Ce fut l’une des principales avancées de la loi du 5 mars 2007 relative à la protection juridique des majeurs : la mise en œuvre, par le département, d’un accompagnement social personnalisé comportant une aide à la gestion des prestations sociales. En cas d’échec, et seulement dans ce cas, une mesure d’accompagnement judiciaire peut être décidée par le juge des tutelles. Avant la réforme, aux termes de l’article L. 167-1 du code de la sécurité sociale, la tutelle aux prestations sociales adultes (TPSA) pouvait être mise en œuvre par le juge lorsqu’il était face à deux situations : les prestations concernées étaient utilisées contrairement à « l’intérêt du bénéficiaire » ou, « en raison de son état mental ou d’une déficience physique, celui-ci [vivait[ dans des conditions d’alimentation, de logement et d’hygiène manifestement défectueuses ». En pratique toutefois, « cette mesure restrictive de liberté [était parfois[ utilisée davantage pour traiter des problèmes de précarité que pour remédier à des défaillances de libre arbitre ou de capacité à prendre des décisions en pleine connaissance de cause », expliquait, en 2007, le député (UMP) Emile Blessig, alors rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale. La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a mis fin, à compter du 1er janvier 2009, à la mesure de tutelle aux prestations sociales et a instauré un dispositif d’intervention gradué en trois strates où le juge des tutelles n’est saisi qu’en dernier recours. Ainsi, la loi prévoit d’abord la mise en place d’un dispositif social « qui servira à la fois de filtre pour l’autorité judiciaire et préviendra les recours abusifs à une mesure plus lourde dans ses effets juridiques » (1). Reprenant les esquisses d’une mesure déjà imaginée, sous d’autres appellations, par le rapport des inspections générales des finances, des services judiciaires et des affaires sociales, en 1998, et celui de la mission Favard en 2000, l’accompagnement social personnalisé, de nature contractuelle, est à la charge du département et inscrit dans le code de l’action sociale et des familles. Dans ce cadre, le département apporte au bénéficiaire une aide à la gestion de ses prestations sociales ainsi qu’un accompagnement social individualisé. Cette mesure vise à éviter le recours à une protection juridique quand il est possible de remédier aux difficultés sociales constatées par d’autres moyens, tout en mettant un terme aux doublons TPSA-curatelle et TPSA-tutelle d’Etat. En cas d’échec de cette approche contractuelle, la possibilité est offerte au département de demander au juge l’affectation directe des prestations sociales au bailleur pour couvrir les frais de logement et les charges locatives de l’intéressé. Ce n’est qu’en l’absence d’effet de ces deux démarches qu’une mesure d’accompagnement judiciaire peut être prononcée par le juge des tutelles, cette dernière étant insérée dans le code civil. Dès lors, « l’aide apportée est graduée, elle repose en premier lieu sur la contractualisation des réponses apportées puis seulement, en cas d’échec sur une contrainte » (2). Des règles transitoires avaient été introduites pour faciliter la disparition progressive de la TPSA entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2011. Ainsi 68 000 TPSA auraient dû disparaître à la fin 2011 pour être transformées en MAJ ou en MASP. « Or, très peu de transformations ont eu lieu, ce qui a rendu nombre de TPSA caduques, mais a laissé subsister les curatelles généralement associées à ce dispositif. La déjudiciarisation souhaitée n’a donc pas eu lieu », relève le rapport d’information du Sénat (3).
Plusieurs rapports ont, depuis la mise en œuvre de cette réforme, dressé un bilan mitigé tant de la mesure d’accompagnement social personnalisé (MASP) que de la mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ) qui semblent ne pas avoir encore réellement pris leur essor (rapport de la Cour des comptes, du député Sirugue, du Sénat).
Au-delà de ce constat, la Cour des comptes a mis en évidence une « lacune importante du nouveau dispositif. De nombreuses personnes qui seraient susceptibles d’avoir besoin d’un accompagnement budgétaire contractualisé sont exclues du dispositif » (4). Il en est ainsi des personnes qui ne perçoivent aucune prestation sociale départementale, telles que les personnes percevant de petites retraites, les jeunes de moins de 25 ans, ou encore les « personnes qui relevaient auparavant des “cas d’intempérance, d’oisiveté et de prodigalité” (catégories supprimées par la réforme du 5 mars 2007) et qui ne perçoivent pas de prestations sociales ou qui refusent de se soumettre à l’examen médical, précisément en raison de leur pathologie ». C’est pourquoi les acteurs associatifs proposent d’étendre ce dispositif à toutes les ressources, au-delà des prestations sociales (5). Le rapport d’information du Sénat va dans le même sens : « Dans l’esprit de la loi de 2007, la protection sociale devrait être étendue à l’ensemble de ces publics. Une telle extension devrait néanmoins être décidée en concertation avec les départements compte tenu de la charge supplémentaire qu’elle pourrait induire » (6).
(1)
Rap. A.N. n° 3557, Blessig, janvier 2007, p. 51
(2)
Mikalef-Toudic V., « Les mesures d’accompagnement social personnalisé : une mission nouvelle pour les conseils généraux », RDSS, n° 5/2008, sept-oct. 2008, p. 814.
(3)
Sénat, Rap. d’information n° 315, Bocquet E. et Hervé E., « Rapport au nom de la commission des finances sur l’enquête de la Cour des comptes relative à l’évaluation de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs », janvier 2012
(4)
Cour des comptes, « La réforme de la protection juridique des majeurs », novembre 2011, p. 52.
(5)
Livre blanc sur la protection juridique des majeurs, Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE), Fédération nationale des associations tutélaires (FNAT), Union nationale des associations familiales (UNAF) et Unapei, septembre 2012
(6)
Sénat, Rap. d’information n° 315, Bocquet E. et Hervé E., « Rapport au nom de la commission des finances sur l’enquête de la Cour des comptes relative à l’évaluation de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs », janvier 2012