En France, 600 000 personnes seraient touchées par un « trouble du spectre autistique ». Un défi de santé publique délicat à relever compte tenu des difficultés de prise en charge.
Le Professeur Pierre Gressens est médecin spécialiste en neurologie pédiatrique. Directeur de Recherche Inserm et Directeur de l’UMR 1141 Inserm-Université Paris Diderot, Hôpital Robert Debré, Vice-doyen recherche de l’UFR médecine Paris Diderot, Président du comité Autisme de la Fondation de France. Il fait le point sur ce trouble pluriel.
Selon la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».
Lorsque l’on parle d’autisme... de quoi, ou plutôt de qui parle-t-on ?
Il y a trois grands marqueurs de l’autisme : le premier se trouve dans les difficultés d’interaction sociale, le deuxième dans les troubles du langage, de l’expression, le troisième dans les stéréotypies, c’est-à-dire les comportements répétitifs. À ces trois signes peuvent venir s’associer des co-morbidités : troubles cognitifs (déficits intellectuels au sens large, problèmes d’apprentissage, de mémoire, etc.), crises convulsives (épilepsie), différents troubles « dys » (dyslexie, dysphasie, dyscalculie, etc.), hyperactivité... Ces troubles associés sont importants parce que, masqués par les signes de l’autisme, ils ne sont pas toujours bien pris en compte ou même repérés alors qu’ils sont parfois les plus handicapants au quotidien. C’est pourquoi il est important d’avoir une vision globale de la personne, pour parvenir à une prise en charge large. Il y a des tableaux cliniques extrêmement variables. C’est pourquoi on parle de « spectre autistique » et pas d’autisme.
Pensez-vous que l’animal peut avoir un effet positif dans la prise en charge du trouble autistique ?
J’en suis convaincu. La principale difficulté d’un autiste est sa capacité à communiquer avec le monde environnant, et les soignants eux-mêmes peuvent parfois adopter à leur égard une attitude un peu biaisée. L’animal au contraire n’a aucun a priori et son comportement sera le même, quel que soit le sujet, autiste ou pas, avec une communication non verbale qui permet d’atténuer le réflexe de protection manifesté envers un étranger. Ce bénéfice est évident chez les enfants, il l’est également chez les adultes pour lesquels il n’existe que peu de structures de prise en charge. Le contact avec l’animal peut alors constituer un recours précieux.
Témoignage de Nathalie Favier, mère de Suzie, bénéficiaire d’un chien d’assistance
« Suzie est autiste de haut niveau et sa scolarité en primaire a été difficile : affectation dans une école en dehors de notre département de résidence, changements fréquents d’AVS (auxiliaire de vie scolaire)... J’ai découvert l’existence de l’association Handi’Chiens par le biais de mon activité professionnelle [NDLR : orthophoniste[. Je suivais une jeune fille handicapée moteur qui avait reçu un chien d’assistance et j’avais pu constater le bénéfice qu’elle en tirait. Nous avons fait une demande qui a été acceptée et c’est ainsi que Gringo est entré dans la vie de Suzie.
Suzie a achevé sa scolarité en primaire et a été admise en 6e dans le collège de secteur. Je redoutais la rentrée et toutes les épreuves que cela allait représenter. Tout y était inconnu pour elle : le lieu, ses camarades de classe, ses professeurs (différents pour chaque matière), son AVS...
L’accueil de tous – administratifs, enseignants, élèves – a été extraordinaire et la présence de Gringo a été déterminante. Il a servi de catalyseur à un groupe d’enfants qui ne se connaissaient pas à l’entrée en 6e, il a généré de la bienveillance envers Suzie en rendant immédiatement repérable sa différence tout en lui permettant de l’atténuer parce que sa relation aux autres en a été facilitée. Il l’a rassurée par sa présence permanente. Gringo est certes un chien d’assistance, mais il est aussi un chien d’éveil. Il « éveille » l’enfant au monde qui l’entoure. Il « éveille » également à la différence, au handicap invisible toutes les personnes qui sont amenées à croiser l’enfant et sa famille dans toutes les circonstances de la vie. Gringo est un labrador couteau suisse ! ».