A. Médiation canine au Centre Hospitalier d’Amiens
William Lambiotte est infirmier cynothérapeute au Centre Hospitalier Philippe Pinel à Amiens. Depuis 2010, sa double compétence d’infirmier psychiatrique et d’éducateur canin comportementaliste lui a permis d’intégrer la médiation animale dans l’organisation des soins.
« Ce projet est né de mon expérience personnelle. Les chiens ont toujours fait partie de ma vie. J’ai débuté comme maître-chien à l’Organisation des Nations Unies. Ensuite, parallèlement à mon métier d’infirmier psychiatrique, je suis devenu éducateur canin comportementaliste. Un jour, en observant les interactions entre les propriétaires de chien et leur animal, je me suis demandé ce que produirait la mise en relation de chiens équilibrés avec des personnes atteintes de maladies mentales. Leur présence permettrait-elle à des personnes atteintes de pathologies lourdes d’aller mieux ?
Deux années de préparation
Créer une activité de médiation canine au sein d’un hôpital psychiatrique ne s’est pas fait du jour au lendemain. Aucune initiative de la sorte n’avait jamais été mise en place en milieu hospitalier. Deux années de préparation ont été nécessaires. J’ai beaucoup lu et je me suis beaucoup documenté sur la médiation animale. Je savais que pour faire accepter mon projet par les responsables de l’hôpital en dépit de toutes les contraintes inhérentes à l’introduction de chiens dans un centre hospitalier, il fallait tout verrouiller. Notamment du point de vue de l’hygiène et de la sécurité sanitaire. Il a été complexe de modifier le règlement intérieur pour autoriser l’accès des chiens aux locaux et concevoir un protocole d’hygiène spécifique. Et aussi de faire accepter qu’un membre du personnel soignant soit détaché de son service pour se consacrer à cette activité.
Convaincre les médecins réfractaires
Il restait à convaincre les médecins réfractaires, les « cyno-sceptiques » comme je les ai baptisés ! J’ai élaboré une communication interne destinée aux médecins et aux équipes de l’hôpital pour gagner leur adhésion au projet. Aujourd’hui, 65 médecins psychiatres prescrivent régulièrement des séances de cynothérapie adaptées au projet de soins de chaque patient. Mes chiennes (Evie et Fatou, deux cavaliers King Charles, Zoé, une golden retriever et Louna, une berger allemand) sont des médiateurs, des « faiseuses de miracles » comme l’ont dit joliment certains médecins. Elles apaisent, libèrent les émotions, désamorcent les tensions. Pour certaines personnes hospitalisées depuis de nombreuses années, elles sont un élément sécurisant dans un environnement très anxiogène. Nous constatons un effet globalement antidépresseur, une diminution du stress, une réadaptation progressive à la vie sociale.
Atteindre des objectifs thérapeutiques
Des patients qui ne reconnaissent plus leur propre famille se souviennent du nom de mes chiennes et certaines personnes désorientées, sans repères, savent que “mercredi, c’est le jour des chiens“. Comment ne pas être impressionné par de tels résultats ? Les interactions entre les patients et les chiens permettent d’atteindre des objectifs thérapeutiques définis avec les équipes soignantes. Les séances sont la plupart du temps individuelles, mais je propose aussi des séances collectives. J’ai accueilli beaucoup de stagiaires depuis que j’ai commencé la médiation canine dans mon unité. J’ai toujours ouvert ma porte avec joie. Certains avaient l’intention à leur tour de mettre en place un projet de médiation animale et voulaient voir comment cela se déroulait au centre hospitalier Philippe Pinel. C’est bien, mais peu de ces personnes à l’arrivée sont parvenues à construire quelque chose d’abouti. La première condition pour qu’une initiative voie le jour est que l’établissement vous fasse confiance. Il faut être capable de gérer les chiens et les patients. Une grande part d’initiative personnelle est indispensable à la réussite du projet. »
B. Des chevaux en psychiatrie
À Lyon, au Centre hospitalier Saint-Jean de Dieu, un hôpital privé qui assure des missions de service public en psychiatrie, ce sont des chevaux qui ont fait leur entrée en 2012, avec un objectif ambitieux : améliorer la relation et la communication, favoriser les apprentissages cognitifs et sensori-moteurs pour les personnes souffrant de troubles psychiatriques.
