A. Forme simple
I. DITEP
L’exemple du Dispositif ITEP (comme dispositif intégré) indique une construction simple avec 7 composantes sur un plan juridique (1) :
▸ 1. Un public identifié : en référence à un âge (« enfants, adolescents ou jeunes adultes ») et à une problématique (« des difficultés psychologiques dont l’expression, notamment l’intensité des troubles du comportement, perturbe gravement la socialisation et l’accès aux apprentissages » étant entendu que ces personnes « malgré des potentialités intellectuelles et cognitives préservées », sont « engagées dans un processus handicapant qui nécessite le recours à des actions conjuguées et à un accompagnement personnalisé »).
▸ 2. Plutôt qu’une structure, un mode de fonctionnement : la loi ne définit pas un établissement, un service, mais un modèle de fonctionnement dit en dispositif intégré. Il consiste en une organisation des établissements et des services destinée à favoriser un parcours fluide et des modalités d’accompagnement diversifiées, modulables et évolutives en fonction des besoins des enfants, des adolescents et des jeunes adultes qu’ils accueillent,
▸ 3. Une pluralité des modes possibles d’accueil : la loi indique que « ces établissements et ces services mettent en œuvre, directement ou en partenariat, l’ensemble des modalités d’accompagnement prévues au dernier alinéa du I de l’article L. 312-1 », c’est-à-dire des « prestations à domicile, en milieu de vie ordinaire, en accueil familial ou dans une structure de prise en charge », un « accueil à titre permanent, temporaire ou selon un mode séquentiel, à temps complet ou partiel, avec ou sans hébergement, en internat, semi-internat ou externat ».
▸ 4. Une facilité à passer d’un mode d’accueil à un autre : une notification initiale de la CDAPH vers le dispositif ITEP sera suivie, en cas de changements de modalités d’accompagnement organisés dans la souplesse, d’une seule fiche de liaison argumentée informant la MDPH des nouvelles modalités (dont modalité de scolarisation). La fluidité de l’accompagnement et de la mise en œuvre des Plans personnalisés de compensation (PPC), des Projets personnalisés de scolarisation (PPS) et des Projets personnalisés d’accompagnement (PPA) est ainsi recherchée
▸ 5. Un suivi de parcours : un référent de parcours est nommé au sein du dispositif ITEP.
▸ 6. Des modalités mises en œuvre sous la responsabilité d’un même gestionnaire, voire de plusieurs gestionnaires dans un partenariat formalisé : dans ce dernier cas, ils sont les signataires obligatoirement d’une convention de fonctionnement en dispositif ITEP.
▸ 7. Une unité de gestion dans le cadre d’un budget global : une dotation globalisée commune dans le cadre d’un CPOM.
En terme de représentation, en tenant compte des missions maintenues des ITEP (2), le Dispositif intégré peut être représenté par le graphique suivant, respectueux des repères réglementaires du décret de 2005 sur les conditions techniques d’organisation et de fonctionnement de ce type de structure, et du décret de 2017 (3) sur le cahier des charges pour les DITEP :
II. DÉFINITIONS JURIDIQUES
Les éléments stipulés dans l’article L. 312-7-1 du CASF :
▸ Une plateforme-dispositif correspond à « un fonctionnement en dispositif intégré consistant en une organisation des établissements et des services destinée à favoriser un parcours fluide et des modalités d’accompagnement diversifiées, modulables et évolutives en fonction des besoins des usagers qu’ils accueillent ».
En prolongement, la compréhension/définition fonctionnelle de la plateforme-dispositif peut devenir, avec ajout des repères réglementaires :
▸ « un ensemble (4) d’établissements et de services articulés dans leur fonctionnement, apportant une pluralité, évolutive, de modalités d’accompagnement (5) et des prestations diverses et personnalisées, ensemble organisé autour d’une coordination et de garanties (dont un référent de parcours) pour des parcours individualisés, fluidifiés, souples, intégrant des changements avec des modalités pour l’inclusion ».
B. Formes complexes
I. SYSTÈME D’OFFRES DE SOINS
D’autres définitions ou représentations des plateformes-dispositifs existent. Les premières proviennent de M.-A. Bloch (6) :
L’auteure décrit des plateformes devenant des systèmes cohérents d’offre de soins.
Elle propose la définition de chercheurs engagés dans une étude australienne (NDLR : déjà citée page 42) : la plateforme de services y devient « un groupement de services inter-reliés qui sont semblables en termes de types de ressources mobilisées et qui constituent un composant du continuum de soins et d’accompagnement ». Cette définition se trouve assez proche de celle utilisée à la page précédente et issue de la réglementation des DITEP. Néanmoins, elle ne comporte pas de référence directe à une fonction de coordination.
