Recevoir la newsletter

LA CURATELLE ET LA TUTELLE : MESURES DE PROTECTION DURABLE

Article réservé aux abonnés

La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a maintenu les mesures de curatelle et de tutelle tout en les simplifiant et en les réorganisant.
A l’inverse de la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle constituent des régimes de protection durable du majeur.
La loi définit un certain nombre de règles communes à ces deux mesures. Ainsi, selon le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Emile Blessig, « il est donc mis fin au dispositif actuel qui, en distinguant plusieurs modalités d’exercice de la tutelle ou de la curatelle, définit des régimes différents, régis par des pouvoirs, des règles de responsabilité et un mode de rémunération propres, et aboutit à un système particulièrement complexe et soumis à des interprétations divergentes ».
Si la tutelle constitue un degré de protection supérieure à la curatelle, les dispositions qui lui sont applicables seront présentées avant celles de la curatelle dans les développements qui suivent pour faciliter la compréhension. En effet, le Code civil explicite certaines missions du curateur par comparaison à celles du tuteur.


A. Les règles communes



I. LES FINALITÉS DE CHAQUE MESURE : REPRÉSENTATION ET ASSISTANCE

[Code civil, article 440 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
La loi définit les objets respectifs de la curatelle et de la tutelle.
Ainsi, la curatelle a pour objet d’assister ou de contrôler, de façon continue et dans les actes importants de la vie civile, le majeur qui, sans être hors d’état d’agir lui-même, nécessite, du fait de l’altération de ses facultés personnelles, d’être assisté ou contrôlé.
Degré de protection supérieure, la tutelle vise à représenter, de manière continue et dans les actes de la vie civile, le majeur dont l’altération des facultés personnelles rend la représentation obligatoire.
Ainsi, la loi distingue bien les notions de représentation (tutelle) et d’assistance (curatelle) dans le souci de respecter le principe de proportionnalité. Toutefois, si la définition des mesures tient bien compte de cette différence, la distinction de leurs effets n’est pas toujours nette, surtout lorsque la curatelle est renforcée.
La loi indique en outre clairement que la tutelle et la curatelle sont des régimes de protection durable par opposition à la sauvegarde de justice, régime de protection par nature temporaire. S’agissant de la curatelle, la loi précise qu’elle couvre seulement les actes les plus importants, ce qui ne figurait pas dans la définition antérieure. Mais la principale innovation du texte tient à l’affirmation d’un principe de subsidiarité entre les trois régimes de protection judiciaire, principe déjà exprimé par l’article 128 du Code civil (cf. supra, section 1, § 1). Désormais, le juge ne peut prononcer une mesure qu’après avoir vérifié qu’une mesure moins « incapacitante » n’apporterait pas une protection suffisante. Autrement dit, l’ouverture d’une curatelle n’est possible qu’en cas d’insuffisance d’une sauvegarde de justice et celle d’une tutelle qu’en cas d’insuffisance d’une sauvegarde de justice et d’une curatelle. Ce principe a d’ailleurs été récemment illustré par une décision de justice. En l’espèce, la requérante placée sous curatelle réclamait la mainlevée de cette mesure au profit d’une sauvegarde de justice qui aurait été, selon elle, suffisante, ce qui lui a été refusé en première instance. La personne protégée a alors considéré que les juges n’avaient pas fait la preuve de son besoin d’une assistance continue pour les actes importants de la vie civile ni examiné si la sauvegarde aurait été suffisante. Pour conclure, elle estimait que l’article 440 du Code civil n’était pas respecté. La Haute Juridiction n’a pas vu la situation de la même façon : il ressort en effet de l’expertise médicale que l’intéressée présentait « une psychose chronique, que son délire était toujours présent, que son déni des troubles psychiatriques entraînant un refus de soins était inquiétant » et « ne permettent pas de lui laisser la libre gestion de son capital ». « Les éléments médicaux du dossier établissent en outre qu’elle a toujours besoin d’être conseillée ou contrôlée dans les actes de la vie civile. Dès lors, conclut la Cour, le tribunal a donc bien caractérisé « la nécessité d’une protection continue et par là même l’insuffisance d’une mesure de sauvegarde nécessairement temporaire ».
Il découle de ces principes que l’ouverture d’une tutelle et d’une curatelle ne sera possible qu’à deux conditions cumulatives :
  • une altération des facultés personnelles de la personne à protéger ;
  • la nécessité :
    • d’une assistance dans les actes importants de la vie civile si une curatelle est sollicitée,
    • ou d’une représentation, de manière continue et dans les actes de la vie civile si c’est une tutelle qui est recherchée (l’évocation de simples difficultés ne sera donc pas suffisante [78[).
Rappelons que le cas d’ouverture de la curatelle pour prodigalité, intempérance ou oisiveté a été supprimé par la loi du 5 mars 2007. Dès lors, depuis le 1er janvier 2009, lors du réexamen par le juge de la mesure ordonnée à ce titre avant cette date, sa mainlevée devra être ordonnée, « le juge conservant néanmoins la possibilité, au vu d’un certificat médical, de “convertir” cette mesure en une autre mesure de protection juridique adaptée. Si les difficultés de la personne ne sont pas liées à une altération avérée de ses facultés, et si elle perçoit des prestations sociales, le juge pourra l’inviter à contacter les services sociaux aux fins de mettre en place une mesure d’accompagnement social personnalisé » (circulaire du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C).


II. LA DURÉE DE LA MESURE

[Code civil, articles 441 et 442[

a. Principe d’une mesure quinquennale

La loi du 5 mars 2007 encadre la durée initiale et les conditions de renouvellement de la tutelle et de la curatelle afin de les soumettre à des révisions régulières. Auparavant, ces deux mesures étaient prononcées pour une durée indéterminée et leur cessation requerrait une mainlevée judiciaire constatant la disparition des causes à l’origine de leur prononcé. La loi du 16 février 2015 de modernisation et simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures prévoit de surcroît que la durée de la mesure peut être portée à dix ans dès lors que l’état de santé de l’intéressé ne paraît pas susceptible d’amélioration. (1)
Depuis le 1er janvier 2009, le juge doit fixer la durée de la mesure, qui ne peut excéder cinq ans. Il peut la renouveler pour la même durée.
Exception à la règle : depuis le 18 février 2015, date d’entrée en vigueur de la loi du 16 février de la même année, le juge qui prononce une mesure de tutelle (et non de curatelle) peut, sous trois conditions, fixer une durée initiale plus longue :
  • la mesure initiale ne doit pas excéder dix ans. Jusque-là, le juge avait seulement l’obligation de fixer une durée ;
  • la décision du juge doit être spécialement motivée ;
  • un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République doit rendre un avis conforme « constatant que l’altération des facultés personnelles de l’intéressé [...[ n’apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science ».
Selon la jurisprudence, ce certificat du médecin doit expressément préconiser le renouvellement de la mesure pour une durée supérieure à 5 ans. En d’autres termes, le constat de l’état médical ne suffit pas quand bien même il est indiqué que l’altération des facultés mentales d’une personne protégée résultait d’une schizophrénie avec déficit cognitif apparaissant peu susceptible de connaître une amélioration, selon les données acquises de la science.
À défaut de renouvellement au terme de la durée fixée, la mesure est frappée de caducité. La personne retrouve sa pleine capacité par l’effet même de la loi, sans qu’il soit nécessaire qu’un jugement le constate (cf. infra, 4). Les garanties procédurales applicables à l’ouverture de la mesure (audition, communication du dossier...) le sont également à son renouvellement.

b. Renouvellement de la mesure

[Code civil, article 442[
La loi du 16 février 2015 de modernisation et simplification du droit précitée introduit, par ailleurs, un plafond dans le cas du renouvellement de la mesure de tutelle ou de curatelle. Cette dernière peut être renouvelée pour la même durée et, lorsque l’altération des facultés le justifient, pour une durée plus longue qui ne peut, dans tous les cas, excéder vingt ans. Les mêmes conditions de forme que pour la tutelle de dix ans sont alors exigées.

c. Délai de révision des mesures prévus par la loi du 23 mars 2019

En application de l’article 442 alinéa 2 du Code civil modifié, une mesure prononcée à l’égard d’une personne dont l’altération des facultés intellectuelles n’apparaît pas susceptible de s’améliorer ne peut être fixée pour une durée supérieure à vingt ans, renouvellement compris.
Par contre, dans le but de mettre en conformité les mesures excédant la durée de « droit commun » de dix ans prises avant la loi de 2015 et qui s’étiraient sur plusieurs décennies, le législateur avait prévu une révision de l’intégralité du stock concerné avant 2025. Cependant, face à la charge de travail représentée par ce délai de révision assez court concernant un assez grand nombre de mesures, il a été décidé d’accorder aux juridictions un temps supplémentaire pour procéder à la révision de celles qui n’excédaient pas vingt ans.
Avec la réforme du 23 mars 2019, la révision obligatoire est repoussée de 2025 à 2035 maximum sous réserve qu’un certificat médical ait constaté qu’aucune amélioration de l’état de santé n’était envisageable. Le report de la date de révision prévu par la réforme a pour but d’éviter que certaines ne deviennent caduques faute d’avoir été renouvelées avant la date butoir en raison de la charge de travail des juridictions.
En résumé on peut dire :
  • les mesures d’une durée comprise entre dix et vingt ans, prononcées avant l’entrée en vigueur de la loi du 16 février 2015 ne doivent plus être révisées avant 2025 mais peuvent aller jusqu’à leur terme sous réserve qu’un certificat médical ait constaté qu’aucune amélioration de l’état de santé n’était envisageable ;
  • les mesures prononcées pour plus de vingt ans restent soumises à la révision obligatoire avant 2025.
Les dispositions ci-dessus résumées sont entrées en vigueur le 25 mars 2019.


III. LES DIFFÉRENTS ORGANES DE PROTECTION

Une grande liberté est offerte dans l’organisation de la tutelle ou de la curatelle. Il est possible de désigner un ou des tuteurs ou curateurs, selon le cas, de leur adjoindre des subrogés tuteurs ou curateurs, d’opter pour des subrogés ad hoc, voire de nommer plusieurs tuteurs ou curateurs.
En outre, les conditions de désignation des personnes chargées de la curatelle ou de la tutelle sont unifiées. Ainsi, alors que le curateur était auparavant le seul organe de la curatelle, celle-ci peut, depuis le 1er janvier 2009, à l’instar de ce qui existe pour la tutelle, être constituée avec un subrogé curateur ou un curateur ad hoc. Seule la possibilité de constituer un conseil de famille demeure réservée à la tutelle.

