Consacrant une jurisprudence constante de la Cour de cassation datant de 1989, la loi du 5 mars 2007 affirme que les mesures de protection des majeurs visent aussi bien leur personne que leurs biens. Elle s’inscrit également dans le prolongement d’une « très importante recommandation du Conseil de l’Europe du 23 février 1999, sur “les principes concernant la protection juridique des majeurs incapables” [qui[ a consacré d’importants articles sur la déclinaison du principe de la protection de la personne, invariablement reconnu également par les pays voisins ayant récemment réformé leur propre législation en la matière ».
Cette protection doit être instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l’intérêt de la personne protégée et favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci (C. civ., art. 415).
Ces deux objectifs se distinguent par une différence de degré : le premier est absolu tandis que le second devra être respecté « dans la mesure du possible », c’est-à-dire compte tenu de la situation et de l’état de la personne. Cette dimension n’avait pas été prise en compte en tant que telle par la loi du 3 janvier 1968 qui ne l’a envisagée qu’à travers des questions spécifiques, comme le mariage ou le divorce du majeur. La vision de cette loi était donc patrimoniale, la protection du majeur passant par la préservation de ses biens.
Désormais, s’il n’en est pas disposé autrement, la mesure est donc destinée à la protection tant de la personne que de ses intérêts patrimoniaux. Toutefois, l’article 425 du Code civil ouvre au juge des tutelles la possibilité de limiter expressément une mesure à l’une ou l’autre de ces missions. Ainsi « en théorie, au moins, la mesure de protection juridique pourrait n’être ouverte que pour assurer la protection de la personne ».
Dans cet esprit, la loi permet au majeur d’organiser sa protection ultérieure au travers du mandat de protection future qui acquiert une place privilégiée dans le cadre de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (cf. infra, section 3).
Elle renforce également les droits de la personne dans le cadre de la tutelle et de la curatelle en facilitant le mariage et en prévoyant la possibilité de conclure un pacte civil de solidarité (cf. infra, section 4, § 3). De manière générale, la loi a renforcé le droit à la protection du logement et des objets personnels du majeur et a imposé un droit au maintien des comptes bancaires. Par ailleurs, elle a conforté le droit de la personne protégée à être entendue avant qu’elle ne soit placée sous une mesure de protection. Et affirmé son droit à participer aux décisions la concernant, tout en assortissant ce principe d’exceptions, jugées trop nombreuses par un certain nombre d’associations. Enfin, elle a énoncé le droit pour le majeur protégé d’entretenir des relations avec ses proches.
A. La protection du logement et des objets personnels
La loi du 5 mars 2007 a renforcé le régime de protection du logement et des meubles du majeur protégé. Ce dispositif vaut pour toutes les mesures de protection, y compris pour le mandat de protection future.
I. LE MAINTIEN À DISPOSITION DU LOGEMENT ET DES MEUBLES
[Code civil, article 426[
Les personnes chargées d’administrer le patrimoine du majeur ont l’obligation de maintenir à sa disposition son logement et ses meubles aussi longtemps que possible, c’est-à-dire tant que l’état de l’intéressé autorise son maintien ou son retour dans son domicile.
Depuis la réforme de 2009, cette protection porte non seulement sur la résidence principale, mais également sur la résidence secondaire. En outre, ne sont plus visés les seuls meubles meublants (meubles destinés à l’usage et à l’ornement des appartements, comme les tapisseries, les glaces, les pendules...), mais tous les meubles.
Seules des conventions de jouissance précaires sont autorisées. Autrement dit, le logement peut être loué, mais seulement jusqu’au retour du majeur, y compris en cas de dispositions ou de stipulations contraires. Ainsi, la réglementation des baux d’habitation (droit au renouvellement, au maintien dans les lieux, durée minimale de bail) n’est pas applicable.
II. L’EXERCICE DES DROITS RELATIFS AU LOGEMENT ET AU MOBILIER
[Code civil, article 426[
a. Un principe...
S’il devient nécessaire ou s’il est de l’intérêt de la personne protégée qu’il soit disposé des droits relatifs à son logement ou à son mobilier, le proche ou le mandataire judiciaire à la protection des majeurs peut être autorisé à aliéner le logement ou le mobilier, l’aliénation consistant à faire sortir un bien ou un droit du patrimoine du propriétaire, par vente par exemple. Il peut également disposer des droits du majeur protégé sur son logement et ses meubles par la résiliation ou la conclusion d’un bail.
b. ... encadré
Cette possibilité est toutefois fortement encadrée.
En premier lieu, l’atteinte aux droits du majeur protégé sur son logement ou ses meubles doit être « nécessaire » ou de son « intérêt ».
