La rémunération des mandataires judiciaires diffère selon la nature de la mesure exercée (mandat de protection future, mesures judiciaires de protection ou d’accompagnement).
A. Le mandat de protection future
Si le mandat de protection future est confié à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, ce dernier sera rémunéré par le mandant. Sa rémunération sera fixée de manière conventionnelle dans le mandat (sur ce point, cf. supra, chapitre II, section 3).
B. Les mesures judiciaires de protection et d’accompagnement
Le mandataire judiciaire à la protection des majeurs bénéficie d’une rémunération de base qui correspond à un tarif fixé différemment selon qu’il exerce son activité en tant que service mandataire ou en tant que personne physique, à titre individuel ou en qualité de préposé.
A cette rémunération peut s’ajouter de manière exceptionnelle une indemnité complémentaire.
En revanche, il ne peut percevoir d’autres avantages.
I. LA RÉMUNÉRATION DE BASE
[Code civil, article 419 ; code de l’action sociale et des familles, article L. 471-5, alinéa 1 et R. 471-5-1[
Dans le cadre des mesures judiciaires de protection et d’accompagnement, la rémunération du mandataire comporte une rémunération de base qui a vocation à couvrir les frais courants de la mesure de protection. Selon qu’il s’agit d’un service mandataire ou d’une personne physique exerçant à titre individuel ou en qualité de préposé, les modalités de la tarification diffèrent (cf. infra, § 3, A et B).
II. UNE INDEMNITÉ COMPLÉMENTAIRE
a. Les cas de versement
[Code civil, article 419 ; code de l’action sociale et des familles, articles L. 471-5, alinéa 2, et D. 471-6 ; décret n° 2010-1404 du 12 novembre 2010, JO du 16-11-10[
A la rémunération de base peut s’ajouter, le cas échéant, une indemnité complémentaire. En effet, à titre exceptionnel, le juge peut, après avoir recueilli l’avis du procureur de la République, allouer une telle indemnité dans certaines conditions bien spécifiques :
- « pour l’accomplissement d’un acte ou d’une série d’actes requis par l’exercice de la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes » ;
- et lorsque la « rémunération de base » se révèle manifestement insuffisante pour ce faire.
L’article D. 471-6 du code de l’action sociale et des familles précise, de son côté, que l’indemnité peut être accordée « pour toute diligence entraînant une charge de travail exceptionnelle et pour laquelle les sommes perçues [...[ sont manifestement insuffisantes, telles que le règlement d’une succession, le suivi de procédures judiciaires ou administratives, la vente d’un bien ou la gestion de conflits familiaux ».
En dehors de ces précisions, les dispositions réglementaires n’ont pas dressé de listes impliquant par nature de telles diligences particulièrement longues ou complexes. Mais le Conseil d’État a jugé que le pouvoir réglementaire n’était pas légalement tenu de le faire, dès lors que cette indemnité « a pour objet de compléter, de manière exceptionnelle, les financements auxquels le mandataire peut normalement prétendre pour tout acte accompli au titre d’une mesure de protection ».
Selon les travaux parlementaires, « les diligences particulières correspondent à des situations exceptionnelles où la configuration du patrimoine impose un travail particulier (par exemple participer à des réunions de travail avec des experts, des commissaires aux comptes, des notaires) ou se rendre à l’étranger pour la gestion de certains éléments de patrimoine... Il s’agit de situations où la capacité de la personne protégée à payer elle-même n’est pas en cause ».
En tout état de cause, cette indemnité complémentaire est ouverte à tous les mandataires judiciaires à la protection des majeurs, quel que soit le cadre de leur activité.
Pour obtenir l’indemnité complémentaire, le mandataire judiciaire doit présenter une demande auprès du juge des tutelles, accompagnée des justificatifs nécessaires, et justifier du caractère exceptionnel de la charge de travail et de l’insuffisance des sommes déjà perçues. Le juge apprécie le caractère nécessaire des diligences et peut inviter le mandataire judiciaire à fournir des explications complémentaires (CASF, art. D. 471-6).
b. Le montant
[Code de l’action sociale et des familles, article D. 471-6[
L’indemnité complémentaire est déterminée selon un barème national. Ainsi, son montant est fixé par ordonnance du juge, ou par délibération du conseil de famille s’il existe, selon un taux horaire égal à :
- 12 fois le montant brut du SMIC au 1er janvier de l’année au titre de laquelle la rémunération est attribuée de la 1re à la 14e heure consacrée aux diligences exceptionnelles ;
- 15 fois ce même montant à compter de la 15e heure consacrée à ces diligences.
À NOTER :
le mandataire judiciaire peut aussi demander à la personne protégée le remboursement, sur justificatifs et dans certaines conditions, des frais de déplacement et de séjour occasionnés par l’accomplissement des actes. (1)
c. Charge de l’indemnité complémentaire
[Code de l’action sociale et des familles, art. L. 471-5[
Cette indemnité complémentaire est à la charge de la personne protégée. C’est le juge qui en fixe le montant sur la base d’un barème national établi par décret. Les agents des organismes de sécurité sociale sont habilités à transmettre au préfet de département les informations dont ils disposent sur les ressources des allocataires et sur les prestations qui leur sont servies. Le but étant, bien sûr, de permettre au service de l’État dans le département de vérifier le montant de la participation de la personne protégée au financement du coût de la mesure. (2)
Le Conseil constitutionnel a jugé que l’absence de financement public de cette indemnité complémentaire n’était pas contraire au principe d’égalité. Saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Fédération nationale des associations tutélaires, l’Union nationale des associations familiales et l’Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis – lesquelles soutenaient que le fait de ne pas prévoir un financement public à caractère subsidiaire pour le cas où la personne protégée ne serait pas en mesure d’assumer intégralement le financement de l’indemnité complémentaire créait une inégalité –, la Haute Instance a, au contraire, estimé que « cette exigence constitutionnelle [d’égalité devant la loi[ n’impose pas que la collectivité publique prenne en charge, quel que soit leur coût, toutes les diligences susceptibles d’être accomplies au titre d’une mesure de protection juridique ».