a. Le curateur ou le tuteur

Pour exercer leurs missions de tuteur ou de curateur, les intéressés doivent remplir certaines conditions. En outre, les règles de leur désignation sont très encadrées.
1. Le cadre général de l’exercice de cette mission
[Code civil, articles 445, 452 et 453 ; décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, JO du 31-12-08, modifié par décret n° 2009-1628 du 23 décembre 2009, JO du 26-12-09, article 19[.
a[ Les conditions d’exercice de leurs charges
Les règles d’exercice des fonctions curatélaires et tutélaires sont fixées par référence à celles qui sont applicables à la tutelle des mineurs, prévues aux articles 395 à 397 du Code civil.
Pour exercer une charge curatélaire ou tutélaire, les intéressés doivent :
  • disposer de leur pleine capacité juridique, c’est-à-dire ne pas être placés sous un régime de protection ;
  • ne pas avoir fait l’objet d’une interdiction d’exercer une telle charge par l’effet d’une condamnation pénale les privant de leurs droits civiques, civils et de famille ;
  • ne pas être mineurs non émancipés ;
  • ne pas s’être vu retirer l’autorité parentale.
Certaines règles d’incompatibilités médicales sont également posées. Ainsi, l’exercice d’une charge curatélaire ou tutélaire est interdite non seulement au médecin traitant mais aussi à l’ensemble des professionnels et auxiliaires médicaux qui soignent la personne protégée et aux pharmaciens.
En outre, le fiduciaire désigné par le contrat de fiducie ne peut exercer une charge curatélaire ou tutélaire à l’égard du constituant (C. civ., art. 445).
Enfin, la curatelle ou la tutelle constitue une charge personnelle qui engage la responsabilité de son titulaire.
Ce dernier peut toutefois faire appel, sous sa responsabilité, à des tiers ne faisant pas l’objet d’une mesure de protection juridique pour accomplir certains actes dont la liste a été fixée par un décret du 22 décembre 2008, modifié (art. 3). Il s’agit :
  • des actes conservatoires qui permettent de sauvegarder le patrimoine ou de soustraire un bien à un péril imminent ou à une dépréciation inévitable sans compromettre aucune prérogative du propriétaire ;
  • des actes regardés comme « actes d’administration » soit d’emblée, soit en fonction de circonstances d’espèce (colonne 1 des tableaux des annexes 1 et 2 du décret du 22 décembre 2008 modifié), sous réserve qu’ils n’emportent ni paiement ni encaissement de sommes d’argent par ou pour la personne protégée.
b[ Le retrait de cette charge ou les remplacements
[Code civil, article 445[
Les charges tutélaires et curatélaires peuvent être retirées en raison de l’inaptitude, de la négligence, de l’inconduite, ou de la fraude de ceux à qui elles ont été confiées. Il en est de même lorsqu’un litige ou une contradiction d’intérêts empêche le titulaire de la charge de l’exercer dans l’intérêt du majeur.
Par ailleurs, la personne à qui une charge a été confiée peut être remplacée en cas de changement important dans sa situation.
Le retrait de la charge ou le remplacement de la personne à laquelle est confiée la protection est décidé (C. civ., art. 397) :
  • par le conseil de famille, en cas de tutelle dotée d’un tel organe, en ce qui concerne le tuteur ou le subrogé tuteur (voire le tuteur ad hoc) ;
  • par le juge, pour la tutelle sans conseil de famille et pour la curatelle.
Ces mêmes instances se prononcent sur les éventuels empêchements à exercer les missions de tuteur ou de curateur.
Dans tous les cas, les intéressés doivent être entendus ou appelés pour un retrait par celui qui a confié la mesure (C. civ., art. 397).
c[ La durée de la mission
« Nul n’est tenu de conserver la curatelle ou la tutelle d’une personne au-delà de cinq ans » (C. civ., art. 453, al. 1). Mais il en a la possibilité. Autrement dit, la charge ainsi confiée dure au minimum cinq ans (sauf situations mettant fin à la mesure), ce qui correspond à la durée de principe de la mesure. Les intéressés peuvent demander à en être déchargés une fois passé ce délai.
Toutefois, certaines personnes – dont la liste a été modifiée par la loi du 5 mars 2007 – sont obligées de conserver la mesure au-delà de cinq ans. Il s’agit :
  • du conjoint et du partenaire pacsé du majeur protégé ;
  • des enfants du majeur protégé ;
  • des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, personne physique ou personne morale.
2. La désignation du curateur ou du tuteur
Il revient au juge des tutelles de désigner le curateur, mais aussi le tuteur en l’absence de conseil de famille. Un choix régi par certaines règles.
a[ Une décision du conseil de famille ou du juge...
[Code civil, articles 446 à 449 et 456[
La nomination du tuteur représente une prérogative du conseil de famille s’il a été constitué, et du juge dans le cas contraire.
La curatelle fonctionnant, dans tous les cas, sans conseil de famille, c’est toujours au juge qu’il revient de désigner le curateur.
En vue de mieux prendre en considération la volonté de la personne à protéger et de sa famille, le juge doit prendre sa décision en tenant compte des sentiments exprimés par le majeur, de ses relations habituelles, de l’intérêt porté à son égard et des recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage.
b[ ... soumise à certaines règles
Plusieurs règles s’imposent dans le choix du tuteur et du curateur.
i[ Le respect du choix préalable du majeur à protéger
[Code civil, article 448 ; Code de procédure civile, article 1255 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
En premier lieu, toute personne détenant encore sa capacité juridique peut désigner une ou plusieurs personnes qu’elle chargera d’exercer les fonctions de curateur ou de tuteur pour le cas où elle serait placée en curatelle ou en tutelle. Cette désignation anticipée ne peut être faite que par une déclaration devant notaire ou par un acte écrit en entier, daté et signé de la main du majeur concerné. Cette possibilité est donc bien « distincte du mandat de protection future ».
COMMUNICATION PAR VOIE ÉLECTRONIQUE DANS LE CADRE DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DES MAJEURS
Depuis un arrêté du 22 février 2011 (2), les envois, remises et notifications des actes de procédures, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles doivent répondre à certaines garanties, fixées par ce texte, lorsqu’ils sont effectués par voie électronique entre un mandataire judiciaire à la protection des majeurs ou un proche ou un membre de la famille et un tribunal d’instance, dans le cadre d’une mesure de protection judiciaire des majeurs.
En pratique, après avoir reçu la décision qui la désigne, la personne chargée de la protection d’un majeur peut exprimer le souhait de recourir à l’usage du portail (www.tutelle.justice.gouv.fr).
A cette fin, elle doit se présenter à la juridiction compétente, indiquer son adresse de messagerie et justifier de son identité. L’agent du greffe inscrit dans l’application de gestion des mesures de tutelles les informations permettant l’obtention du mot de passe à usage unique par requête : numéro de tribunal d’instance, numéro de mesure, adresse électronique de la personne chargée de la mesure de protection.
La personne chargée de la mesure de protection peut, dès lors, demander la génération d’un mot de passe à usage unique en renseignant sur le système mis à sa disposition les informations suivantes : numéro de tribunal d’instance, numéro de mesure par requête, adresse électronique communiquée au greffe du tribunal d’instance.
Le système contrôle la cohérence de ces informations et génère un mot de passe à usage unique par requête. Ce mot de passe, appelé « numéro de saisie » dans l’application, est transmis à la personne chargée de la mesure de protection à son adresse électronique. Ce mot de passe est valable quarante-huit heures. Dans ce délai, elle peut se connecter au portail, utiliser ce code pour la saisie d’une requête, d’un compte de gestion ou d’inventaire. Passé ce délai, ce code ne permet plus l’accès.
Ce numéro de saisie autorise la personne chargée de la protection du majeur à consulter ou à compléter la requête. Si elle doit saisir plusieurs requêtes, elle devra obtenir autant de numéros de saisie.
De même et suivant les mêmes formes, les parents ou le dernier vivant des père et mère, qui ne font pas l’objet d’une mesure de tutelle ou de curatelle, et qui exercent l’autorité parentale sur leur enfant mineur, ou qui assument la charge matérielle et affective de ce dernier devenu majeur, ont la faculté de désigner une ou plusieurs personnes chargées d’exercer les fonctions de curateur ou de tuteur à compter du jour de leur décès ou lorsqu’ils ne pourront plus continuer à en prendre soin.
Dans les deux cas, cette décision s’impose au juge, sauf si la personne désignée refuse la mission ou est dans l’impossibilité de l’exercer ou si l’intérêt de la personne protégée commande de l’écarter. En cas de difficulté le juge statue.
Le juge conserve donc sa pleine liberté d’appréciation et d’évaluation de l’intérêt du majeur, y compris dans l’hypothèse où le majeur a conclu un mandat de protection future, mais que celui-ci n’a pas été mis en œuvre.
En effet, le juge doit vérifier, par l’instruction de la demande de protection, les raisons pour lesquelles ce mandat n’a pas été mis en œuvre alors que le mandant est touché par une altération de ses facultés. Le choix fait par le mandant, à une époque où il nouait des relations de pleine confiance avec le mandataire, peut ne plus être dans son intérêt le jour où la protection devient nécessaire.
ii[ Le principe de la priorité familiale
Si la personne n’a pas désigné, lorsqu’elle en était encore capable, de curateur ou de tuteur, c’est au juge (ou au conseil de famille, le cas échéant, en cas de tutelle) qu’il revient de prendre la décision. Certaines règles s’imposent à lui. La loi du 5 mars 2007 a, à cet égard, renforcé le principe de priorité familiale.
iii[ Le conjoint, partenaire, concubin
[Code civil, article 449, alinéa 1[
Traditionnellement, l’époux est en principe le curateur ou le tuteur de son conjoint, à condition toutefois que la communauté de vie n’ait pas cessé entre eux. En effet, en cas de rupture de la vie commune, l’époux, qui a par ailleurs une autre vie affective et un lieu de résidence éloigné, ne peut donc être désigné même s’il assistait matériellement et économiquement son épouse de façon permanente depuis le début de sa maladie. S’il n’est pas digne de confiance ou capable de gérer les biens de son conjoint, le juge a la possibilité de l’écarter. De même, l’épouse d’un majeur protégé ne peut obtenir la tutelle, au moment du renouvellement de la mesure, lorsqu’une action en annulation de leur mariage est en cours et a été engagée par le tuteur nommé préalablement à leur mariage.
Depuis 2009, afin d’intégrer les nouvelles formes de conjugalité, la situation du partenaire pacsé et du concubin a été alignée sur celle de l’époux. Ainsi, quel que soit le statut du couple, la curatelle ou la tutelle revient en priorité à la personne avec laquelle le majeur vit. Cette priorité ne joue, là encore, que si la vie commune n’a pas cessé entre eux et, comme nous l’avons vu, en l’absence de désignation par le majeur, ou par le dernier vivant de ses père et mère, d’un curateur ou d’un tuteur futur. En outre, le juge peut écarter la personne vivant avec le majeur « pour une autre cause ».
Le « conjoint » au sens large peut alors demander à bénéficier d’une information et d’un soutien dont les grandes lignes ont été définies par décret (CASF, art. L. 215-4) (cf. infra, chapitre III, section 1, § 1, B).
iv[ Les parents, alliés ou proches
[Code civil, article 449, alinéa 2 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
À défaut de mandat puis de conjoint, concubin ou partenaire pacsé, le tuteur ou le curateur peut être choisi parmi les proches du majeur. Avant 2009, c’était seulement dans le cas de la tutelle que les textes permettaient au juge de désigner comme tuteur un parent ou un allié apte à gérer les biens du majeur.
Désormais, en l’absence de conjoint, de partenaire pacsé ou de concubin susceptible d’être désigné, le juge doit prioritairement nommer, et ce quel que soit le régime de protection choisi (curatelle ou tutelle) :
  • un parent ;
  • un allié ;
  • toute personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables. On peut songer, par exemple, « à un pensionnaire plus jeune dans une structure d’hébergement collectif ». L’article 449 du Code civil donne la possibilité au juge de désigner comme curateur ou tuteur une personne proche du majeur mais qui ne réside pas avec lui (un ami de longue date, un voisin attentionné...).
Le juge dispose néanmoins du même pouvoir d’appréciation à l’égard des proches du majeur qu’à l’égard de la personne avec laquelle il vit, puisqu’il peut invoquer une cause empêchant de leur confier la mesure. Le juge dispose d’une totale liberté pour organiser la protection et peut notamment désigner comme curateur ou tuteur un proche tout en lui adjoignant un subrogé, voire, en cas de tutelle, un conseil de famille. Pour faire son choix, il prend en considération les sentiments exprimés par le majeur, ses relations habituelles, l’intérêt porté à son égard et les recommandations éventuelles de ses parents et alliés ainsi que de son entourage.
À l’instar du conjoint, du concubin ou du partenaire, les proches ou alliés peuvent également demander à bénéficier d’une information qui leur est dispensée dans les conditions fixées par les articles R. 215-14 à R. 215-17 du code de l’action sociale et des familles (cf. infra, chapitre III, section 1, § 1, B).
v[ Un mandataire judiciaire à la protection des majeurs
[Code civil, article 450[
Ce n’est que « lorsque aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer la tutelle ou la curatelle » que le juge désignera un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, c’est-à-dire un professionnel. Ce sera notamment le cas lorsque la famille n’a pas fait preuve d’intérêt pour la personne protégée. Il en est ainsi, par exemple, lorsque les enfants de la personne protégée ont été « contactés à plusieurs reprises par le centre hospitalier » dans lequel celle-ci se trouvait, mais qu’ils ont « refusé toute communication avec le personnel soignant ». En outre, « régulièrement convoqués à différentes instances judiciaires dans l’intérêt de leur mère, ils n’avaient pas comparu ». Dès lors, les intéressés « n’avaient pas les qualités nécessaires pour exercer des fonctions tutélaires, lesquelles exigent une communication avec l’équipe soignante, une prise en charge des affaires de la majeure protégée et une collaboration avec le juge des tutelles dans le seul intérêt de la majeure protégée ». Il en sera de même en présence de conflits familiaux, en particulier de dissensions importantes entre les enfants de la majeure protégée. En revanche, les juges ne peuvent écarter la nomination de la nièce d’une personne protégée, malgré les sentiments exprimés par cette dernière qui souhaitait qu’elle soit désignée « sans préciser ce qui interdisait [...[ de confier la curatelle à sa nièce ». Les juges s’étaient, en effet, contentés de préciser que cette désignation était inopportune « en raison de la trop grande vulnérabilité de l’intéressée ». On relèvera toutefois que, dans une autre affaire récente, les juges n’ont pas accordé la charge de la mesure de protection à la sœur d’une personne protégée (son frère), pourtant proche de lui, et ont préféré maintenir l’octroi de la mesure à une association tutélaire, pour des raisons procédurales. En l’espèce, les magistrats ont examiné l’affaire sous l’angle de la nécessité de la mesure de protection – ce qui était bien le cas – et n’ont pas jugé qu’ils étaient saisis d’une demande de changement de la personne désignée pour assurer la mesure de protection.
Avant 2009, le Code civil prévoyait en effet, en cas de vacance de la tutelle ou de la curatelle (c’est-à-dire lorsque personne n’était en mesure d’en assumer la charge), que le juge la défère à l’État. Cette curatelle ou tutelle d’État pouvait ensuite être confiée soit au préfet, soit à un notaire, soit à une personne physique ou morale choisie sur une liste établie par le procureur de la République après avis du préfet. Le juge pouvait également, en considération de la consistance du patrimoine à gérer, c’est-à-dire lorsque le patrimoine du majeur était peu important, décider une tutelle en gérance et la confier à un administrateur spécial. Ce dernier pouvait être une personne qualifiée figurant sur une liste établie chaque année par le procureur de la République, une association reconnue d’utilité publique, une association déclarée ou une fondation ayant une vocation sociale et figurant sur une liste établie chaque année par le procureur de la République, ou encore une personne physique ou morale agréée comme tuteur aux prestations sociales.
Désormais, un régime unique d’attribution de la mesure de protection à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, inscrit sur une liste dressée et tenue à jour par le préfet de département, est mis en place (cf. infra, chapitre III, section 1, §2, B, 2). Ce mandataire ne peut pas refuser d’accomplir les actes urgents que commande l’intérêt du majeur, et en particulier les actes conservatoires indispensables à la préservation de son patrimoine.
vi[ Un préposé d’établissement
[Code civil, article 451[
Si la personne est hébergée ou soignée dans un établissement de santé ou dans un établissement social ou médico-social, et si son intérêt le justifie, le juge peut également désigner en qualité de tuteur ou de curateur une personne ou un service préposé de l’établissement inscrit sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Cette désignation est obligatoire dans certains établissements (cf. infra, chapitre III, section 2, § 2, B, 2).
Cette possibilité figurait déjà dans le droit antérieur à 2009 puisqu’il était possible au juge de nommer un préposé appartenant au personnel administratif de l’établissement de traitement du majeur comme gérant de tutelle, si le patrimoine du majeur était peu important. Ce régime fonctionnait comme la tutelle en gérance confiée à un administrateur spécial.
La loi l’étend à tout établissement de santé et à tout établissement social ou médico-social qui héberge ou soigne le majeur et ne la subordonne plus à la faiblesse de son patrimoine.
La mission confiée au mandataire s’étend à la protection de la personne du majeur (sauf décision contraire du juge).
Plusieurs voix se sont élevées contre cette disposition en arguant qu’elle serait source de conflits d’intérêts. Le préposé chargé de la tutelle d’un majeur examinera-t-il, par exemple, avec objectivité la demande de ce dernier de quitter l’établissement ? Emile Blessig, rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale, s’est voulu rassurant. « L’exercice de la mesure par un membre du personnel de l’établissement d’hébergement répond à des exigences de proximité : la personne protégée rencontre plus facilement la personne en charge de sa protection et, au-delà de la gestion patrimoniale, la prise en compte de la protection de la personne s’en trouve plus effective et plus adaptée aux attentes et besoins de la personne ». Pour le rapporteur au Sénat, Henri de Richemont, les risques sont réels mais la loi apporte des garanties suffisantes. En outre, il s’agit d’une simple possibilité offerte au juge qui appréciera l’opportunité d’en faire usage.
vii[ La désignation de plusieurs curateurs ou tuteurs
[Code civil, article 447 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
Le juge peut, en considération de la situation de la personne protégée, des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer, désigner plusieurs curateurs ou tuteurs pour exercer en commun la mesure de protection. La pluralité de curateurs ou de tuteurs n’implique donc pas une pluralité de mesures : la mesure reste unique et est exercée en commun, chaque curateur ou tuteur étant réputé, à l’égard des tiers, avoir reçu des autres le pouvoir d’accomplir seul les actes pour lesquels un tuteur n’aurait besoin d’aucune autorisation du juge ou du conseil de famille. Cette solution doit permettre de répondre à la problématique des parents d’enfants handicapés. « Après s’être occupés de leur enfant ensemble jusqu’à sa majorité, ils sont soudain sommés de choisir entre eux celui qui, désormais, aura seul autorité et signature ; l’autre est écarté. Actuellement, la seule solution pour associer les deux parents est de dissocier la tutelle aux biens et la tutelle aux personnes ».
Toujours dans l’objectif d’adapter la mesure à la situation du majeur et à celle des personnes susceptibles de le protéger, le juge détient la possibilité de nommer un curateur ou un tuteur chargé de la protection de la personne et un curateur ou un tuteur affecté à la gestion patrimoniale. Contrairement à la désignation de plusieurs curateurs ou tuteurs précédemment évoquée, cette possibilité aboutit à créer deux mesures, l’une pour la protection de la personne, l’autre pour la gestion du patrimoine, confiées à des personnes indépendantes et non responsables l’une envers l’autre.
Le juge a cependant la possibilité d’en décider autrement et, en tout état de cause, les deux curateurs ou tuteurs ont l’obligation de s’informer mutuellement. Enfin, un curateur ou tuteur adjoint peut être désigné pour gérer certains biens. Cette solution permet de répondre aux cas où les biens de la personne protégée nécessitent une compétence particulière que le tuteur ou le curateur n’a pas. Le curateur ou le tuteur adjoint jouit, à l’égard du curateur ou du tuteur, de la même indépendance que celle qui est prévue entre curateur ou tuteur à la personne et curateur ou tuteur aux biens, la désignation d’un adjoint ayant pour effet de soustraire certains des biens du majeur de la charge du curateur ou du tuteur.
Ces différentes possibilités visent à faciliter la prise en charge familiale, soit en associant plusieurs personnes afin de rendre la charge moins lourde, soit en répartissant les tâches entre les membres d’une même famille en fonction des affinités ou de la disponibilité de chacun, soit en divisant la mesure entre un proche du majeur plus à même d’assurer la protection de la personne et un mandataire judiciaire à la protection des majeurs plus qualifié pour gérer le patrimoine.