En second lieu, l’aliénation, la résiliation ou la conclusion d’un bail doit être autorisée par le juge ou par le conseil de famille s’il est constitué. Cette protection spéciale du bien s’exerce, de plus, « sans préjudice des formalités que peut requérir la nature des biens » (C. civ., art. 426, al. 3). Par exemple, la vente du logement d’une personne sous curatelle requiert, en application de l’article 467 du Code civil, l’assistance du curateur qui doit apposer sa signature à côté de celle de la personne protégée (cf. infra, section 4, § 3, C).
Enfin, un avis médical préalable est requis si la vente, la location ou la résiliation du bail du logement a pour finalité l’accueil de la personne protégée dans un établissement. Il doit être demandé à un médecin qui n’exerce pas une fonction ou n’occupe pas un emploi dans l’établissement accueillant le majeur. Avant la loi du 16 février 2015 de modernisation et simplification du droit, le médecin requis devait être inscrit sur la liste établie par le procureur de la République. Désormais, le médecin traitant peut donc être sollicité.
En revanche, « l’autorisation du juge des tutelles est nécessaire, mais sans avis médical préalable, pour la vente d’un immeuble appartenant au majeur protégé dans lequel ce dernier n’a pas son logement en cas de tutelle (C. civ., art. 505) et n’est même pas requise en curatelle où l’accord du curateur suffit (C. civ., art. 467) ».
Toutes ces dispositions montrent la protection attachée au logement du majeur protégé. Une jurisprudence de la Cour de cassation en apporte encore la preuve en faisant primer les règles protectrices dont bénéficie le majeur vulnérable sur son logement sur les règles civiles de droit commun.
III. LE SORT DES SOUVENIRS ET OBJETS PERSONNELS
[Code civil, article 426[
Comme avant la réforme du 5 mars 2007, les souvenirs et les objets personnels sont inaliénables et doivent être gardés à la disposition de la personne protégée, c’est-à-dire conservés par celle-ci ou remis à un tiers chargé d’en assurer la garde, comme l’établissement d’hébergement.
Cette règle est, en outre, étendue, depuis la loi du 5 mars 2007, aux objets qui sont indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades.
IV. LE CHOIX DE LA RÉSIDENCE PRINCIPALE
[Code civil, articles 438, 459-2 et 479 ; Code de procédure civile, article 1213 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C, BOMJ n° 2009/1[
Il revient au majeur protégé de choisir le lieu de sa résidence, à savoir celui de sa résidence principale.
Cette disposition s’applique aux majeurs sous tutelle et curatelle, mais également à ceux qui ont établi un mandat de protection future lorsqu’il porte sur la protection de la personne et à ceux sous sauvegarde de justice lorsqu’un mandataire spécial est nommé. De la même manière, lorsque l’habilitation familiale porte sur un ou plusieurs actes relatifs à la personne à protéger, elle doit s’exercer dans le respect des dispositions des articles 457-1 à 459-2.
En cas de difficulté, le juge, ou le conseil de famille s’il a été constitué, statue. Toute personne intéressée peut alors demander au juge des tutelles qu’il ordonne que l’examen de la requête en vue du choix de la résidence fasse l’objet d’un débat contradictoire. Le juge peut également en prendre la décision d’office.
Néanmoins, tenant compte des situations où, malgré le prononcé d’une mesure de curatelle renforcée, le majeur protégé refuse d’effectuer toute diligence aux fins de se loger, ce qui est susceptible d’aggraver sa situation sanitaire et sociale, le législateur a prévu que le juge peut autoriser le curateur à conclure seul un bail d’habitation ou une convention d’hébergement (par exemple, dans un foyer) assurant le logement de la personne protégée (C. civ., art. 472 alinéa 2).