Les deuxièmes définitions ou représentations des plateformes-dispositifs sont également présentées par M.-A. Bloch (7). Elles correspondent à l’application pour une équipe de recherche belge d’un modèle portant le nom de « delivery platform », ou à l’application par l’OMS d’un modèle intitulé « service delivery platform » : elles induisent un système cohérent d’offre de soins, dessinant une intention d’articulation et de cohérence. Ces modèles ne présentent aucune référence réglementaire, ni garantie en termes de coordination. (schéma plateforme de service)
▸ À ce stade aucun texte législatif ou réglementaire, en France, ne permet d’entrer dans un système si complet. Une ouverture vers un type de fonctionnement davantage articulé (multi-opérateurs, multifonctions) est certes créée dans le domaine de la santé avec les « plateformes territoriales d’appui à la coordination des parcours de santé complexes » (8), les PTA, ces dernières devant à terme (2022) intégrer les nouveaux et uniques « dispositifs d’appui à la coordination » (DAC) créés par la loi en juillet 2019 (9). Mais en réalité, ces avancées de coordinations ne constituent pas en soi une entrée dans de nouveaux systèmes complets d’offre de services. Une même approche dans le domaine du handicap pour les personnes aux parcours complexes et sans solution (avec des coordinations dans des groupes opérationnels de synthèse, via des cellules permanentes, ou via des collectifs interinstitutionnels de gestion de cas) ne constitue pas, sur un plan juridique, la construction de nouveaux systèmes d’offre de services.
II. SYSTÈME D’OFFRES MÉDICO-SOCIALES
D’autres définitions/représentations de plateformes-dispositifs sont proposées en 2016 par J.-R. Loubat (10) : sa particularité est d’annoncer un idéaltype d’organisation (11). Il décline des fonctions structurées de manière matricielle, avec une faible insistance sur le cadre structurel : y reste seule une fonction centrale de coordination de parcours et de projets personnalisés, les services de gestion (siège) étant une des prestations parmi d’autres :
▸ Cette représentation est décrite en 2016, avec un exemple-type construit sur le terrain. Le mot modèle n’est pas évoqué. Toutefois, la représentation est reprise par l’auteur comme modèle dans de nombreuses associations, depuis cette date : catégorisation d’un mode d’organisation, dupliqué dans différentes situations.
▸ En 2019, le schéma est repris par l’auteur, mais avec des inflexions (12) :
- les prestations de « siège multifonctions » sont remplacées en leur lieu et place par des « prestations d’accompagnement à l’exercice des droits » (droits et libertés, plan personnalisé) ».
- ces prestations de « siège multifonctions » se trouvent maintenant incluses dans les fonctions centrales qui comportent donc maintenant : d’une part, le « service de coordination de parcours » maintenu (mais la mention « & des projets personnalisés » est transférée dans les « prestations d’accompagnement à l’exercice des droits » ; d’autre part un « pool multifonctions prestations indirectes » ajouté à ces dispositifs centraux.
Les 2 représentations successives sont orientées en direction et au bénéfice des établissements et services pour personnes handicapées :
▸ Elles s’appliquent, selon l’auteur, non à une population cible (en âge, en type de déficience) mais de façon généralisée (tous types de handicap donc, et pour tout âge). Ainsi, les vecteurs matriciels de prestations, présentées dans certains services, vont s’appliquer à différents types de publics (adultes vieillissants, jeunes enfants) dans d’autres services, l’idée étant à terme une redéfinition organisationnelle (par fonctions transversales) pour l’ensemble des publics. Les pools experts pour chaque type de prestations, sont alors mobilisés et commandés (au sens de passer commande) par le niveau central (coordination) qui pense alors l’adaptation des prestations aux spécificités de l’usager.
▸ Ces représentations s’inscrivent dans une vision, celle plaidant pour la construction d’un système complet d’offre de services, avec nouvelle dynamique managériale, construction applicable selon l’auteur à chaque « entreprise de service social et médico-social » (13). Aucune construction juridique ne vient l’appuyer actuellement : notamment, la régulation des parcours, au sens de la règlementation, est toujours l’objet d’une validation par une organisation méta (MDPH, administrations ou juridictions), au-dessus de chaque établissement, service ou ensemble d’établissements et services. Aucun repère réglementaire ne s’appuie sur un pouvoir de décision de coordinateur interne (un « coach social » selon J.-R. Loubat (14)). Cette sauvegarde juridique est indiquée par la législation pour une grande partie des domaines du secteur social et médico-social : handicap, protection de l’enfance, protection judiciaire de la jeunesse, protection juridique des majeurs, accueil/hébergement/insertion.
▸ La catégorisation des prestations, de l’auteur, ne reprend pas la nomenclature SERAFIN-PH qui a vocation à devenir le cadre de référence sur un plan réglementaire (après affinement définitif) (15). Notamment ne sont pas repris :
- les 3 domaines des prestations directes en matière d’autonomie,
- les 5 domaines (16 sous-domaines) des prestations directes pour la participation sociale,
- les 2 domaines (5 sous-domaines) des prestations directes de soins, de maintien et de développement des capacités fonctionnelles,
- un dernier domaine (introduit dans le nouveau modèle d’avril 2018) de « prestation directe » : la « coordination renforcée pour la cohérence du parcours ».
