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L’ACTION POUR INSANITÉ D’ESPRIT

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[Code civil, articles 414-1 et 414-2[
Pour être valable, un acte doit être pris par une personne saine d’esprit. Il appartient à ceux qui demandent l’annulation d’un acte pour cette raison d’apporter la preuve d’un trouble mental au moment de l’acte. L’insanité d’esprit et le trouble mental sont des notions très générales. « Elles s’appliquent, bien entendu, aux malades mentaux proprement dits, qu’ils soient ou non soumis à un régime de protection, qu’ils soient durablement atteints dans leurs facultés intellectuelles ou en proie à une hallucination temporaire. » Mais « elles couvrent également le cas de tout individu privé de raison, notamment sous les effets de la drogue, de l’alcool, d’une maladie physique comme la fièvre ou même sous l’empire d’une intense émotion. Le critère déterminant est l’absence de discernement au moment de la passation de l’acte. En la matière, le juge a un pouvoir d’appréciation souverain ».
Cette action peut être exercée uniquement par l’intéressé s’il est en vie. Après sa mort, ses héritiers peuvent demander la nullité des actes faits, à l’exclusion des donations faites de son vivant et des dispositions testamentaires, pour insanité d’esprit dans trois hypothèses :
  • l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental ;
  • l’acte a été fait alors que l’intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;
  • une action a été introduite avant son décès aux fins d’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle, ou d’une habilitation familiale ou si un mandat de protection future a pris effet. Peuvent donc être annulés les avenants à des contrats d’assurance vie – la souscriptrice ayant modifié les noms des bénéficiaires – par un héritier après le décès de celle-ci alors que de son vivant elle n’était pas placée sous sauvegarde de justice mais qu’une action en ouverture d’une mesure de tutelle ou curatelle avait été introduite à son égard.
Cette action se prescrit par cinq ans.
La jurisprudence a eu l’occasion d’expliciter la mise en œuvre de cette action en insanité lorsque le juge des tutelles a autorisé l’acte mis en cause. En effet, dans cette affaire, le juge des tutelles avait autorisé, dans le cadre d’une curatelle renforcée, le curateur à vendre un bien de la personne protégée, estimant que ses ressources ne lui permettaient pas de faire face aux dépenses qu’engendre un appartement dont elle était propriétaire. Un compromis de vente est alors conclu. La personne placée sous curatelle intente alors un recours en nullité de cet acte pour insanité d’esprit. Les acheteurs de l’appartement contestent de leur côté, estimant que l’acte a été autorisé par le juge et ferait donc échec à une action en nullité pour insanité d’esprit. Mais la Cour de cassation en a jugé autrement : « L’autorisation donnée par le juge des tutelles de vendre la résidence d’un majeur protégé ne fait pas obstacle à l’action en annulation, pour insanité d’esprit, de l’acte passé par celui-ci. » Or, en l’occurrence, elle relève que l’intéressée était bien insane d’esprit au moment de la conclusion de l’acte (la personne présentait une décompensation dépressive et un délire hallucinatoire et se trouvait encore hospitalisée, lors de la signature de l’acte, avec un traitement comprenant 13 médicaments pour la calmer). Cette décision prise – sous l’empire des dispositions antérieures à la réforme de 2009 – reste, à notre sens, applicable, dans la mesure où ces dispositions ont été reprises pour l’essentiel dans la nouvelle législation.
LA POURSUITE, L’INSTRUCTION ET LE JUGEMENT DES INFRACTIONS COMMISES PAR DES MAJEURS PROTÉGÉS