La jurisprudence attache une grande importance à ce droit, comme le montre une décision de la Cour de cassation du 26 janvier 2011. En l’espèce, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs d’une femme atteinte de la maladie d’Alzheimer a été autorisé par le juge d’appel à organiser dans les meilleurs délais l’admission de la majeure protégée en maison de retraite et, à défaut d’accord sur ce point entre les enfants de la majeure protégée, à choisir le nouveau lieu de résidence de celle-ci au mieux de ses intérêts. Ce, alors même que dans un premier temps, le juge des tutelles avait décidé de la maintenir à son domicile, se fondant notamment sur le respect de la volonté de la personne protégée précédemment exprimée. Pour justifier sa décision, la cour d’appel relevait que des incidents étaient intervenus entre les membres de la famille et les aides à domicile compromettant la stabilité et la sérénité de la personne protégée. Saisie par son fils, la Cour de cassation affirme d’abord que « le maintien du cadre de vie usuel constitué par le domicile du majeur protégé constitue une priorité consacrée par le législateur qui ne peut céder qu’en cas d’inadaptation de ce lieu de vie à des impératifs d’ordre médicaux ou liés à son état de santé ou d’ordre financier ». Il ne suffit donc pas de faire état d’incidents pour justifier un changement. Au contraire, il importe au préalable d’« examiner les possibilités de rétablissement de ces conditions de vie avec maintien de la majeure protégée à son domicile » et de voir « en quoi les difficultés avec le personnel d’aide à domicile ne pourraient être surmontées ». Est donc illégale la décision qui se fonde « exclusivement sur quelques incidents survenus avec le personnel qui assurait l’aide et la surveillance permanente [...[ sans tenir compte de son état de santé et de la nécessité d’éviter le traumatisme inhérent au changement du cadre de vie habituel d’une personne âgée qui avait manifesté son désir de demeurer chez elle ».
B. Le droit aux comptes et aux livrets bancaires
[Code civil, article 427 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
La loi du 5 mars 2007 a souhaité proscrire la pratique, unanimement dénoncée, des « comptes pivots ». Pratique qui consiste à rassembler sur un seul compte l’ensemble des avoirs des majeurs dont la protection est confiée à une association, sans individualisation possible des intérêts produits. Désormais, le majeur protégé doit conserver ses comptes personnels.
I. LE DROIT À UN COMPTE PERSONNEL
a. Le majeur protégé possède déjà un compte bancaire
Dans ce cas, le majeur protégé conserve le droit de percevoir les fruits, produits et plus-values générés par ses fonds et valeurs, et qui lui reviennent exclusivement.
L’article 427 du Code civil a été modifié par la loi du 23 mars 2019. Il dispose désormais que : « La personne chargée de la mesure de protection ne peut pas procéder à la clôture des comptes ou livrets ouverts, avant le prononcé de la mesure, au nom de la personne protégée. Elle ne peut pas non plus procéder à l’ouverture d’un autre compte ou livret auprès d’un nouvel établissement habilité à recevoir des fonds du public (...) »
A contrario, elle pourra clore un compte ou livret ouvert depuis le prononcé de la mesure. Il lui est également interdit de procéder à l’ouverture d’un autre compte ou livret mais seulement auprès d’un autre établissement habilité à recevoir des fonds du public. Ce qui signifie, par conséquent, qu’elle peut procéder à ces opérations auprès du même établissement bancaire. Ce qui constitue un assouplissement considérable par rapport à la loi du 5 mars 2007 qui interdisait purement et simplement ce type d’opération. Toutefois, le juge des tutelles, ou le conseil de famille s’il a été constitué, peut autoriser, si l’intérêt du majeur le commande, l’ouverture d’un autre compte ou livret auprès d’un autre établissement habilité à recevoir des fonds du public.
La circulaire de présentation de la loi du 23 mars 2019 (1) précise dans son annexe 7 que « lorsque la personne chargée de la mesure de protection souhaitera ouvrir un compte courant ou de placement ou modifier les comptes existants du majeur dans son établissement habituel, l’autorisation du juge ne sera plus nécessaire. Il en sera de même lorsqu’elle souhaitera clore un compte ouvert pendant la mesure ».
Remarquons que les notions d’« établissements habituels » et même de « banques habituelles » utilisées dans la circulaire ne figurent nullement dans le corps de l’article 427 précité. On peut raisonnablement penser que le simple fait de détenir un compte ou livret avant le prononcé de la mesure - quand bien même ledit compte ou livret ne ferait pas l’objet d’une utilisation régulière - suffira à l’exonération de l’autorisation du juge telle que prévue par l’article 427.
Pour autant, le principe visant à limiter, malgré tout, les possibilités de changements en matière bancaire principalement (ouverture/clôture de compte) vise à ne pas perturber les personnes, notamment âgées ou souffrant d’un handicap, en les obligeant, à la suite du prononcé de la mesure, à changer d’interlocuteur ou de guichet bancaire.
Cet intérêt peut aussi être évalué dans ses aspects économiques : la multiplication ou la dispersion des comptes entre plusieurs établissements peut être source de coûts (frais de virements, frais de gestion...) et de perte de temps et d’efficacité, qui peuvent nuire économiquement aux intérêts du majeur, et peuvent justifier que le juge autorise une certaine rationalisation de la situation bancaire.
