Recevoir la newsletter

UNE PROCÉDURE UNIQUE D’OUVERTURE DE LA MESURE DE PROTECTION

Article réservé aux abonnés

La procédure d’ouverture de la mesure judiciaire de protection se déroule en plusieurs étapes. Les personnes autorisées à demander l’ouverture d’une telle mesure déposent leur requête au greffe du tribunal, qui l’examine. La demande est ensuite instruite par le juge des tutelles qui procède à l’audition de la personne à protéger – laquelle peut être accompagnée de son défenseur – et, s’il l’estime nécessaire, de son entourage. L’instruction est menée dans le respect de plusieurs principes que la loi du 5 mars 2007 a renforcé (principe du contradictoire, communication du dossier). C’est au cours de l’audience que le juge des tutelles va faire le choix de la mesure. Il dispose ensuite d’un certain délai pour rendre sa décision, délai qui diffère selon qu’il s’agit d’ouvrir une mesure de protection, de la renouveler ou de la modifier.
Indiquons dès à présent que cette procédure unique pour toutes les mesures de protection est régie par les articles 1211 et suivants nouveaux du Code de procédure civile. C’est le décret du 22 juillet 2019 (1) qui l’instaure et abroge les dispositions spécifiques à l’habilitation familiale résultant des articles 1260-1 à 1260-12 du même code.


A. Les personnes autorisées à demander l’ouverture d’une mesure de protection

[Code civil, article 430 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
En contrepartie de la suppression de la saisine d’office du juge, le cercle des personnes habilitées à former une requête a été élargi.
Avant 2009, seule la personne qu’il y avait lieu de protéger, ses proches parents (conjoint, ascendants, descendants, frères et sœurs), le ministère public et le curateur, s’il était nécessaire de transformer une curatelle en tutelle, avaient qualité pour demander l’ouverture d’une mesure de protection. Les autres parents, les alliés ou les amis, le médecin traitant ou le directeur de l’établissement qui hébergeait la personne à protéger pouvaient simplement donner un avis ou procéder à un signalement au juge des tutelles qui avait alors la possibilité de se saisir d’office. Désormais, toutes les formes de conjugalité sont prises en compte ainsi que l’ensemble des parents (cf. infra, chapitre III, section 1, § 1). Le procureur de la République peut également agir.
Relevons que, selon le rapport de la Cour des comptes sur cette réforme, « cette suppression de la saisine d’office a entraîné en 2009 une diminution significative du nombre des demandes d’ouverture de régime de protection : leur nombre est en effet passé de près de 101 000 à un peu moins de 81 000, soit une baisse de 20 %. Mais la diminution intervenue la première année d’application de la réforme ne s’est pas poursuivie en 2010 puisque les demandes d’ouverture de régime de protection ont à nouveau augmenté (+ 8,9 %) », contrairement à ce qu’escomptaient les initiateurs de cette réforme.


I. LE CERCLE DES PERSONNES CONCERNÉES

Ainsi, depuis le 1er janvier 2009, la demande d’ouverture d’une mesure de protection peut être présentée au juge :
  • par la personne qu’il y a lieu de protéger ;
  • par son conjoint, son partenaire pacsé ou son concubin, à condition que la communauté de vie n’ait pas cessé ;
  • par tout parent ou allié ou toute personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables ;
  • par la personne qui exerce à l’égard du majeur vulnérable une mesure de protection juridique (mandataire spécial dans le cadre d’une sauvegarde de justice, curateur, tuteur, mandataire de protection future).
En ce qui est de l’habilitation familiale créée par l’ordonnance du 15 octobre 2015, seules les personnes suivantes sont habilitées à saisir le juge :
  • La personne qu’il y a lieu de protéger ;
  • ascendants, descendants ;
  • frères et sœurs ;
  • conjoint, partenaire du pacte civil de solidarité, concubin, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux.
La disparition de la saisine d’office du juge a conduit à l’émergence d’un nouveau questionnement lié au désistement de la personne ayant formulé une requête en cours d’instance. C’est la célèbre affaire Liliane Bettancourt qui a mis en exergue cette situation. En effet, sa fille avait déposé une requête en ouverture d’une mesure de protection puis s’était désistée en cours d’instance, après que, entre-temps Liliane Bettancourt a signé un mandat de protection future. Le juge des tutelles a alors saisi la Cour de cassation pour avis. La question qui se pose était de savoir « si le désistement d’instance du requérant accepté, le cas échéant, par la personne à protéger, entraîne de plein droit l’extinction de la procédure en cours devant le juge des tutelles aux fins d’ouverture d’une mesure de protection ». Ce à quoi, la Cour de cassation a répondu par l’affirmative.


II. LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

L’ouverture d’une mesure de protection peut également être demandée par le procureur de la République, soit d’office, soit à la demande d’un tiers, ce qui peut être nécessaire si la famille reste passive ; le parquet devrait donc « désormais [...[ jouer un rôle essentiel de pivot de la protection des majeurs vulnérables à l’image de celui qu’il a acquis en matière de protection de l’enfance ». Précisons, toutefois, qu’en matière d’habilitation familiale, le procureur de la République ne peut être saisi que par l’une des personnes habilitées à saisir le juge des tutelles. Ce qui, de facto, est une condition plus restrictive que celle permettant à tout « tiers » de le saisir.
Plusieurs options s’offrent au procureur une fois saisi (circulaire du 9 février 2009) :
  • s’il est saisi par les personnes habilitées à solliciter du juge des tutelles l’ouverture d’une mesure de protection, il doit en principe les inviter à saisir le juge des tutelles, au besoin en leur rappelant les pièces à fournir à l’appui de leur requête (notamment le certificat médical du médecin inscrit sur la liste), voire en leur remettant un formulaire type de requête. Toutefois, il appartient au parquet de vérifier au cas par cas, à travers le contenu du signalement ou de la requête, si les personnes ayant normalement qualité pour saisir le juge des tutelles elles-mêmes sont fondées à voir le parquet se substituer à elles, en raison, soit de l’impécuniosité de la personne vulnérable (ce qui peut justifier que le certificat médical soit pris en charge sur frais de justice), soit d’un contexte familial difficile (existence d’un désaccord familial, la demande de protection faite par le parquet étant alors neutre), soit de tout autre motif que le parquet prend en considération ;
  • il peut solliciter des renseignements complémentaires (état du logement, environnement familial, social et professionnel, bénéfice ou non d’une MASP) notamment auprès des services sociaux lorsque le signalement paraît inquiétant mais insuffisant pour ouvrir une mesure de protection juridique. Il peut également réorienter la personne vulnérable ou l’auteur de la saisine vers les services du conseil général, afin que soit envisagée la mise en place d’une mesure d’accompagnement social personnalisé (il ne peut toutefois saisir ces services directement) ;
  • il peut considérer qu’une mesure de protection n’est pas nécessaire ou que la personne vulnérable a, certes, besoin d’être protégée, mais que d’autres dispositifs de protection permettraient ou permettent déjà d’assurer cette protection (procurations suffisantes, mandat de protection future...). Dans ce cas, il procède au classement de la demande.
En revanche, la personne chargée d’une mesure d’accompagnement judiciaire ne peut pas demander sa transformation en une mesure de protection juridique. « Il s’agit en effet d’éviter que les services sociaux aient la possibilité de saisir directement le juge, ce qui limiterait les garanties procédurales que la réforme instaure pour assurer un meilleur respect du principe de subsidiarité ». Ainsi, « le mandataire exerçant une mesure d’accompagnement judiciaire qui estime que le besoin de protection de la personne a évolué et qui souhaite obtenir la transformation de la MAJ devra donc saisir le procureur de la République, qui vérifiera la pertinence de la requête et appréciera la suite à lui donner » (circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C).


B. La saisine du juge



I. LE JUGE COMPÉTENT

[Code de procédure civile, article 1211, 1260-1 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
C’est le juge des tutelles de la résidence habituelle de la personne à protéger ou protégée ou celui du domicile du tuteur qui est territorialement compétent. Cette notion de résidence habituelle « qui remplace, celle, ancienne, de “domicile” du majeur, permet d’homogénéiser la situation du majeur français avec celle du majeur étranger. Après la ratification par la France, le 18 septembre 2008, de la convention de La Haye sur la protection internationale des adultes du 13 janvier 2000, c’est la notion de résidence habituelle qui détermine la compétence nationale et territoriale du juge des tutelles ; ce qui simplifie considérablement la procédure, tout au moins lorsque le majeur étranger est ressortissant d’un pays ayant également ratifié la convention ».
Quant à la notion de domicile du tuteur, elle est conservée comme un critère possible de compétence du juge. « La souplesse est nécessaire, explique une circulaire du ministère de la Justice, si l’on veut éviter que l’application du strict critère de la résidence habituelle du majeur génère des transferts de compétence vers certains tribunaux d’instance, en particulier ceux qui ont dans leur ressort des établissements de soins, ou d’hébergement accueillant des personnes vulnérables, âgées, handicapées ou atteintes de troubles psychiatriques. » « Ce critère permet donc au juge de ne pas obligatoirement se dessaisir lorsque le majeur qui résidait, par exemple, dans le même ressort que son tuteur, réside, définitivement ou pour une période inconnue mais probablement très longue, dans un établissement situé dans un autre ressort. »


