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PLURALITÉ

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A. Philosophie rationnelle humaniste

Inscrite au cœur de la loi du 2 janvier 2002, elle indique un ancrage sur une approche humaine (accueil, reconnaissance des personnes et de leurs droits dans les accompagnements par des institutions sociales et médico-sociales) et sur une approche centrée sur le besoin (tout projet élaboré comme réponse à un besoin, avec lisibilité, et soumis à évaluation régulière). Dans ce cadre, la loi rend possible des coopérations et regroupements via les Groupements de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS) pouvant intégrer une coopération avec le secteur sanitaire (établissements, intervenants libéraux), officialisés par décret en 2006 (1). Néanmoins, cette philosophie ne comprend pas le dépassement des ESSMS pour avancer vers des plateformes de services (la loi du 2 janvier 2002 maintenant la segmentation par champ du secteur social et médico-social).


B. Droits universels

Au cœur des évolutions nationales et internationales, la philosophie des droits universels emprunte à plusieurs approches : égalité de droits, discrimination positive. Elle vise à élaborer un ensemble de principes et de droits positifs, quelle que soit la spécificité des personnes, ou parfois du fait des spécificités des personnes (exemple du droit à compensation des conséquences du handicap (2)).
Les domaines énonçant les droits universels sont nombreux (dont les modalités de type guichet pour l’accès aux droits). La communauté internationale a énoncé des chartes ou engagements ou conventions (par exemple pour les personnes handicapées). La France a fait le choix de décliner ces droits dans des législations spécifiques (dont loi du 11 février 2005) alors que certains pays (Canada par exemple) ont fait le choix de fondre certains de ces droits (accès à l’emploi) dans des législations générales, dépassant la désignation de telle ou telle catégorie de personnes. La spécificité en France : des énoncés importants, des avancées relatives, voire insuffisantes, sur le plan des moyens ou des applications concrètes (l’exemple de l’accessibilité, largement commenté, depuis plusieurs années). Autres réalités : la mise en place effective de guichets uniques facilitant l’accès à ces droits et prestations (les Maisons Départementales des Personnes Handicapées - MDPH - par exemple).


C. New Public Management

Au cœur des évolutions nationales se trouvent les efforts, engagés par l’État pour se réformer et optimiser la relation entre ses politiques et la gestion de ses moyens. La réforme de l’État a emprunté plusieurs chemins depuis 40 ans, et épousé peu à peu une approche théorique née dans les années 1970, fortement reprise par la Commission et la réglementation européennes, celle du New Public Management (NPM) (3). Selon P. Bezes (4), le NPM minimise toute différence de nature entre « secteur public/gestion publique » et « secteur privé/gestion privée ». Dans son application, il promeut des solutions dans un puzzle doctrinal basé sur 5 principes :
▸ Séparation fonctions stratégique et de pilotage/fonctions opérationnelles,
▸ Fragmentation des bureaucraties verticales : création de petites unités administratives autonomes (éventuellement des agences), décentralisation, autonomisation ou prise en charge par soi-même de groupes d’usagers,
▸ Recours aux mécanismes de marché : concurrence (entre acteurs publics, avec le secteur privé), incitations individualisées, externalisation de l’offre (privatisation)...,
▸ Transformation des structures hiérarchiques par renforcement des responsabilités et de l’autonomie des échelons,
▸ Mise en place d’une gestion fondée sur la réalisation d’objectifs et sur la mesure/évaluation des performances dans le cadre de programmes contractualisés.
Sur le plan des plateformes de services, peu d’incantations formelles issues du NPM, sinon un principe général d’optimisation des performances des structures, et notamment une application dans le dépassement des cloisonnements pour des coopérations plus affirmées, et surtout, pour des performances en termes d’inclusion, de limitation des coûts, de mobilisation des acteurs autour d’objectifs contractualisés.


D. Logique bureaucratique

Très présente voire même envahissante, la logique bureaucratique se traduit par des principes de précaution (démarche qualité, réglementation inflationniste, recherche de la faute), de contrôle (réglementation, CPOM, indicateurs qualité, évènements indésirables) et de demande de lisibilité (CPOM, indicateurs de performance). Les plateformes de services sont pour partie étrangères à ces logiques, même si les CPOM ont pu, dans leur objectifs, épouser des objectifs de décloisonnement, de transformation des structures vers des ensembles permettant une diversité de parcours et de réponses.