Soulignons également que la prohibition des comptes-pivots par la loi du 5 mars 2007 est confirmée par celle du 23 mars 2019 puisque la clôture de comptes ouverts avant la mesure de protection ou l’ouverture d’un compte dans un nouvel établissement impliquent toujours l’autorisation de juge des tutelles.
Par ailleurs, l’autorisation préalable du juge ne sera plus nécessaire pour le placement de fonds sur un compte d’épargne d’une personne en tutelle. C’est ce qui résulte de la modification de l’article 501 alinéa 1er du Code civil opérée par la loi de 2019. En revanche, le retrait d’argent d’un compte d’épargne du majeur en tutelle reste soumis à autorisation du juge.
Selon la circulaire précitée, « l’établissement et le contrôle des comptes de gestion, accompagnés des pièces bancaires justificatives, que le juge peut demander à tout moment de la mesure en vertu de son pouvoir de surveillance général, permettront de s’assurer que ces actes interviennent dans l’intérêt exclusif du majeur » (2). Par ailleurs, et toujours selon la même circulaire, selon des données issues d’une enquête menée sur des décisions de juge des tutelles en octobre 2015, « 100 % des requêtes en clôture ont été acceptées, 96 % des requêtes en placement de fonds (...) et 98.7 % de requêtes d’ouverture de compte l’ont été ». La circulaire précisant même que certaines autorisations judicaires n’apportent aucune plus-value en termes de protection du majeur voire, retardent parfois les actes nécessaires » (3).
On comprend alors la nécessité qu’il y avait à assouplir le dispositif existant, ce qui présente l’avantage de faciliter le quotidien des juges des tutelles, de leurs greffes et des mandataires judiciaires à la protection des majeurs quel que soit le mode d’exercice. Pour autant, la mission de surveillance générale des actes de nature patrimoniale par le juge et le procureur de la République reste assurée de manière continue et constitue, de facto, une garantie nécessaire et suffisante.
b. Le majeur ne détient pas de compte bancaire
Si la personne protégée n’est titulaire d’aucun compte ou livret, la personne chargée de la mesure de protection doit lui en ouvrir un.
c. L’ouverture d’un compte auprès de la Caisse des dépôts et consignations
Si le juge, ou le conseil de famille s’il a été constitué, l’estime nécessaire, un compte est ouvert au nom de la personne protégée auprès de la Caisse des dépôts et consignations par la personne chargée de sa protection. Et ce, même si elle dispose déjà d’un compte.
II. L’INDIVIDUALISATION DES OPÉRATIONS FINANCIÈRES
L’obligation de recourir à des comptes bancaires distincts et personnels pour chaque personne protégée s’accompagne de celle d’individualiser les opérations de paiement, d’encaissement et de gestion patrimoniale effectuées au nom et pour le compte du majeur protégé.
Ces opérations bancaires doivent être exclusivement réalisées au moyen des comptes ouverts en son nom, sauf en cas de mesure confiée aux préposés des établissements de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux soumis aux règles de comptabilité publique. Cette dérogation s’explique par la nécessité de respecter les règles spécifiques de la comptabilité publique, qui imposent le principe de séparation entre l’ordonnateur – c’est-à-dire celui qui exécute le budget et donne les ordres de paiement ou d’encaissement – et le comptable qui manie les fonds.
Ces obligations s’imposent à tous les régimes de protection juridique. En cas de tutelle, elles sont précisées par des dispositions spécifiques (C. civ., art. 498 et 501). Par exemple, les capitaux revenant à la personne protégée doivent être versés directement sur un compte ouvert exclusivement à son nom et mentionnant l’existence de la tutelle (C. civ., art. 498). Propre à la tutelle, cette obligation d’individualiser le versement des capitaux s’ajoute à celle, prévue à l’article 427 du Code civil, d’individualiser les opérations bancaires de paiement et de gestion patrimoniale.
III. LES CONSÉQUENCES DE L’INTERDICTION D’ÉMETTRE DES CHÈQUES
Si le majeur protégé a fait l’objet d’une interdiction d’émettre des chèques, la personne chargée de la mesure de protection peut, néanmoins, avec l’autorisation du juge, ou du conseil de famille s’il a été constitué, faire fonctionner sous sa signature les comptes dont la personne protégée est titulaire et disposer de tous les moyens de paiement habituels.
C. Le droit d’être entendu par le juge
[Code civil, article 432[
La loi du 5 mars 2007 a également prévu plusieurs dispositions renforçant la place du majeur dans le processus judiciaire.