II. LA REQUÊTE

[Code de procédure civile, articles 1212, 1217, 1218 et 1218-1 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
En principe, pour obtenir l’ouverture d’une mesure de protection d’un majeur, le juge doit être saisi par une requête remise en main propre ou adressée par courrier simple au greffe de la juridiction de première instance, en l’occurrence le tribunal d’instance. « Lorsque la requête est présentée aux fins de renouvellement de l’habilitation familiale, il y est joint une copie de la décision ayant désigné une personne habilitée » (article 1217 alinéa 2 du Code de procédure civile).
Les modalités ci-dessus décrites ne s’appliquent cependant pas :
  • au renouvellement de la mesure de curatelle ou de tutelle (C. civ., art. 442) ;
  • lorsque le juge met fin à un mandat de protection future pour ouvrir une mesure judiciaire de protection ou décide de mettre en place une protection juridique complémentaire à ce mandat (C. civ., art. 485).
Dans le cas général, la requête doit comporter certains éléments, sous peine d’être déclarée irrecevable. Il s’agit :
  • du certificat médical circonstancié attestant de l’altération des facultés personnelles de la personne (cf. supra, section 2). « Sous l’empire de la loi de 1968, ni le Code civil ni le Code de procédure civile ne prévoyaient expressément l’irrecevabilité d’une requête en ouverture d’une mesure de protection en cas d’absence du certificat médical ; la jurisprudence avait progressivement mais sûrement reconnu un caractère de “formalité substantielle” à la production de ce certificat, sans toutefois l’exiger pour les demandes de protection présentées par le parquet », ce qui n’est plus le cas désormais (circulaire du 9 février 2009). Cette position a d’ailleurs été confirmée par une jurisprudence de 2011(cf. supra, section 2, § 2, A, 1) ;
  • de l’identité de la personne à protéger ;
  • de l’énoncé des faits qui appellent cette protection au regard de l’article 428 et 494-1 du Code civil relatif aux principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité (cf. supra, section 1, § 1).
La requête doit également mentionner :
  • les personnes appartenant à l’entourage du majeur à protéger habilitées à saisir le juge (C. civ., art. 430 et 494-1) ;
  • le nom du médecin traitant, si son existence est connue du requérant.
Le requérant précise, enfin, dans la mesure du possible, les éléments concernant la situation familiale, financière et patrimoniale du majeur, ainsi que tout autre élément, relatif à son autonomie.
En pratique, des imprimés sont disponibles dans les greffes des tribunaux d’instance.
Le greffier doit ensuite avertir le procureur de la République de la procédure engagée, sauf lorsque c’est ce dernier qui a saisi le juge.
Le procureur doit également, comme tous les autres requérants, fournir un certificat médical circonstancié. Celui-ci peut lui être fourni dans le cadre du signalement qu’il a pu recevoir d’une tierce personne non autorisée à saisir le juge directement (notaire, banquier...). Sinon, il a la faculté de faire examiner par un médecin les majeurs qui font l’objet d’une mesure de protection (C. civ., art. 416, al. 2). Il doit également disposer d’un minimum d’éléments sur les faits de la vie de la personne qui peuvent révéler la nécessité d’une protection (problèmes graves de mobilité, troubles importants de la mémoire, achats inutiles ou disproportionnés répétés...) et, dans la mesure du possible, sur la situation familiale, sociale, financière et patrimoniale de la personne vulnérable qui permettent d’établir qu’il n’y a pas d’autre solution que de saisir le juge des tutelles.
Le juge des tutelles détient le même droit de faire appel à un médecin « habilité ».
Nouveau formalisme pour certaines requêtes du procureur de la République


Y A-T-IL DES FRAIS FINANCIERS À PRÉVOIR ?

Le coût d’un mandat de protection future conclu sous forme notariée est de 115,39 euros HT. L’acceptation, la révocation ou la renonciation au mandat ont un coût de 57,69 euros HT. Le coût de l’examen des comptes du mandataire dans le cadre du contrôle des comptes par le notaire sera fonction du patrimoine du mandant ou, plus exactement, « du chapitre le plus élevé, en recettes ou en dépenses, au titre de l’année à laquelle se rapportent les comptes ». Si ce dernier est :
  • inférieur ou égal à 25 000 €, le coût est de 115,39 € HT ;
  • supérieur à 25 000 € et inférieur ou égal à 65 000 €, le tarif est de 192,31 € HT ;
  • supérieur 65 000 €, le tarif est de 346,16 € HT.
En ce qui concerne l’établissement d’un mandat sous seing privé, il est en principe gratuit, sauf en cas d’enregistrement à la recette des impôts, ce qui est recommandé pour donner une date certaine à chaque exemplaire original du mandat. Les frais sont alors de l’ordre de 125 € (arrêté du 23 décembre 2009).
Dans tous les cas, il faut également ajouter le coût du certificat médical constatant l’altération des facultés. En revanche, l’apposition du visa par le greffe du tribunal d’instance n’entraîne aucun frais (arrêté du 23 décembre 2009). Pendant l’exécution du mandat, les frais éventuels à la charge du mandant – rémunération du mandataire, du contrôleur éventuellement – sont ceux qui sont prévus dans le mandat.
[Décret n° 78-262 du 8 mars 1978, JO du 10-03-78, article 28, modifié par décret n° 2011-188 du 17 février 2011, JO du 19-02-11 ; décret n° 2008-296 du 31 mars 2008, JO du 2-04-08 ; arrêté du 23 décembre 2009, NOR : JUSC0914229A, JO du 26-12-09 ; modifiés par arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs règlementés des notaires, JO 28 février 2016[
La loi du 23 mars 2019 prévoit que lorsque le procureur de la République est saisi par une personne autre que celles de l’entourage du majeur (article 430 du Code civil), la requête transmise au juge des tutelles doit comporter, sous peine d’irrecevabilité :
  • les informations relatives à la situation sociale et pécuniaire détenues par la personne qui est à l’origine du signalement. En pratique, il s’agira principalement d’institutions médicales, sociales ou médico-sociales ;
  • une évaluation de l’autonomie de la personne à protéger ;
  • le cas échéant, un bilan des actions personnalisées menées auprès de la personne à protéger.
L’article 431 nouveau prévoit que la nature et les modalités de recueil des informations sus-désignées seront définies par voie règlementaire.
Pour l’heure, la seule évaluation qui préside à l’ouverture d’une mesure de protection est de nature médicale (certificat médical circonstancié). En théorie, le contenu du certificat définit par l’article 1219 du Code civil devrait permettre au juge de mieux adapter sa décision aux besoins du majeur. Or, le Défenseur des droits relève qu’« en pratique cette rédaction est de qualité inégale d’un médecin à l’autre, tant dans sa motivation que dans sa forme » (2) Aussi préconise-t-il « une évaluation pluridisciplinaire du majeur (qui) permettrait au juge, de bénéficier d’un recueil de renseignements sur la situation socio-économique ou médico-sociale de la personne (qui lui permettrait) de prononcer une mesure de protection plus adaptée, graduée et individualisée » (3) Toujours selon le Défenseur des droits, en sus du certificat médical, il conviendrait d’ajouter « une évaluation médico-sociale de la personne à protéger » (4) D’une certaine manière, les recommandations du Défenseur des droits ont été entendues.
D’aucuns préconisent même que la mise en place d’une évaluation pluridisciplinaire soit un préalable à toutes les décisions prises par le juge des tutelles (5)
L’attente du décret susvisé mais également l’appréciation de l’impact de l’évaluation pluridisciplinaire sur l’adaptation de la décision aux besoins de la personne seront déterminants de la généralisation, ou non, du dispositif.


