Un programme-test de Chien d’Assistance Judiciaire (C.A.J.) a été mis en place en 2019 au tribunal de grande instance de Cahors, sous l’impulsion de Frédéric Almendros, procureur de la République, avec le concours de l’association Handi’Chiens et de nombreux partenaires judiciaires. Cette première s’inspire du modèle qui a fait ses preuves en Amérique du Nord.
La formation du chien d’assistance judiciaire
Lol est un chien « professionnel » spécialement formé pour accompagner et soutenir moralement les personnes qui se disent victimes d’infractions pénales — en particulier les enfants — dans tous les actes de la procédure. Il est reconnaissable grâce au harnais bleu marqué du logo « Chien d’Assistance Judiciaire » qu’il porte lors de chacune de ses interventions dans les locaux judiciaires (brigade de gendarmerie, commissariat, palais de justice ou tout autre lieu où le bénéficiaire participe à un acte de procédure). Lol a d’abord fait l’objet d’une sélection rigoureuse par l’association Handi’Chiens, spécialiste de l’éducation et de l’attribution de chiens d’assistance pour personnes handicapées. Son caractère apathique, son calme à toute épreuve et son exceptionnelle empathie pour les humains en ont fait un candidat idéal. Pré-éduqué de 2 mois à 18 mois au sein d’une famille d’accueil, il a ensuite intégré le centre Handi’Chiens d’Alençon afin de parachever sa formation jusqu’à l’âge de 2 ans et d’assimiler jusqu’à 52 commandes spécifiques. « Il a notamment appris à aller au contact, à absorber les émotions d’une personne et à se faire totalement oublier pendant plusieurs heures pour ne pas déranger un acte en cours », explique son éducateur Florian Auffret.
Quand commence et s’arrête sa mission ?
Le chien d’assistance judiciaire intervenant dans tous types d’actes judiciaires, sa mission peut commencer dès la première audition et se termine théoriquement après l’audience de jugement si la procédure va jusqu’à ce stade. Si le condamné fait appel et que la victime souhaite de nouveau être mise en présence du chien à ce moment-là, elle doit pouvoir en bénéficier.
Qui sont les référents du chien d’assistance judiciaire ?
Dans ce cas précis, Lol vit à la caserne des pompiers du Service départemental d’incendie et de secours du Lot (SDIS 46), à Cahors. Ses référents sont 7 pompiers volontaires dont la mission consiste non seulement à accompagner le chien lors de ses interventions et à répéter au quotidien les ordres qu’on lui a enseignés, mais aussi à veiller à son bien-être physique et moral. « Le chien a été éduqué pour absorber les émotions mais il ne doit pas en souffrir, », précise Florian Auffret.
« La présence du chien apporte beaucoup de chaleur dans la vie de la caserne, explique le Colonel Bernard Tachet des Combes, directeur départemental des services d’incendie et de secours du Lot. Au-delà des bienfaits évidents qu’il procure aux bénéficiaires, il est aussi une source de réconfort pour les équipes qui reviennent de missions difficiles. »
Quels sont les protocoles d’intervention ?
Le chien n’est jamais imposé au bénéficiaire. Lorsque le Parquet émet une décision favorable, et dès qu’une date d’audition est prévue, Lol est sollicité sur réquisition du procureur. Avant l’acte judiciaire, le pompier référent présente le chien au bénéficiaire afin de créer le contact et s’assurer de la bonne entente entre les deux parties, en présence d’un membre de l’A.L.A.V.I – France Victimes 46 et de l’enquêteur. Pendant l’acte judiciaire, le pompier référent n’assiste pas à l’acte mais reste à disposition au cas où l’enquêteur ou le magistrat jugeraient utile de le faire intervenir dans l’intérêt du chien. Un membre de l’association d’aide aux victimes assiste à l’audition par écran interposé et accueille le bénéficiaire à sa sortie. Enfin, après l’acte judiciaire, le pompier référent récupère le chien, le détend et le ramène à la caserne.
Au tribunal, afin de ne pas influencer le jury ni susciter sa compassion, le chien est dissimulé derrière un paravent, à hauteur de main du bénéficiaire, de manière à ce que celui-ci puisse le caresser s’il en éprouve le besoin.
POUR ALLER PLUS LOIN :
▸ ANSORGE-JEUNIER Jessie et DE VILLERS Bénédicte, Étude d’un dispositif de médiation animale en milieu carcéral « Des Camargues et des Hommes » https://documentation.fondation-apsommer.org/
▸ ARNOUX Patricia, « Des animaux pour rester des hommes. La médiation animale en milieu carcéral » Revue L’observatoire, dossier n° 85 L’animal dans le champs social – 2015
▸ Courthouse Dogs Foundation (Des chiens au tribunal), https://courthousedogs.org
▸ FLYNN Erin, MASSEY-COMBS Katie, GOLDENBERGER Jaci, TEDESCHI Philip, MORRIS Kevin (Institute for Human-Animal Connection, University of Denver), Measuring the psychological impacts of prison-based dog training programs in prison and outcomes for inmates, Conférence IAHAIO 2019
▸ GRANDGEORGE Marine, HEYRAUD Christine, HAUSBERGER Martine, HIRSCHELMANN Astrid Dogs trigger attention during AAI in prison, poster, Conférence IAHAIO 2019 https://documentation.fondation-apsommer.org/
▸ Institute for Human-Animal Connection, University of Denver, Protocole standard pour la formation à l’éducation canine dans les établissements pénitentiaires aux USA, https://animalstudiesrepository.org/anitobe/2/ (en anglais)
▸ LAGUERRE Claire-Emmanuelle, Évaluation du dispositif « Médiation Animale » à la Maison d’Arrêt de Strasbourg www.enap.justice.fr/les-dossiers-thematiques-du-cirap
▸ Le chien médiateur dans l’accompagnement des enfants dans le cadre des procédures judiciaires, Guide de la Courthouse Dogs Foundation et la Fondation Adrienne et Pierre Sommer https://documentation.fondation-apsommer.org
▸ Médiation Animale et Prisons, cahier n° 4, collection Les cahiers de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer 2019 www.fondation-apsommer.org
▸ Paws for Progress, « En Ecosse, à la prison de Polmont, éducation de chiens de refuges par de jeunes détenus dans une démarche de réinsertion » https://pawsforprogress.co.uk/services/prison-based-services/hmp-yoi-polmont/
▸ RODRIGUES-LEITE Julie, L’animal « missionné » : Une socio-ethnographie de dispositifs de médiation animale en milieu carcéral (thèse doctorale en anthropologie en cours), Institut de Recherche Interdisciplinaire sur les enjeux Sociaux EHESS
▸ VALENTE Christopher, Médiation animale en milieu pénitentiaire : analyse des processus de désistance dans la (re)construction psychosociale, thèse doctorale en psychologie en cours, Université de Rennes 2
▸ VALENTE Christopher, « Préparer la réinsertion sociale des personnes incarcérées : quels apports de la médiation équine ? » Revue L’observatoire, dossier n° 85, L’animal dans le champ social, 2015