b. Le subrogé curateur ou le subrogé tuteur

1. Sa désignation
[Code civil, articles 454, alinéas 1 à 3, et 456[
Avant 2009, seule la désignation d’un subrogé tuteur était possible et seulement lorsque la tutelle était organisée avec un conseil de famille. Depuis le 1er janvier 2009, un subrogé curateur peut être désigné, cette désignation étant laissée à l’entière appréciation du juge des tutelles. Seule la tutelle avec conseil de famille emporte, comme avant, obligation pour celui-ci de désigner un subrogé tuteur.
En cas de curatelle ou de tutelle confiée à un parent ou à un allié du majeur, pour laquelle une subrogation a été décidée, l’équilibre familial entre les lignes paternelle et maternelle doit, autant que possible, être respecté. Le conseil de famille ou, à défaut, le juge doit donc s’efforcer de choisir le subrogé dans l’autre branche que celle dont est issu le curateur ou le tuteur. Lorsque aucun membre de la famille ou aucun proche ne peut assumer ces fonctions, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, c’est-à-dire un professionnel peut être désigné (cf. infra, chapitre III, section 1, § 2).
2. Ses missions
[Code civil, article 454, alinéas 4 à 6[
Comme le subrogé tuteur agissant dans le cadre antérieur à la réforme, le subrogé tuteur ou curateur est investi d’une mission de surveillance du curateur ou du tuteur. Cette mission peut engager sa responsabilité à l’égard de la personne protégée. Plus précisément, il est chargé de surveiller les actes passés par le curateur ou par le tuteur. Il lui appartient, par exemple, de vérifier les comptes du tuteur (C. civ., art. 511, al. 2).
Le subrogé a, par ailleurs, l’obligation d’informer le juge des fautes qu’il relève dans l’exercice de la mission du tuteur ou du curateur sous peine d’engager sa responsabilité à l’égard de la personne protégée.
Le subrogé garde également un rôle de suppléance en cas de conflit d’intérêts : il est appelé à remplacer le curateur ou le tuteur lorsque les intérêts de celui-ci et ceux du majeur protégé s’opposent, ou en cas d’impossibilité pour le curateur ou le tuteur d’agir. Enfin, la loi fait obligation au curateur ou au tuteur d’informer et de consulter le subrogé avant tout acte grave.
3. La fin de sa mission
[Code civil, article 454, alinéa 7[
La charge du subrogé curateur ou du subrogé tuteur cesse en même temps que celle du curateur ou du tuteur. Il est toutefois tenu de provoquer le remplacement du curateur ou du tuteur en cas de cessation des fonctions de celui-ci sous peine d’engager sa responsabilité à l’égard de la personne protégée.

c. Le curateur ou le tuteur ad hoc

[Code civil, article 455[
Il est également possible de désigner un curateur ou un tuteur ad hoc pour la protection d’un majeur. Cette désignation intervient obligatoirement lorsque aucun subrogé n’a été désigné et qu’il est nécessaire d’accomplir un ou plusieurs actes déterminés que le curateur ou le tuteur n’a pas le pouvoir de faire ou pour lesquels il est en conflit d’intérêts avec le majeur.
Il s’agit de permettre au conseil de famille ou, à défaut, au juge de régler les situations ponctuelles de conflit d’intérêts ou d’impossibilité d’agir, sans qu’il soit nécessaire d’alourdir la mesure en décidant une subrogation permanente.
Cette nomination intervient à la demande du tuteur ou du curateur voire du procureur de la République, de toute personne intéressée ou d’office.