C. L’instruction de la mesure

Plusieurs principes guident l’instruction des mesures judiciaires de protection. En effet, la loi du 5 mars 2007 a d’abord confirmé le principe de l’audition de la personne protégée avant toute décision. La présence d’un avocat est également possible.
Par ailleurs, le principe du contradictoire et celui de la communication du dossier aux parties ont été renforcés.


I. L’AUDITION

a. De la personne protégée

[Code civil, article 432 ; Code de procédure civile, articles 1220 à 1220-3 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
1. Le principe
La loi du 5 mars 2007 exige l’audition, qui n’est pas publique, de la personne protégée avant le prononcé d’une mesure judiciaire de protection juridique. La personne doit ainsi être entendue ou, à tout le moins appelée, c’est-à-dire convoquée.
Pour ce faire, le juge des tutelles peut, dans tous les cas où il a l’obligation d’entendre la personne à protéger ou protégée ou s’il l’estime utile, se déplacer dans toute l’étendue du ressort de la cour d’appel ainsi que dans les départements limitrophes de celui où il exerce ses fonctions. Les mêmes règles sont applicables aux magistrats de la cour d’appel en cas de recours.
L’audition de la personne peut ainsi avoir lieu au siège du tribunal ou là où le majeur à protéger ou protégé réside habituellement, dans l’établissement de traitement ou d’hébergement ou en tout autre lieu approprié. Par ailleurs, le juge peut, s’il l’estime opportun, procéder à cette audition en présence du médecin traitant ou de toute autre personne.
L’avocat de la personne à protéger ou protégée est informé de la date et du lieu de cette audition dont il est dressé procès-verbal. Cette obligation d’information n’existe plus à l’égard du procureur de la République depuis le décret du 22 juillet 2019. Dans tous les cas, il est dressé procès-verbal de l’audition.
2. Les exceptions
Par exception, le juge peut décider qu’il n’y a pas lieu de procéder à l’audition du majeur protégé, y compris dans le cadre de l’habilitation familiale (article 494-4 du Code civil), dans deux situations :
  • l’audition est de nature à porter atteinte à la santé de la personne à protéger ;
  • cette dernière est hors d’état d’exprimer sa volonté.
En pratique, « il pourra s’agir d’une personne désorientée par une atteinte cérébrale ou psychique grave comme, par exemple, la maladie d’Alzheimer ou un coma », expliquent les travaux parlementaires.
Dans ces cas, le juge doit écarter l’audition par décision spécialement motivée et sur avis du médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République (cf. supra, section 2). Sa décision est alors notifiée au requérant et, le cas échéant, à l’avocat du majeur. Par la même décision, le juge doit ordonner « qu’il soit donné connaissance de la procédure engagée au majeur selon des modalités appropriées à son état ».
Le dossier devra ensuite mentionner l’exécution de cette décision.
Néanmoins, souligne l’administration, « même dans ce type de situation, il peut être utile pour le juge de rencontrer la personne, notamment chez elle ou dans l’établissement de résidence, car d’autres éléments que l’audition peuvent participer à la prise de décision (par exemple, l’état de grande solitude affective constatée à travers l’absence de photos de proches et d’objets personnels dans une chambre de maison de retraite est de nature à orienter le choix du tuteur par le juge vers un professionnel qui, en raison de sa disponibilité ou de sa personnalité, pourra constituer un repère et un lien avec la vie et le monde extérieur pour la personne seule) ».

b. De la famille et des proches

[Code de procédure civile, article 1220-4 ; circulaire DACS n° CIV 01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
S’il l’estime opportun, le juge procède à l’audition des personnes habilitées à saisir le juge (C. civ., art. 430, 494-1 et 494-10). Toute personne demandant à exercer la mesure de protection peut également solliciter son audition qui est alors accordée de droit. Cette obligation vise à limiter les contestations ultérieures du jugement de mise sous protection, notamment au regard du choix de la personne désignée pour exercer la mesure. Cette nouvelle disposition est déjà, en pratique, appliquée par de nombreux juges des tutelles, notamment lorsqu’un conflit familial divise les fratries. Dans le cadre de l’habilitation familiale, le juge s’assure que les personnes visées à l’article 494-1 du Code civil (conjoint, partenaire du PACS, concubin, frère, sœur...) adhèrent ou, à défaut, ne s’opposent pas pour un motif légitime à la mesure d’habilitation envisagée et à la désignation de la personne habilitée (article 1220-4 alinéa 2 du code procédure civile).