Elle a inscrit dans le Code civil l’obligation pour le juge des tutelles de procéder à l’audition de la personne à protéger avant de statuer. La personne doit ainsi être entendue ou, à tout le moins appelée, c’est-à-dire convoquée. La loi vise ici l’hypothèse d’un refus de l’intéressé de répondre à la convocation qui lui est adressée ou son refus de répondre aux questions du juge qui s’est déplacé pour le rencontrer. En ce cas, un procès-verbal de carence est établi et la procédure peut continuer, explique le rapporteur de la loi au Sénat.
L’audition ne peut être écartée qu’en cas de contre-indication médicale (cf. infra, section 4, § 1, C, 1, a).
D. La prise en compte de la volonté du majeur protégé
La loi du 5 mars 2007 améliore la prise en compte de la volonté de la personne protégée par rapport aux décisions relatives à sa personne. Et ce, quel que soit le régime de protection juridique mis en œuvre : la tutelle, la curatelle et l’habilitation familiale (C. civ., art. 457-1 à 459-1), et par un jeu de renvois, le mandat de protection future lorsqu’il porte sur la protection de la personne (C. civ., art. 479) et la sauvegarde de justice lorsqu’un mandataire spécial est nommé (C. civ., art. 438).
Ce faisant, cette loi a instauré un « droit commun de la protection personnelle, de manière totalement nouvelle dans notre droit, même si les principes posés par ce droit commun s’inspirent à l’évidence de règles qui figuraient déjà dans certains des textes du code de la santé publique [...[ ou encore dans certaines décisions de jurisprudence, ou bien encore dans la recommandation du Conseil de l’Europe du 23 février 1999 », alors que jusque-là le Code civil ne régissait que quelques aspects purement civils ou juridiques de cette protection (mariage, testament, divorce, autorité parentale...). En outre, afin de contrôler le respect des droits des personnes protégées, le curateur ou le tuteur, voire le mandataire spécial dans le cadre de la sauvegarde de justice, doit rendre compte au conseil de famille ou, à défaut, au juge des tutelles, des diligences qu’il aura accomplies pour assurer cette protection (C. civ., art. 463) (cf. infra, section 4, § 3).
I. L’INFORMATION DU MAJEUR
[Code civil, article 457-1[
La personne protégée doit recevoir de la personne chargée de sa protection, selon des modalités adaptées à son état, toutes les informations sur sa situation personnelle et sur l’utilité, le degré d’urgence et les effets des actes envisagés, ainsi que sur les conséquences d’un refus de sa part.
Cette obligation d’information s’ajoute à celle que la loi impose à des tiers. Il s’agit, par exemple, de maintenir le droit du majeur protégé de recevoir lui-même une information sur son état de santé par son médecin ou des données en provenance de son banquier.
Concrètement, ce devoir d’information prend forme lorsque la mesure est exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Ce dernier doit, en effet, remettre à l’intéressé une notice d’information sur ses droits (cf. infra, chapitre III).
LE RÔLE DU MÉDECIN HORS LE CADRE DU DÉCLENCHEMENT DE LA MESURE
Hormis la rédaction du certificat médical circonstancié nécessaire pour permettre l’ouverture d’une mesure de protection juridique, le médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République peut être amené à intervenir dans deux situations.
Son avis est requis :
- lorsqu’il est envisagé de placer la personne protégée dans un établissement d’accueil, et ainsi de lui faire quitter son logement (C. civ., art. 426) ;
- avant que le juge décide de ne pas procéder à l’audition de la personne protégée dans le cadre de la procédure d’instruction d’une mesure de protection juridique (C. civ., art. 432) (cf. infra, section 4).
Dans ces deux hypothèses, le médecin auteur de ces avis reçoit à titre d’honoraires, lorsque cet avis ne figure pas dans le certificat circonstancié, la somme de 25 €.
A cette somme, et comme pour le certificat médical circonstancié, peut s’ajouter, sur justificatifs et dans les mêmes conditions, le remboursement des frais de déplacement, calculés dans les conditions fixées pour les déplacements des fonctionnaires du groupe II. Ces avis, requis par le procureur de la République ou ordonnés par le juge des tutelles, sont pris en charge au titre des frais de justice.