d. Le conseil de famille des majeurs en tutelle

La loi du 5 mars 2007 ne lie plus l’institution d’un conseil de famille au régime de tutelle mais à la situation de l’intéressé.
1. Les conditions de la mise en place d’un conseil de famille
[Code civil, article 456[
Le juge peut organiser la tutelle avec un conseil de famille à deux conditions cumulatives :
  • les nécessités de protection de la personne ou la consistance de son patrimoine le justifient ;
  • la composition familiale et l’entourage de la personne à protéger le permettent.
La règle applicable avant 2009 selon laquelle la tutelle d’un majeur était par principe exercée par un conseil de famille et, par exception, par un tuteur seul se trouve donc inversée. De fait, la pratique avait largement anticipé l’inversion des principes posés par la loi de 1968 : la lourdeur de la mise en place et du fonctionnement du conseil de famille en faisait, statistiquement, une modalité d’organisation de la tutelle de plus en plus rare (0,3 % des tutelles).
En outre, même si ces deux conditions sont remplies, l’institution d’un conseil de famille n’est qu’une simple faculté pour le juge.
2. La composition du conseil de famille
[Code civil, article 456[
Les dispositions applicables au conseil de famille instauré dans le cadre d’une mesure de protection des majeurs sont presque identiques à celles qui sont prévues pour le conseil de famille mis en place dans le cadre d’une protection à l’égard de mineurs. En effet, l’article 456 du Code civil procède à un renvoi aux règles qui doivent jouer pour ces derniers. Ainsi, le conseil de famille est composé d’au moins quatre membres, y compris le tuteur et le subrogé tuteur, à l’exclusion toutefois du juge (il n’y a plus de maximum). C’est ce dernier qui désigne les membres pour la durée de la tutelle en évitant, dans la mesure du possible, de laisser l’une des deux branches, paternelle ou maternelle, sans représentation (C. civ., art. 399). Il prend sa décision en considération des sentiments exprimés par la personne protégée, de ses relations habituelles, de l’intérêt porté à son égard et des recommandations éventuelles de ses proches et de son entourage.
Peuvent être membres du conseil de famille :
  • les parents et alliés du majeur ;
  • toute personne, résidant en France ou à l’étranger, qui manifeste un intérêt pour lui.
Le conseil de famille désigne ensuite le tuteur, le subrogé tuteur et, le cas échéant, le tuteur ad hoc comme le ferait le juge si le conseil de famille n’existait pas (C. civ., art. 446 à 455).
Le retrait d’une charge tutélaire d’un membre du conseil de famille ne peut être effectué sans que son titulaire ait été entendu ou appelé (C. civ., art. 397).
3. Le fonctionnement du conseil
a[ Un conseil présidé par le juge, en principe
[Code civil, articles 400 et 457 ; Code de procédure civile, articles 1237, 1237-1 et 1238 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
Le conseil de famille est présidé par le juge des tutelles. Il fonctionne donc, en principe, en sa présence.
Toutefois, le juge peut autoriser le conseil de famille à se réunir et à délibérer hors de sa présence lorsque le tuteur ou le subrogé tuteur désigné est un mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Cette condition a pour but d’assurer un contrôle extérieur à la famille. A contrario, donc, lorsque la tutelle et la subrogation ont été dévolues à un proche du majeur, le conseil de famille ne pourra fonctionner qu’en présence du juge. En outre, cette modalité est seulement ponctuelle (donc ni pérenne ni définitive). Le juge est libre d’autoriser ou de refuser ce mode de fonctionnement, il peut le suggérer s’il lui paraît adapté à la situation, « notamment lorsque le conseil de famille est composé de proches du majeur entre lesquels existent une réelle capacité de dialogue et une confiance mutuelle, dans un souci commun de veiller au mieux sur la personne et sur les intérêts du majeur protégé ; [...[ la présence du mandataire judiciaire à la protection des majeurs pouvant constituer une sorte de garantie de compétence sur certaines questions, et l’avantage d’un avis neutre » (circulaire DACS n° CIV/-01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC-0901677C).
Cette décision du juge n’est pas susceptible de recours. Les membres du conseil de famille en sont informés par le greffe.
Quand le conseil est autorisé à se réunir sans le juge, il désigne en son sein un président et un secrétaire qui ne peuvent être ni le tuteur ni le subrogé tuteur, ce qui exclut donc de la présidence et du secrétariat du conseil le mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Le président désigné exerce les mêmes missions que celles qui sont dévolues au juge en ce qui concerne la convocation, la réunion et la délibération du conseil de famille : il choisit le lieu (hors du tribunal, au domicile de l’un des membres du conseil de famille, par exemple), la date et l’ordre du jour, qui peut contenir des suggestions des membres du conseil ou de la personne protégée elle-même ; il établit ou fait établir par le secrétaire désigné les convocations des membres du conseil à la réunion. Le juge est tenu informé de l’ordre du jour de chaque réunion. Aucun délai ni aucune formalité ne sont imposés pour cette transmission, mais « il paraît prudent d’inviter le président désigné à transmettre cet ordre du jour dans les huit jours qui précèdent la réunion, et ce, par lettre recommandée ou remise au greffe », recommande la circulaire du 9 février 2009. Le magistrat garde un droit de regard puisque les décisions prises par le conseil de famille réuni hors sa présence ne peuvent prendre effet que s’il ne s’y oppose pas. Pour ce faire, le président du conseil doit remettre la délibération au greffe ou la lui adresser par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les huit jours qui suivent.
Le juge des tutelles a alors la possibilité de s’opposer à la délibération dans les 15 jours suivant la remise ou la réception de celle-ci, par ordonnance non susceptible de recours.
Tout membre du conseil de famille peut également s’opposer à la délibération dans les 15 jours de celle-ci, par requête au juge.
Dans tous les cas, le juge doit, par la même ordonnance non susceptible de recours, convoquer et réunir dans le délai de un mois le conseil de famille dont il assure alors la présidence, afin qu’il soit à nouveau délibéré sur le même objet.
Les règles tenant au respect des délais d’envoi de la convocation, au principe d’un quorum, aux modalités du vote et à la possibilité de former un recours sont alors applicables (C. proc. civ., art. 1234-1 à 1235, 1239-3) (cf. infra).
À défaut d’opposition, la délibération prend effet à l’issue de ces 15 jours à compter de la réception de la délibération par le juge.
b[ La convocation du conseil de famille
[Code de procédure civile, articles 1234, 1234-1 et 1234-2[
C’est le juge des tutelles qui convoque le conseil de famille mais sa réunion est de droit si elle est requise :
  • soit par deux de ses membres ;
  • soit par le tuteur ou le subrogé tuteur ;
  • soit par le majeur protégé.
La convocation doit alors être adressée huit jours au moins avant la date de la réunion.
Les membres du conseil de famille sont tenus de se rendre en personne à la réunion. Ceux qui, sans excuse légitime, ne s’y présentent pas encourent le retrait de leur charge tutélaire (C. civ., art. 396) (cf. supra, a).
c[ Les réunions du conseil
[Code de procédure civile, articles 1234-6 et 1234-7[
Les réunions du conseil de famille ne sont pas publiques. Ses membres sont tenus à l’obligation de secret à l’égard des tiers.
Sauf si le juge l’estime contraire à son intérêt, le majeur peut assister à ces réunions, mais seulement à titre consultatif.
d[ Les délibérations du conseil
[Code civil, article 400 ; Code de procédure civile, articles 1234-3, 1234-4, 1234-5, 1235 et 1237-1[
Les délibérations du conseil sont adoptées par vote de ses membres. Une délibération est adoptée lorsqu’elle obtient la majorité simple des votes exprimés et doit être motivée. Le tuteur ou le subrogé tuteur, dans le cas où il remplace le tuteur, ne vote pas. En outre, en cas de partage des voix, celle du juge est prépondérante. Lorsqu’il n’y a pas unanimité, l’avis de chacun de ses membres doit être mentionné dans le procès-verbal.
Pour délibérer, un quorum est requis : au moins la moitié des membres du conseil de famille doit être présent. Si ce nombre n’est pas atteint, le juge peut soit ajourner la réunion, soit prendre lui-même la décision en cas d’urgence.
Si le juge des tutelles estime que le conseil peut se prononcer sur une délibération sans que la tenue d’une réunion soit nécessaire, il communique à chacun des membres du conseil le texte de la délibération correspondante en y joignant tous éclaircissements utiles.
Chaque membre doit alors émettre son vote dans le délai et selon les modalités impartis par le juge. Faute de remplir cette obligation, l’intéressé peut voir sa charge tutélaire retirée (C. civ., art. 396).
À l’issue de la réunion de ce conseil, chaque membre présent appose sa signature sur la délibération prise.
e[ La nullité des délibérations
[Code civil, articles 402 et 456[
Les délibérations du conseil de famille sont considérées comme nulles lorsqu’elles ont été surprises par dol ou fraude ou que des formalités substantielles ont été omises.
Toutefois, une nouvelle délibération supprime cette nullité.
Une action en nullité peut être exercée par :
  • le tuteur ;
  • le subrogé tuteur ;
  • les autres membres du conseil de famille ;
  • le procureur de la République.
Elle doit être exercée dans les deux ans qui suivent la délibération.
Le majeur protégé a également la possibilité de former une telle action. Dans ce cas, le délai court à compter du jour où la mesure de protection prend fin.
Dans tous les cas, la prescription ne court pas s’il y a eu dol ou fraude tant que le fait qui en est à l’origine n’est pas découvert.
Les actes accomplis en vertu d’une délibération annulée sont annulables de la même manière. Le délai court toutefois à compter de la date de l’acte en cause et non de la délibération.
4. Les missions du conseil
[Code civil, articles 401, 500, 501 et 502 ; décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, article 4[
S’il est désigné, le conseil de famille se voit transférer certaines compétences dévolues au juge, comme celle de désigner les personnes chargées d’exercer la tutelle (tuteur, subrogé tuteur et, le cas échéant, tuteur ad hoc). Il apprécie ensuite les indemnités qui peuvent être allouées au tuteur.
Il prend également les décisions et donne au tuteur les autorisations nécessaires pour la gestion des biens du majeur. Ainsi, c’est à lui que revient notamment le soin d’arrêter, sur proposition du tuteur, le budget de la tutelle. Concrètement, il détermine, en fonction de l’importance des biens et des opérations qu’implique leur gestion, les sommes annuellement nécessaires à l’entretien de la personne protégée et au remboursement des frais d’administration de ses biens. Le conseil de famille peut aussi autoriser le tuteur à inclure dans les frais de gestion la rémunération des administrateurs particuliers dont il demande le concours sous sa propre responsabilité. Il peut autoriser le tuteur à conclure un contrat pour la gestion des valeurs mobilières et instruments financiers de la personne protégée. Il choisit le tiers contractant en considération de son expérience professionnelle et de sa solvabilité. Le contrat peut, à tout moment et nonobstant toute stipulation contraire, être résilié au nom de la personne protégée.
C’est également le conseil de famille qui fixe les modalités d’emploi des capitaux. À cet effet, il détermine la somme à partir de laquelle commence, pour le tuteur, l’obligation d’employer les capitaux liquides et l’excédent des revenus et prescrit toutes les mesures qu’il juge utiles quant à l’emploi ou au remploi des fonds soit par avance, soit à l’occasion de chaque opération. L’emploi ou le remploi est réalisé par le tuteur dans le délai fixé par la décision qui l’ordonne et de la manière qu’elle prescrit. Passé ce délai, le tuteur peut être déclaré débiteur des intérêts. Le conseil de famille peut enfin ordonner que certains fonds soient déposés sur un compte indisponible. Les comptes de gestion du patrimoine de la personne protégée sont exclusivement ouverts, si le conseil de famille l’estime nécessaire compte tenu de la situation de celle-ci, auprès de la Caisse des dépôts et consignations.
Par ailleurs, il lui appartient de statuer sur les autorisations que le tuteur sollicite pour les actes qu’il ne peut accomplir seul (cf. infra, B, 2, c).
LA SUPPRESSION DE LA SAISINE D’OFFICE DU JUGE LORS DE L’OUVERTURE DE LA MESURE
La loi du 5 mars 2007 a supprimé, depuis le 1er janvier 2009, la possibilité offerte au juge des tutelles de se saisir d’office à l’ouverture de la mesure. Dès lors, selon une circulaire du ministère de la Justice du 9 février 2009, « les signalements, jusqu’à présent envoyés par les services sociaux, établissements de soins ou médico-sociaux, au juge des tutelles, [...[ doivent désormais être systématiquement adressés, ou réorientés par le juge, au parquet. De même, les signalements ou requêtes incomplètes transmises par les familles, les proches ou l’entourage plus large d’une personne vulnérable, doivent être adressés au parquet puisque le juge ne peut y donner suite ». Le juge peut également inciter les personnes qui le saisissent à se rapprocher des membres de la famille autorisés à le saisir. En pratique, avant cette réforme, la moitié des dossiers étaient ouverts par le juge des tutelles à la suite d’une requête de l’intéressé ou de sa famille. Dans les autres cas, les services sociaux (des communes, des offices d’habitations à loyer modéré, des départements) ou hospitaliers, les médecins, plus rarement les banques et les notaires, avaient pris l’habitude d’envoyer au juge des signalements, même lorsqu’ils ne se justifiaient pas, en raison de la carence de l’entourage familial. A partir d’un signalement, le juge pouvait se saisir d’office afin de vérifier si la mesure de protection répondait à un réel besoin.
Cette règle paraissait contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. « Que le même juge puisse se saisir de la situation d’une personne, instruire le dossier puis rendre la décision, en étant seul à chacun de ces stades de la procédure, va en effet à l’encontre de la conception traditionnelle du juge arbitre » (3). Toutefois, cette impossibilité pour le magistrat de se saisir d’office « même à titre exceptionnel » risque de soulever « sans doute des difficultés importantes » dans « nombre de cas, et en particulier dans les hypothèses d’urgence, ou lorsque ni l’intéressé, ni son entourage ne pourront faire l’avance des frais du certificat [médical[ » (4).
Le juge des tutelles peut encore se saisir d’office dans certaines hypothèses (C. proc. civ., art. 1217) :
  • sauf en cas de renforcement de la mesure (C. civ., art. 442, al. 4), il reste libre d’intervenir à tout moment dans le déroulement de la mesure (mettre fin à la mesure, la modifier en changeant le curateur ou tuteur, par exemple) (C. civ., art. 442, al. 3 et 4) ;
  • il peut mettre fin à un mandat de protection future et ouvrir une mesure de protection juridique (C. civ., art. 485).
Toutefois, les autorisations du conseil de famille peuvent être suppléées par celles du juge si les actes portent sur des biens dont la valeur en capital n’excède pas 50 000 €.


IV. LE RENOUVELLEMENT, LA MODIFICATION ET LA FIN DE LA MESURE

[Code civil, articles 442 et 443 ; Code de procédure civile, article 1233 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[

a. Le renouvellement ou la fin de la mesure

Le juge peut renouveler la mesure pour la durée initialement fixée (cf. supra, A, 2). Faute de renouvellement, la tutelle ou la curatelle prend fin à l’expiration de la durée fixée par le juge. Afin, néanmoins, de permettre une publicité de ce retour à la pleine capacité du majeur, alors qu’aucune décision judiciaire n’est prononcée et donc aucune mention au répertoire civil effectuée, l’article 1233 du Code de procédure civile prévoit que lorsqu’une mesure de protection a pris fin par l’expiration du délai fixé, avis en est donné par tout moyen par le greffe du tribunal d’instance, saisi par tout intéressé, au greffe du tribunal de grande instance dans le ressort duquel est née la personne protégée aux fins de conservation au répertoire civil et de publicité par mention en marge de l’acte de naissance. Le retour à la pleine capacité du majeur sera ainsi opposable aux tiers.