II. LA PRÉSENCE FACULTATIVE D’UN AVOCAT OU D’UNE AUTRE PERSONNE

[Code civil, article 432 ; Code de procédure civile, article 1214[
La loi du 5 mars prévoit également la possibilité, pour le majeur susceptible de faire l’objet d’une mesure de protection, d’être accompagné, lors de son audition, par un avocat ou, sous réserve de l’accord du juge, par toute autre personne de son choix.
La présence de l’avocat est possible dans toute instance relative au prononcé de la mesure de protection ainsi que lorsqu’une modification ou la mainlevée de cette dernière est sollicitée.
Le majeur à protéger ou protégé peut choisir lui-même son avocat ou demander à la juridiction saisie que le bâtonnier lui en désigne un d’office. Dans ce cas, la désignation doit intervenir dans les huit jours de la demande.
Les intéressés sont informés de ce droit dans l’acte de convocation.


III. LE RESPECT DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE

a. La possibilité de mettre en place un débat contradictoire

[Code de procédure civile, article 1213 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
Le juge des tutelles peut ordonner que l’examen de la requête donne lieu à un débat contradictoire à la demande de tout intéressé ou d’office. Cette nouvelle disposition, qui n’a pas vocation à être généralisée, vise à appeler plus particulièrement l’attention des juges sur l’utilité d’un tel débat permettant aux personnes susceptibles d’être affectées ou intéressées par la décision de s’exprimer, et de faire état de tout élément d’explication ou de preuve pertinent et utile à la prise de décision.
Certaines situations sont évoquées par le Code de procédure civile mais la liste n’est pas exhaustive. Sont ainsi visés :
  • le cas où un époux demande à être autorisé par la justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d’état de manifester sa volonté ou si son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille (C. civ., art. 217) ;
  • le cas où, lorsqu’un époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre se fait habiliter par la justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge (C. civ., art. 219) ;
  • le cas où le juge statue sur les empêchements, les retraits et les remplacements qui intéressent les membres du conseil de famille (autres que le tuteur et le subrogé tuteur) (C. civ., art. 397, al. 2) ;
  • le cas où le juge des tutelles souhaite prononcer des injonctions contre les personnes chargées de la protection et condamner à une amende civile celles qui n’y ont pas déféré, voire les dessaisir de leur mission en cas de manquement caractérisé dans l’exercice de celle-ci (C. civ., art. 417) ;
  • la situation dans laquelle la personne chargée de la protection du majeur envisage de prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l’intégrité corporelle de la personne protégée ou à l’intimité de sa vie privée, décision qu’il ne peut prendre, sauf urgence, sans l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué (C. civ., art. 459, al. 3) ;
  • l’hypothèse où il y a litige sur le choix de la résidence de la personne protégée ou de ses relations personnelles avec tout tiers, parent ou non (C. civ., art. 459-2) ;
  • la situation dans laquelle le curateur constate que la personne en curatelle compromet gravement ses intérêts et saisit le juge pour être autorisé à accomplir seul un acte déterminé ou provoquer l’ouverture de la tutelle (C. civ., art. 469, al. 2) ;
  • le cas dans lequel le curateur refuse son assistance à un acte pour lequel son concours est requis et la personne en curatelle demande au juge l’autorisation de l’accomplir seule (C. civ., art. 469, al. 3).
  • les difficultés qui pourraient survenir dans la mise en œuvre de l’habilitation familiale. Le juge statue alors sur demande de tout intéressé ou du procureur de la République (494-10 alinéa 1er du Code civil).
Saisi à cette fin par l’une des personnes visées par l’article 494-3 du Code civil (la personne protégée, conjoint etc.), le juge peut à tout moment modifier l’étendue de l’habilitation ou y mettre fin (494-10 alinéa 2 du Code civil).

b. L’application du principe du contradictoire par les juges

De manière générale, les juges veillent au respect de ce principe. Ainsi, viole l’article 16 du Code de procédure civile, la décision d’un tribunal qui statue dans le cadre d’une requête en remplacement d’un mandataire alors que les comptes de la tutelle n’ont pas été transmis à la requérante qui sollicite ce changement.


IV. LA COMMUNICATION DU DOSSIER

[Code de procédure civile, articles 1222, 1222-1, 1223 à 1224 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
La règle de la communication du dossier est également l’une des illustrations du respect du principe du contradictoire et vise à la fois à répondre aux attentes des familles et des tiers, qui déplorent souvent le défaut d’information, et à protéger l’intimité de la vie privée des personnes protégées, y compris en ce qui concerne la gestion de leur patrimoine ; les conditions d’accès au dossier sont élargies tout en étant strictement encadrées. L’existence de ce droit était déjà prévue dans le Code de procédure civile mais a donc été renforcée par la réforme de 2009.
Ce faisant, la procédure répond aux exigences déjà posées par la jurisprudence. Ainsi, la Cour de cassation a, par exemple, jugé que le principe du contradictoire n’était pas respecté dans une affaire où une personne, placée sous le régime de la curatelle renforcée, n’avait pas été informée de la possibilité de consulter le dossier au greffe conformément aux dispositions du Code de procédure civile applicables à l’époque, et n’avait ainsi pas eu la possibilité de connaître et de discuter les conclusions de l’expertise médicale dont elle avait fait l’objet, sa seule audition par le juge ne suffisant pas. Elle se met également plus en conformité avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

