La France peut ne pas être responsable de la demande d’asile. Néanmoins, le transfert vers l’Etat concerné est source de litiges car les conséquences pour le migrant intéressé ne sont pas des moindres. En effet, il peut relever ensuite d’un pays avec une législation plus ou moins protectrice en droit des étrangers.
A. Le cadre juridique
[Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, articles L. 742-3 et L. 742-5 ; Règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013, article 29 ; Instruction du 2 novembre 2015 relative à la mise en œuvre de la réforme de l’asile, NOR : INTV1525995J[
Lorsque l’Etat requis a fait part de son accord pour une prise en charge ou une reprise en charge du demandeur d’asile, une décision de transfert vers l’Etat responsable est notifiée au demandeur. Cette décision écrite et motivée est prise par le préfet. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d’avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l’intéressé n’est pas assisté d’un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend.
L’étranger faisant l’objet d’une décision de transfert peut, dès la notification de cette décision, être placé en rétention administrative ou assigné à résidence.
Conformément à l’article 29 du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013, le transfert du demandeur d’asile vers l’Etat membre responsable doit s’effectuer au plus tard dans un délai de six mois à compter de l’accord de l’Etat membre ou de la décision définitive du tribunal si un recours a été formé. Si le transfert n’est pas réalisé dans ce délai de six mois, l’Etat membre responsable est libéré de son obligation et la responsabilité est transférée à l’Etat membre requérant, c’est-à-dire la France. Ce délai peut être porté à un an au maximum s’il n’a pu être procédé au transfert parce que le demandeur d’asile était emprisonné, ou à 18 mois au maximum si la personne concernée prend la fuite.
La mesure de transfert ne peut pas être exécutée avant un délai de 15 jours ou en cas de rétention ou d’assignation à résidence avant un délai de 48 heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué s’il a été saisi.
B. Les recours contentieux en cas de contestation de la décision de transfert
[Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, articles L. 512-1, L. 742-4 à L. 742-7 ; Code de justice administrative, articles R. 777-3-1 à R. 777-3-3 ; Instruction du 2 novembre 2015 relative à la mise en œuvre de la réforme de l’asile, NOR : INTV1525995J, fiche 8[
L’étranger qui a fait l’objet d’une décision de transfert peut, dans le délai de 15 jours à compter de la notification de cette décision, en demander l’annulation au président du tribunal administratif. Le recours est suspensif.
Le président ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires statue dans un délai de 15 jours à compter de sa saisine.
Aucun autre recours ne peut être introduit contre la décision de transfert.
L’étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné par lui le concours d’un interprète. L’étranger est assisté de son conseil, s’il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu’il lui en soit désigné un d’office.
L’audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public et en présence de l’intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas.
Toutefois, le délai de recours est différent selon que l’étranger a ou non fait l’objet d’un placement en rétention ou d’une assignation à résidence. Dans de tels cas, il ne pourra, dans les 48 heures suivant leur notification, que demander au président du tribunal administratif l’annulation de la décision de transfert et de la décision d’assignation à résidence ou de la mesure de rétention. Le président du tribunal administratif statue dans un délai de 96 heures à compter de l’expiration du délai de recours. Il s’agit de réduire les traitements des procédures d’asile afin d’accélérer le départ des requérants.
Dans toutes les hypothèses, les délais de recours contentieux ne sont susceptibles d’aucune prorogation.
La décision de transfert vers l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile peut faire l’objet d’un recours soumis à des règles spécifiques.
Lorsque la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance (placement en rétention ou assignation à résidence) et le préfet statue à nouveau sur le cas de l’intéressé.
L’appel contre la décision du président du tribunal administratif devant la cour administrative d’appel n’est pas suspensif. Le délai d’appel est d’un mois à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée.
Le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.
LA RELOCALISATION EN EUROPE : UNE DÉROGATION AVORTÉE À LA PROCÉDURE « DUBLIN »
Décisions du Conseil de l’Union européenne nos 2015/1601/UE du 22 septembre 2015 et 2015/1523/UE du 14 septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce ; Décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 6 septembre 2017, nos C-643/15 et C-647/15, Slovaquie et Hongrie c/ Conseil[
En réponse à la crise migratoire qui a frappé l’Europe au cours de l’été 2015, le Conseil de l’Union européenne a adopté deux décisions afin d’aider l’Italie et la Grèce à faire face à l’afflux massif de migrants. Il s’agissait de prévoir la relocalisation, sur une période de deux ans, de 40 000 personnes ayant manifestement besoin d’une protection internationale vers les autres Etats membres de l’Union.
Ce positionnement a été validé par la Cour de justice de l’Union européenne. Par la suite une relocalisation fut proposée de 120 000 personnes avec la Hongrie.
Il s’agissait d’une dérogation à la procédure « Dublin » pour faire en sorte que le régime commun d’asile fonctionne de manière effective.
Concrètement, il s’agit d’un échec, en raison sans doute du caractère impératif de ce mécanisme imposé sans discussion aux Etats. Au 31 mai 2018, les Etats participants n’ont atteint que 35,30 % des engagements prévus.