b. Les modifications et aggravations de la mesure

Le juge peut, à tout moment, d’office ou à la requête des personnes habilitées mettre fin à la tutelle ou à la curatelle, modifier la mesure, ou encore la remplacer par une autre. Cette faculté est toutefois encadrée lorsqu’il s’agit de modifier, de faire cesser ou d’assouplir la mesure. Le juge doit ainsi :
  • statuer à partir d’un certificat médical, sans que celui-ci émane obligatoirement d’un médecin expert agréé ; les dispositions relatives au contenu du certificat médical ne s’imposent donc pas (cf. supra, section 2, § 2, B) ;
  • entendre la personne protégée, sauf inopportunité ou impossibilité d’une telle audition ;
  • recueillir l’avis de la personne chargée de la mesure de protection.
S’il s’agit de renforcer le régime de protection, le juge ne peut statuer d’office mais nécessairement sur requête des personnes habilitées à demander la mesure de protection envisagée. Il doit statuer à partir d’un certificat médical établi par un médecin expert agréé. « Le législateur signifie par cette exigence sa volonté que l’aggravation d’une mesure de protection fasse l’objet de regards croisés : le juge doit être saisi par un tiers, ce qui permet d’enrichir son appréciation. »
Par renforcement ou aggravation, il convient d’entendre toute mesure qui accroît la restriction des droits par rapport à la mesure prise antérieurement : ainsi une curatelle renforcée, prononcée alors que la personne était sous curatelle simple, doit être considérée comme un renforcement de la mesure, alors que si elle succède à une mesure de tutelle, elle est considérée comme une mesure d’allégement. De même, par exemple, à l’occasion du renouvellement d’une tutelle, la suppression (expressément décidée par le juge) du droit de vote doit être considérée comme une aggravation de la mesure, alors que si la personne le retrouve après en avoir été privée, il s’agit d’un allégement de la mesure ». À l’inverse, « ne sont pas considérés comme des renforcements de mesure, les aménagements de la curatelle et de la tutelle [...[ qui permettent au juge soit d’autoriser le majeur en curatelle ou en tutelle à exercer seul certains droits, soit d’autoriser le majeur en tutelle à exercer certains droits avec l’assistance de son tuteur. Il s’agit en effet de décisions qui “allègent” la restriction des droits, permettant leur exercice par le majeur » (circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C).

c. L’éloignement territorial

La loi du 5 mars 2007 prend également en compte le cas des habitants des départements frontaliers qui, faute de places, sont accueillis dans des établissements situés hors des frontières, notamment en Belgique. Ainsi, le juge peut mettre fin à la mesure de protection juridique – sans que cela soit une obligation –, lorsque la personne protégée a fixé sa résidence hors du territoire national, si cet éloignement empêche le suivi et le contrôle de la mesure.
Toutefois, cette disposition s’applique sous réserve des articles 3 et 15 du Code civil qui disposent respectivement que les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les Français même s’ils résident en pays étranger, et qu’un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations qu’il a contractées en pays étranger, même avec un étranger.

d. Les autres cas de fin anticipée de la mesure

Avant son expiration, la mesure peut prendre fin dans deux dernières hypothèses :
  • en cas de jugement de mainlevée de la mesure passée en force de chose jugée, c’est-à-dire non frappée de recours ;
  • en cas de décès du majeur.


B. Le fonctionnement de la tutelle

Plusieurs règles de fonctionnement de la tutelle sont prévues tant pour la gestion patrimoniale que pour les droits de la personne protégée.


I. LE RÔLE DU TUTEUR

a. Un rôle de représentation

[Code civil, article 473, alinéa 1[
Comme avant 2009, le tuteur représente le majeur protégé dans tous les actes de la vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise le majeur à agir lui-même.
En ce qui concerne les actes nécessaires à la gestion du patrimoine, les pouvoirs du tuteur sont essentiellement fonction de la nature des actes : actes d’administration, actes conservatoires, actes de disposition (cf. infra, 2, a).

b. L’adaptation de la mesure

[Code civil, article 473, alinéa 2[
Le juge garde la possibilité, au moment de l’ouverture de la mesure de tutelle ou ultérieurement, d’alléger le régime de la tutelle en énumérant les actes que le majeur aura la capacité de faire lui-même, seul ou avec l’assistance de son tuteur. On parle alors de tutelle allégée.
Aucun avis du médecin traitant n’est requis contrairement au dispositif antérieur.


II. LA GESTION DU PATRIMOINE DU MAJEUR

En matière de gestion du patrimoine, sans bouleverser les règles applicables jusque-là, le dispositif a été modifié en deux sens par la réforme de 2009. L’évolution des mentalités a d’abord conduit le législateur à mieux prendre en compte la volonté de la personne protégée. Sur la forme ensuite, le Code civil s’appuyait jusqu’ici sur un mécanisme de renvois à la tutelle des mineurs, ce qui nuisait à la lisibilité des dispositions. Pour plus de clarté, la loi a créé, dans le Code civil, un titre spécifique relatif à la « gestion du patrimoine des mineurs et majeurs en tutelle ».
Sur proposition du tuteur, le juge des tutelles (voire le conseil de famille) « arrête le budget de la tutelle ». Le juge, au vu de la requête du tuteur et des pièces justificatives utiles, prévoit ainsi dans le jugement d’ouverture, ou le jugement renouvelant la tutelle, ou par une ordonnance ultérieure en cas de changement (en raison de l’évolution de la situation de la personne protégée), les sommes qui sont nécessaires pour une année, à l’entretien de la personne protégée, et au remboursement des frais d’administration de ses biens (C. civ., art. 500). Cette disposition doit permettre tant au juge qu’au tuteur de mesurer, dès le début de la protection, la répartition des revenus entre, d’une part, le règlement des charges fixes, incompressibles, mais aussi prévisibles du majeur et, d’autre part, celles qui sont laissées sur un compte indisponible ou au contraire à la libre disposition du majeur. Ce budget permettra au juge saisi par le majeur de courriers réitérés sollicitant l’augmentation de « son argent de poche » de vérifier leur pertinence (circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C).

a. Les principes de la gestion

[Code civil, article 496 ; décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 modifié, articles 1 et 2 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
Le tuteur représente la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine. Alors qu’il devait antérieurement administrer les biens « en bon père de famille », la loi du 5 mars 2007 prévoit qu’il est désormais tenu d’apporter « des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de la personne protégée ». Il découle de ce principe que les juges peuvent autoriser un tuteur à acheter un véhicule spécialement aménagé pour transporter la personne placée sous tutelle mais en limiter la charge sur les finances de cette dernière, dans la mesure où le véhicule va également être utilisé pour ses propres besoins par la famille de la tutrice. Dès lors, les coûts seront partagés 594).
Un décret du 22 décembre 2008 distingue, par ailleurs, dans les actes de gestion patrimoniale, entre les actes d’administration relatifs à la gestion courante du patrimoine et les actes de disposition qui engagent celui-ci de manière durable et substantielle. En fonction de la nature de ces actes, les pouvoirs du tuteur en ce domaine sont variables. Il peut parfois agir sans autorisation. Dans d’autres cas, il doit solliciter une autorisation du conseil de famille ou du juge. Il lui est interdit également d’accomplir certains actes.
1. Les actes d’administration
Constituent ainsi des actes d’administration les actes d’exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal.
Le décret du 22 décembre 2008 liste les actes qui sont « regardés comme actes d’administration » par leur nature même. Il répertorie ensuite de manière non exhaustive et non impérative les actes qui doivent être regardés comme des actes d’administration, « à moins que les circonstances d’espèce ne permettent pas au tuteur de considérer » qu’ils répondent à la définition de l’acte d’administration « en raison de leurs conséquences importantes sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie ».
2. Les actes de disposition
Constituent des actes de disposition les actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire.
Certains actes sont regardés comme « actes de disposition » par nature. D’autres, dont la liste n’est pas exhaustive ni impérative, sont regardés comme des actes de disposition, à moins que les circonstances d’espèce ne permettent pas au tuteur de considérer qu’ils répondent à la définition de l’acte de disposition « en raison de leurs faibles conséquences sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie ». Le décret du 22 décembre 2008 liste ces différents actes.
Par exemple, le paiement des dettes est classé dans la liste des actes d’administration puisqu’il s’agit d’une obligation légale que le tuteur doit exécuter au nom de la personne protégée sans que le juge ait à l’autoriser, mais si ce paiement nécessite une amputation importante du patrimoine de la personne, il devient un acte de disposition pour lequel le tuteur sollicitera l’autorisation du juge.

b. Les actes que le tuteur accomplit sans autorisation

1. L’inventaire des biens
[Code civil, article 503 ; Code de procédure civile, article 1253[
La loi du 5 mars 2007 a maintenu l’obligation faite au tuteur de faire procéder, en présence du subrogé tuteur s’il a été désigné, à un inventaire des biens de la personne protégée, puis de le transmettre au juge. Transmission qui doit intervenir dans les trois mois de l’ouverture de la tutelle pour les biens meubles corporels, et dans les six mois pour les autres biens (avoirs financiers et biens immobiliers) avec le budget prévisionnel. Le tuteur doit en assurer l’actualisation au cours de la mesure.
Pour ce faire, le tuteur peut obtenir communication des renseignements et documents nécessaires à l’établissement de l’inventaire auprès de toute personne publique ou privée, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou le secret bancaire. Ces dispositions permettent notamment d’obtenir des établissements bancaires les relevés des comptes du tutélaire.
L’article 30 de la loi du 23 mars 2019 dispose que « Lorsque le juge l’estime nécessaire, il peut désigner dès l’ouverture de la mesure un commissaire-priseur judiciaire, un huissier de justice ou un notaire pour procéder, aux frais de la personne protégée, à l’inventaire des biens meubles corporels dans le délai prévu au premier alinéa » c’est-à-dire trois mois. Le juge procédera de la sorte notamment s’il a connaissance de l’hébergement d’un tiers chez le majeur protégé alors qu’il y a des biens de valeur, ou encore que le majeur a un train de vie luxueux.
Par ailleurs, ce même article précise qu’« en cas de retard dans la transmission de l’inventaire, le juge peut désigner un commissaire-priseur judiciaire, un huissier de justice ou un notaire ou un mandataire judiciaire à la protection des majeurs pour y procéder aux frais du tuteur ».
Dans tous les cas, si l’inventaire n’a pas été établi ou se révèle incomplet ou inexact, la personne protégée et, après son décès, ses héritiers peuvent faire la preuve de la valeur et de la consistance de ses biens par tous moyens. Rappelons que toute omission volontaire d’un bien dans l’inventaire en vue de le faire échapper au contrôle du juge constitue un faux pénalement réprimé (Cour de cassation, chambre criminelle, 5 février 2008, requête n° 07-84724).
En pratique, cet inventaire doit être réalisé en présence, outre du tuteur et du subrogé tuteur, le cas échéant, de la personne protégée, si son état de santé ou son âge le permet, de son avocat le cas échéant, ainsi que, si l’inventaire n’est pas réalisé par un officier public ou ministériel (commissaire-priseur, huissier de justice), de deux témoins majeurs qui ne sont pas au service de la personne protégée (donc ni un employé, ni un soignant de celle-ci, mais tout parent, allié, ami, ou voisin voire professionnel de l’immobilier, banquier, expert...) ni de la personne exerçant la mesure de protection.
Cet inventaire doit comporter :
  • une description des meubles meublants ;
  • une estimation des biens immobiliers ainsi que des biens mobiliers ayant une valeur de réalisation supérieure à 1 500 € ;
  • la désignation des espèces en numéraire ;
  • un état des comptes bancaires, des placements et des autres valeurs mobilières.
Cet inventaire, qui doit intervenir dans les trois mois suivant l’ouverture de la tutelle pour les biens meubles et six mois pour les autres biens, est daté et signé par les personnes présentes.
REMARQUE :
l’inventaire est obligatoire et s’effectue selon les mêmes règles de forme dans le cadre de la tutelle (503 du Code civil et 1253 du Code de procédure civile) et la curatelle renforcée (472 in fine). Pour le mandat de protection future il existe quelques différences mineures (article 486 du Code civil et 1253 et 1260 du Code de procédure civile).
2. Les actes conservatoires et d’administration
[Code civil, article 504, alinéa 1[
Le tuteur a le pouvoir d’accomplir seul les actes conservatoires et d’administration nécessaires à la gestion du patrimoine de la personne protégée. Par exemple, il peut souscrire un contrat d’assurance en son nom ou payer ses dettes, ou encore exploiter ses biens et assurer la gestion courante de ses valeurs mobilières.
En ce qui concerne les actes d’administration, ces pouvoirs s’exercent toutefois sous réserve de ceux qui sont laissés à la personne protégée par le juge (C. civ., art. 473). Ainsi, en cas de tutelle allégée d’un majeur, le tuteur ne peut pas faire seul les actes pour lesquels le juge a maintenu la capacité du majeur en l’autorisant à les accomplir seul ou avec l’assistance du tuteur.
En revanche, le tuteur peut toujours faire seul des actes conservatoires parce qu’ils sont, par nature, nécessaires en tout état de cause à la préservation du patrimoine.
3. Les actions en justice relatives aux droits patrimoniaux
[Code civil, article 504, alinéa 2[
Une action relative aux droits patrimoniaux du majeur peut être introduite par le tuteur seul, c’est-à-dire sans y être autorisé par le conseil de famille ou par le juge.
4. Convention obsèques
[Code des assurances, articles L. 132-3 et 132-4-1 et code de la mutualité, article L. 223-5[
L’autorisation préalable du juge n’est plus nécessaire pour la souscription d’une convention-obsèques permettant d’anticiper le financement des obsèques de la personne protégée.
5. Contrat de gestion de patrimoine
(Code civil, article 500 alinéa 2[
Le tuteur n’a plus à être autorisé, depuis la loi du 23 mars 2019, par le juge des tutelles ou le conseil de famille pour conclure un contrat pour la gestion des valeurs mobilières et instruments financiers de la personne protégée. Il choisit le tiers contractant en considération de son expérience professionnelle et de sa solvabilité. Le contrat peut, à tout moment et nonobstant toute stipulation contraire, être résilié au nom de la personne protégée. Cette disposition répond au besoin de pouvoir confier à des professionnels particulièrement qualifiés la gestion des portefeuilles importants de certains majeurs protégés. En effet, un tuteur, qu’il soit familial ou mandataire judiciaire à la protection de majeurs, n’a pas vocation à être un gestionnaire de patrimoine ; ses compétences en la matière et sa rémunération ne sont pas les mêmes que celles d’un professionnel travaillant dans un établissement financier et rémunéré par ses clients.
6. Rémunération des administrateurs particuliers
[Code civil, article 500 alinéa 2[
Sous sa propre responsabilité, le tuteur peut inclure dans les frais de gestion la rémunération des administrateurs particuliers dont il demande le concours.
Règle nouvelle puisqu’avant la loi du 23 mars 2019, une autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge des tutelles était nécessaire.

c. Les actes que le tuteur accomplit avec une autorisation

Le tuteur doit obtenir une autorisation du conseil de famille ou du juge pour effectuer des actes de disposition.
1. Le principe
[Code civil, article 505, alinéas 1 et 2[
Le tuteur ne peut, sans y être autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge, faire des actes de disposition au nom de la personne protégée. Cette règle a pour effet d’obliger le tuteur à requérir cette autorisation pour, par exemple, emprunter au nom du tutélaire ou pour aliéner ou grever de droits réels des immeubles, des fonds de commerce, des valeurs mobilières...
La loi précise le contenu de l’autorisation : le conseil de famille ou, à défaut, le juge doit déterminer les stipulations et, en cas d’aliénation d’un bien, le prix de vente ou la mise à prix. Ces exigences n’étaient jusque-là explicitement prévues que pour la vente d’un immeuble ou d’un fonds de commerce. Le tuteur n’a toutefois pas à solliciter une autorisation lorsqu’un jugement a déjà ordonné la vente forcée des biens, par exemple à la suite d’une expropriation, ou autorisé une vente amiable.
Rappelons que si l’acte concerne la vente d’un bien ayant pour finalité l’accueil du majeur protégé dans un établissement, des dispositions spécifiques s’appliquent (C. civ., art. 426, cf. supra, section 1, § 2, A, 2, b).
2. Quelques actes particuliers
[Code civil, articles 500, alinéa 3, 505, alinéas 3 et 4, 506, 507 à 508 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
a[ La vente d’immeubles, de fonds de commerce ou d’instruments financiers non cotés
L’autorisation de vendre ou d’apporter en société un immeuble, un fonds de commerce ou des instruments financiers non admis à la négociation sur un marché réglementé ne peut être donnée qu’après la réalisation d’une mesure d’instruction exécutée par un technicien ou le recueil de l’avis d’au moins deux professionnels qualifiés. En cas d’urgence, le juge peut, par décision spécialement motivée prise à la requête du tuteur, autoriser, en lieu et place du conseil de famille, la vente d’instruments financiers à charge qu’il en soit rendu compte sans délai au conseil qui décide du remploi.
b[ Les compromis, transactions et clauses compromissoires
Le tuteur ne peut conclure une transaction ou un compromis (conventions spécifiquement conclues pour faire régler par un arbitrage un litige déjà né) au nom de la personne protégée qu’après avoir fait approuver par le conseil de famille, ou à défaut par le juge, les clauses de ces actes et, le cas échéant, la clause compromissoire.
c[ Le partage de la succession
Le partage à l’amiable de la succession d’une personne protégée nécessitait, avant la loi du 23 mars 2019, une autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge. Désormais, cette autorisation ne sera plus requise sauf dans l’hypothèse d’un conflit d’intérêt entre le majeur et son tuteur (article 507 du Code civil, a contrario).
L’état liquidatif du partage reste soumis à l’approbation du conseil de famille ou, à défaut, du juge. Le partage peut également être fait en justice. Tout autre partage est considéré comme provisionnel.
À NOTER :
l’article 1239-1 du Code de procédure civile prévoit que l’appel contre une délibération du conseil de famille ou une décision du juge des tutelles rendue en matière de partage amiable est ouvert au tuteur, aux membres du conseil de famille, le cas échéant, et aux autres parties intéressées au partage (cf. infra, section 5, § 3, A, 2).
d[ L’acceptation d’une succession
Le tuteur ne peut accepter une succession échue à la personne protégée qu’à concurrence de l’actif net. Cette règle s’applique par dérogation à l’article 768 du Code civil qui veut que l’héritier, c’est-à-dire en l’occurrence le majeur protégé, puisse accepter la succession purement et simplement ou y renoncer.
La loi du 23 mars 2019 permet désormais au tuteur d’« accepter purement et simplement la succession si l’actif dépasse manifestement le passif, après recueil d’une attestation du notaire chargé du règlement de la succession ou, à défaut, après autorisation du conseil de famille ou du juge » (article 507-1 nouveau du Code civil). Jusque-là une autorisation du conseil de famille ou, à défaut de son existence, du juge des tutelles était requise. La circulaire de présentation de la loi de 2019 précise que l’« intervention d’un notaire, officier public et ministériel assermenté, débiteur d’une obligation de conseil renforcée à l’égard du majeur, suffit à garantir les intérêts du majeur ».
Le tuteur ne peut renoncer à une succession échue à la personne protégée sans une autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge.
Toutefois, si la succession à laquelle il a renoncé au nom de la personne protégée n’a pas été acceptée par un autre héritier et tant que l’État n’en a pas pris possession, la renonciation peut être révoquée soit par le tuteur autorisé à cet effet par une nouvelle délibération du conseil de famille ou, à défaut, une nouvelle décision du juge, soit par la personne protégée devenue capable. Cette acceptation joue alors rétroactivement au jour de l’ouverture de la succession, sans toutefois remettre en cause les droits qui peuvent être acquis à des tiers sur les biens de la succession par prescription ou par actes valablement faits avec le curateur à la succession vacante (C. civ., art. 807, al. 2).
e[ L’achat des biens du majeur
À titre exceptionnel et dans l’intérêt de la personne protégée, le tuteur peut, sur autorisation du conseil de famille, ou à défaut du juge, acheter les biens de celle-ci ou les prendre à bail ou à ferme. Ce droit n’est toutefois ouvert qu’aux tuteurs familiaux et exclut le mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
Pour la conclusion de l’acte, le tuteur est réputé être en opposition d’intérêts avec la personne protégée.

d. Les actes que le tuteur ne peut pas accomplir

[Code civil, article 509[
La loi du 5 mars 2007 a maintenu le droit antérieur en matière d’actes exclus de la gestion tutélaire, en regroupant des dispositions du Code civil auparavant éparses.
Il s’agit, pour certains, d’actes interdits au tuteur même s’il y est autorisé en raison de leur nature. Ainsi, le tuteur ne peut jamais aliéner à titre gratuit des biens ou des droits de la personne protégée. Sont notamment visées la remise de dette, la renonciation gratuite à un droit acquis, la mainlevée d’hypothèque ou de sûreté sans paiement, la constitution gratuite d’une servitude ou d’une sûreté pour garantir la dette d’un tiers... Cette interdiction ne fait cependant pas obstacle à ce que le tuteur soit autorisé à consentir une donation au nom du majeur sous tutelle en application des dispositions spécifiques prévues en la matière (cf. infra, e).
De même, le tuteur n’est jamais autorisé à acquérir d’un tiers un droit ou une créance détenue contre la personne protégée. Cette interdiction a pour but d’éviter les spéculations aux dépens de cette dernière. Il est en outre interdit au tuteur de se substituer à la personne protégée pour exercer un commerce ou une profession libérale.
Des actes sont également interdits en raison de l’opposition d’intérêts qu’ils susciteraient : le tuteur ne peut ni acquérir les biens de la personne protégée, ni les prendre à bail ou à ferme. Par exception, les tuteurs choisis parmi les proches de la personne protégée peuvent, à certaines conditions, acquérir un tel bien, à titre exceptionnel.
Enfin, le tuteur ne peut, même avec une autorisation, transférer dans un patrimoine fiduciaire les biens ou les droits d’un majeur protégé.

e. Les dispositions spécifiques à certains actes

1. Les donations
[Code civil, article 476 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
Afin de mieux prendre en compte la volonté de la personne protégée, la loi du 5 mars 2007 a élargi la capacité du majeur en tutelle à faire des donations. Depuis le 1er janvier 2009, le conseil de famille ou, à défaut, le juge des tutelles peut donc autoriser le tuteur à assister ou à représenter le majeur pour faire toutes donations (par exemple, à son concubin). Le juge, ou le conseil de famille, appréciera ainsi (après avoir ordonné un examen médical ou une expertise, s’il l’estime nécessaire et proportionné à l’importance de la donation) dans quelle mesure le discernement de la personne en tutelle justifie qu’elle soit seulement assistée ou bien qu’elle soit représentée à l’acte de donation.
Avant 2009, il était interdit au majeur en tutelle de faire des donations. Ces dernières étaient seulement possibles au profit des descendants, du conjoint et des frères et sœurs ou de leurs descendants et ce, sur autorisation du conseil de famille. Rappelons, enfin, que l’article 909 du Code civil prohibe toute donation d’une personne protégée au profit d’un mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
2. Les dispositions testamentaires
[Code civil, article 476[
En outre, la loi du 5 mars 2007 a poursuivi l’œuvre de la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités. Selon cette dernière, le majeur en tutelle pouvait faire un testament après l’ouverture de la mesure, sur autorisation du conseil de famille et avec l’assistance du tuteur, ce dernier ne pouvant le représenter.
Allant plus loin, la loi du 5 mars 2007 a précisé que le tuteur ne peut pas non plus assister le majeur à cette occasion, mais l’autorisation du conseil de famille ou du juge reste nécessaire.
Pour résumer, la personne protégée peut donc élaborer seule son testament après l’ouverture de la tutelle sous réserve d’avoir obtenu l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué. À défaut, l’acte est considéré comme nul. Le tuteur ne peut ni l’assister ni la représenter à cette occasion. Par la suite, l’intéressé peut seul révoquer le testament fait avant ou après l’ouverture de la tutelle. Enfin, le testament fait antérieurement à l’ouverture de la tutelle reste valable à moins qu’il ne soit établi que, depuis cette ouverture, la cause qui avait déterminé le testateur à disposer a disparu.
À NOTER :
un mandataire judiciaire à la protection des majeurs ne peut jamais profiter d’un testament fait en sa faveur par le majeur protégé.

f. Le contrôle de la gestion des biens

[Code civil, articles 497 et 499[
Une mission générale de surveillance de la gestion tutélaire est confiée au subrogé tuteur. Celui-ci est ainsi chargé d’attester auprès du juge du bon déroulement des opérations que le tuteur a l’obligation d’accomplir. Outre les actes prévus par la loi, entrent dans cette catégorie tous les actes que le conseil de famille a ordonnés. À ce titre, le subrogé tuteur atteste que l’emploi ou le remploi des capitaux est conforme aux prescriptions données par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge.
En revanche, la loi du 5 mars 2007 a maintenu l’irresponsabilité des tiers dans la gestion des capitaux (établissement bancaire qui laisserait s’accomplir des malversations, par exemple). Deux mesures sont toutefois prévues :
  • si, par un acte ou par une omission, c’est-à-dire par son action ou son inaction, le tuteur semble porter préjudice aux intérêts de la personne protégée, un tiers peut en aviser le juge ;
  • si, par un acte ou par une omission, l’emploi des capitaux par le tuteur compromet manifestement l’intérêt de la personne protégée, le tiers qui a connaissance des faits doit en informer le juge.
Il ne peut être fait opposition aux autorisations données par le conseil de famille ou par le juge que par les créanciers de la personne protégée et uniquement en cas de fraude à leurs droits. Avec cette dernière précision, la loi a ainsi comblé un vide juridique dénoncé par les praticiens.


