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LA VÉRIFICATION DES COMPTES

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[Code civil, articles 472, alinéa 3, et 486, alinéa 2[
Plusieurs dispositions du Code civil sont relatives à l’établissement et à la vérification des comptes. Elles s’appliquent aux mesures de tutelle mais également, par jeu de renvois, à la sauvegarde de justice lorsqu’un mandataire spécial est nommé, ainsi qu’à la curatelle renforcée. Dans certaines circonstances, le mandataire de protection future peut également être amené à faire vérifier ses comptes suivant cette procédure, à la demande du juge. Par facilité de langage, nous évoquerons uniquement la tutelle dans la suite de ces développements.


A. L’établissement et la vérification des comptes



I. LE PRINCIPE

[Code civil, articles 510, 511 et 513 à 515 ; Code de procédure civile, articles 1254 et 1254-1 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009, NOR : JUSC09901677C[
L’article 510 du Code civil prévoit que le tuteur a l’obligation d’établir annuellement un compte de sa gestion auquel sont annexées toutes les pièces justificatives utiles (relevés bancaires, par exemple). Il doit, à cette fin, solliciter des établissements bancaires, notamment, auprès desquels un ou plusieurs comptes sont ouverts au nom de la personne protégée, un relevé annuel de ceux-ci, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou le secret bancaire.
Le tuteur est soumis à une obligation de confidentialité. Les copies du compte de gestion et de ses pièces justificatives ne peuvent être communiquées que dans les conditions suivantes :
  • le tuteur a l’obligation de remettre cette copie au majeur protégé s’il est âgé d’au moins 16 ans et au subrogé tuteur s’il a été nommé. S’il l’estime utile, il peut également la transmettre aux autres personnes chargées de la mesure de protection, c’est-à-dire aux autres tuteurs ou subrogés tuteurs, s’il y en a, et aux membres du conseil de famille, s’il a été constitué ;
  • la transmission au conjoint ou au partenaire pacsé, aux parents, alliés et proches de la personne protégée est possible, sur autorisation du juge. Elle est cependant subordonnée à l’audition préalable de l’intéressé et au recueil de son consentement s’il a au moins 16 ans et si son état le permet. En outre, pour être destinataire du compte, son entourage doit justifier d’un intérêt légitime. Cette communication se fait à la charge des intéressés.
Actuellement, la vérification des comptes est confiée par le juge à différents acteurs selon l’hypothèse dans laquelle on se trouve. La matière est régie par les articles 511 et 513 du Code civil. Ainsi cette vérification des comptes relève-t-elle :
  • du directeur des services de greffe du tribunal d’instance. Le cas échéant, assisté d’un huissier de justice aux frais du majeur ou après contrôle préalable du subrogé tuteur ;
  • d’un subrogé tuteur ou curateur ;
  • d’un technicien (expert-comptable) si les ressources du majeur et la composition de son patrimoine le justifient.
La circulaire du 25 mars 2019 de présentation des entrées en vigueur des dispositions civiles de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice précise le point suivant :
« Ainsi, en dépit des mesures de décharge, de dispense et d’assistance intervenues depuis la loi du 5 mars 2007, le contrôle des comptes de gestion représente toujours une tâche particulièrement lourde effectuée dans des conditions peu satisfaisantes. L’ineffectivité de ce contrôle a, d’ailleurs, été à plusieurs reprises dénoncée par les parlementaires (avis n° 3811 de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale du 12 octobre 2011, Monsieur Christophe Sirugue, tome III, “Cinq ans pour sauver la justice “par la Cour des comptes (Réforme de la protection juridique des majeurs,, novembre 2011, La Protection juridique des majeurs, Une réforme ambitieuse, une mise en œuvre défaillante, septembre 2016) par le Défenseur des droits (Rapport sur la protection juridique des majeurs, septembre 2016) dans différents rapports sur la Justice ».
Aussi, deux leviers ont été actionnés par le législateur de 2019 pour améliorer l’organisation du contrôle des comptes du majeur protégé. D’abord, par le renforcement de l’obligation d’inventaire que nous avons déjà traité dans ce numéro (se reporter à la section IV, §3, b « Les actes que le tuteur accomplit sans autorisation »). Ensuite, par la mise en place d’un contrôle interne des comptes de gestion pour les majeurs et l’extension des possibilités de dispense de vérification. C’est ce dernier point qui fait l’objet des développements qui vont suivre.