- les 2 grands chapitres des prestations indirectes (10 domaines, 23 sous-domaines) sont peu repris.
III. ABSENCE DE PERSPECTIVE JURIDIQUE POUR UN SYSTÈME COMPLET
Il convient donc, à l’égard des 2 dernières représentations ou, plus globalement, de systèmes complets d’offres de services de marquer une relative distance : ils ne sont pas référés à la législation actuelle. La mise en place, juridiquement, des dispositifs intégrés type DITEP, reste éloignée d’une idée de système complet. Les progressions juridiques ne vont donc pas dans le sens de la construction des systèmes complets ainsi souhaités ou évoqués par les auteurs consultés (16), mais plutôt dans le sens de coordinations de parcours entre dispositifs différents.
(1)
Article 91 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ayant créé l’article L. 312-7-1 du CASF, Décret n° 2017-620 du 24 avril 2017 relatif au fonctionnement des établissements et services médico-sociaux en dispositif intégré (dont son Annexe 1 comprenant le Cahier des charges définissant les conditions de fonctionnement en dispositif intégré prévu à l’article L. 312-7-1 du CASF).
(2)
Décret n° 2005-11 du 6 janvier 2005 fixant les conditions techniques d’organisation et de fonctionnement des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques
(3)
Décret n° 2017-620 du 24 avril 2017 relatif au fonctionnement des établissements et services médico-sociaux en dispositif intégré.
(4)
Même s’il n’est pas géré par un seul et même gestionnaire.
(5)
Dans 3 rubriques : hébergement (plusieurs formules adaptables possibles), accueil de jour ou en externat, interventions ambulatoires ou à domicile.
(6)
M.-A. Bloch, « PFS : essais de définitions comparées et positionnements », J.-R. Loubat, J.-P. Hardy, M.-A. Bloch, op. cit. 2016.
(7)
Toujours M.-A. Bloch, « PFS : essais de définitions comparées et positionnements », J.-R. Loubat, J.-P. Hardy, M.-A. Bloch, op. cit. 2016.
(8)
Article 74 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 relative à la modernisation du système de santé, créant les articles L. 6327-1 à L. 6327-3 du CASF ; Décret n° 2016-919 du 4 juillet 2016 relatif aux fonctions d’appui aux professionnels pour la coordination des parcours de santé complexes.
(9)
Article 23 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, modifiant les articles L. 6327-1 à L. 6327-3 du CASF en ajoutant les articles L. 6327-4 à L. 6327-7. Il n’existe pas encore de décret permettant de situer les changements réglementaires, notamment pour le passage des PTA (article D6327-1 à D6327-10 du Code de Santé Publique) à des articles spécifiques pour les DAC.
(10)
J.-R. Loubat, « PFS : mythe organisationnel ou réalité opérationnelle », J.-R. Loubat, J.-P. Hardy, M.-A. Bloch, op. cit. 2016.
(11)
Au sens de Max Weber en sociologie : une catégorie qui aide à comprendre ou théoriser certains phénomènes et à bâtir un modèle et une perspective liée au but de ce modèle.
(12)
J.-R. Loubat, « Opérateurs sociaux et médico-sociaux, la logique de service comme premier organisateur », in Manuel de direction en action sociale et médico-sociale, ouvrage collectif sous la direction de F. Batifoulier, Dunod, 2e édition, octobre 2019.
(13)
J.-R. Loubat, « Opérateurs sociaux et médico-sociaux, la logique de service comme premier organisateur », in Manuel de direction en action sociale et médico-sociale, op. cit. 2019
(14)
J.-R. Loubat, Coordonner parcours & projets personnalisés, Dunod, 2013.
(15)
Une première correction de la nomenclature a été effectuée le 27 avril 2018 et il convient de bien prendre en compte cette dernière (NDLR : ce n’est pas le cas pour une grande partie des établissements et services, de leurs acteurs et de quelques auteurs, qui en sont restés à la première version de 2015. La nouvelle version est consultable et téléchargeable via : https://www.cnsa.fr/documentation/nomenclatures_serafinphdetaillees2018-vf.pdf).
(16)
J.-P. Hardy (Cf. « La multiplication des établissements, puis des services », in J.-R. Loubat, J.-P. Hardy, M.-A. Bloch, op. cit. 2016) fait part des propositions de l’Association des Départements de France en 2014 et 2015 pour intégrer dans l’examen de 2 lois successives le principe des plateformes coopératives de services territorialisés, à reprendre ensuite dans la partie législative du CASF. Les contenus des propositions n’ont pas été retenus, mais ils inspirent néanmoins l’évolution récente autour des plateformes territoriales d’appui, et les nouveaux dispositifs d’accueil et de coordination, les DAC.