La loi du 5 mars 2007 a introduit de nouvelles règles de procédure en matière de poursuite, d’instruction et de jugement des infractions commises par des majeurs protégés. Ce faisant, le législateur a souhaité éviter une autre condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme qui, dans un arrêt du 30 janvier 2001, avait estimé que la législation française méconnaissait le droit effectif à un procès équitable, énoncé à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En l’espèce, un majeur sous curatelle n’avait pas répondu aux convocations qui lui avaient été adressées, et avait fait l’objet d’un jugement réputé contradictoire pour atteintes sexuelles sur mineur de 15 ans sans que son curateur ait été informé de l’existence de la procédure pénale (1).
Sept nouveaux articles ont donc été insérés dans le code de procédure pénale et complétés par des dispositions réglementaires. L’ensemble étant applicable depuis le 26 novembre 2007. L’article 706-112 prévoit ainsi l’application de dispositions particulières lorsqu’il est établi, au cours d’une procédure pénale, que la personne majeure fait l’objet d’une mesure de protection juridique.
Un droit à l’information...
L’article 706-113 énonce que, dans ce cas, le curateur ou le tuteur ainsi que le juge des tutelles, doivent être avisés par le procureur de la République ou par le juge d’instruction, par lettre recommandée ou sous la forme d’une télécopie avec récépissé ou par un envoi adressé par un moyen de télécommunication à l’adresse électronique de l’avocat et dont il est conservé une trace écrite (C. proc. pén., art. 803-1) :
  • des poursuites dont la personne fait l’objet ;
  • d’une alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation ;
  • d’une composition pénale ou d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;
  • d’une audition comme témoin assisté. À défaut d’information sur l’engagement de poursuite, les jugements et arrêts rendus dans le cadre de l’affaire pénale encourent la nullité (2).
Par ailleurs, il a été jugé que le simple avis par téléphone adressé à une curatrice après que la personne protégée a été entendue et placée sous le statut de témoin assisté n’est pas conforme à ces textes, d’autant que la mesure de protection dont bénéficiait le majeur poursuivi était connue des autorités de poursuite et d’instruction et que la curatrice « n’a été informée ni du réquisitoire introductif visant nommément celui-ci ni de l’interrogatoire de première comparution » (3).
Ces modalités d’envoi ne s’appliquent pas si le curateur, ou le tuteur, est auditionné comme témoin avec procès-verbal au cours de l’enquête ou de l’instruction. Dans ce cas, cette information est donnée à cette occasion. De même, en cas d’urgence, elle peut être faite par tout moyen (C. proc. pén., art. D. 47-15).
En outre, une lettre simple suffit, ou le recours aux modalités de l’article 803-1 du code de procédure pénale, pour aviser le tuteur, ou le curateur, de l’exécution d’une composition pénale.
Code des assurances
aviser, selon les mêmes modalités, le curateur ou le tuteur des décisions de non-lieu, de relaxe, d’acquittement, d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ou de condamnation dont la personne fait l’objet (C. proc. pén., art. 706-113 et D. 47-18).
... à la communication du dossier...
Le curateur, ou le tuteur, peut, par ailleurs, prendre connaissance des pièces de la procédure dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues pour la personne poursuivie. Toutefois, au cours de l’information, le tuteur, ou le curateur, ne peut obtenir une copie du dossier de la procédure que par l’intermédiaire de l’avocat de la personne mise en examen ou témoin assisté (C. proc. pén., art. D. 47-16, al. 1). En revanche, lorsque la personne est citée ou renvoyée devant la juridiction de jugement, ou lorsqu’il est fait application de la procédure alternative de réparation ou de médiation ou de la procédure de composition pénale, le tuteur, ou le curateur, a droit, à sa demande, à la copie du dossier de la procédure. Cette copie lui est délivrée gratuitement (C. proc. pén., art. D. 47-16, al. 2).
En outre, lors de la procédure de réparation, de médiation, de composition pénale, de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la personne peut être assistée de son tuteur, ou de son curateur, si celui-ci est présent, lorsqu’elle comparaît devant le procureur de la République, son délégué ou son médiateur, ou devant le magistrat du siège chargé de valider ou d’homologuer la procédure (C. proc. pén., art. D. 47-17).
