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LA CHARGE FINANCIÈRE DE LA MESURE

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La mesure d’accompagnement judiciaire, à l’instar des mesures de protection juridique des majeurs (tutelle, curatelle, sauvegarde de justice) mises en œuvre par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, est, en principe, « à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources ».
Lorsque l’intéressé ne pourra intégralement supporter cette charge, la collectivité publique est toutefois sollicitée à titre subsidiaire.
Pour l’essentiel, c’est la collectivité publique débitrice – le département le plus souvent – ou l’organisme qui verse la seule prestation sociale ou la prestation sociale du montant le plus élevé que perçoit le bénéficiaire de la mesure d’accompagnement judiciaire qui finance la mesure (cf. encadré ci-contre).


A. La prise en charge par le majeur protégé

[Code civil, article 419, alinéa 2 ; code de l’action sociale et des familles, articles L. 471-5 et R. 471-5-2[
Le financement de la mesure d’accompagnement judiciaire, obligatoirement confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, est en priorité à la charge de la personne protégée en fonction de ses ressources.
La rémunération du mandataire comportera une rémunération « de base » qui a vocation à couvrir les frais courants de la mesure de protection ainsi que, le cas échéant, une indemnité complémentaire. En effet, à titre exceptionnel, le juge pourra, après avoir recueilli l’avis du procureur de la République, allouer une telle indemnité dans certaines conditions bien spécifiques (cf. infra, chapitre IV).
La rémunération de base est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources suivant le même barème que celui qui est applicable aux mesures de protection juridique (1). Ainsi, la personne protégée est exonérée de participation lorsque le montant de ses ressources (celles de 2011 pour l’année 2013) est inférieur ou égal au montant annuel de l’allocation aux adultes handicapés en vigueur au 1er janvier de l’avant-dernière année civile (2).
Dans le cas contraire, un prélèvement peut être effectué dans la limite de :
  • 7 % pour la tranche des revenus annuels supérieure strictement au montant annuel de l’AAH et inférieure ou égale au montant brut annuel du SMIC en vigueur au 1er janvier de l’avant-dernière année civile (3) ;
  • 15 % pour la tranche des revenus annuels supérieure strictement au montant brut annuel du SMIC en vigueur au 1er janvier de l’avant-dernière année civile et inférieure ou égale au même montant majoré de 150 % (4) ;
  • 2 % pour la tranche des revenus annuels supérieure strictement au montant brut annuel du SMIC en vigueur au 1er janvier de l’avant-dernière année civile majoré de 150 % et inférieure ou égale à six fois le montant brut annuel du SMIC en vigueur au 1er janvier de l’avant-dernière année civile (5).
Quel que soit le montant des ressources de la personne protégée, aucun prélèvement n’est effectué sur la tranche des revenus annuels inférieure ou égale au montant annuel de l’AAH.


LA MASP, UNE MONTÉE EN CHARGE TRÈS LENTE

Sur ce point, tous les rapports rendus sur la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 concordent. Ainsi, alors que « les études réalisées au moment du vote de la loi misaient sur une très forte dynamique des demandes au cours des premières années de mise en œuvre », « selon des données traitées par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), environ 4 700 mesures d’accompagnement social personnalisé (MASP) avaient été mises en œuvre en 2009, alors que les prévisions s’établissaient entre 9 800 et 13 000 » (6). En 2010, il semblerait que ce nombre soit passé à 10 000 (7).
Pour la Cour des comptes, trois facteurs expliquent cette lenteur :
  • le déficit d’information et de communication autour du dispositif et l’insuffisante appropriation de ces dispositifs par les travailleurs sociaux, ainsi que la complexité de la loi ;
  • les situations de personnes à protéger, qui ne sont pas aussi clairement différenciées que ne le prévoyait la loi, entre les MASP de niveau 1, 2 et 3 ;
  • certaines personnes échappent aux dispositifs : celles dont l’état de santé mental est fragile ou qui vivent dans une grande précarité, qui pourraient faire l’objet de mesures de protection juridique et d’un accompagnement éducatif, ou encore celles qui connaissent des difficultés financières d’une gravité telle que même un accompagnement à la gestion budgétaire ne constitue plus une solution.
De même, Christophe Sirugue, député (PS) de Saône-et-Loire, au détour d’un avis élaboré au nom de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, va dans le même sens : 2009 et 2010 ont été des « années de transition et d’ajustement », relève-t-il et le dispositif est encore mal connu des bénéficiaires potentiels. Mais surtout, « les départements ont majoritairement fait le choix de positionner ce dispositif comme un élément complémentaire des politiques d’aide et d’action sociale qu’ils mettaient déjà en œuvre, et non comme l’axe autour duquel s’organisent celles-ci », constate le député (8).