[Code civil, articles 426 et 432 ; code de procédure pénale, articles R. 93 et R. 217-1 ; Code de procédure civile, article 1256[
II. LE CONSENTEMENT DU MAJEUR AUX DÉCISIONS RELATIVES À SA PERSONNE
La loi consacre et précise le statut bâti par la jurisprudence en matière de décisions personnelles en instaurant deux degrés de protection de la personne avec, d’un côté, les décisions strictement personnelles qui ne peuvent être prises que par le majeur et, de l’autre, celles pour lesquelles le consentement du majeur doit être obtenu avec l’assistance ou par la représentation de la personne chargée de sa protection.
a. Les actes strictement personnels
[Code civil, article 458 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
L’accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation du majeur protégé. Il est ainsi créé « un domaine réservé dans lequel l’acte personnel est tellement intime que nul tuteur ou curateur ne saurait jamais s’y immiscer ». Ce principe s’applique sous réserve de dispositions législatives particulières. À cet égard, le code de la santé publique comporte, par exemple, des dispositions relatives au consentement à l’acte médical et le Code civil prévoit des dispositions spécifiques quant au mariage des personnes sous tutelle ou curatelle qui, au passage, ne figure pas dans la liste des décisions strictement personnelles.
Sont réputés strictement personnels :
- les actes relatifs à la filiation, c’est-à-dire la déclaration de naissance d’un enfant et sa reconnaissance, la déclaration du choix ou du changement de son nom, ainsi que le consentement du majeur à sa propre adoption ou à celle de son enfant ;
- les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant.
Conformément à la jurisprudence antérieure, si l’état de la personne ne lui permet pas de consentir, ces actes ne peuvent pas être accomplis, sauf ceux qui peuvent faire l’objet d’une décision judiciaire, comme la déclaration de naissance (C. civ., art. 55).
Selon Stéphanie Moracchini-Zeidenberg, maître de conférences, « la jurisprudence pourrait [...[ s’en tenir à cette liste ; mais elle pourrait aussi y ajouter d’autres décisions et l’on pense notamment à l’autorisation donnée [par le majeur protégé[ à l’enfant mineur de se marier, ou à la demande d’émancipation de cet enfant ».
b. Les décisions personnelles courantes
[Code civil, article 459 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
Pour les actes relatifs à la personne du majeur qui ne sont pas réputés être strictement personnels, le Code civil lie l’obligation de recueillir son consentement au degré d’altération de ses facultés.
Ainsi, si son état le permet, le majeur protégé prend seul les décisions relatives à sa personne, sans assistance ni représentation de la personne chargée de sa protection. Le principe est donc alors celui de la liberté de décision. Si, à l’inverse, son état ne lui permet pas de prendre seul une « décision personnelle éclairée », la personne chargée de sa protection peut, sur autorisation du conseil de famille ou du juge, assister le majeur. L’autorisation est alors donnée d’avance dans la décision d’ouverture de la mesure ou ultérieurement. Elle est soit générale (l’ensemble des actes relatifs à la personne est couvert), soit limitée (seuls les actes énumérés sont autorisés). Même dans le cadre d’une mesure de tutelle, le juge peut limiter le rôle du tuteur à une assistance pour ce qui concerne la protection de la personne. Enfin, au cas où cette assistance ne suffirait pas, le juge ou le conseil de famille peut, le cas échéant, après l’ouverture d’une mesure de tutelle, autoriser le tuteur à représenter le majeur, c’est-à-dire à prendre la décision en son nom.
Ainsi, l’assistance voire la représentation ne seront possibles que si une décision spéciale du juge ou du conseil de famille le prévoit. « En d’autres termes, si la décision d’ouverture, de modification ou de renouvellement de la mesure de protection est muette sur ce point, c’est le principe d’autonomie qui devra s’appliquer, [...[ sans que le texte ne distingue selon la nature de la mesure de protection ».
c. Les décisions personnelles touchant à l’intégrité corporelle ou à l’intimité de la vie privée
[Code civil, article 459 ; Code de procédure civile, article 1213 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
Le principe est posé par l’article 459 du Code civil que dispose dans son premier alinéa que la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet, hors les actes strictement personnels de l’article 458 (voir supra, b). En conséquence, si le juge n’a pas indiqué, dans le jugement d’ouverture ou dans une décision ultérieure, que la personne devait être assistée, voire représentée, pour l’ensemble des actes relatifs à sa personne ou pour certains d’entre eux, la personne habilitée dans le cadre de l’habilitation familiale, le curateur ou le tuteur n’a pas à solliciter l’autorisation du juge, la personne prenant seule les décisions la concernant.