a. Mise en place d’un contrôle interne ou externe des comptes de gestion

Désormais, il est prévu que le contrôle des comptes de gestion des majeurs sera confié aux organes de la mesure ou externalisé en fonction de l’organisation de la mesure et de la consistance du patrimoine du majeur.
1. Contrôle interne en cas de pluralité d’organes de protection
Dans cette hypothèse le principe posé par l’article 512 alinéa 1er du Code civil est celui de la vérification et l’approbation des comptes annuels par les organes internes de protection à titre gratuit. Il peut s’agir d’une mission confiée au subrogé tuteur ou subrogé curateur ou au conseil de famille, le cas échéant.
Lorsque plusieurs personnes ont été désignées dans les conditions de l’article 447 du même code (co-tuteur, co-curateur, tuteur adjoint ou curateur adjoint) pour la gestion patrimoniale, les comptes de gestion annuels doivent être signés par chacune d’elles, ce qui vaut approbation. En cas de difficulté, le juge statue sur la conformité des comptes à la requête de l’une des personnes chargées de la mesure de protection.
2. Contrôle externe en fonction de l’importance et de la consistance du patrimoine ou de l’absence de pluralité d’organes de protection
L’importance et la consistance du patrimoine du majeur peuvent justifier la nécessité d’un contrôle externe selon les termes de l’article 512 alinéa 2 du Code civil. Dans cette hypothèse, « le juge désigne, dès réception de l’inventaire du budget prévisionnel, un professionnel qualifié chargé de la vérification et de l’approbation des comptes » (notaire, huissier, avocat, expert-comptable, commissaire aux comptes, administrateur ou mandataire judiciaire ou tout autre personne). La décision du juge fixe alors les modalités selon lesquelles la personne chargée de la protection soumet à ce professionnel lesdits comptes, accompagnés en vue de ces opérations des pièces justificatives. Il convient en effet de tenir compte du coût d’un tel contrôle supporté par le majeur, le juge pouvant le moduler et par conséquent lui attribuer une fréquence autre qu’annuelle.
Le contrôle externe est également la règle lorsqu’il y a absence de pluralité d’organes de protection (article 512 in fine du Code civil).

b. Dispense de soumission des comptes à approbation, voire d’établissement d’un compte de gestion.

Le juge peut décider de dispenser la personne en charge de la mesure de protection de soumettre le compte de gestion à approbation du fait de la modicité des revenus et du patrimoine de l’intéressé (article 513 alinéa 1er du Code civil). En revanche, l’obligation d’établir le compte subsiste.
Lorsque la mesure n’est pas exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, le juge peut même dispenser la personne de l’établissement d’un compte de gestion.

c. Entrée en vigueur de nouvelles dispositions (extrait de la circulaire de présentation de la loi du 23 mars 2019).

▸ Le contrôle par les organes de la procédure et la possibilité pour le juge de prononcer une dispense des comptes s’appliquent aux mesures en cours pour les comptes de gestion établis à compter du lendemain de la publication de la loi, c’est-à-dire du 25 mars 2019.
▸ L’alinéa 2 de l’article 512 dans sa nouvelle rédaction, relatif à la désignation par le juge d’un professionnel qualifié pour contrôler les comptes de gestion, n’entrera en vigueur qu’à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2023. Ce qui permet de maintenir le contrôle par les directeurs des services de greffe judiciaires jusqu’à cette date lorsqu’un contrôle interne n’est pas possible, ni une dispense des comptes.
▸ Lorsque les dispositions nouvelles de contrôle des comptes ne trouvent pas à s’appliquer immédiatement, en l’absence d’organes internes à la procédure pour y procéder, les articles 511 et 513 anciens du Code civil continuent à s’appliquer dans leur rédaction antérieure à la loi. En d’autres termes, la vérification et l’approbation des comptes restent alors soumises au contrôle du directeur des greffes. Cette mesure transitoire ne peut s’appliquer que jusqu’à l’entrée en vigueur du décret visé à l’alinéa 2 de l’article 512, et au plus tard, le 31 décembre 2023.


