Principale innovation de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection juridique des majeurs, le mandat de protection future est une mesure conventionnelle destinée à permettre à toute personne d’organiser pour l’avenir sa protection ainsi que celle de ses biens, pour le cas où elle ne serait plus en mesure de le faire elle-même en raison de son état de santé physique ou mental, et d’éviter ainsi l’ouverture d’une mesure judiciaire de protection (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice).
Le mandat de protection future permet également d’organiser l’avenir d’un enfant souffrant d’une maladie ou d’un handicap, en choisissant la personne physique ou morale qui sera chargée de s’occuper de lui lorsque ses parents ne seront plus en mesure de le faire eux-mêmes. On parle alors de mandat « pour autrui ».
Quoique innovant en droit français, ce nouveau dispositif s’est inspiré d’expériences à l’étranger, notamment au Québec et en Allemagne au début des années 1990. Il a pris également appui sur une recommandation du 23 février 1999 du Conseil de l’Europe, qui reconnaît le principe d’un mandat d’inaptitude permettant à un adulte de confier certains pouvoirs lorsqu’il sera hors d’état de pourvoir seul à ses intérêts, et sur la Convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes, laquelle prend également en compte la gestion de l’incapacité en favorisant le développement du mandat d’inaptitude. À l’instar de la plus grande partie des dispositions de la loi du 5 mars 2007, ce nouveau dispositif est entré en vigueur au 1er janvier 2009. Cependant, afin de permettre aux personnes intéressées de préparer l’entrée en vigueur de ce mécanisme, la loi avait permis à toute personne, dès le 7 mars 2007, de confier un mandat de protection future à une personne physique (et non morale), le mandat ne pouvant prendre effet qu’au 1er janvier 2009 (loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, art. 45, III). En pratique, le mandat de protection future peut être établi par acte notarié ou sous seing privé et fonctionne comme une procuration. Le mandataire (personne à laquelle est confiée l’exécution du mandat) doit donc présenter le mandat chaque fois qu’il effectue des actes concernant la vie personnelle et/ou le patrimoine du mandant (personne protégée).
Sur le terrain toutefois et malgré ses avantages, le mandat de protection future est encore peu utilisé. Selon des estimations, 5 000 mandats de protection future pour soi-même seraient actuellement signés et 538 ont effectivement pris effet. « Les spécialistes auditionnés ont unanimement reconnu le fait qu’il n’est pas suffisamment bien expliqué, et qu’il manque à la fois de visibilité et de contrôle ».
Dans tous les cas on sait que l’absence de publicité du mandat rend difficile l’établissement de statistiques fiables en la matière. Néanmoins, il semblerait que 968 mandats ont été mis en œuvre en 2016 contre seulement 140 en 2009. L’âge des mandants, dans 83 % des cas, se situe au-delà de 80 ans et il s’agit majoritairement de femmes (1). Même si le risque d’une procédure en nullité pour insanité d’esprit ou en révocation pour atteinte aux intérêts du mandant semble majoré du fait de l’âge avancé du mandant lors de la conclusion de l’acte, en pratique les juges semblent maintenir le mandat. Ce qui correspond à une application du principe de subsidiarité énoncé par l’article 428 du Code civil. La loi du 23 mars 2019 renforce ledit principe : le nouvel article 428 disposant désormais que la « mesure de protection judiciaire ne peut être ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par la mise en œuvre du mandat de protection future conclu par l’intéressé... ». On peut donc dire à partir de là que le législateur a souhaité en faire la mesure phare pour anticiper son état de vulnérabilité.
(1)
A. CARON DÉGLISE, L’évolution de la protection juridique des personnes. Reconnaître, soutenir et protéger les plus vulnérables, 2018, p 45