Toutefois, la personne chargée de la protection ne peut pas prendre seule une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l’intimité de la vie privée de la personne protégée, sauf cas d’urgence. S’il n’y a pas urgence, elle doit obtenir l’autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge. Cette hypothèse vise particulièrement le droit à l’image et les immixtions dans la vie privée. La Cour de cassation ayant déjà eu l’occasion de juger que la « reproduction d’images représentant des handicapés mentaux dans l’intimité de leur existence quotidienne à l’intérieur des établissements où ils vivent et ce, sans l’autorisation de leurs représentants légaux, constitue, à elle seule, une atteinte illicite à l’intimité de leur vie privée » (4)
La même règle s’appliquait, avant la loi du 23 mars 2019, pour les actes ayant pour effet de porter gravement atteinte à l’intégrité corporelle de la personne protégée. La loi susvisée met fin à ce système. Par conséquent, l’autorisation préalable du juge des tutelles ou du conseil de famille n’est plus nécessaire pour les actes portant gravement atteinte à l’intégrité corporelle dans le cadre de la tutelle ou du prononcé d’une habilitation familiale. Cette disposition nouvelle permet de couvrir de nombreux actes touchant à la santé de la personne, comme les interventions chirurgicales par exemple. Cependant, sauf urgence, le juge pourra être saisi en cas de désaccord entre la personne chargée de la protection et la personne protégée.
En tout état de cause, toute personne intéressée peut demander au juge des tutelles qu’il ordonne que l’examen de la requête fasse l’objet d’un débat contradictoire. Le juge peut également en prendre la décision d’office.
Par ailleurs, la personne chargée de la protection du majeur peut prendre à l’égard de celui-ci les mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger que, du fait de son comportement, l’intéressé ferait courir à lui-même. Pour ne pas laisser le système sans contrôle, elle doit en informer sans délai le juge ou, s’il existe, le conseil de famille et du Code civil afin
Toutes ces nouvelles dispositions entrent en vigueur dès le 25 mars 2019. L’article 9 de la loi du 23 mars 2019 habilite le gouvernement à mettre en cohérence les dispositions du code de la santé publique, du code de l’action sociale et des familles et du Code civil afin d’améliorer l’articulation des textes relatifs aux majeurs protégés. Cette loi devra intervenir dans l’année qui suit l’entrée en vigueur du texte.
d. L’application des dispositions des autres codes
[Code civil, article 459-1[
Les conditions de recueil du consentement du majeur protégé prévues par le Code civil ne font pas obstacle à l’application des dispositions spécifiques prévues par le code de la santé publique et le code de l’action sociale et des familles, prévoyant l’intervention d’un représentant légal. « Par cette réserve très importante, le législateur manifeste sa volonté de ne pas modifier l’important corpus de règles spéciales en matière notamment de soins somatiques, de soins psychiatriques et de biomédecine qui s’est élaboré au cours des dernières années, règles codifiées au code de la santé publique ».
De fait, par exemple, l’article L. 1111-6 du code de la santé publique donne à tout majeur hospitalisé la possibilité de désigner une personne de confiance qui sera consultée au cas où il serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Le majeur sous tutelle devra obtenir l’autorisation du conseil de famille, s’il a été constitué, ou du juge des tutelles pour procéder à cette désignation. En cas d’ouverture d’une tutelle, le juge des tutelles peut soit confirmer la personne de confiance antérieurement désignée dans sa mission, soit la révoquer. Par ailleurs, la loi du 28 décembre 2015 d’adaptation de la société au vieillissement (5) oblige les établissements sociaux et médico-sociaux à proposer aux majeurs accueillis de désigner une personne de confiance dans les mêmes conditions que celles prévues par l’article L. 1111-6 du code de la santé publique. À la différence de la personne de confiance désignée dans le cadre d’une hospitalisation, elle sera consultée au cas où la personne intéressée rencontre des difficultés dans la connaissance et la compréhension de ses droits. Par ailleurs, si le majeur accueilli le souhaite, elle pourra l’accompagner dans ses démarches et assister aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions. L’article L. 311-5-1 du code de l’action sociale et des familles précise que lorsqu’une mesure de protection judiciaire est ordonnée et que le juge ou le conseil de famille, s’il a été constitué, autorise la personne chargée de la protection à représenter ou à assister le majeur pour les actes relatifs à sa personne en application du deuxième alinéa de l’article 459 du Code civil, la désignation de la personne de confiance devra être autorisée par le juge ou le conseil de famille. Si la désignation a eu lieu avant la mise sous protection judiciaire, le juge des tutelles devra confirmer ou révoquer la mission confiée à la personne de confiance.
De même, en application de l’article L. 1122-2 du code de la santé publique, l’adhésion personnelle du majeur protégé à une recherche biomédicale sur sa personne doit être recherchée et, en toute hypothèse, il ne peut être passé outre à son refus ou à la révocation de son acceptation. L’autorisation est, pour un majeur sous tutelle, donnée par son représentant légal ou, si la recherche représente un risque sérieux d’atteinte à la vie privée ou à l’intégrité du corps humain, par le conseil de famille s’il a été institué ou par le juge des tutelles. Lorsqu’une recherche biomédicale est effectuée sur une personne majeure sous curatelle, le consentement est donné par l’intéressé assisté par son curateur pour les recherches ne présentant pas de risques sérieux pour sa personne. Dans le cas contraire, le juge des tutelles est saisi en vue de s’assurer de l’aptitude à consentir du majeur.
