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APPLICATIONS DE L’ARRÊT DE TRAITEMENT AU TITRE DE L’OBSTINATION DÉRAISONNABLE

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A. Actes visés par l’arrêt de traitement

La première incertitude a été relative aux actes susceptibles d’être arrêtés ou suspendus. Il était fait mention dans un article du code de la santé publique de l’arrêt d’actes de prévention, d’investigation ou de soins, tandis que d’autres articles relatifs aux personnes hors d’état d’exprimer leur volonté évoquaient l’arrêt des traitements. Or, ces expressions ne se recouvrent pas parfaitement : les traitements correspondent aux « méthodes et moyens médicaux ayant pour objet de traiter la maladie », alors que les soins renvoient à la « prise en charge globale de la personne » (A. Minet-Leleu, « Le refus de l’obstination déraisonnable », précité, se référant à J. Mesmin d’Estienne, « L’État et la mort », LGDJ, 2016, p. 378).
S’agissant de l’arrêt de traitement au titre de l’obstination déraisonnable, la question s’est posée de l’alimentation et de l’hydratation artificielle (P. Véron, « L’alimentation et le soin », RD sanit. et soc. 2019, p. 1054).
Le Conseil d’État y a apporté des éléments de réponse dans une décision de juin 2014 (CE, 24 juin 2014, nos 375081, 375090, 375091) : l’ensemble des actes qui tendent à assurer de façon artificielle le maintien des fonctions vitales du patient, y compris l’alimentation et l’hydratation artificielles, sont au nombre des traitements susceptibles d’être limités ou arrêtés au motif d’une obstination déraisonnable. Tout en ajoutant que « la seule circonstance qu’une personne soit dans un état irréversible d’inconscience ou, à plus forte raison, de perte d’autonomie la rendant tributaire d’un tel mode d’alimentation et d’hydratation ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite de ce traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l’obstination déraisonnable ».


B. Droit de refuser : une liberté fondamentale

Le Conseil d’État a également précisé (CE, 14 févr. 2014, n° 375081) que le droit de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d’une obstination déraisonnable constitue une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative (relatif au référé-liberté) et bénéficie à tous les usagers du système de santé, que la personne malade soit en fin de vie ou non (droit inscrit parmi les « droits des personnes malades).
L’interprétation faite par le Conseil d’État de la loi de 2005 a été jugée conforme par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, 5 juin 2015, n° 46043/14).


C. Évolutions

Le législateur est de nouveau intervenu et les modifications apportées par la loi du 2 février 2016 ont consisté :
▸ 1. À créer un article consacré au refus de l’obstination déraisonnable, mentionnant explicitement que « la nutrition et l’hydratation artificielle sont des traitements qui peuvent être arrêtés » (au titre de l’obstination déraisonnable) (CSP, art. L. 1110-5-1). Les actes de traitement ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté, à l’issue d’une procédure collégiale définie par voie réglementaire (CSP, art. R. 4127-37-3).
Sur cet article, des commentaires sont apportés sur le site du conseil de l’ordre des médecins, mentionnant le contenu des consultations faites par le Conseil d’État à titre d’amicus curiae (se reporter au site, « code de déontologie », « commentaire »).
▸ 2. À redéfinir la procédure applicable lorsque le patient exprime lui-même sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement mettant sa vie en danger. Comme pour tout refus de traitement, le médecin l’informe des conséquences de ses choix et de leur gravité (CSP, art. L. 1111-4). Il n’est plus indiqué que le médecin doit « tout mettre en œuvre » pour convaincre le malade. Lorsque la décision du malade met sa vie en danger, il doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable et, s’il le souhaite, il peut faire appel à un autre membre du corps médical. Ce n’est plus le médecin qui peut solliciter l’aide d’un autre professionnel mais le malade qui peut demander un éclairage supplémentaire.
Les commentaires diffusés sur le site Internet du conseil de l’ordre des médecins restent marqués par les dispositions anciennes (empreintes d’un « paternalisme » qui ne correspond pas à l’évolution récente). Il est indiqué que « le médecin ne doit pas se contenter d’un seul refus pour dégager sa responsabilité tant morale et déontologique que civile et pénale. Il doit tout faire pour convaincre le patient d’accepter l’intervention ou les soins utiles, a fortiori lorsque leur refus ou leur interruption met la vie du patient en danger et il ne doit pas hésiter à demander l’aide d’un confrère. Le patient doit réitérer sa décision après un délai raisonnable et peut faire appel à un autre médecin.
Le législateur n’a pas désiré fixer la durée de ce délai, conscient que celui-ci est fonction de la situation et du degré d’urgence éventuel. Il appartient au médecin de l’apprécier en conscience. »
▸ 3. À préciser la procédure applicable lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté (CSP, art. L. 1111-4) ; cette procédure a vocation à s’appliquer à toute personne ne pouvant exprimer sa volonté, sans opérer de distinction pour la personne en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable (CSP, art. R. 4127-2). Elle prend la forme d’une concertation avec les membres présents de l’équipe de soins, si elle existe. Le médecin traitant habituel doit, si possible, lui aussi être consulté. Le texte prévoit également qu’est recueilli l’avis d’au moins un autre médecin en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. Le conseil de l’ordre précise que dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), il est recommandé de ne pas faire appel au médecin coordonnateur de l’établissement, ce qui n’exclut pas le recours à un médecin coordonnateur d’un autre Ehpad. Il est possible de faire appel à un deuxième consultant si l’un des deux médecins le juge utile.
Au final, c’est le médecin seul qui prend la décision qui lui paraît s’imposer.
Une fois sa décision prise, le médecin doit la notifier à l’ensemble des personnes auprès desquelles il s’est enquis de la volonté du patient. Et il doit le faire dans des conditions permettant à celles-ci d’exercer un droit au recours (voir Cons. const., 2 juin 2017, n° 2017-632 QPC).

SECTION 1 - L’AFFIRMATION DU DROIT DE REFUSER DES SOINS ET TRAITEMENTS

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