... et un droit de visite en cas de détention provisoire
Le tuteur et le curateur bénéficient par ailleurs de plein droit d’un permis de visite si la personne protégée est placée en détention provisoire (C. proc. pén., art. 706-113). Par exception, le magistrat saisi du dossier de la procédure peut refuser de délivrer ce permis de visite ou le retirer si cette personne est la victime de l’infraction ou s’il existe des raisons plausibles de présumer qu’elle est coauteur ou complice de l’infraction (C. proc. pén., art. D. 47-19).
L’obligation d’être assisté d’un avocat
Le majeur protégé poursuivi doit toujours être assisté par un avocat. Si lui, son curateur ou son tuteur n’en choisit pas, le procureur de la République ou le juge d’instruction en fait désigner un par le bâtonnier, l’intéressé étant informé que les frais seront à sa charge, sauf s’il remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle (C. proc. pén., art. 706-116). Lorsque, en appel, la chambre des appels correctionnels constate que le prévenu a été jugé sans être assisté par un avocat, son président en fait désigner un par le bâtonnier, l’intéressé étant de nouveau informé que les frais sont à sa charge, sauf s’il remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle. La chambre renvoie ensuite l’affaire à une audience ultérieure à laquelle le prévenu sera assisté par un avocat, puis annule le jugement, reprend toutes les questions à traiter, même celles qui ne sont pas abordées par les premiers juges, et statue sur le fond (C. proc. pén., art. D. 47-26).
L’information sur l’audience
Le curateur, ou le tuteur, est ensuite avisé de la date d’audience (C. proc. pén., art. 706-113). Cette obligation s’impose uniquement en matière correctionnelle et criminelle, ainsi que pour les contraventions de la cinquième classe. À défaut d’information sur la date d’audience, les jugements et arrêts rendus dans le cadre de l’affaire pénale encourent la nullité (4). Le ministère public doit alors aviser les intéressés de la date et de l’objet de l’audience par lettre recommandée ou, selon les modalités prévues par l’article 803-1 du code de procédure pénale, dix jours au moins avant la date de l’audience.
Lorsqu’il est présent à l’audience, le curateur, ou le tuteur, doit être entendu par la juridiction en qualité de témoin. À cet effet, il doit en principe prêter serment. N’ont toutefois pas à prêter serment le père, la mère ou tout autre ascendant du prévenu/accusé ou de l’un des prévenus/accusés présents et impliqués dans la même affaire, le fils, la fille ou tout autre descendant, les frères et sœurs, les alliés aux mêmes degrés, le mari ou la femme, y compris après le divorce, la partie civile et les enfants de moins de 16 ans ainsi que toute personne qui a été accusée, prévenue ou condamnée soit pour le crime dont est saisie la cour d’assises en qualité de coauteur ou complice, soit pour un crime ou un délit connexe ou formant un ensemble indivisible avec le crime soumis à la cour (C. proc. pén., art. 335 et 448). Les intéressés n’ont pas besoin de se retirer dans une chambre du Palais de justice et de n’en sortir que pour déposer, comme c’est la règle habituellement. Les dispositions des articles 325 et 436 du code de procédure pénale ne sont, en effet, pas applicables (C. proc. pén., art. D. 47-20).
Une expertise médicale avant tout jugement sur le fond
La personne poursuivie doit être soumise avant tout jugement au fond à une expertise médicale (C. proc. pén., art. 706-115). Cette dernière a pour objet de déterminer si l’intéressé était ou non atteint au moment des faits d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli ou altéré son discernement ou ayant aboli ou entravé le contrôle de ses actes, afin de permettre à la juridiction saisie d’appliquer les dispositions de l’article 122-1 du Code pénal sur l’irresponsabilité pénale. La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime.
Lorsqu’une information est ouverte, et notamment en matière criminelle, une expertise psychiatrique est ordonnée consistant notamment en un examen médical et psychologique (C. proc. pén., art. 81, al. 8). Cette expertise peut être ordonnée dès le stade de l’enquête par le procureur de la République (C. proc. pén., art. D. 47-21). Elle est facultative (C. proc. pén., art. D. 47-22) :
  • en cas de procédure d’alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation ;
  • en cas de composition pénale ;
  • lorsque la personne est entendue comme témoin assisté ;
  • lorsqu’il est fait application de la procédure d’ordonnance pénale ;
  • en cas de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
En outre, en matière correctionnelle et contraventionnelle, le juge d’instruction ou le président du tribunal correctionnel peut, par ordonnance motivée qui peut être prise en même temps que l’ordonnance de règlement ou par jugement motivé qui peut être joint au jugement sur le fond en certaines circonstances et sauf opposition de la personne mise en examen ou du prévenu et de son avocat, dire qu’il n’y a pas lieu de soumettre l’intéressé à une expertise. Il en est ainsi lorsqu’il découle des éléments issus de la procédure civile ayant conduit à la mise en œuvre de la mesure de protection juridique, et notamment des certificats médicaux ou des expertises y figurant, des indications suffisantes pour apprécier si l’intéressé était ou non atteint au moment des faits d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli ou altéré son discernement ou ayant aboli ou entravé le contrôle de ses actes. Ces éléments sont versés au dossier de la procédure pénale à la demande du ministère public, du juge d’instruction ou du tribunal correctionnel (C. proc. pén., art. D. 47-23).
Cette expertise peut être confiée à un expert psychiatre ou à un médecin figurant sur la liste des médecins habilités à rédiger les certificats médicaux permettant l’ouverture d’une mesure de protection juridique (C. civ., art. 431). Ils sont alors rémunérés conformément aux dispositions de l’article R. 117, 9° du code de procédure pénale (C. proc. pén., art. D. 47-24). Lorsque, en cas d’appel, la chambre des appels correctionnels constate que le prévenu a été jugé sans que l’expertise ait été réalisée, hors les cas où elle est facultative ou a été jugée inutile, elle ordonne qu’il soit procédé à cette expertise.
La chambre renvoie alors l’affaire à une audience ultérieure, puis, au vu du résultat de l’expertise, annule le jugement, évoque et statue sur le fond (C. proc. pén., art. D. 47-25).
Le curateur ou le tuteur complice ou victime
S’il existe des raisons plausibles de présumer que le curateur, ou le tuteur, est coauteur ou complice de l’infraction, et faute de subrogé curateur ou de subrogé tuteur, le procureur de la République ou le juge d’instruction demande au juge des tutelles la désignation d’un tuteur ou d’un curateur ad hoc. Il en est de même si le tuteur, ou le curateur, est victime de l’infraction. À défaut, le président du tribunal de grande instance désigne un représentant ad hoc pour assister la personne au cours de la procédure pénale (C. proc. pén., art. 706-114).
Le majeur protégé placé sous sauvegarde de justice
Lorsque le majeur protégé fait l’objet d’une mesure de sauvegarde de justice, le procureur de la République, ou le juge d’instruction, avise le juge des tutelles des poursuites le concernant. Le magistrat peut alors désigner un mandataire spécial qui dispose, au cours de la procédure, des prérogatives confiées au curateur ou au tuteur par l’article 706-113 (cf. ci-dessus). Ces prérogatives sont également reconnues au mandataire de protection future (C. proc. pén., art. 706-117).
[Code de procédure pénale, articles 706-112 à 706-118 et D. 47-15 à D. 47-26[


(1)
CEDH, 30 janvier 2001, affaire Vaudelle contre France, requête n° 35683/97,


(2)
Cass. crim., 14 avril 2010, requête n° 09-83503,


(3)
Cass. crim., 3 mai 2012, requête n° 11-88725,


(4)
Cass. crim., 3 avril 2012, requête n° 11-82847,

SECTION 6 - LE CONTRÔLE DES MESURES DE PROTECTION

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