B. L’intervention subsidiaire de la collectivité

[Code civil, article 419, alinéa 3 ; code de l’action sociale et des familles, article L. 471-5[
Si le coût de la mesure n’est pas intégralement pris en charge par la personne protégée, un financement public prendra le relais (9). En revanche, l’indemnité complémentaire sera toujours à sa charge, sans possibilité d’aides publiques. « Cette modalité spécifique de financement s’explique par le fait que ces diligences particulières n’interviendront, en pratique, qu’en raison de l’importance du patrimoine de la personne concernée » (10).


LE COÛT DU NOUVEAU DISPOSITIF D’ACCOMPAGNEMENT

Contrairement à la tutelle aux prestations sociales adultes (TPSA), qui était financée par les organismes de sécurité sociale, la mesure d’accompagnement social personnalisé (MASP) repose sur les épaules des départements, ce qui se traduira par des charges financières supplémentaires. Quant à la mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ), son financement sera également à la charge du département si celui-ci verse la seule prestation ou l’ensemble des prestations sociales entrant dans le champ de la mesure.
Il en sera de même si le département verse la prestation sociale du montant le plus élevé parmi toutes les prestations accordées. Dans les autres cas, la mesure d’accompagnement judiciaire sera financée par l’organisme débiteur de la seule prestation versée ou de celle qui a le montant le plus élevé. Selon les données fournies par la direction générale de l’action sociale à l’époque (direction générale de la cohésion sociale aujourd’hui) et figurant dans les travaux parlementaires, la mise en place de la MASP et les coûts engendrés par le travail social nécessaire à l’accompagnement personnalisé des bénéficiaires (élaboration du contrat d’accompagnement mais aussi évaluation médicosociale périodique) auraient dû représenter un besoin de financement d’environ 46,7 millions d’euros à l’horizon 2013, cinq ans, donc, après l’entrée en vigueur de la loi fixée au 1er janvier 2009. De cette somme auraient été toutefois déduites les économies corrélativement réalisées sur les frais de gestion liés au volet judiciaire des tutelles, que la DGAS évaluait à 27 millions d’euros en 2013.
En effet, les départements finançaient les frais de tutelle des personnes sous TPSA percevant une prestation sociale dont ils étaient débiteurs (allocation personnalisée d’autonomie, prestation de compensation du handicap). Selon le gouvernement, « à dispositif non réformé [...[, le coût pour les départements atteindrait [...[ 27,9 millions d’euros en 2013 » (11).
Mais avec la réforme, ils ne prendront plus en charge les personnes sous tutelle ou sous curatelle qui perçoivent une prestation sociale relevant de leur compétence, l’article 17 de la loi indiquant que le coût de ces mesures sera assumé par l’Etat.
Ils n’auront plus à leur charge que la mesure d’accompagnement judiciaire, dont le coût était estimé à 900 000 € en 2013.
Au final, en 2013, les départements auraient donc dû faire face à une dépense globale supplémentaire de 19,7 millions d’euros. En réalité, selon le député socialiste Christophe Sirugue, auteur d’un premier bilan de la loi du 5 mars 2007, le coût de la MASP apparaît plus élevé que prévu (12). « Du fait de la lenteur de la montée en charge du dispositif », son coût unitaire mensuel a même été « particulièrement élevé » en 2009 – 198,2 € – par rapport au coût à terme estimé. Certains conseils généraux ont en effet « dû recruter des travailleurs sociaux, ce qui a engendré des coûts fixes importants au regard du faible nombre de mesures mises en œuvre ». De son côté, la Cour des comptes a relevé, « s’agissant du coût unitaire mensuel des MASP, bien que difficile à appréhender », que dans son échantillon d’enquête (10 départements), ce coût unitaire s’étalait entre 130 et 462 € (13). Pour sa part, d’après la DREES, une mesure MASP coûterait environ 580 € par mois, « mais ce coût intégrerait des charges qui ne sont pas directement imputables au dispositif », note la Cour des comptes. L’ADF l’estime à 210 € par mois. « Quoi qu’il en soit, ces deux montants sont nettement plus élevés que celui de 150 € par mois qui figurait dans les travaux préparatoires à la réforme de 2007 » (14).
En tout état de cause, ces hypothèses de calcul initiales avaient permis, lors de la discussion du projet de loi en 2007, de conclure à l’absence de « transfert de charge ou de compétences ». Toutefois, la loi contenait une clause de rendez-vous en son article 46 qui prévoyait qu’à compter du 1er janvier 2010 et jusqu’au 1er janvier 2015, le gouvernement devrait présenter annuellement au Parlement un rapport dressant notamment un bilan statistique de la mise en œuvre de la mesure d’accompagnement social personnalisé ainsi que des évolutions du nombre de mesures de protection judiciaire des majeurs. Ce rapport est censé indiquer les coûts respectifs supportés par l’Etat, les organismes versant les prestations sociales aux majeurs protégés ainsi que les collectivités débitrices, et exposer, en cas d’alourdissement constaté des charges supportées par les départements, les compensations financières auxquelles l’Etat a procédé dans le cadre des lois de finances.
Non content de cette disposition, un département a contesté devant le Conseil d’Etat cet article 46 jugeant qu’il remettait en cause l’autonomie financière des départements. Le Conseil d’Etat a alors saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la mesure d’accompagnement social personnalisé. Mais la Haute Juridiction ne lui a pas donné raison. Elle a, en effet, estimé que la MASP s’adressant à « des personnes fragiles ou en difficulté qui perçoivent déjà des prestations sociales », le législateur « n’a pas créé une nouvelle prestation sociale » mais « s’est borné à aménager les conditions d’exercice de la compétence d’aide sociale de droit commun qui relève des départements ». Ce faisant, il n’a procédé ni à un transfert de compétence, ni à une création ou à une extension de compétence et n’a, dès lors, porté atteinte ni à la libre administration des collectivités territoriales ni à leur autonomie financière (15).