Ce projet de médiation équine est le fruit d’une collaboration active entre un groupe de cliniciens, la direction de l’établissement et l’association spécialisée Equi-liance. Il s’adresse à tous les patients, quels que soient leur âge et la nature de leur trouble psychiatrique. L’hôpital a souhaité intégrer totalement cette pratique à son fonctionnement et a mis à la disposition de quatre chevaux, qui vivent là à demeure, 25 hectares d’espaces verts. Le personnel qui s’occupe des jardins a été formé à l’entretien et à la conduite des animaux. Les soignants ont reçu (dans le cadre de la formation continue) une formation à la pratique de la médiation équine. L’ensemble du personnel hospitalier a été sensibilisé et impliqué dans le projet.
Les effets se sont fait sentir très rapidement. Une liste de 2000 personnes concernées s’est mise en place, 18 séances de médiation équine ont été organisées chaque semaine s’adressant soit à des personnes seules soit à des petits groupes de quatre personnes maximum. Plus de 50 personnes ont été formées en quelques années, 10 services de l’hôpital développent des activités permanentes en médiation équine sur indications posées par les médecins. Les services avec pathologies lourdes sont les plus demandeurs.
C. À Poitiers, un programme de médiation animale multidimensionnel
Le Centre Hospitalier Henri Laborit de Poitiers est quant à lui spécialisé dans la prise en charge des troubles psychiques. Il développe depuis plus de dix ans des activités de médiation animale pour aider les enfants de 2 à 18 ans suivis en service de pédopsychiatrie pour différents troubles (autisme, psychose, troubles du langage...).
Un important programme de médiation animale a été mis en œuvre dans plusieurs structures appartenant à l’hôpital ou à l’extérieur. Ce programme comprend une ferme pédagogique (animaux domestiques) qui accueille des enfants adressés par des Instituts Médico-Éducatifs (IME), une structure avec des petits animaux (lapins, poules) destinée aux enfants atteints d’un trouble sévère du langage oral, des activités d’équithérapie proposées dans des centres équestres mettant des chevaux à la disposition de l’hôpital, une activité de médiation canine assurée par un intervenant extérieur à l’hôpital (chien visiteur).
Ce dispositif de médiation animale à plusieurs facettes fait partie intégrante du processus thérapeutique et fait l’objet d’évaluations régulières (grilles d’observation, filmage des séances, partages d’expérience en équipes pluridisciplinaires, évaluation chiffrée, recueil et prise en compte des avis et critiques).
D. Gandalf, un chien pour apprendre à lire et à compter
Prélude est la structure pédopsychiatrique de l’Hôpital de jour d’Albi qui accueille des enfants âgés de 3 à 12 ans souffrant de troubles autistiques et psychiques. La médiation équine est déjà pratiquée par l’hôpital depuis plus de 20 ans, mais la présence permanente d’un chien au sein du service a fait l’objet d’un programme doté d’objectifs spécifiques. Le projet consistant à faire du chien un élément moteur de l’activité du service a été initié par une pédopsychiatre et une éducatrice pour jeunes enfants de l’hôpital. Il s’agissait de favoriser l’utilisation du langage non verbal pour permettre à des enfants d’accéder à la communication et d’associer la présence du chien et son évocation à certaines activités scolaires (calcul, lecture) pour les rendre concrètes et accessibles.
Le dossier a été accepté par l’association Handi’Chiens qui a formé deux personnes référentes et octroyé le chien d’assistance Gandalf. Depuis 2013, les activités menées avec Gandalf ont permis de faciliter la prise en charge d’enfants particulièrement perturbés sur le plan de la communication. L’aide apportée par l’animal dans le domaine scolaire est très significative. Sur le plan relationnel, la présence et l’attitude du chien ont permis de pacifier les rapports au sein des groupes d’enfants et de fluidifier ceux du personnel soignant. La prise en charge des frais inhérents à l’activité de médiation par des partenaires extérieurs permet de ne pas peser sur le budget du service et d’en assurer ainsi la pérennité.