II. 2. LA DISPENSE D’ÉTABLISSEMENT ET DE CONTRÔLE DU COMPTE DE GESTION

[Code civil, article 512 ; circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009[
Par exception, lorsque la tutelle n’a pas été confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, le juge peut dispenser le tuteur d’établir le compte de gestion et de le faire approuver. Le juge ne peut accorder cette dispense qu’en considération de la modicité des revenus et du patrimoine de la personne protégée.
L’idée est ainsi de favoriser les tutelles familiales en évitant de décourager, par des obligations comptables lourdes, la prise en charge par l’entourage de la personne à protéger. « Il semble en effet inutile d’imposer des obligations comptables aux parents qui, par exemple, gèrent l’allocation adulte handicapé de leur enfant devenu majeur. Dans de tels cas, l’exigence de production de comptes pourrait être perçue par les intéressés comme une marque de défiance excessive ».
Cette disposition doit également permettre au juge de prendre plus particulièrement en compte la situation des majeurs lourdement atteints d’un handicap de naissance et qui demeurent au quotidien à la charge affective, morale et matérielle de leurs parents ; ces derniers pourvoient, souvent bien au-delà du montant de l’allocation aux adultes handicapés allouée au majeur, aux besoins de celui-ci, et il paraît alors inadapté de devoir leur demander des comptes sur la gestion des faibles ressources de leur enfant qu’ils assument presque totalement. Indiquons à nouveau que l’obligation d’établissement d’un compte annuel de gestion ne s’applique pas en matière d’habilitation familiale.


B. Les obligations comptables à la fin de la mesure

[Code civil, article 514[
Les opérations intervenues entre l’établissement du dernier compte et la fin de la tutelle sont contrôlées dans les mêmes conditions que chaque compte annuel. Les comptes de gestion sont vérifiés et approuvés annuellement :
  • par le subrogé tuteur lorsqu’il en a été nommé un ;
  • par le conseil de famille lorsque ce dernier a désigné comme tuteur ou subrogé tuteur un mandataire judiciaire à la protection des majeurs (article 457 du Code civil).
Lorsqu’il y a eu désignation d’une pluralité de tuteurs ou curateurs, alors les comptes annuels de gestion doivent être signés par chacun d’eux et cela vaut approbation.
Lorsque la mission prend fin pour quelque cause que ce soit, le tuteur établit un compte de gestion des opérations intervenues depuis l’établissement du dernier compte et le soumet à la vérification et à l’approbation selon les règles prévues par les articles 512 à 513-1 du Code civil.
En plus du compte de gestion retraçant les opérations intervenues depuis le dernier compte, le tuteur, ou ses héritiers s’il est décédé, doivent, dans les trois mois qui suivent la fin de la tutelle, remettre à certaines personnes une copie des cinq derniers comptes de gestion ainsi que les pièces qui permettent de continuer la gestion des biens ou d’assurer la liquidation de la succession ainsi que l’inventaire initial des biens et ses actualisations. Trois hypothèses sont envisagées :
  • lorsque la tutelle cesse du fait du rétablissement des facultés du majeur protégé, le tuteur doit adresser ces documents à ce dernier redevenu capable ;
  • lorsque la tutelle cesse du fait de la nomination d’une nouvelle personne chargée de gérer les biens du majeur protégé – qui, par conséquent, n’a pas recouvré sa capacité –, les pièces doivent être adressées à cette nouvelle personne pour lui permettre de prendre la suite ;
  • lorsque la tutelle cesse par le décès de la personne protégée, les pièces doivent être transmises à ses héritiers pour permettre la liquidation de la succession.
En toute logique, ces dispositions ne sont pas applicables lorsqu’il y a dispense d’établissement d’un compte de gestion - dispense accordée par le juge en considération de la modicité des revenus et du patrimoine de la personne protégée. Le juge peut également dispenser les tuteurs non professionnels de cette obligation.


À NOTER :

l’établissement d’un compte de gestion est obligatoire dans le cadre de la tutelle, de la curatelle renforcée et du mandat de protection future (respectivement articles 510, 472 et 486 du Code civil). Il convient donc de respecter les règles que nous venons d’exposer à ces trois mesures de protection.


C. Les règles de prescription

[Code civil, article 515[
Une prescription quinquennale s’applique à l’action en reddition de comptes, à l’action en revendication d’un bien conservé par le tuteur et à l’action en paiement d’une somme perçue par le tuteur.
Dans tous les cas, la prescription ne joue qu’à compter de la fin de la tutelle, même si le tuteur a continué la gestion au-delà. Cette précision, introduite par la réforme de 2009, a mis fin à une jurisprudence de la Cour de cassation qui admettait que les juridictions puissent reporter le point de départ de la prescription, s’il était démontré que le tuteur avait continué à gérer, en cette qualité, les biens du tutélaire.
Depuis 2009, si des actes sont accomplis par l’ex-tuteur après la fin de la mesure, ils engagent sa responsabilité dans les conditions du droit commun.

SECTION 6 - LE CONTRÔLE DES MESURES DE PROTECTION

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