a. La consultation au greffe

Le dossier peut être consulté au greffe jusqu’au prononcé de la décision d’ouverture ou d’habilitation ou, lorsqu’une modification de la mesure de protection, une révision ou un renouvellement de l’habilitation est sollicité, jusqu’à ce qu’il soit statué sur celle-ci :
  • - par le requérant ;
  • par les personnes habilitées à saisir le juge (C. civ., art. 430 et 494-1), mais seulement sur autorisation du juge des tutelles et à condition de justifier d’un intérêt légitime. Cette décision du juge constitue alors une mesure d’administration judiciaire, c’est-à-dire qu’aucun formalisme n’est imposé et qu’elle n’est pas susceptible de recours contentieux (C. proc. Civ., 1224) ;
  • par leurs avocats, si elles en ont désigné un.
À tout moment de la procédure, le dossier peut être consulté au greffe de la juridiction qui le détient, sur demande écrite au juge et sans autre restriction que les nécessités du service, par le majeur à protéger ou protégé, et le cas échéant son avocat, ainsi que par la ou les personnes chargées de la mesure de protection.
À l’instar de ce qui est prévu pour le mineur et son entourage en matière d’assistance éducative (C. proc. civ., art 1187), lorsque la demande de consultation du dossier émane du majeur, le juge peut, par ordonnance motivée notifiée à l’intéressé, exclure tout ou partie des pièces de la consultation si celles-ci sont susceptibles de lui causer un préjudice psychique grave. Cette exclusion ne concerne, bien sûr, pas l’avocat éventuel du majeur qui peut consulter l’entier dossier.

b. La remise d’une copie

L’avocat du majeur protégé ou à protéger peut se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces du dossier. Il ne peut toutefois les communiquer ou les reproduire pour les remettre à son client ou à un tiers. Dès lors, souligne l’administration, s’il est de l’intérêt du majeur que des pièces de son dossier de protection puissent être communiquées dans une procédure judiciaire (pénale, par exemple), il appartiendra à l’avocat de solliciter de la juridiction compétente que les pièces soient versées aux débats par le juge des tutelles.
En outre, uniquement après le prononcé du jugement de mise sous protection, le juge des tutelles peut autoriser la délivrance d’une copie d’une ou de plusieurs pièces du dossier au majeur protégé ou à la personne chargée de la mesure de protection, à condition que ceux-ci justifient d’un intérêt légitime. Là encore, cette décision du juge constitue une mesure d’administration judiciaire, c’est-à-dire non susceptible de recours contentieux. Toutefois, ces dispositions s’appliquent sous réserve des dispositions de l’article 510 du Code civil relatives à la communication des comptes de gestion. Cet article prévoit en effet que le juge peut, après avoir entendu la personne protégée et recueilli son accord, si elle a au moins 16 ans et si son état le permet, autoriser le conjoint, le partenaire du pacte civil de solidarité qu’elle a conclu, un parent, un allié de celle-ci ou un de ses proches, s’ils justifient d’un intérêt légitime, à se faire communiquer à leur charge par le tuteur une copie du compte et des pièces justificatives ou une partie de ces documents.
Enfin, les parties et les personnes investies des charges tutélaires peuvent se voir délivrer une copie des délibérations du conseil de famille et des décisions de justice afférentes à la mesure de protection mais uniquement si elles sont concernées par ces délibérations et décisions. Toute autre personne justifiant d’un intérêt légitime peut également en obtenir des extraits sur autorisation du juge des tutelles. Ici aussi, cette décision du juge constitue une mesure d’administration judiciaire, c’est-à-dire non susceptible d’appel.


V. LES CRITÈRES D’ANALYSE DU JUGE

[Code civil, article 428 ; Code de procédure civile, articles 1212 et 1221[
Le juge ne peut prononcer une mesure de protection judiciaire qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par la mise en œuvre du mandat de protection future conclu par l’intéressé, par l’application des règles du droit commun de la représentation, de celles qui sont relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, par une autre mesure de protection moins contraignante. (cf. supra, section 1, § 1, B).
Dès lors, « avant de décider d’une mesure de protection, le juge doit obligatoirement vérifier qu’aucune autre solution moins contraignante et moins restrictive de droits n’est possible. Il doit en particulier s’assurer, lorsque le majeur est marié, que le régime matrimonial n’est pas suffisant. Aucune référence particulière n’est faite, à ce stade, aux autres couples, pacsés ou concubins. » Il « doit également vérifier qu’aucun mandat de protection future n’existe – ce qui, en l’absence de publicité, amènera nombre de difficultés –, ni aucune mesure d’accompagnement social (MASP) ou de gestion des prestations sociales (MAJ) en vertu du principe de non-cumul des mesures ».
Le juge doit individualiser et proportionner la mesure en fonction du degré d’altération des facultés personnelles de l’intéressé.
Par ailleurs, le magistrat peut, soit d’office, soit à la requête des parties ou du ministère public, ordonner toute mesure d’instruction. Il peut notamment faire procéder à une enquête sociale ou à des constatations par toute personne de son choix.
Il tient compte du certificat médical circonstancié et peut décider d’un nouvel examen.


