L’ouverture par le juge des tutelles d’une mesure d’accompagnement judiciaire est soumise à quatre conditions cumulatives : l’échec de la mesure d’accompagnement social personnalisé, la présence d’un risque pour la santé ou la sécurité de l’intéressé, l’impossibilité de confier la gestion des prestations au conjoint et l’absence d’une mesure de protection juridique.
La MAJ, qui ne constitue pas une mesure de protection juridique, vise uniquement les personnes majeures.
A. L’échec de l’accompagnement social
[Code civil, article 495, alinéa 1[
Première condition pour que le juge puisse ordonner une mesure d’accompagnement judiciaire : l’échec des mesures d’accompagnement social préalablement mises en œuvre. Autrement dit, il est nécessaire que la mesure d’accompagnement social personnalisé (MASP de niveaux 1 et 2) ou l’affectation directe des prestations sociales au bailleur (MASP de niveau 3) n’aient pas permis à la personne protégée de gérer ses prestations sociales de façon satisfaisante.
Ainsi, « contrairement à la TPSA, qui peut actuellement intervenir sans qu’ait été tenté au préalable un accompagnement social de nature administrative et non judiciaire, la mesure d’accompagnement judiciaire se positionne à l’issue d’une sorte de “parcours de prise en charge”, de nature graduelle et dont il constitue le dernier échelon », avait expliqué au cours des débats, le rapporteur du projet de loi au Sénat, Henri de Richemont, à l’époque sénateur UMP (1).
B. Un risque pour la santé ou la sécurité de l’intéressé
[Code civil, article 495, alinéa 1[
Deuxième condition : la mauvaise gestion des prestations sociales doit compromettre la santé ou la sécurité de l’intéressé.
Ainsi, contrairement à la TPSA, la mesure d’accompagnement judiciaire ne peut pas être prononcée lorsque l’intéressé vit dans des conditions d’alimentation, de logement et d’hygiène manifestement défectueuses en raison de son état mental ou d’une déficience physique.
La mesure d’accompagnement judiciaire n’est donc qu’une assistance à des personnes connaissant des difficultés dans la gestion de leurs ressources qui ne sont pas liées à leur état mental ou physique. « Si les difficultés constatées de la personne à pourvoir seule à ses intérêts est la résultante d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles, la mesure d’accompagnement judiciaire ne pourra pas être prononcée par le juge, les procédures adaptées à une telle situation étant, à titre exclusif, la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle » (2).
C. L’impossibilité de confier la gestion des prestations au conjoint
[Code civil, article 495, alinéa 2[
Troisième condition : l’impossibilité de gestion des prestations par le conjoint. En effet, selon la loi du 5 mars 2007, la mesure d’accompagnement judiciaire ne peut pas être prononcée à l’égard d’une personne mariée, lorsque l’application des règles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et aux régimes matrimoniaux permet une gestion satisfaisante des prestations sociales de l’intéressé par son conjoint. Cette condition est la traduction du principe de subsidiarité applicable à l’ensemble des régimes de protection des majeurs. « Il n’est en effet pas pertinent de prévoir une procédure judiciaire, lourde par nature, si d’autres règles moins contraignantes peuvent déjà s’appliquer » (3). Or, justement, les dispositions relatives aux droits et devoirs respectifs des époux, définies aux articles 217 à 220-1 du code civil, autorisent l’un d’eux à agir pour le compte et au nom de l’autre dans des circonstances déterminées, après avoir reçu mandat de celui-ci ou sur autorisation du juge.
D. L’absence d’une mesure de protection juridique
[Code civil, article 495-1 ; code de procédure civile, article 1262-8[
Dernière condition : l’absence d’une mesure de protection juridique. En effet, la mesure d’accompagnement judiciaire ne peut pas se cumuler avec une mesure de protection juridique : sauvegarde de justice, curatelle et tutelle, mais également mandat de protection future.
Ainsi, la mesure d’accompagnement judiciaire ne peut être prononcée si la personne bénéficie déjà d’une mesure de protection juridique. Corrélativement, le prononcé d’une mesure de protection juridique met fin de plein droit à la mesure d’accompagnement judiciaire.
Le juge n’aura donc pas, dans ce cas, à mettre formellement un terme à la mesure d’accompagnement judiciaire, celle-ci devenant caduque par le seul effet de l’ouverture d’une mesure de protection juridique.
Toutefois, lorsque le juge des tutelles prononcera une telle mesure, il devra en informer par tout moyen le mandataire judiciaire à la protection des majeurs exerçant la mesure d’accompagnement judiciaire. Lorsque le juge constatera, ou sera alerté par le mandataire désigné, que la personne protégée aurait davantage besoin d’une protection juridique de type curatelle ou tutelle, il ne pourra ouvrir d’office une telle mesure. Il devra en effet renvoyer le mandataire soit vers le procureur de la République, soit vers la famille ou les proches du majeur, afin que ceux-ci saisissent le juge des tutelles d’une requête complète aux fins d’ouverture d’une mesure juridique (circulaire DACS n° CIV/01/09/C1 du 9 février 2009).
Avec cette règle, la loi se distingue du droit antérieur dans lequel la TPSA et une mesure de sauvegarde de justice, de curatelle ou de tutelle pouvaient coexister.
Et se conforme ainsi aux nombreux rapports préalables à la réforme (4) qui ont dénoncé cette pratique du cumul, souvent destinée à remplir des objectifs peu avouables. Le Conseil économique et social a, par ailleurs, dans son rapport sur la réforme des tutelles (5), relevé que le juge prononçait parfois de manière cumulative une TPSA et un régime de protection juridique prévu par le code civil « pour les financer à un taux plus élevé de manière à compenser le manque d’harmonisation et les faibles taux de rémunération » des mesures de sauvegarde de justice, de curatelle ou de tutelle.
(1)
Rap. Sén. n° 212, de Richemont, février 2007, p. 199
(2)
Rap. Sén. n° 212, de Richemont, février 2007, p. 200.
(3)
Rap. Sén. n° 212, de Richemont, février 2007, p. 200.
(4)
Rapport de l’Inspection générale des finances, de l’Inspection générale des services judiciaires et de l’Inspection générale des affaires sociales sur le fonctionnement du dispositif de protection des majeurs, juillet 1998 ; rapport Favard
(5)
Boutaric R., « Réformer les tutelles » – Conseil économique et social – Avis et rapport présenté au nom de la section des affaires sociales, septembre 2006, p. 14