Selon l’article L. 4124-6 du code de la santé publique, les peines disciplinaires que la chambre disciplinaire de première instance peut appliquer sont les suivantes :
- l’avertissement ;
- le blâme ;
- l’interdiction temporaire avec ou sans sursis ou l’interdiction permanente d’exercer une, plusieurs ou la totalité des fonctions de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme, conférées ou rétribuées par l’État, les départements, les communes, les établissements publics, les établissements reconnus d’utilité publique ou des mêmes fonctions accomplies en application des lois sociales ;
- l’interdiction temporaire d’exercer avec ou sans sursis, cette interdiction ne pouvant excéder trois années ;
- la radiation du tableau de l’ordre.
A. Exemples d’application
Manquements aux obligations de devoir d’assistance à personne en péril et obligation de donner des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les acquis de la science
OUI
Un radiologue a reçu une patiente, porteuse d’une thrombophilie héréditaire, se plaignant d’une douleur au mollet après que celle-ci a reçu, de la part d’un médecin de SOS médecins, une injection d’héparine de bas poids moléculaire et a été diagnostiquée, par l’un de ses confrères de la clinique, atteinte d’une « thrombose veineuse profonde jambière et poplitée gauche avec tête du thrombus mobile dans la lumière de la veine sous-articulaire ». Il a donc réalisé, le même jour, un angioscanner thoracique et conclu à une embolie pulmonaire. En laissant sa patiente quitter son cabinet, sans prendre en charge la continuité des soins que nécessitait l’état de celle-ci, au vu de son propre diagnostic et de celui de son confrère, et alors qu’il savait que son confrère n’était pas joignable, le praticien a ainsi méconnu son obligation énoncée à l’article R. 4127-9 du code de la santé publique, qui lui impose de porter assistance à un malade en péril et de s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires (CNOM, 27 janv. 2017, n° 12792).
OUI
Est fautif le refus d’assister un patient faute de lit et d’appareil disponibles, laissant ce patient dans le véhicule des pompiers sur le parking de la clinique, sans manifester aucune sollicitude ou simplement porter attention à ce malade et à ses proches qui l’entouraient (CNOM, 13 juill. 2011, n° 10781) (interdiction temporaire d’exercer de deux mois).
OUI
Le gynécologue traitant ne s’est pas rendu au chevet d’une parturiente dont il connaissait les antécédents à risque et il s’en est remis au diagnostic sommaire d’une sage-femme sans ensuite se préoccuper du peu de résultats des médications administrées ; il ne s’est pas informé de certains symptômes qui auraient pu l’alerter. Le praticien ne s’est pas donné les moyens de faire un diagnostic approprié et a manqué gravement à son devoir de dévouement, et aux devoirs résultant des articles R. 4127-9 (assistance à personne en péril) et R. 4127-32 (soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science) du code de la santé publique (CE, 13 févr. 2013, n° 351835) (interdiction temporaire d’exercer d’un an dont six mois avec sursis).
OUI
Une prise de position dogmatique sur les vaccinations, pour lesquelles l’intéressé ne retient que leur risque potentiel, conduit à considérer qu’il n’entend pas assurer des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science au sens de l’article R. 4127-32 du code de la santé publique et justifie le refus d’inscription au tableau (CE, 17 déc. 2009, n° 314556).
OUI
Peut être regardée comme un soin fondé sur les données acquises de la science une mesure de prévention, telle qu’elle résulte notamment des recommandations de bonnes pratiques élaborées par l’Agence nationale pour le développement de l’évaluation en médecine puis par l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé. La section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des médecins ne commet ainsi aucune erreur de droit en fondant une sanction sur le défaut de prescription d’une telle mesure de prévention. En l’espèce, un médecin s’est abstenu de prescrire le dépistage systématique du cancer du col utérin chez ses patientes âgées de 25 à 65 ans et le renouvellement tous les trois ans de cet examen. Une interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une durée de quatre mois, dont un mois avec le bénéfice du sursis, a été appliquée à titre de sanction (CE, 12 janv. 2005, n° 256001 A).
OUI
Concernant un pédiatre, le défaut d’information peut être excusé par l’urgence d’une situation rapidement évolutive. En revanche, le praticien devait assurer personnellement des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science en faisant appel, s’il y a lieu, à des tiers compétents. De plus, il ne s’était pas inquiété du temps mis par l’équipe d’urgence à arriver. Il est alors constitué un manquement aux obligations découlant de l’article R. 4127-32 du code de la santé publique (CNOM, 23 juill. 2019, n° 13625).
OUI
Le médecin d’une patiente atteinte d’un cancer doit l’inciter à se tourner vers des soins spécialisés et ce, quand bien même il n’est pas le médecin traitant. Le fait que la patiente le consultait pour des soins d’accompagnement ne le dispensait pas des obligations déontologiques. Est inopérante la circonstance que cette patiente avait pleinement connaissance de la nature et de la gravité de sa maladie et refuse tout traitement oncologique ou chirurgical, ou celle que les soins illusoires d’acupuncture et d’homéopathie prodigués en lieu et place soient légaux. Les éléments caractérisant les manquements aux articles R. 4127-32 et R. 4127-30 du code de la santé publique sont appréciés souverainement par le juge disciplinaire. La radiation du tableau a été prononcée (CE, 30 mai 2011, n° 339486).
NON
Un généraliste, alerté par des appels à l’aide, a interrompu sa conversation téléphonique pour porter secours à un patient qui était étendu sur le sol de la salle d’attente. Le patient étant passé en arrêt cardio-respiratoire, il a commencé un massage cardiaque et demandé à la secrétaire de faire venir le médecin anesthésiste de la clinique. Il ne peut se voir reprocher un manquement à ses obligations résultant de l’article R. 4127-9 du code de la santé publique, qui prévoit que le médecin doit porter assistance à un malade en péril, d’autant plus que le délai qui se serait écoulé entre sa perception de l’alerte et sa présence dans la salle d’attente a été inférieur à deux minutes, ni à celles de l’article R. 4127-32 du même code, qui prévoit que le médecin doit assurer au patient des soins consciencieux et dévoués. Aucun élément du dossier ne permet de retenir à l’égard du praticien le grief relatif à son absence d’empathie envers la mère du patient. Par ailleurs, la circonstance qu’était apposé, à l’extérieur des bâtiments, un panneau signalant l’existence d’un « Service d’urgence » ne saurait être imputée au praticien qui assurait, au moment des faits, un remplacement (CNOM, 31 mars 2017, n° 12993).
NON
Ne constitue pas une faute disciplinaire le fait pour un médecin de ne pas se déplacer pour procéder à l’examen d’un malade récemment opéré, alors que l’interne de garde n’avait pas requis sa présence (CE, 21 mars 1986, n° 45703).
Outrepassement des compétences
OUI
Est fautif le médecin qui suit une grossesse présentant un tableau clinique atypique, mais qui ne sollicite pas un concours approprié. La sanction d’interdiction de six mois est proportionnée à la faute reprochée (CE, 28 mars 2018, n° 405077).
OUI
Constitue un manquement à l’obligation déontologique énoncée par l’article R. 4127-32 du code de la santé publique, eu égard à la gravité de l’affection dont le patient était atteint et à la durée de la période en cause, le fait pour un médecin de s’être abstenu, pendant plus de seize ans, de faire appel à des tiers compétents pour évaluer l’évolution de l’affection de son patient ainsi que les différents traitements qu’il aurait été possible de prescrire. En l’espèce, le patient était atteint de l’hépatite C (CE, 20 mars 2017, n° 390889).
Les sanctions disciplinaires fondées sur le fondement de l’obstination déraisonnable sont quant à elles rares (application de CSP, art. R. 4127-37 ; CNOM, 16 mars 2000, n° 7325, cité in A. Minet-Leleu, « Le refus de l’obstination déraisonnable », RD sanit. et soc. 2019, p. 95).
Manquements à la continuité des soins
NON
Un généraliste exerçant au sein de la structure SOS médecins est intervenu au domicile d’un patient souffrant de douleurs abdominales depuis plusieurs jours. Il a diagnostiqué une forte constipation et a prescrit un laxatif ainsi qu’un anti-spasmodique. Le patient, qui souffrait toujours, a fait une chute le lendemain et a été hospitalisé en urgence pour une hémiplégie gauche. Un infarctus du myocarde lui a alors été diagnostiqué. Il est décédé un mois plus tard. Il était reproché au praticien de n’avoir pas été suffisamment précis dans les mentions qu’il a reportées dans la fiche d’intervention issue de la base informatique de SOS médecins. Ni les pièces du dossier, ni les explications fournies par les parties à l’audience de la chambre nationale ne permettent de considérer comme suffisamment établie la présence, lors de cette consultation, de signes révélateurs de troubles cardiaques chez le patient qui auraient dû conduire le praticien à se donner les moyens plus avant de diagnostiquer un infarctus du myocarde s’il s’était déjà produit. Il ne peut donc être reproché au praticien d’avoir manqué à ses obligations prescrites par les dispositions des articles R. 4127-32 et R. 4127-33 du code de la santé publique. Le praticien qui s’est borné à renseigner la base informatique de la structure SOS médecins sans établir un compte rendu d’intervention de sa visite, n’a pas manqué à ses obligations déontologiques liées à l’article R. 4127-59 du code de la santé publique. En effet, l’établissement d’un tel document, destiné à assurer la continuité des soins et à être adressé ou remis à cette fin au médecin traitant, ne s’impose pas en cas de pathologie légère diagnostiquée comme occasionnelle (CNOM, 11 déc. 2019, n° 13806).
OUI
Est fautif le médecin qui ne rédige pas de comptes rendus de consultations, et qui n’établit pas la fiche d’observation prévue à l’article R. 4127-45 du code de la santé publique (CNOM, 15 déc. 2011, n° 10977) (interdiction temporaire d’exercer de six mois).
Pas de manquement à l’obligation de dévouement : notion d’« urgence »
L’absence d’urgence à soigner peut neutraliser le reproche de manquement à l’obligation de dévouement (CE, 29 juin 2020, n° 429766). Le praticien mis en cause invoquait non seulement le comportement agressif de ce patient, mais également l’absence d’urgence médicale. Le manquement tant à l’obligation de dévouement résultant de l’article R. 4127-3 du code de la santé publique qu’à celle d’assurer la continuité des soins résultant de l’article R. 4127-47 du même code n’est pas caractérisé (sanction annulée).
Refus discriminatoire et sanction disciplinaire
Outre des poursuites pénales, le refus discriminatoire peut donner lieu à une sanction disciplinaire.
Ne peut être considérée comme une « raison professionnelle ou professionnelle » l’hostilité idéologique au système de tiers payant et à la couverture maladie universelle. Un médecin ne peut pas refuser des soins à un patient pour ces motifs. Ces mécanismes de protection sociale ont été institués par la loi et, par conséquent, les médecins sont tenus de s’y conformer (CNOM, 25 sept. 2009, n° 10289) (interdiction temporaire d’exercer de trois mois dont un mois avec sursis).
Une organisation des consultations cantonnant les bénéficiaires de la couverture maladie universelle à une plage horaire limitée à trois heures chaque semaine, sans possibilité de prendre rendez-vous, comporte en elle-même une inadmissible discrimination de principe entre les patients selon le régime de protection sociale dont ils relèvent (CNOM, 17 janv. 2011, n° 10917) (interdiction temporaire d’exercer d’un mois).
(Voir aussi les décisions du Défenseur des droits, transmises au conseil national de l’ordre pour examen :
- décision n° 2019-281 du 18 novembre 2019 relative aux difficultés rencontrées par une bénéficiaire de la couverture maladie universelle complémentaire afin de prendre rendez-vous pour son fils mineur auprès d’un radiologue ;
- décision 2019-273 du 25 octobre 2019 relative à une discrimination à l’accès aux soins d’une patiente en raison de sa séropositivité dans laquelle il a recommandé une poursuite disciplinaire.)