D. La phase de jugement



I. LA TRANSMISSION DU DOSSIER AU MINISTÈRE PUBLIC

[Code de procédure civile, articles 425, 1225, 1243-1 et 1244 modifiés par décret n° 2019-756 du 22 juillet 2019 portant diverses dispositions de coordination de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice en différentes matières[.
Le décret du 22 juillet 2019 précité organise la communication entre le ministère public et le juge. Désormais, le procureur de la République ne doit plus faire l’objet d’une information automatique de l’ouverture ou de la modification d’une mesure de protection juridique afin qu’il puisse donner son avis. Il appartient au greffe d’aviser le ministère public des lieux, jour et heure de l’audience de prononcé, de modification ou de révision de la mesure de protection des majeurs et des appels interjetés en matière de protection juridique des majeurs (article 1243-1 du Code de procédure civile). Il peut alors adresser, d’office ou à la demande du juge des tutelles, son avis ou ses conclusions sur l’opportunité et les modalités de la protection tant en première instance (1225 alinéa 3 du Code de procédure civile) qu’en appel (article 1243-1 du Code de procédure civile).


II. LE DÉROULEMENT DE L’AUDIENCE

[Code de procédure civile, article 1226 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
À l’audience, le juge va procéder à l’audition :
  • du requérant au prononcé de la protection ;
  • du majeur à protéger, sauf s’il décide d’écarter son audition en vertu des articles 432 ou 494-4 (cf. supra, C, 1, a) ; en outre, dès lors que le majeur aura pu être « appelé ou entendu » dans le cours de la procédure et qu’il a été convoqué à l’audience, « s’il ne souhaite pas s’exprimer une nouvelle fois, sa présence demeure non indispensable à l’audience de jugement », précise l’administration ;
  • le cas échéant, du ministère public.
Si les parties ont désigné un ou des avocats, ces derniers sont également entendus et formulent leurs observations. L’instruction et le jugement de l’affaire ont lieu en chambre du conseil, c’est-à-dire hors de la présence de tout tiers. Seuls sont présents les magistrats, les parties et leurs avocats, le cas échéant.


III. LA DÉCISION DU JUGE

À l’issue de l’instruction, la décision du juge doit intervenir dans certains délais qui sont différents selon que l’on est dans le cadre de l’ouverture de la mesure de protection ou qu’une requête est formulée une fois la mesure prononcée.

a. Les délais dans lesquels la requête doit intervenir

1. La requête aux fins de protection du majeur
[Code de procédure civile, article 1227[
Le juge doit se prononcer sur la requête aux fins de protection du majeur dans l’année où il en a été saisi. À défaut, la requête devient caduque.
2. Les requêtes présentées après le prononcé de la protection
[Code de procédure civile, article 1229 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
Hors les cas où il ordonne un débat contradictoire en application de l’article 1213 du Code de procédure civile (cf. supra, C, 3), le juge statue sur les requêtes qui lui sont adressées après le prononcé de la protection par le majeur protégé ou la personne chargée de sa protection dans les trois mois de leur réception. Cette disposition n’étant pas assortie de sanctions, elle revêt avant tout un caractère incitatif. Sont notamment visés les demandes d’autorisation d’accomplir des actes de disposition (vente d’immeuble, acceptation de succession...) et les actes touchant à la protection de la personne.
En outre, ce délai ne s’impose pas lorsque les requêtes nécessitent le recueil d’éléments d’information, la production de pièces complémentaires, le recours à une mesure d’instruction ou toute autre investigation. Dans ce cas, le juge doit cependant, avant l’expiration du délai de trois mois, aviser le requérant de ce qu’il ordonne de telles investigations, et il doit lui indiquer la date prévisible, à laquelle il estime pouvoir rendre sa décision. En résumé, que le juge statue sur la requête ou qu’il avise le requérant des investigations diligentées et de la date prévisible de la décision, une réponse doit être apportée à l’auteur de la requête dans les trois mois.
3. Les requêtes portant sur le renouvellement de la mesure
[Code de procédure civile, article 1228[
Lorsque la requête porte sur le renouvellement de la tutelle ou de la curatelle, sa modification, la substitution d’une mesure à une autre, la délivrance d’une habilitation familiale générale et tant que la mesure prononcée ne devient pas plus sévère (C. civ., art. 442 et 494-6), le juge statue :
  • après avoir entendu ou convoqué la personne protégée dans les conditions prévues aux articles 1220 à 1220-2 du Code de procédure civile. Ainsi, le magistrat peut se déplacer dans toute l’étendue du ressort de la cour d’appel ainsi que dans les départements limitrophes de celui où il exerce ses fonctions. L’audition de la personne peut également se dérouler au siège du tribunal, au lieu où elle réside habituellement, dans l’établissement de traitement ou d’hébergement ou en tout autre lieu approprié.
    L’audition n’est pas publique. Par ailleurs, le juge peut, s’il l’estime opportun, procéder à cette audition en présence du médecin traitant ou de toute autre personne ;
  • et après avoir recueilli l’avis de la personne chargée de la mesure de protection. Sa décision est ensuite notifiée dans les conditions prévues aux articles 1230 à 1231 du Code de procédure civile (cf. infra, b).
Toutefois, lorsqu’il y a lieu de renforcer le régime de protection (C. civ., art. 442, al. 4), des garanties supplémentaires s’appliquent. Les dispositions des articles 1218, 1220-3 à 1221, 1225 et 1226 du Code de procédure civile jouent.
Ainsi, la requête aux fins d’ouverture de la mesure renforcée doit être effectuée comme la requête initiale sous peine d’irrecevabilité (présentation d’un certificat médical circonstancié ; identité de la personne à protéger et énoncé des faits qui appellent ce renforcement) (C. proc. civ., art. 1218). En outre, le juge des tutelles ne peut statuer sur cette requête relative à la protection de la personne du majeur protégé qu’après avoir entendu ou appelé celui-ci, sauf si l’audition est de nature à porter atteinte à sa santé ou si celui-ci est hors d’état d’exprimer sa volonté. Il peut procéder à l’audition, s’il l’estime opportun, des personnes habilitées à le saisir dans le cadre d’une première requête (C. civ, art. 430).
Cette audition est de droit lorsqu’elle est sollicitée par une personne demandant à exercer la mesure de protection (C. proc. civ., art. 1220-3 et 1220-4). Par ailleurs, il peut, soit d’office, soit à la requête des parties ou du ministère public, ordonner toute mesure d’instruction.
Il peut notamment faire procéder à une enquête sociale ou à des constatations par toute personne de son choix (C. proc. civ., art. 1221). Les règles applicables au déroulement de l’audience et celles sur la transmission du dossier au ministère public jouent également (C. proc. civ., art. 1225 et 1226).