III. LA PROTECTION DE LA PERSONNE DANS LE CADRE DE LA TUTELLE

Comme nous l’avons vu, la loi du 5 mars 2007 subordonne les décisions relatives à la personne au consentement du majeur (cf. supra, section 1, § 2, D, 2). Elle modifie également les conditions dans lesquelles celui-ci peut se marier ou conclure ou rompre un pacte civil de solidarité (PACS).

a. Le mariage

[Code civil, articles 63, 175, 460 et 1399[
Jusqu’à la loi du 23 mars 2019, un majeur sous tutelle ne pouvait décider seul de se marier. Son mariage devait être autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge des tutelles. Pour conclure une convention matrimoniale, l’assistance du tuteur était requise. L’opposition au mariage du tutélaire impliquait une autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge des tutelles.
L’article 460 nouveau du Code civil dispose désormais que : « La personne chargée de la mesure de protection est préalablement informée du projet de mariage du majeur qu’il assiste ou représente ». Outre le fait qu’il s’agit de reconnaître aux majeurs protégés les mêmes droits fondamentaux que tout un chacun, le législateur ne perd pas de vue qu’il faut également assurer une protection à ces personnes qui, somme toute, restent vulnérables. Voilà pourquoi le mariage ne pourra se faire que si le projet d’union a été, préalablement à la publication des bans, porté à 1a connaissance du protecteur. D’ailleurs, l’officier d’état civil ne pourra célébrer le mariage que sur la « justification que l’information de la personne chargée de la mesure de protection prévue par l’article 460 » a bien été faite (article 63 du Code civil).
Le but étant, bien sûr, de permettre une opposition au mariage projeté, le cas échéant. Toute acte d’opposition devra être signifié, c’est-à-dire effectué par voie d’huissier, à la personne ou au domicile des parties et à l’officier d’état civil conformément à l’article 66 du Code civil. Après une année révolue, l’acte d’opposition cesse de produire effet mais il peut être renouvelé. En revanche, aucun renouvellement ne sera recevable si l’opposition émane d’un ascendant et qu’une mainlevée a été ordonnée judiciairement. Le tribunal de grande instance saisi par les époux d’une demande de mainlevée dispose de dix jours pour statuer (article 177 du Code civil).
Outre le droit d’opposition reconnu aux protecteurs, il est toujours possible à la personne en charge de la protection de « saisir le juge pour être autorisée à conclure seule une convention matrimoniale, en vue de préserver les intérêts de la personne protégée » (article 1399 du Code civil). Indication pertinente si la personne en charge de la protection soupçonne un risque d’atteinte aux intérêts financiers du majeur. À partir de là pourra être choisi un régime matrimonial différent du régime légal de la communauté réduite aux acquêts. Cette possibilité nouvelle de saisir le juge dans le sens sus-indiqué renforce la protection assurée aux majeurs protégés. En effet, il leur est toujours prohibé par l’article 1399 de conclure une convention matrimoniale sans l’assistance de leur protecteur. En autorisant ce dernier à saisir le juge, le législateur va plus loin. Cela permet de lutter contre des situations d’inertie du majeur, notamment, alors qu’il pourrait y avoir une menace sur le patrimoine.
La loi du 23 mars 2019 supprime l’obligation d’attendre deux années avant de pouvoir changer de régime matrimonial ; ce qui peut constituer, dans certains cas, une garantie supplémentaire en termes de protection (article 1397 du Code civil).
Finalement, l’évolution de notre législation correspond à la mise en conformité de notre droit avec les dispositions de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) adoptée par l’Assemblée générale des Nations-Unies le 13 décembre 2006, ratifiée par la France et entrée en vigueur le 20 mars 2010. Par ailleurs, cette évolution était appelée de ses vœux par le Défenseur des droits et par Anne Caron Déglise, Avocat générale à la Cour de cassation et auteure d’un rapport interministériel sur l’évolution de la protection juridique des personnes.
À propos de l’entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2019, il convient de distinguer deux situations :
  • d’une part, application aux dossiers de mariage déposés postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi. Ces dossiers devront contenir le justificatif de l’information de la personne en charge de la protection. Information qui devra porter sur le droit d’opposition que leur attribue la loi sous certaines conditions de fond et de forme bien entendu ;
  • d’autre part, application aux dossiers de mariage antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi. Toutes ces dispositions ont vocation à s’appliquer dès le 25 mars 2019. Par conséquent, si le juge a déjà été saisi d’une demande d’autorisation, la circulaire de présentation de la loi de 2019 indique que la requête pourrait se traduire par un non-lieu à autorisation. Elle devra alors mentionner le droit à opposition et ses modalités pratiques de mise en œuvre.

b. Le PACS

[Code civil, article 462 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
Avant la loi du 23 mars 2019, le majeur sous tutelle avait la possibilité de conclure ou de modifier un pacte civil de solidarité. Pour ce faire, il devait obtenir l’autorisation préalable du conseil de famille ou, à défaut, du juge, qui avait l’obligation d’auditionner les futurs partenaires et de recueillir, le cas échéant, l’avis des parents et de l’entourage de l’intéressé. Désormais, le majeur sous tutelle est libre de conclure un pacte civil de solidarité sans autorisation préalable du juge des tutelles.
En revanche, il doit être assisté de son tuteur lors de la signature de la convention. À l’inverse, aucune assistance ni représentation n’est requise pour faire la déclaration conjointe au greffe du tribunal d’instance ou devant le notaire instrumentaire (PACS passé par acte notarié).
De même, la personne sous tutelle peut rompre le pacte par déclaration conjointe ou par décision unilatérale. Aucune assistance ni représentation n’est requise pour l’accomplissement des formalités relatives à la rupture par déclaration conjointe. En cas de rupture unilatérale à l’initiative du majeur protégé, c’est le tuteur qui le fait signifier à l’autre. Une copie de cette signification est remise ou adressée au greffe du tribunal d’instance du lieu de son enregistrement ou au notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du pacte.
Par ailleurs, dans l’hypothèse où le pacte se révèle défavorable pour la personne sous tutelle, certaines règles sont posées pour sauvegarder ses droits :
  • pour être valable, la rupture unilatérale par l’autre partenaire doit être signifiée au tuteur ;
  • le tuteur peut rompre lui-même le pacte, sur autorisation du conseil de famille ou du juge, après audition du majeur protégé et, le cas échéant, recueil de l’avis de ses parents et de l’entourage. Cette disposition s’appliquera au pacte conclu avant ou après l’ouverture de la tutelle ;
  • les opérations de liquidation des droits et obligations entre les partenaires résultant du PACS ne peuvent être accomplies que par le tuteur, et c’est ce dernier qui représente le majeur protégé pour les opérations d’évaluation des créances entre les partenaires (C. civ., art. 515-7, al. 10 et 11).
Lorsque le partenaire du pacte civil de solidarité est le tuteur, il est réputé être en opposition d’intérêts avec la personne protégée : le juge doit alors nommer un tuteur ad hoc pour les actes ou diligences nécessitant son assistance ou qui doivent lui être notifiés.

c. Le divorce

[Code civil, articles 249 à 249-2[
Avant la loi du 23 mars 2019, une demande en divorce formée au nom d’un majeur en tutelle ne pouvait être présentée que par son tuteur, avec l’autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge des tutelles. Et seulement après avis médical et, dans la mesure du possible, après audition de l’intéressé, selon le cas, par le conseil de famille ou le juge. Si, à l’inverse, c’est l’autre époux qui souhaitait divorcer du majeur en tutelle, il devait intenter son action contre le tuteur.
Si la tutelle avait été confiée au conjoint de la personne protégée, un tuteur sera nommé judiciairement.
Désormais, l’article 249 du Code civil assouplit la règle en permettant au majeur sous tutelle d’accepter seul le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l’origine de celle-ci. Il pourra également présenter une demande en divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage par le biais de son tuteur (article 249-4 du Code civil). Dans l’instance, le majeur continuera donc d’être représenté par son tuteur.
Soulignons également que le majeur sous tutelle ne peut toujours pas accéder au divorce par consentement mutuel, ni en qualité de demandeur, ni en qualité de défendeur (article 249-4 du Code civil). Selon les termes de l’article 249-3 du même code, si une demande de mesure de protection est déposée ou en cours, la demande en divorce ne pourra être examinée qu’une fois que la décision aux fins d’une protection aura été prise. Pour autant, le juge aux affaires familiales pourra toujours prendre les mesures provisoires prévues par les articles 254 et 255 du Code civil.
Enfin, ces nouvelles dispositions entrent immédiatement en vigueur, c’est-à-dire dès le 25 mars 2019.

d. Le droit de vote du tutélaire

[Code électoral, article L. 64, L. 72-1 et L. 111 ; Code de procédure pénale, article 256, 8°[
De 1968 à 2005, le majeur sous tutelle ne disposait pas du droit de vote. Avec la loi du 11 février 2005 sur le handicap (5), ce droit reste paralysé, sauf décision contraire du juge. Puis, la loi du 5 mars 2007 relative à la protection juridique des majeurs a inversé la règle en « accordant » le droit de vote au tutélaire, sauf décision contraire du juge. Aujourd’hui, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice accorde le droit de vote au majeur sous tutelle sans condition. Elle l’élève au rang de citoyen à part entière avec effet immédiat de la loi c’est-à-dire une entrée en vigueur dès le 25 mars 2019. Il y avait urgence à adopter ces nouvelles dispositions quand on sait que dans 83 % des cas, la pratique des médecins et des juges aboutissait à la suppression du droit de vote (6).

LA RECHERCHE DES HÉRITIERS

Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs peuvent délivrer un mandat de recherche des héritiers de la personne protégée uniquement avec l’autorisation du juge des tutelles.
En pratique, en cas de décès d’un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, ce dernier peut, en l’absence d’héritiers connus, saisir le notaire du défunt en vue du règlement de la succession ou, à défaut, demander au président de la chambre départementale des notaires d’en désigner un.
Si le notaire chargé du règlement de la succession ne parvient pas à identifier les héritiers du majeur protégé, le mandataire judiciaire à la protection des majeurs, autorisé à cet effet par le juge des tutelles, ou le notaire, peut délivrer un mandat de recherche des héritiers. Aucune rémunération, sous quelque forme que ce soit, et aucun remboursement de frais n’est dû aux mandataires qui ont entrepris ou se sont prêtés à ces opérations sans avoir été préalablement mandatés à cette fin.
Avec, par ailleurs, un effet rétroactif de restitution du droit de vote aux majeurs qui en avaient été privés.
Un encadrement strict de ce droit est prévu. Tout d’abord, il s’agit d’un droit strictement personnel dans la mesure où il ne tolère ni représentation ni assistance.
Autrement dit, la personne en charge de la protection ne peut pas représenter le majeur lors du vote par le biais d’une procuration. Cette interdiction vaut également pour toute personne travaillant dans l’établissement social, médico-social et de santé accueillant le majeur, ou encore qui sont au service du majeur (employés de maison par exemple). D’autre part, il est interdit à la personne en charge de la protection du tutélaire de l’assister dans l’isoloir quand bien même une situation de handicap pourrait le justifier.
L’ensemble de ces dispositions visent évidemment à éviter toute forme d’influence sur le sens du vote du majeur. Le législateur allant jusqu’à prévoir une sanction pénale de 15 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement.
Notons quand même que l’inscription de ces personnes sur les listes électorales n’est pas automatique. La date limite, selon le droit commun, pour pouvoir voter aux élections européennes était fixé au 31 mars 2019. En application de l’article L. 30, 5° du code électoral qui s’applique aux personnes qui ont été privées du droit de vote par décision judiciaire mais qui l’ont recouvré, ce délai a été repoussé au 16 mai 2019. Bien sûr, il convient de fournir le jugement de tutelle pour demander à bénéficier de cette dérogation.
Signalons toutefois que les majeurs sous curatelle ou tutelle reste inéligibles selon les dispositions de l’article L. 200 du code électoral, malgré l’évolution des textes en vigueur.
Rétrospectivement, on peut dire que les recommandations de la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, Madame Catalina Devandas-Aguilar, ont été entendues sur le droit de vote mais pas sur le droit d’être éligible (7) ; En outre, les majeurs sous tutelle ne peuvent pas être jurés aux assises selon le 8° de l’article R 256 du code de procédure pénale.

e. Les actions en justice

[Code civil, article 475[
La personne en tutelle est représentée en justice par le tuteur. L’exercice des actions relatives aux droits extrapatrimoniaux de l’intéressé est soumis à autorisation, que le tuteur agisse en demande ou en défense.
Si le tuteur reste inactif, le conseil de famille ou, à défaut, le juge, peut lui enjoindre d’introduire l’action nécessaire à la défense des intérêts du majeur, sous peine de voir engager sa responsabilité personnelle.
Si, au contraire, le tuteur est allé trop loin, le conseil de famille ou le juge peut lui enjoindre de se désister ou de faire des offres pour transiger.