(1)
Sur les modalités d’appréciation des ressources, cf. infra, chapitre IV.


(2)
8 543,40 € pour les revenus perçus en 2011


(3)
Revenus 2011 supérieurs à 8 543,40 € et inférieurs ou égaux à 16 380 €.


(4)
Revenus 2011 supérieurs à 16 380 € et inférieurs ou égaux à 40 950 €.


(5)
Revenus 2011 supérieurs à 40 950 € et inférieurs ou égaux à 98 280 €.


(6)
Cour des comptes, « La réforme de la protection des majeurs », novembre 2011, p. 9.


(7)
Livre blanc sur la protection juridique des majeurs, Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE), Fédération nationale des associations tutélaires (FNAT), Union nationale des associations familiales (UNAF) et Unapei, septembre 2012, p. 20, disponible sur www.unapei.org


(8)
Avis A.N. n° 3811, tome III, Sirugue, octobre 2011, p. 29, disponible sur www.assemblee-nationale.fr


(9)
Pour plus de détails, cf. infra, chapitre IV.


(10)
Rap. Sén. n° 212, de Richemont, février 2007, p. 262.


(11)
Rap. Sén. n° 212, de Richemont, février 2007, p. 59.


(12)
Avis A.N. n° 3811, tome III, Sirugue, octobre 2011, disponible sur www.assemblee-nationale.fr


(13)
Cour des comptes, « La réforme de la protection des majeurs », novembre 2011.


(14)
Sénat, Rap. d’information n° 315, Bocquet E. et Hervé E. « Rapport au nom de la commission des finances sur l’enquête de la Cour des comptes relative à l’évaluation de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs », janvier 2012, disponible sur www.senat.fr


(15)
Conseil constitutionnel, décision n° 2010-56 QPC du 18 octobre 2010, JO du 19-10-10.

SECTION 2 - L’ACCOMPAGNEMENT JUDICIAIRE

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