Une instruction de la Direction générale de la cohésion sociale a précisé que :
- s’agissant des services mandataires judiciaires à la protection des majeurs financés par dotation globale de fonctionnement (DGF), les produits de cette indemnité exceptionnelle viennent en atténuation du montant de leur DGF ;
- pour les mandataires individuels, cette indemnité exceptionnelle n’est pas prise en compte pour l’allocation du financement public ;
- pour un préposé d’établissement, elle est versée à l’établissement.
À NOTER :
contestée par la Fédération nationale des associations tutélaires, l’Union nationale des associations familiales et l’Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis devant le Conseil d’État, cette instruction a été validée par la Haute Juridiction. Les requérants s’indignaient que l’indemnité complémentaire puisse s’imputer sur cette dotation globale. Mais pour le Conseil d’État, tel n’est pas le sens de l’instruction de l’administration. La DGF, souligne-t-il, est égale à la différence entre la totalité des charges d’exploitation du budget auquel elle se rapporte et les autres produits d’exploitation du même budget. Doivent être comprises comme des charges d’exploitation les dépenses de toute nature nécessaires à la mise en œuvre des mesures de protection, qu’elles correspondent aux diligences ordinaires ou, le cas échéant, à celles exceptionnelles financées par l’indemnité complémentaire. Et, parmi les produits d’exploitation hors dotation globale, doivent être retenues la participation du majeur protégé et, le cas échéant, l’indemnité complémentaire. Partant de là, souligne le Conseil d’État, en indiquant que l’indemnité complémentaire devait venir « en atténuation du montant de la DGF », la direction générale de la cohésion sociale entendait uniquement rappeler que « cette dotation ne devait pas venir couvrir les charges déjà financées par l’indemnité complémentaire ». Pour les magistrats administratifs, l’instruction attaquée ne permet donc en aucun cas de diminuer le montant de cette dotation du montant de l’indemnité complémentaire.
De la même façon, en précisant que l’indemnité complémentaire versée aux mandataires personnes physiques exerçant à titre individuel ne serait pas prise en compte pour le calcul des éventuels financements publics dus au titre de la rémunération de base des mesures de protection qu’ils accomplissent, l’auteur de l’instruction attaquée s’est borné à rappeler l’exigence de prise en charge exclusive par la personne protégée du financement de l’indemnité complémentaire, estime le Conseil d’État. Comme le Conseil constitutionnel, les juges ont considéré que cette disposition ne méconnaît pas le principe d’égalité dès lors que la rémunération des mandataires personnes physiques exerçant à titre individuel est, à la différence de la dotation globale de financement versée aux services mandataires à la protection judiciaire, fixée indépendamment de leurs autres ressources et charges.
III. L’INTERDICTION DE RECEVOIR D’AUTRES AVANTAGES
[Code civil, articles 420, alinéa 1, et 909, alinéa 2[
En dehors de cette rémunération de base et de l’éventuelle indemnité complémentaire, le mandataire judiciaire à la protection des majeurs ne peut, « à quelque titre ou sous quelque forme que ce soit, percevoir aucune autre somme ou bénéficier d’aucun avantage financier en relation directe ou indirecte avec les missions dont il a la charge ».
Cette interdiction ne s’applique qu’aux compléments de rémunération en lien avec les mesures de protection. En effet, les collectivités publiques peuvent continuer à venir en aide aux associations tutélaires, en leur accordant des subventions ou des aides ou en mettant gracieusement à leur disposition des locaux et du matériel informatique, au titre de leur fonctionnement général.
Par ailleurs, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs ainsi que les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions ne peuvent profiter des dispositions entre vifs (donations) ou testamentaires que les personnes dont ils assurent la protection auraient faites en leur faveur. L’interdiction vaut pour toute mesure de protection (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, mandat de protection future, mesure d’accompagnement judiciaire), et quelle que soit la date de la libéralité (et pas seulement pour les libéralités consenties pendant la durée de la mesure de protection). Il s’agit ainsi de prévenir l’abus de l’état de faiblesse des personnes protégées et, en ce qui concerne les personnes morales, d’éviter tout détournement par personne morale interposée.
IV. L’EXONÉRATION DE TVA
[Code général des impôts, article 261, 8°ter ; instruction 3 A-3-11 du 21 novembre 2011, BOI n° 81 du 29-11-11[
Depuis la loi de finances rectificative pour 2010 du 29 décembre 2010, « les prestations de services réalisées par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs au sens de l’article L. 471-2 » du code de l’action sociale et des familles sont exonérées de TVA.
Sont visés par cette exonération les mandataires judiciaires à la protection des majeurs inscrits sur la liste préfectorale, qu’ils exercent leur activité au sein des services mandataires à la protection des majeurs ou qu’ils agissent à titre individuel ou en tant que préposé d’un établissement.
L’exonération s’applique à toutes les sommes qui constituent la contrepartie des prestations réalisées quelles que soient, d’une part, leur dénomination (prestation de services, gestion de compte, subvention, participation) et, d’autre part, la qualité de la personne qui les verse (majeurs protégés, conseil général, ou tiers), sachant que cette mesure s’applique aux opérations réalisées depuis le 30 décembre 2010.
(1)
décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 qui fixe les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l’État visé, JORF du 4 juillet 2006
(2)
article L. 471 -6 in fine du code de l’action sociale et des familles