« L’inconvénient est que ces dispositions sont éparses, ne sont pas toujours cohérentes entre elles et, surtout, font parfois référence, comme l’article 459-1, alinéa 1er, à un “représentant légal” dans des cas autres que la tutelle, alors que, du point de vue du droit civil, seul le tuteur peut être considéré, au sens strict, comme le “représentant” de la personne sous tutelle ».
Toutefois, lorsque la mesure a été confiée à une personne ou à un service préposé d’un établissement de santé ou d’un établissement social ou médico-social, et que cette personne ou ce service doit soit prendre une décision nécessitant l’autorisation du juge ou du conseil de famille en application du troisième alinéa de l’article 459 du Code civil (situation où une décision peut porter atteinte à l’intégrité corporelle de la personne protégée ou à son intimité), soit accomplir au bénéfice de la personne protégée une diligence ou un acte pour lequel le code de la santé publique prévoit l’intervention du juge, ce dernier peut décider, s’il estime qu’il existe un conflit d’intérêts, d’en confier la charge au subrogé curateur ou au subrogé tuteur, s’il a été nommé, et à défaut à un curateur ou à un tuteur ad hoc.
E. Les relations avec les proches
[Code civil, article 459-2 ; Code de procédure civile, article 1213[
La personne protégée entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non. Elle a le droit d’être visitée, et le cas échéant, hébergée par ceux-ci. En cas de difficulté, le juge, ou le conseil de famille s’il a été constitué, statue. Toute personne intéressée peut alors demander au juge des tutelles qu’il ordonne que l’examen de la requête en vue du choix des relations de la personne protégée fasse l’objet d’un débat contradictoire, c’est-à-dire d’une audience (non publique) à laquelle sont convoquées les personnes concernées par le litige, afin d’exprimer leurs demandes et arguments. Le juge peut également en prendre la décision d’office. Sa décision, notifiée selon les modalités prévues par l’article 1230 du Code de procédure civile, est susceptible de recours.
Ce renvoi à un débat contradictoire est une simple faculté offerte au juge, qui peut se contenter d’arbitrer le litige qui lui est soumis en répondant à la requête dans les trois mois de sa saisine (C. proc. civ., art. 1229). Ainsi, « le législateur ne se fait pas d’illusions : certains actes strictement personnels peuvent dégénérer en conflits autour du majeur protégé. Il est donc prévu, mais uniquement s’agissant du choix de la résidence et s’agissant des relations avec autrui » que le juge, ou le conseil de famille s’il a été constitué, statue.
Une jurisprudence assez récente apporte une illustration de ce droit d’entretenir librement des relations avec des proches qui peut être limité pour le bien-être et la sérénité du majeur protégé. En l’occurrence, une association tutélaire, curateur d’un homme admis en maison de retraite médicalisée de type EHPAD après une hospitalisation avait saisi le juge pour empêcher tout contact de ce dernier avec son fils, ayant relevé que sa visite avait entraîné une « agitation » chez ce majeur protégé. Le juge des tutelles a donné droit à l’association et s’est opposé à tout contact entre lui et son fils. Ce dernier qui avait, par ailleurs, des relations conflictuelles avec sa mère et sa fratrie, a alors contesté cette décision. La cour d’appel lui a donné partiellement raison jugeant qu’il « ne saurait être question de suspendre davantage les relations du père et du fils ». Néanmoins pour permettre « la poursuite du retour à la sérénité » du premier, elle a limité leurs relations « à des échanges épistolaires ».
(1)
Circulaire JUSC1909309C, CIV/04/2019 de présentation des entrées en vigueur des dispositions civiles de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2018-2022 et de réforme pour la justice
(2)
Circulaire JUSC1909309C, CIV/04/2019 de présentation des entrées en vigueur des dispositions civiles de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2018-2022 et de réforme pour la justice annexe 7 p 28
(3)
Circulaire JUSC1909309C, CIV/04/2019 de présentation des entrées en vigueur des dispositions civiles de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2018-2022 et de réforme pour la justice annexe P29
(4)
Cour de cassation, 1ère chambre civile, 24 février 1993, requête n° 91-13587
(5)
Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 d’adaptation de la société au vieillissement, JORF n° 0301 du 29 décembre 2015, p. 24268