E. Philosophie workfarienne

L’expression vient du terme workfare, popularisé par R. Nixon aux États-Unis dans les années 1970 (« what we need is not welfare state, but workfare state »). Il propose une approche inverse à celle de l’État providence (délivrance inconditionnelle de prestations) pour celle d’un État délivrant des prestations sous condition (de participation, d’effort, d’observance de règles etc.), les personnes « travaillant pour le bien-être » (selon le sens littéral). Dans cette approche portée par un « État social actif » (5), le terme le plus couramment utilisé est celui de l’activation (via des contrats, des devoirs) : activation des bénéficiaires (mobilisés eux-mêmes pour la résolution de leurs problèmes), activation des pratiques (les professionnels devenant des « supporters » au sens québécois du terme, soutenant, mobilisant et faisant preuve d’exigences), activation des organisations (les structures pilotées autour de programmes stratégiques, avec des suivis évaluatifs et de performance). Les CPOM font bien partie, dans leurs objectifs, de ces approches par la performance (avec des objectifs de décloisonnement, de transformation des structures vers des ensembles permettant une diversité de parcours et de réponses). Dans ce cadre, les plateformes de services constituent un ensemble d’institutions d’un nouveau type, mobiles et adaptables en même temps que mobilisatrices et décloisonnées, décentrées (en position de tiers favorisant l’inclusion et la médiation, la coordination).


F. Philosophie libérale libertaire

L’expression est récente, inventée par un sociologue (6) et signe l’avènement des aspirations individuelles portées par un « marché du désir », dans une société confondant liberté et libéralisation, impliquant la permissivité pour le consommateur et la répression pour le producteur, avec accès toujours élargi à de nouvelles consommations, dans une forme renouvelée du capitalisme. In fine, l’accomplissement libertaire passe aussi par l’extension du domaine des droits à des prestations de services.
Ceci peut se traduire, pour le secteur social et médico-social, par un accès facilité à un marché des prestations, avec alternative à l’institutionnalisation, chacun pouvant définir et choisir pour lui-même, commander son panier de prestations sans dépendance à l’égard du guichet – plateforme devenue interface, avec même l’usage direct du financement des prestations pour chaque personne (7). Si ce modèle n’est pas encore en place, avec sa référence à l’image négative de l’ubérisation, il est indéniablement une des pistes portées par un type de plateforme de services, poussant à la désintermédiation et à la posture de décideur pour soi-même que pourrait acquérir l’usager.


(1)
Décret n° 2006-413 du 6 avril 2006 relatif aux groupements assurant la coordination des interventions en matière d’action sociale et médico-sociale, pris pour l’application de l’article L. 312-7 du code de l’action sociale et des familles et modifiant ce code.


(2)
Article L. 114-1-1 : « La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie », (...) « Cette compensation consiste à répondre à ses besoins », (...) « Les besoins de compensation sont inscrits dans un plan personnalisé de compensation du handicap élaboré en considération des besoins et des aspirations de la personne handicapée tels qu’ils sont exprimés dans son projet de vie, formulé par la personne elle-même ou, à défaut, avec ou pour elle par son représentant légal lorsqu’elle ne peut exprimer son avis ».


(3)
D. Lamarzelle, Le management public en Europe, Europa, 2008.


(4)
P. Bezes, Réinventer l’État, les réformes de l’administration française (1962 - 2008), PUF, 2008.


(5)
M. Rouzeau, Vers un État social actif à la française ?, Éd. Presses de l’EHESP, 2016 ; voir aussi M. Rouzeau, « De la protection à l’activation, on passe d’un monde à l’autre », In ASH N° 2964, 10 juin 2016.


(6)
C.-M. Clouscart, Néofascisme et idéologie du désir, Le Castor Astral, Éd. 1999 ; Critique du libéralisme libertaire, généalogie de la contre-révolution, Delga, Éd. 2006.


(7)
L’Union Interfédérale des Œuvres Privées Sanitaires et Sociales, participant au comité technique « Modèles de financement » de la Mission Serafin-PH, a publié en juin 2019 une contribution au projet de réforme de la tarification des ESMS pour personnes en situation de handicap, dans laquelle elle évoque les 3 modèles de financement en cours de réflexion : 1. Un budget alloué à la personne, 2. Un budget alloué à l’ESMS, 3. Un modèle mixte.

SECTION 2 - PHILOSOPHIES PUBLIQUES

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