C. Le fonctionnement de la curatelle



I. LE RÔLE DU CURATEUR

a. Le principe

[Code civil, articles 467 et 469 ; Code de procédure civile, article 1257[
La personne en curatelle ne peut, sans l’assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille. Sont visés, par exemple, les actes de disposition, les transactions ou compromis ou les opérations de partage à l’amiable à l’égard du majeur protégé. Toutes ces dispositions concernent donc la gestion du patrimoine du majeur protégé. Sauf dans le cas de la curatelle renforcée, le majeur sous curatelle continue donc à effectuer seul les actes d’administration, c’est-à-dire de gestion courante (cf. supra, B, 2, a).
La curatelle restant un régime d’assistance, celle-ci se manifeste – précise la loi –, lors de la conclusion d’un acte écrit, par l’apposition de la signature du curateur à côté de celle de la personne protégée.
De plus, le curateur ne peut agir seul et se substituer à la personne sous curatelle pour agir en son nom.
Toutefois, il peut demander au juge de l’autoriser à accomplir un acte déterminé au nom du majeur protégé ou de provoquer l’ouverture d’une tutelle s’il constate que la personne en curatelle compromet gravement ses intérêts. Autrement dit, il pourra être autorisé à représenter le majeur. Cette dérogation à l’interdiction de principe de représentation du majeur en curatelle met fin à une jurisprudence qui considérait que le juge des tutelles ne pouvait jamais autoriser le curateur à représenter le majeur protégé pour un acte de disposition, en l’espèce la vente d’une automobile.
À l’inverse, la personne sous curatelle peut demander au juge l’autorisation d’agir seule en cas de défaut d’assistance de son curateur, en cas de désaccord par exemple. Dans ce cas, avant de statuer sur cette demande d’autorisation supplétive, le juge des tutelles doit entendre le curateur. Si appelé par le juge, le curateur ne vient pas, la convocation suffit.

b. L’adaptation de la mesure

[Code civil, articles 471 et 472 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC0901677C[
A tout moment, le juge a la possibilité d’énumérer les actes que la personne en curatelle a la capacité de faire seule ou, à l’inverse, d’ajouter d’autres actes à ceux pour lesquels l’assistance du curateur est exigée.
En outre, le juge peut décider de prononcer une curatelle renforcée à tout moment. Dans ce cas, le curateur :
  • perçoit seul les revenus de la personne en curatelle sur un compte ouvert au nom de cette dernière. « Il convient en conséquence, en raison du nouvel article 427 [du Code civil[ qui ne permet l’ouverture d’un autre compte de la personne protégée qu’avec l’autorisation du juge, dans l’intérêt de celle-ci, de prévoir systématiquement, dans le jugement prononçant la curatelle renforcée, l’autorisation donnée au curateur d’ouvrir un nouveau compte, au nom de la personne protégée mais exclusivement géré par le curateur » (circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009) ;
  • assure lui-même, à l’égard des tiers, le règlement des dépenses et verse l’excédent, s’il y a lieu, sur un compte laissé à la disposition de l’intéressé ou le verse en main propre.
Selon la jurisprudence, une telle curatelle renforcée ne peut être ouverte que si la personne n’est plus apte à percevoir ses revenus et à en faire une utilisation normale et si l’altération des facultés personnelles est avérée, ces deux conditions étant cumulatives. Et les juges du fond ne peuvent se borner à énoncer « qu’il apparaît opportun d’investir le curateur de pouvoirs renforcés », sans rechercher si l’intéressé « était ou non apte à percevoir ses revenus et à en faire une utilisation normale ».
En cas de curatelle renforcée, le pouvoir de représentation confié au curateur est en principe exclusivement limité à la perception des revenus et au règlement des dépenses. Pour les autres actes, le régime d’assistance de droit commun continue de s’appliquer. Le pouvoir de représentation du curateur a toutefois été étendu par la loi du 5 mars 2007, celui-ci pouvant être autorisé à conclure seul un bail d’habitation ou une convention d’hébergement au nom du majeur protégé. Cette possibilité ne doit toutefois pas remettre en cause le droit de la personne protégée de choisir librement son logement (C. civ., art. 459-2). Cette disposition s’inscrit dans la volonté de répondre aux situations d’urgence et de précarité, où la première des protections est celle de loger sans délai les personnes vulnérables.
Enfin, en cas de curatelle renforcée, la personne chargée de la protection est tenue de faire contrôler ses actes de gestion comme un tuteur (C. civ., art. 510 à 515). L’inventaire des biens est obligatoire et soumis aux mêmes modalités que dans le cadre de la tutelle (C. civ., art. 503).
Il n’est pas obligatoire en matière de curatelle simple.


II. LA PROTECTION DE LA PERSONNE

a. Le mariage

[Code civil, articles 63, 175, 460 et 1399[
Jusqu’à la loi du 23 mars 2019, le mariage d’une personne en curatelle n’était permis qu’avec l’autorisation du curateur ou, à défaut, celle du juge. Le refus du curateur pouvait être suppléé par l’autorisation du juge des tutelles dont la décision prononcée après un débat contradictoire devait être motivée en fonction de l’aptitude de l’intéressé à consentir au mariage. Cette décision judiciaire était susceptible de recours. Cette autorisation a été purement et simplement supprimée par la loi du 23 mars 2019. Les règles qui s’appliquent désormais au mariage, et notamment celles relatives à l’opposition, des majeurs sous curatelle ou sous tutelle sont identiques (voir supra, B « Le fonctionnement de la tutelle », 3 « La protection de la personne dans le cadre de la tutelle, a « Le mariage »).
Le majeur en curatelle ne peut passer de conventions matrimoniales sans être assisté, dans le contrat, par son curateur. À défaut de cette assistance, l’annulation des conventions peut être poursuivie dans l’année du mariage, soit par la personne protégée elle-même, soit par ceux dont le consentement était requis, soit par le curateur. Il est toujours possible à la personne en charge de la protection de « saisir le juge pour être autorisée à conclure seule une convention matrimoniale, en vue de préserver les intérêts de la personne protégée » (article 1399 du Code civil). Indication pertinente si la personne en charge de la protection soupçonne un risque d’atteintes aux intérêts financiers du majeur. À partir de là pourra être choisi un régime matrimonial différent du régime légal de la communauté réduite aux acquêts. Cette possibilité nouvelle de saisir le juge dans le sens sus-indiqué renforce la protection assurée aux majeurs protégés. En effet, il est toujours prohibé par l’article 1399 de conclure une convention matrimoniale sans l’assistance de leur protecteur. En autorisant ce dernier à saisir le juge, le législateur va plus loin. Cela permet de lutter contre des situations d’inertie du majeur, notamment, alors qu’il pourrait y avoir une menace sur le patrimoine.
La loi du 23 mars 2019 supprime l’obligation d’attendre deux années avant de pouvoir changer de régime matrimonial ce qui peut constituer, dans certains cas, une garantie supplémentaire en termes de protection (article 1397 du Code civil).

b. Le PACS

[Code civil, article 461 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC09901677C[
La loi du 5 mars 2007 a introduit dans le Code civil des dispositions, jusque-là inexistantes, sur la conclusion et la rupture d’un PACS par un majeur placé sous curatelle. Pour mettre fin aux divergences d’interprétation liées à ce vide juridique, elle prévoit ainsi que la personne en curatelle peut, avec l’assistance du curateur, signer une convention de pacte civil de solidarité ou la modifier.
Aucune autorisation du juge n’est requise. En revanche, l’enregistrement de la déclaration du pacte devant le greffier ou devant le notaire instrumentaire, acte considéré comme personnel, peut être accompli sans assistance par le majeur. Les mêmes règles s’appliquent en cas de modification de la convention. La loi donne également au majeur en curatelle la capacité de rompre seul un PACS, unilatéralement ou par déclaration conjointe avec son partenaire. Cette capacité est toutefois limitée dans deux hypothèses :
  • si, en cas de rupture du pacte d’un commun accord avec son partenaire, le majeur peut remettre seul la déclaration conjointe de rupture au greffe du tribunal d’instance ou au notaire, il doit être assisté par son curateur pour signifier une rupture unilatérale à son partenaire et en adresser la copie au greffe ou au notaire ;
  • l’assistance du curateur est également requise pour procéder aux opérations de liquidation des droits et obligations résultant du pacte ainsi que pour les opérations d’évaluation des créances entre les partenaires.
Lorsque le partenaire du pacte civil de solidarité est le curateur, il est réputé être en opposition d’intérêts avec la personne protégée : le juge devra nommer un curateur ad hoc pour les actes ou diligences nécessitant son assistance ou qui doivent lui être notifiés.

c. Le divorce

[Code civil, articles 249 à 249-2[
Le majeur en curatelle a le droit d’exercer lui-même l’action en divorce avec l’assistance du curateur. Si l’action est intentée par l’autre époux, le majeur en curatelle est en droit de se défendre lui-même, avec l’assistance de son curateur.
Si la curatelle avait été confiée au conjoint de la personne protégée, un curateur ad hoc doit être désigné.
Désormais, l’article 249 du Code civil assouplit la règle en permettant au majeur sous curatelle d’accepter seul le principe de la rupture du mariage, sans considération des faits à l’origine de celle-ci. Il pourra également présenter une demande en divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage avec l’assistance de son curateur (article 249-4 du Code civil). Dans l’instance, le majeur continuera donc d’être assisté par son curateur.
Soulignons également que le majeur sous curatelle ne peut toujours pas accéder au divorce par consentement mutuel, ni en qualité de demandeur, ni en qualité de défendeur (article 249-4 du Code civil). Selon les termes de l’article 249-3 du même code, si une demande de mesure de protection est déposée ou en cours, la demande en divorce ne pourra être examinée qu’une fois que la décision aux fins d’une protection aura été prise. Pour autant, le juge aux affaires familiales pourra toujours prendre les mesures provisoires prévues par les articles 254 et 255 du Code civil.
Enfin, ces nouvelles dispositions entrent immédiatement en vigueur c’est-dire dès les 25 mars 2019.

d. Les droits civiques

[Code de procédure pénale, article 256, 8°[
Contrairement aux majeurs sous tutelle, le code électoral ne prévoit pas de disposition particulière par rapport au droit de vote des majeurs sous curatelle. Ils en disposent donc sans restriction comme tout un chacun. À l’instar des majeurs sous tutelle, les majeurs sous curatelle ne sont pas éligibles et ne peuvent être jurés aux assises.


III. DES RÈGLES SPÉCIFIQUES POUR QUELQUES ACTES RELATIFS AU PATRIMOINE

a. Les donations

[Code civil, article 470[
Il est interdit à la personne protégée de faire des donations sans l’assistance de son curateur.

b. Les dispositions testamentaires

[Code civil, article 470[
Le majeur sous curatelle garde la possibilité de faire librement un testament. Toutefois, cet acte peut faire l’objet d’une annulation ultérieure s’il est prouvé que l’intéressé n’était pas sain d’esprit au moment de sa rédaction (C. civ., art. 901).

c. L’emploi des capitaux

[Code civil, article 468, alinéas 1 et 2[
La personne protégée ne peut pas employer ses capitaux sans l’assistance de son curateur.
En revanche, la perception des capitaux est soustraite du champ de l’assistance : ceux-ci doivent être directement versés sur un compte ouvert exclusivement au nom du majeur et mentionnant son régime de protection, sans passer par le curateur. Cette disposition vise à concrétiser le principe d’individualisation des comptes bancaires.

d. La conclusion d’un contrat de fiducie

[Code civil, article 468, alinéa 2[
La personne en curatelle ne peut conclure un contrat de fiducie, sans l’assistance du curateur. C’est une loi du 19 février 2007 qui a introduit la fiducie dans le Code civil (C. civ., art. 2011 et suivants). La fiducie est « l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires ».
La fiducie est établie par la loi ou par contrat. Elle doit être expresse. Le contrat de fiducie est nul s’il procède d’une intention libérale au profit du bénéficiaire. Cette nullité est d’ordre public.

e. Les actions en justice

[Code civil, articles 467 et 468, alinéa 3[
À peine de nullité, toute signification faite au majeur en curatelle l’est également au curateur. Dès lors, une procédure en justice encourt la nullité lorsqu’en défense, une signification a été faite au majeur en curatelle et non au curateur, quand bien même celui-ci interviendrait, par la suite, de manière volontaire, dans l’instance en cours.
Par ailleurs, la personne en curatelle doit solliciter l’assistance du curateur pour introduire une action en justice ou pour se défendre lorsqu’il fait l’objet d’une action à son encontre. A défaut, viole l’article 468 du Code civil une cour d’appel qui statue, postérieurement au placement d’une personne sous curatelle, sans qu’il ait été démontré par les pièces de procédure ou les énonciations de l’arrêt qu’elle ait été assistée de son curateur.


(1)
(Loi n° 2015-177 de modernisation et simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, JORF n° 0040 du 17 février 2015, p. 2961).


(2)
Arrêté du 22 février 2011, NOR : JUSA1011149A, JO du 10-04-11.


(3)
Rap. Sén. n° 212, de Richemont, février 2007, p. 128.


(4)
Caron-Déglise A., « Un nouveau cadre pour la protection des majeurs (1re partie) », Revue juridique Personnes et Famille, n° 1, janvier 2009, p. 10.


(5)
Loi n° 2005-102 du 11 février relative à l’égalité de droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, JORF n° 36 du 12 février 2005, p. 2353


(6)
pourcentage cité par : C. ADADIE et M. PRADIÉ, Les droits fondamentaux des majeurs protégés, Rapport d’information, Assemblée Nationale, 26 juin 2019, p. 49


(7)
Assemblée générale des Nations-Unies, Conseil des droits de l’homme, 40ème session, 25 février-22 mars 2019, Rapport de la rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, Madame Catalina Devandas-Aguilar, pp. 8-9

SECTION 4 - LES MESURES JUDICIAIRES DE PROTECTION

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur