Constatant que la présence d’animaux est de plus en plus sollicitée dans les structures de soin et que les adultes et les enfants soignés en établissements médico-sociaux ou établissement de santé peuvent en tirer beaucoup de profit, le CLIN-Sud-Est a réalisé en novembre 2016 un outil d’aide à la rédaction d’un protocole de maîtrise du risque infectieux dans l’élaboration d’un projet de médiation animale.
Ce document rappelle d’abord quels sont les textes législatifs en vigueur.
Accueil des animaux en secteur sanitaire
L’article 47 du décret n° 74-27 du 14 janvier 1974 relatif aux règles de fonctionnement des centres hospitaliers interdisait la présence des animaux dans l’enceinte des structures hospitalières. Cet article a été abrogé par le décret n° 2003-462 du 21 mai 2003 relatif aux dispositions réglementaires des parties I, II et III du Code de la santé publique.
L’article R1112-48 dit que « les animaux domestiques, à l’exception des chiens-guides d’aveugles, ne peuvent être introduits dans l’enceinte de l’hôpital ». La circulaire n° 40 du 16 juillet 1984 dit que les chiens-guides d’aveugles ont le droit de pénétrer dans les centres hospitaliers (hôpitaux, cliniques, maisons de retraite, etc.), mais il leur est interdit d’entrer dans les chambres des patients ainsi que dans les salles de soins. La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 concernant la citoyenneté des personnes handicapées reconnaît la présence de l’animal éduqué auprès d’elles et leur accessibilité dans les lieux publics en compagnie de leur animal d’assistance. En l’état actuel de la législation, la présence animale en établissements de santé ne pourra être autorisée qu’après avis et accord de la direction, du responsable du service, du coordonnateur de la lutte contre les infections associées aux soins et de l’Équipe Opérationnelle d’Hygiène. La visite de l’animal domestique du patient hospitalisé n’est pas autorisée dans l’établissement.
Accueil des animaux en secteur social et médico-social
La circulaire Franceschi du 11 mars 1986 indique que « les personnes âgées qui ont un animal familier doivent être autorisées à le garder avec elles, dans la mesure où il ne créera pas une contrainte anormale pour le personnel et où il ne gênera pas la tranquillité des autres résidents ». Une circulaire n’a pas force de loi. La loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 développe les droits des usagers du secteur social et médico-social et tend à promouvoir la protection des personnes. Article 30 (abrogé par Arrêté du 8 octobre 2013) de l’Arrêté du 29 septembre 1997 fixant les conditions d’hygiène applicables dans les établissements de restauration collective à caractère social « les salles de restaurant et locaux similaires... la présence d’animaux de compagnie y est interdite, à l’exception des chiens-guides d’aveugles ». Accepter les animaux de compagnie dans les EHPAD et autres établissements médico-sociaux est donc une décision du directeur de l’établissement, après avis circonstancié (au cas par cas s’il s’agit de demandes concernant l’admission des animaux de compagnie des résidents) du correspondant pour la lutte contre les infections associées aux soins et/ou de l’Équipe Opérationnelle d’Hygiène.
Puis après avoir rappelé que des études ont montré les bénéfices apportés par la présence animale auprès de patients fragilisés, il recense les risques liés à la présence animale :
A. Risques liés à l’être humain
▸ Altération ou fragilité de la barrière cutanée (plaies, eczéma...)
▸ Présence de dispositifs invasifs (perfusion, cathéter, trachéotomie, ostéosynthèse avec fixateurs externes...)
▸ Déficit immunitaire lié à des traitements ou maladie, au grand âge et aux nouveau-nés
▸ État respiratoire fragile ; troubles cognitifs (troubles du comportement éventuellement dangereux pour l’animal ou pouvant l’effrayer) ; allergies ; phobies, refus.
B. Risques liés au chien
▸ Infections transmises par contact (pelage, pattes) : teigne (Microsporum canis, Trichophyton) ; gale (Sarcoptes scabiei var canis) ; pulicose (Ctenocephalis canis, puce) ; maladie de Lyme (Borrelia, tique)
▸ Infections transmises par les déjections canines : toxocarose (Toxocara canis) ; hydatidose (Echinococcus granulosus) ; cryptosporidose (Cryptococcus) ; fièvre Q (Coxiella burnetii) ; salmonellose (Salmonella enterica) ; campylobactériose (Campylobacter sp)
▸ Infections transmises par léchage, griffure ou morsure : pasteurellose (Pasteurella sp.) ; tétanos (Clostridium tetani).
Des études ont montré la présence de bactéries multi-résistantes aux antibiotiques (BMR) chez des animaux de compagnie ou des chiens de thérapie assistée par l’animal (TAA) telles que Enterococcus faecium/faecalis résistant aux glycopeptides, entérobactéries (Escherichia coli) productrices de bêta-lactamases à spectre étendu, Staphylococcus aureus résistant à la méticilline. On retrouve également des données sur le portage de norovirus ou de Clostridium difficile par des chiens contaminés lors de contacts humains rapprochés. Les animaux bénéficiant davantage de soins en cliniques vétérinaires et d’antibiothérapie peuvent représenter un réservoir de bactéries multi-résistantes aux antibiotiques (entérocoques).
C. Risques liés au chat
▸ Infections transmises par contact (pelage, pattes) : pulicose (puces Ctenocephalis felis) ; gale (Sarcoptes scabei) ; dermatophytose (Microsporum) ; toxoplasmose (Toxoplasma gondii) ; allergies.
▸ Infections transmises par les déjections : toxocarose (Toxocara cati) ; fièvre Q (Coxiella burnetii) ; toxoplasmose (Toxoplasma gondii) ; diarrhée à Campylobacter.
▸ Infections transmises par léchage, griffure ou morsure : maladie des griffes du chat ou lymphoréticulose bénigne (Bartonella henselae) ; pasteurellose (Pasteurella sp) ; rage.
D. Risques liés aux chevaux, ânes
Staphylococcus aureus résistants à la méticilline (SARM), allergies.
E. Risques liés aux lapins, rongeurs
Risques de morsures, dermatophytoses (teigne), maladie de Lyme (Borrelia burgdorferi).
F. Risques liés aux NAC (nouveaux animaux de compagnie)
Zoonoses fréquentes (diarrhées) et morsures avec infection due à des agents infectieux importés.
G. Risques liés aux poules et aux oiseaux
Puces, Salmonel la, Ornithose-psit tacose (Chlamydophila psittaci) par inhalation (conjonctivite, infection respiratoire).
H. Risques liés aux poissons
Granulome à Mycobactérie atypique (Mycobacterium marinum), en cas de lésions cutanées même minimes.
Le document préconise enfin un certain nombre de mesures préventives destinées à éliminer tout risque et à assurer le bon déroulement des actions de médiation animale mises en place.
I. Mesures pour l’animal
▸ Limiter l’accès des animaux à certains sites conformément à la réglementation et identifier les zones interdites : services d’hospitalisation, chambres des patients en établissements de santé, services de consultation sauf pour les chiens d’aide, salles de soins, offices, salles de restauration, zones de stockage du linge propre, vestiaires du personnel et autres espaces spécifiques à la structure tels que piscine.
▸ Réguler la présence de l’animal dans certaines zones : halls d’accueil, espaces de circulation, salles d’animation, chambre du résident en EHPAD (et en particulier pour l’animal du résident), chambres des autres résidents.
▸ Accepter uniquement des animaux en bonne santé, calmes, non bruyants, éduqués s’ils sont chiens-visiteurs ou participant à des activités de médiation animale.
▸ Imposer un suivi vétérinaire régulier : selon les espèces, les animaux sont vaccinés (coryza, leucose...), vermifugés, et traités contre les parasites. La régularité du suivi sera précisée au minimum une fois par an permettant d’attester un bon état de santé.
▸ Écarter les animaux malades, présentant une infection ou une lésion cutanée ou présentant des troubles du comportement.
▸ Définir les soins d’hygiène de l’animal : les chiens seront brossés avant les séances afin de limiter le risque de transmission de pathogènes et d’allergies plus éventuellement brossage de dents des chiens, soins des oreilles et des griffes dont la fréquence est à définir.
▸ Imposer la présence d’un intervenant avec certains animaux qui ne devront jamais rester sans surveillance et seuls avec un patient/résident pour éviter les risques de morsures ou de griffures.
▸ Contrôler les types de contacts avec l’animal, pas de léchage du visage, de plaie ou de pansement, pas d’animal qui monte sur les lits ou alors dans des conditions bien définies.
▸ Tracer les dates de visite pour les animaux qui arrivent de l’extérieur.
▸ Prendre en compte le bien-être de l’animal. Les activités seront réalisées dans le respect de l’animal, avec des pauses, pour les animaux intervenant à l’intérieur des établissements, une zone devra être aménagée pour leur repos, leur boisson, leur alimentation et leurs besoins naturels.
L’entretien de ces différents lieux sera organisé. Il faut établir les conditions d’accueil de l’animal du résident (chien ou chat), dès la demande d’entrée dans la structure. Elles concernent :
▸ Ses besoins alimentaires, ses sorties, sa toilette,
▸ Son suivi vétérinaire,
▸ Les lieux qui pourront être fréquentés,
▸ Les responsabilités en termes de santé de l’animal, des troubles ou dégâts qu’il pourrait occasionner,
▸ La personne qui en sera responsable en cas de maladie ou du décès du résident, ainsi que dans le cas où l’état de santé ou le comportement de l’animal ne permettrait plus un maintien dans la structure,
▸ Interdire la consommation des œufs de poules par les résidents (règles de la restauration collective).
J. Mesures pour les bénéficiaires de la médiation animale
▸ Recueillir l’accord et respecter l’avis des personnes ou de leur représentant avant la participation à une activité.
▸ Autoriser en établissements de santé, les patients à être en contact avec l’animal ou à participer aux séances de médiation animale sur avis médical.
▸ Demander dans les établissements médico-sociaux, l’avis du médecin pour les sujets les plus fragiles ou à risque de réactions pouvant inquiéter l’animal.
▸ Définir certaines contre-indications comme le contact entre animal et nouveau-né, déficit immunitaire, infection à BMR ou non, fièvre, peau non saine (dermatose, plaie, site opératoire), trachéotomie, perfusion, cathéter, fixateur externe.
▸ Personnaliser éventuellement certaines décisions selon avis et accord du médecin chef de service, de l’équipe soignante, qui évalueront le bénéfice/risque : pédiatrie, oncologie, services de soins aigus sauf soins intensifs/réanimation ; perfusions en dehors des horaires de passage, sondage urinaire à demeure, rééducation. Les séances auront lieu à l’extérieur du service.
▸ Autoriser éventuellement sur avis médical et de l’équipe soignante la présence de l’animal auprès du patient/résident alité en EHPAD, en fin de vie ou en soins palliatifs avec un attachement particulier.
▸ Si l’animal est autorisé à monter sur le lit une protection spéciale sera prévue et adaptée au cas. Évaluer régulièrement les effets de la présence animale selon des critères qui seront définis (évaluation des capacités physiques, relationnelles, modifications du comportement...).
▸ Limiter le risque infectieux par une hygiène des mains rigoureuse avant et après contact avec l’animal par toutes les personnes qui le côtoient : patient ou résident, accompagnateur, personnel médical ou paramédical, visiteur. Elle sera faite par le personnel si la personne n’est pas en capacité de la réaliser seule.
K. Mesures pour le personnel et les intervenants en médiation animale
▸ Identifier les personnes responsables (au moins 2) de l’animal, de son suivi vétérinaire (vaccins, soins, surveillance, vermifuge), de ses soins quotidiens s’il réside dans l’établissement, du contrôle de la reproduction. À l’extérieur (poulailler ou parc animalier), organiser l’entretien de ces espaces (ânes, poneys, chevaux...). Les tâches et leurs fréquences seront précisées et tracées.
▸ Établir une fiche de traçabilité pour le suivi et le toilettage de l’animal (tâche effectuée, date, identification de la personne).
▸ Envisager le cas de disparition de l’animal (principalement le chat en EMS), de maladie ou de sa mort, en particulier pour l’animal résidant dans les EHPAD/autres EMS (annonce, attention/ écoute des réactions des résidents).
▸ Respecter les recommandations définies dans le projet.
▸ Être attentif au bien-être de l’animal et reconnaître les signes de maladie, de mal-être ou de stress afin de suspendre au moins temporairement les séances.
L. Mesures pour l’établissement
▸ Identifier un responsable de projet (et éventuellement un suppléant).
▸ Impliquer dans le projet le personnel participant aux activités de médiation animale ou de chien-visiteur ou s’occupant de l’animal de la structure ou du résident.
▸ S’assurer de la formation de l’intervenant en médiation animale : l’établissement devra s’adresser à des professionnels de la médiation animale ayant une formation concernant l’animal et l’humain. Ou former des professionnels à cette médiation.
▸ Associer un professionnel en hygiène hospitalière à la rédaction de protocoles établissant les règles à respecter et aussi des conduites à tenir en cas de morsures/griffures, entretien et lieu de stockage des jouets/objets de l’animal, modalités d’éviction en cas de signes évocateurs d’infection...
▸ Communiquer sur les espaces interdits et s’assurer qu’ils sont respectés de tous. En cas de non-respect, l’autorisation devra être suspendue.
▸ Identifier les personnes responsables de l’entretien de l’environnement de l’animal (aquarium, cage, parc, niche, zone pour boisson et alimentation et déjections...) et s’assurer que les tâches sont connues (fréquence, port de gants, protection de la tenue, pratique) respectées et tracées.
▸ Informer et former le personnel au nettoyage des zones visitées ou salies par l’animal (ramassage rapide des déjections, éviter le contact des excréments et liquides biologiques par le port de gants, nettoyage) et aux mesures de prévention destinées à réduire le risque de zoonose.
▸ Informer le personnel des signes cliniques d’infection du patient/résident en fonction de l’animal accueilli.
▸ Informer et/ou impliquer les familles sur le projet et aussi sur les risques, voire recueillir leur accord.
▸ Ne pas imposer le projet. Veiller à l’information, la concertation et la coordination des équipes afin d’obtenir l’adhésion de chacun.
▸ Définir le nombre d’animaux pouvant cohabiter dans la structure/service.
▸ Établir une convention entre l’établissement et le maître du chien-visiteur.
▸ Veiller à souscrire une assurance pour ce type d’activités.
▸ Évaluer le coût de la présence animale ainsi que son financement (budget animation, association, subvention).
M. Mesures pour l’admission de l’animal de compagnie du résident
▸ Définir le type d’animal pouvant être accepté (chat, chien, poisson rouge) et le nombre pouvant cohabiter.
▸ S’assurer que le résident est en mesure de s’occuper lui-même des soins de l’animal.
▸ Veiller à ce que l’animal n’induise pas de nuisance ni de risques pour les autres résidents, le personnel, voire les autres animaux présents.
▸ Indiquer les modalités d’accueil de l’animal dans le projet individualisé (avenant de personnalisation de l’accueil) joint au contrat de séjour du résident. Les modalités concernent :
▸ Les traitements comme la stérilisation de l’animal, les vaccinations et le tatouage à l’entrée (attestés par un vétérinaire) puis le suivi, le traitement antiparasitaire, vermifuge à fréquence régulière,
▸ La nourriture, la santé, les soins d’hygiène et la gestion des excreta.
▸ Le comportement de l’animal,
▸ Les espaces non accessibles à l’animal.
▸ Tout frais financier engagé pour l’animal est pris en charge par le résident ou sa famille.
▸ Préciser aussi les modalités en cas de non-respect des mesures définies lors de l’accueil dont l’agressivité et le décès de l’animal ainsi que l’absence du résident (hospitalisation, décès)...
▸ Recueillir l’engagement de la famille ou du représentant légal à respecter l‘intégralité du contrat faute de quoi le contrat serait dénoncé et l’animal repris par la famille, ou en cas de refus confié à un refuge.
▸ Réaliser un essai avec un délai défini.
▸ Favoriser la visite de l’animal du résident dans la situation où l’animal a été recueilli par la famille.