui ont été prises, s’accompagnant d’un ordre public sanitaire qui prend la forme d’incantations, face au coronavirus : « dépister – tracer – isoler ». Ou « tester – alerter – protéger ».
Certains chercheurs et acteurs de terrain évoquent la folie « hygiéniste » et le caractère liberticide du principe de précaution (ASH 24 sept. 2020 ; ASH 30 oct. 2020).
Didier Tabuteau, professeur et conseiller d’État, soulignait déjà en 2009 : « Paradoxalement, (cet) effacement de l’interdiction juridique dans les programmes de santé publique vient en contrepoint d’un mouvement de normalisation technico-sociale des comportements et pratiques en matière de santé », soulignant par ailleurs que « les mécanismes de régulation sont susceptibles, sous couvert de responsabilisation individuelle, de produire des formes beaucoup plus insidieuses de conditionnement sanitaire ». Et mettant en garde sur la technicisation de la décision qui se traduit également par le renforcement du rôle de l’expertise, il ajoute : « L’expert se mue alors selon les circonstances en paravent, en instrument ou en tuteur du politique » (D. Tabuteau, « Santé et liberté », Revue Pouvoirs, sept. 2009, n° 130). Une réflexion qui entre tout particulièrement en résonance avec l’actualité et qui semble se concrétiser au-delà des prévisions.
À ce jour, parmi les mesures prises dans le cadre de l’urgence sanitaire figure le dépistage (https://www.has-sante.fr/jcms/p_3178536/fr/depistage-etdiagnostic-dans-le-cadre-de-la-covid-19).
Figure également le traçage des « cas contact » et « testés positifs ».


B. Sur l’isolement

Le choix a été fait sur la durée d’appliquer et d’amplifier si nécessaire des logiques de sécurité sanitaire et ce, à grande échelle. Elles s’apparentent à des formes d’isolement au sens le plus large, sous différentes formes, en s’isolant les uns des autres.
Ce schéma d’isolement se répercute fortement dans les lieux où les personnes sont déjà privées de liberté. Ainsi, dans son rapport « Les droits fondamentaux des personnes privées de liberté à l’épreuve de la crise sanitaire », publié le 19 juin 2020, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a dressé un premier constat sur la situation de chacune des catégories de lieux de privation de liberté français durant la période allant du 17 mars au 2 juin 2020 (établissements pénitentiaires, établissements de santé mentale, centres de rétention administrative et zones d’attente, centres éducatifs fermés). Ce rapport fait le constat d’enfermement de patients, quel que soit leur statut d’admission. Cette pratique constitue un détournement de procédure, à savoir un isolement psychiatrique, sans avis médical, confondu avec le confinement sanitaire (« Quand la psychiatrie enferme sans avis médical », ASH 3 juill. 2020, p. 31).


C. Vaccination

Concernant la vaccination, à ce jour, aucune règle n’a été définie, hormis l’évocation des cibles prioritaires qui seraient concernées – selon les métiers ou selon des critères de fragilité, de vulnérabilité...
La notion de « vulnérabilité », ou plus précisément de « personnes vulnérables », continue de faire son chemin (voir supra, Chapitre 1).
Sur le contentieux des vaccinations, voir infra, Chapitre 4.
Note : La vulnérabilité a servi à une « tentative » de limiter les possibilités de placement en chômage partiel : seules les personnes vulnérables risquant de développer certaines formes graves d’infection ainsi que les salariés qui partagent le même domicile que ces personnes. Le Conseil d’État a retoqué ce texte (décret 2020 : 1098 du 29 août 2020), en considérant que le choix des pathologies conservées comme éligibles n’était pas cohérent ni suffisamment justifié par le gouvernement. Il a notamment souligné le fait que le diabète ou l’obésité n’ont été retenus que lorsqu’ils sont associés chez une personne âgée de plus de 65 ans. Les critères doivent être pertinents au regard de l’objet du dispositif et cohérents entre eux (CE, ord. réf., 15 oct. 2020, nos 444425, 444916, 444919, 445029, 445030). Il est à observer la parution du décret n° 2020-1365 du 10 novembre 2020.
Et lire aussi sur la vulnérabilité : D. Luillier, « La catégorie des invulnérables n’existe pas », ASH 15 sept. 2020.

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