b. La notification de la décision du juge

[Code de procédure civile, articles 1230, 1230-1 et 1231[
La décision du juge est notifiée, par le biais du service du greffe, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le juge peut, toutefois, décider qu’elles seront faites par acte d’huissier de justice. Ajoutons que la délivrance par le greffe d’une copie certifiée conforme d’une décision du juge ou d’une délibération du conseil de famille vaut notification. Pour cela, encore faut-il que les voies de recours et les sanctions encourues pour recours abusif soient portées à la connaissance de l’intéressé. Sous réserve de ce qui vient d’être dit, la notification est faite :
  • au requérant ;
  • à la personne chargée de la protection ou à l’administrateur légal ;
  • à tous ceux dont elle modifie les droits ou les obligations. Le jugement qui statue sur une demande d’ouverture d’une protection ou ordonnant l’habilitation familiale d’un majeur est notifié à la personne protégée elle-même. Toutefois, le juge peut, par décision spécialement motivée, décider qu’il n’y a pas lieu de notifier le jugement prononçant l’ouverture de la mesure de protection au majeur protégé si cette information est de nature à porter préjudice à sa santé.
Dans ce cas, la notification en est faite à son avocat, s’il en a désigné un, ainsi qu’à la personne que le juge estime la plus qualifiée pour recevoir cette notification.
Avis de ce jugement est également donné au procureur de la République.
Enfin, il peut être notifié, si le juge l’estime utile, aux personnes qu’il désigne parmi celles que la loi habilite à exercer un recours ainsi qu’au subrogé tuteur dans le cas où le juge statue sur les autorisations que le tuteur sollicite pour les actes qu’il ne peut accomplir seul (C. civ., art. 502).


IV. LA PUBLICITÉ DE LA MESURE

[Code civil, article 444 ; Code de procédure civile, article 1233[
Par ailleurs, un extrait de toute décision portant ouverture, modification de régime ou de durée ou mainlevée d’une mesure de curatelle ou de tutelle concernant un majeur ou un extrait de toute décision accordant, modifiant, renouvelant ou mettant fin à une habilitation générale est transmis par tout moyen au greffe du tribunal de grande instance dans le ressort duquel est née la personne protégée, afin d’être conservé sur le répertoire civil et de publicité par mention en marge de l’acte de naissance.
Cette transmission est faite :
  • par le greffe du tribunal d’instance dans les 15 jours qui suivent l’expiration des délais de recours lorsque la décision est rendue par le juge des tutelles ;
  • par le greffe de la cour d’appel dans les 15 jours de l’arrêt lorsque la décision est rendue par cette instance (en cas de recours).
Enfin, lorsqu’une mesure de protection prend fin à l’expiration du délai fixé ou pour une autre cause que le décès de la personne à l’égard de qui l’habilitation familiale a été délivrée, avis en est donné par tout moyen et aux mêmes fins par le greffe du tribunal d’instance, d’office ou après avoir été saisi par tout intéressé, au greffe du tribunal de grande instance dans le ressort duquel est née la personne protégée.
Dans ces cas, « les jugements portant ouverture, modification ou mainlevée de la curatelle ou de la tutelle ne sont opposables aux tiers que deux mois après que la mention en a été portée en marge de l’acte de naissance » (article 444 du Code civil). Toutefois, même en l’absence de cette mention, ils sont opposables aux tiers qui en ont personnellement connaissance.


À NOTER :

cette publicité ne vaut pas pour la sauvegarde de justice. Cependant, les articles 1251 et 1251-1 du Code de procédure civile prévoient que le procureur de la République tient un répertoire recensant les décisions et déclarations de placement sous sauvegarde de justice dont la copie peut être obtenue par certaines personnes (cf. infra, § 2, A, 1, b et 2).


(1)
décret n° 2019-756 du 22 juillet 2019 portant diverses dispositions de coordination de la loi n° 2019-22 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, JORF du 24 juillet 2019


(2)
(Protection juridique des majeurs vulnérables, Rapport, Défenseur des droits, 2016, p. 24).


(3)
(Ibidem, p. 24).


(4)
(Ibidem, p. 24).


(5)
(en ce sens, C. ABADI et A PRADIE, « Les droits fondamentaux des majeurs protégés », Rapport d’information, 26 juin 2019, pp. 27-28. ; A. CARON DÉGLISE, L’évolution de la protection juridique des personnes. Reconnaître, soutenir et protéger les plus vulnérables, 2018, pp. 29-42.).

SECTION 4 - LES MESURES JUDICIAIRES DE PROTECTION

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur