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L’ACCÈS AUX DROITS DES ENFANTS EN DANGER

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Les enfants accompagnés au titre de la protection de l’enfance doivent pouvoir bénéficier des mêmes droits, et dans la mesure du possible des mêmes chances de réussite, que l’ensemble des enfants. Dans ce cadre, le service de l’aide sociale à l’enfance est appelé à nouer des partenariats variés, notamment avec les acteurs de l’éducation, de l’insertion et du soin.


A. Le droit à l’éducation



I. LE CADRE LÉGAL APPLICABLE

Il existe en France, comme au niveau européen, un droit à l’éducation qui se traduit par l’obligation scolaire (C. éduc., art. L. 131-1 et s.). L’article L. 131-1 du Code de l’éducation rappelle à ce titre que « l’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre 6 ans et 16 ans ». Il revient en principe aux titulaires de l’autorité parentale de veiller au respect de cette obligation (C. éduc., art. L. 131-4 et s.).
Le droit à l’éducation est présenté comme un moyen de favoriser l’égalité des chances. L’État doit ainsi garantir « l’accès de chacun, en fonction de ses aptitudes et de ses besoins particuliers, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire » (C. éduc., art. L. 111-2 et s.). Une des applications concrètes de ce principe est la diversification des filières d’enseignement proposées par l’État pour assurer à tous un accès à l’éducation. C’est ce qu’illustre par exemple les efforts réalisés pour la scolarisation des élèves handicapés ou encore non francophones. L’inscription au sein d’un établissement scolaire relève en revanche de la compétence du maire ; elle doit se faire sans aucune discrimination de race ou de religion. L’enfant a droit à l’instruction, quelle que soit sa nationalité. Cette disposition est importante et doit par exemple garantir l’inscription des enfants à la rue, en situation de mendicité ou habitant dans des campements de fortune.


II. LE PARCOURS SCOLAIRE DES ENFANTS EN DANGER

Le parcours scolaire des enfants en danger ou en risque de l’être n’est pas toujours aisé. Il est donc important de prendre en compte le droit à l’éducation de ces enfants une fois ces derniers accueillis au sein du dispositif de protection de l’enfance, mais aussi en amont de toute intervention. Un rapport récent sur les morts violentes des enfants au sein des familles met ainsi en évidence le rôle clé joué par l’école dans le repérage des situations de maltraitances qui gagnerait à être intensifié (1). Selon ce rapport, plusieurs signaux d’alerte qui permettraient pourtant de repérer des situations d’enfants victimes de maltraitance et de les protéger sont aujourd’hui sous-évalués au sein de l’éducation nationale. Il en est ainsi des situations dans lesquelles des traces physiques de violences sont constatées ou dénoncées par l’enfant, lorsqu’il existe un fort absentéisme scolaire dès la maternelle, ou encore, lorsque des enfants souffrent de retard dans les apprentissages ou de troubles du comportement important. Ces différents signaux sont en effet de nature à déclencher une information préoccupante afin d’assurer une évaluation rapide du danger ou du risque de danger encouru par l’enfant. Le droit à l’éducation doit en effet permettre non seulement l’instruction de l’enfant mais aussi sa protection lorsqu’elle s’avère nécessaire.
Le parcours scolaire des enfants en danger peut être plus fragile que pour les autres enfants soutenus par leur famille. En outre, lorsque l’enfant est confié au titre de la protection de l’enfance, les changements répétés de lieu d’accueil peuvent conduire à des changements d’établissements scolaires plus ou moins nombreux et plus ou moins préparés. Enfin, les traumatismes vécus par l’enfant peuvent l’empêcher d’être suffisamment disponible psychiquement pour accéder aux apprentissages.
En juillet 2013, une étude de la Drees a pour titre : « Échec et retard scolaire des enfants hébergés par l’aide sociale à l’enfance » (2). Selon cette étude, « avant même leur entrée en établissement, les enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance ont souvent connu une ou plusieurs difficultés qui affectent la scolarité ». Ces difficultés sont variées et peuvent être liées à une situation de grande pauvreté, de mal-logement ou encore de maltraitance. Dans un certain nombre de situations, les difficultés scolaires de l’enfant préexistent au placement, cependant, ces difficultés perdurent une fois les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance. Ces derniers sont ainsi plus souvent en échec scolaire que les enfants de la population générale. Pour donner un seul exemple, « à l’entrée au collège, le retard scolaire est déjà très fréquent parmi les enfants hébergés. À 11 ans, âge théorique du passage en sixième, seulement 33,9 % des enfants sont dans une classe du second degré, comparés aux 79,6 % en population générale. 50,1 % sont toujours en enseignement élémentaire, 10,9 % en ASH (adaptation scolaire et scolarisation des enfants handicapés) et 1,1 % sont déscolarisés ».
Cette étude souligne qu’il s’agit plutôt d’échec et de retard scolaire que de déscolarisation : « fin 2008, parmi les 26 490 enfants de ces établissements en âge de scolarité obligatoire, c’est-à-dire âgés de 6 à moins de 16 ans, 620 seulement n’étaient pas scolarisés, soit 2,3 %. » Elle fait néanmoins remarquer que cette déscolarisation est plus forte en début de placement. Il existerait ainsi un lien entre la déscolarisation de l’enfant et la séparation avec son milieu d’origine.
Ces constats sont confirmés par une étude de l’observatoire départemental de la protection de l’enfance de Seine-Saint-Denis (3). Cette étude met en revanche en évidence une déscolarisation des jeunes qui croît avec l’âge. Ainsi, pour les jeunes de 17 ans confiés à l’aide sociale à l’enfance, le taux de scolarisation n’est plus que de 77 % contre 93 % au niveau de la France métropolitaine. En outre, cette étude confirme que les mineurs en service d’accueil d’urgence sont souvent moins scolarisés que les autres enfants pris en charge. Quelles que soient les raisons de cette déscolarisation, celle-ci semble marquer une rupture brutale dans la vie de l’enfant ; séparé de sa famille, il l’est également de l’environnement scolaire qu’il fréquentait. Ces chiffres mériteraient d’être affinés, mais ils montrent, s’il en était encore besoin, la nécessité d’accorder une attention particulière à la continuité du parcours scolaire des enfants pris en charge au titre de la protection de l’enfance.
En 2016, l’étude Elap (étude longitudinale sur une cohorte de 1 600 jeunes) corrobore ces différents résultats et souligne l’orientation rapide des jeunes accompagnés au titre de la protection de l’enfance vers des filières courtes et professionnelles : « 89 % des jeunes de 17 ans placés sont en formation, proportion qui est quasi identique pour les jeunes du même âge en population générale. Toutefois, au-delà de cette similitude, une grande différence se fait jour dans la nature de ces formations. Si seulement 1 % des jeunes de 17 ans de la population générale sont dans des formations spécifiques (remise à niveau en langue, formation ou stage d’insertion pour jeunes sortis précocement du système éducatif, formation en institut sanitaire et social...), ils sont dix fois plus nombreux parmi les jeunes placés. Par ailleurs, les orientations vers des études courtes sont très majoritaires chez ces derniers, conséquence des difficultés scolaires accumulées au cours de l’enfance et de l’adolescence, mais aussi de l’appréhension des éducateurs que la durée d’étude n’excède le nombre d’années de prise en charge (4). » Ainsi, pour donner un autre exemple, en ce qui concerne les 1 600 jeunes concernés dans le cadre de l’étude Elap, « seulement 13 % des jeunes de 17 ans placés préparent un bac général (contre 51 % en population générale du même âge) ».
Ces éléments sont très importants car ils font état des multiples facteurs qui jouent sur le parcours scolaire et professionnel du jeune. Les études qui viennent d’être présentées permettent d’identifier, de manière non exhaustive : d’une part, les difficultés familiales rencontrées pendant l’enfance, d’autre part, les ruptures de parcours scolaire liées au parcours en protection de l’enfance et à des changements de lieu d’accueil répétés, et enfin, l’influence que peuvent jouer les professionnels sur l’orientation scolaire et professionnelle finalement retenue par le jeune. Sur ce dernier point, les enfants comme les travailleurs sociaux ont, pour beaucoup, intégré la contrainte posée par le cadre légal qui limite la compétence du service départemental de l’aide sociale à l’enfance aux jeunes majeurs de moins de 21 ans.


III. LES ACTIONS MISES EN ŒUVRE POUR FAVORISER LE DROIT À L’ÉDUCATION

a. La lutte contre le décrochage scolaire

Le gouvernement a annoncé en 2014 un plan de lutte contre le décrochage scolaire qui s’accompagne d’un budget de 50 millions d’euros par an. Ce plan d’action, intitulé « Tous mobilisés pour vaincre le décrochage scolaire », s’est poursuivi sur l’année 2015-2016 avec pour ambition de réduire le nombre de décrocheurs. Le nombre de jeunes sortants sans qualification du système éducatif serait ainsi passé de 110 000 en 2014 à 98 000 en 2016 (5).
En 2014, l’objectif du plan est double et vise, d’une part, à prévenir l’abandon scolaire précoce et, d’autre part, à soutenir ceux qui ont quitté l’école sans diplôme et souhaitent revenir en formation. Les actions proposées dans ce cadre sont nombreuses et passent notamment par la mise en œuvre de partenariats locaux.
La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté publiée en octobre 2018 (6) insiste à son tour sur la nécessité de lutter plus efficacement contre le décrochage scolaire et de renforcer l’accompagnement des « NEETs ». Cette formulation issue de l’anglais « neither employed or not in education or training », désigne comme son nom l’indique les jeunes sans emploi, ne suivant ni études ni formation. Le groupe de travail mis en place en amont de la stratégie proposait la mise en place d’une obligation de formation au-delà de 16 ans et jusqu’à 18 ans, en ces termes : « il s’agira de garantir qu’aucun jeune ne sorte du système de formation sans qualification avant 18 ans [...[. Pour ce faire, la collectivité devra développer une offre de formation adaptée aux besoins des jeunes » (7). L’obligation de formation est alors conçue comme un complément à l’obligation scolaire qui doit s’accompagner d’actions concrètes visant à évaluer les dispositifs existants, renforcer l’offre de rescolarisation et de formation, mais aussi la prévention du décrochage scolaire en organisant un suivi personnalisé des jeunes dès la classe de 4e. La stratégie pauvreté reprend en partie cette proposition en affirmant « l’instauration d’une obligation de formation pour tous les jeunes jusqu’à 18 ans ». La stratégie demande ainsi à l’Éducation nationale et aux Missions locales de suivre plus régulièrement les jeunes concernés, elle reste néanmoins silencieuse sur les moyens de systématiser cette veille puis cet accompagnement personnalisé des NEETs (8).
Le développement des liens entre les établissements scolaires et les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance est rarement identifié comme l’un des leviers à la politique de lutte contre le décrochage scolaire, pourtant les premières études ci-dessus présentées montre qu’il existe un réel intérêt à soutenir les liens entre ces services afin de garantir un parcours scolaire de qualité pour l’ensemble des enfants en danger ou en risque de l’être.

b. Les bourses scolaires et universitaires

[Code de l’éducation, articles R. 531-1 à D. 351-12, R. 531-19 à D. 531-22 et D. 531-37[
Le Code de l’éducation prévoit des aides financières visant à soutenir la scolarité d’enfants ou de jeunes majeurs dans une situation de précarité. Le public accompagné au titre de la protection de l’enfance est souvent éligible à ces aides. On distingue, dans ce cadre, les aides allouées au titre de l’enseignement secondaire et celles octroyées au titre de l’enseignement supérieur.
Au sein du secondaire, citons notamment les bourses de collèges (9), les bourses de lycées (10), les aides versées par les fonds sociaux collégien et lycéen ou encore le fonds social pour les cantines (11).
Au titre de l’enseignement supérieur, il existe notamment les bourses de l’enseignement supérieur (12) et les aides allouées par le Fonds national d’aides d’urgence aux étudiants (FNAU). Les aides versées par ce fonds prennent deux formes, il peut s’agir d’aides ponctuelles ou au contraire d’une aide annuelle lorsque l’étudiant rencontre des difficultés financières graves et durables (13). S’ajoutent à ces différentes mesures, les aides proposées par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) qui peuvent prendre la forme de bourses mais aussi d’une aide en nature, en favorisant un accès au logement, à la culture ou encore aux loisirs.


B. L’importance d’une insertion professionnelle réussie

L’accompagnement mis en œuvre pour protéger l’enfant doit lui permettre de se développer dans de bonnes conditions en lui donnant les moyens de s’insérer convenablement au sein de la société. Dans ce cadre, les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance sont appelés à développer des partenariats avec les acteurs de l’insertion. Parmi eux, nous citerons l’action des missions locales, des fonds départementaux d’aide aux jeunes, et, enfin, les foyers de jeunes travailleurs.


I. LES MISSIONS LOCALES

La loi n° 89-905 du 19 décembre 1989 favorisant le retour à l’emploi et la lutte contre l’exclusion professionnelle s’intéresse pour la première fois au développement d’un dispositif spécifique favorisant l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. C’est dans ce cadre que les missions locales sont créées. Elles ont pour objet « d’aider les jeunes de 16 à 25 ans révolus à résoudre l’ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale en assurant des fonctions d’accueil, d’information, d’orientation et d’accompagnement » (C. trav., art. L. 5314-2).
En outre, elles « favorisent la concertation entre les différents partenaires en vue de renforcer ou compléter les actions conduites par ceux-ci, notamment pour les jeunes rencontrant des difficultés particulières d’insertion professionnelle et sociale ». C’est sur ce fondement que les missions locales sont progressivement devenues des partenaires importants des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance. Le public visé, à savoir « les jeunes rencontrant des difficultés particulières d’insertion professionnelle et sociale », recouvre en effet pour partie le public suivi au titre de la protection de l’enfance (mineurs ou jeunes majeurs). Il est néanmoins important de préciser que le public des missions locales ne se réduit pas aux seuls jeunes confiés à l’aide sociale à l’enfance et est entendu de manière beaucoup plus large. Ainsi, les missions locales reçoivent des jeunes qui, tout en ayant le soutien de leur famille, éprouvent des difficultés d’insertion sociale et professionnelle. Cette mixité des publics est importante et peut avoir un réel intérêt dans le suivi éducatif mis en place au titre de la protection de l’enfance.
Les attentes en direction des missions locales ont été renforcées par les lois récentes. Ainsi, la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale (14) ajoute que ces fonctions d’accueil et d’accompagnement doivent permettre « l’accès à la formation professionnelle initiale ou continue, ou à un emploi » (C. trav., art. L. 5314-2). La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (15) cherche à soutenir l’égalité des chances en santé auprès des jeunes. Elle modifie également l’article L. 5314-2 du Code du travail en affirmant que « les missions locales sont reconnues comme participant au repérage des situations qui nécessitent un accès aux droits sociaux, à la prévention et aux soins ». À ce titre les missions locales doivent assurer l’orientation des jeunes vers des services compétents afin d’assurer leur prise en charge par le système de santé de droit commun et la prise en compte par le jeune lui-même de son capital santé. Cette approche en termes de santé publique et d’accès au droit est importante car, une fois le jeune devenu majeur, le suivi de sa santé est laissé à sa libre appréciation et il est démontré, d’une part, que certains jeunes ne sont pas suffisamment sensibilisés à cette question et, d’autre part, qu’ils n’ont pas accès aux soins.


II. LES FONDS DÉPARTEMENTAUX D’AIDE AUX JEUNES

[Code de l’action sociale et des familles, article L. 263-3[
En 1989, la création des missions locales vise à soutenir les jeunes rencontrant les difficultés financières importantes. Progressivement, les aides allouées dans ce cadre se structurent autour d’un fonds d’aide aux jeunes rendu obligatoire par la loi du 29 juillet 1992 relative à la lutte contre la pauvreté (16).
La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (17) place la gestion de ce fonds sous l’autorité exclusive du président du conseil général (aujourd’hui conseil départemental). L’article L. 263-3 du Code de l’action sociale et des familles dispose ainsi que « le département est compétent pour attribuer aux jeunes en difficulté, âgés de 18 à 25 ans, des aides destinées à favoriser leur insertion sociale et professionnelle et, le cas échéant, leur apporter des secours temporaires de nature à faire face à des besoins urgents ».
Il revient au conseil départemental d’adopter le règlement intérieur du fonds, qui « détermine les conditions et les modalités d’attribution des aides, notamment en cas d’urgence, et les conditions de mise en œuvre des mesures d’accompagnement ». Ces aides peuvent par conséquent être très différentes d’un département à l’autre. En 2015, une enquête de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) relève que les fonds d’aide aux jeunes (FAJ) bénéficient à 91 000 jeunes de 18 à 25 ans en grande difficulté sociale pour un budget global, essentiellement financé par les conseils départementaux, de 36 millions d’euros. Selon les départements, les montants des aides accordées pour un individu s’échelonnent de 46 à 478 €, pour des enveloppes budgétaires globales allant de 33 000 à 2,6 millions d’euros (18). Ces montants mettent en évidence le caractère ponctuel de ces aides. Celles-ci sont souvent versées en urgence, pour répondre à des besoins de première nécessité ou pour donner un « coup de pouce » à l’insertion du jeune, comme une aide au financement du permis de conduire.
Ces fonds ont une vocation universelle. Le législateur a en effet entendu ouvrir le bénéfice de ces aides à un large public, puisque, pour leur attribution, aucune durée minimale de résidence dans le département ne peut être exigée et qu’il n’est pas tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes soumises à l’obligation alimentaire à l’égard de l’intéressé (CASF, art. L. 263-3, II et III). Dans ce cadre particulièrement large, la loi ajoute que « tout jeune bénéficiaire d’une aide du fonds fait l’objet d’un suivi dans sa démarche d’insertion ». Autrement dit, l’aide délivrée par le fonds d’aide aux jeunes n’est pas seulement financière mais comporte également un volet social.
Dès 2001, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales relatif aux fonds d’aide aux jeunes considère que « la frange certainement minoritaire [...[ de ceux qui souffrent de difficultés très lourdes devrait explicitement constituer un public prioritaire des fonds d’aide aux jeunes. Cela exige notamment, au plan national comme au plan local, une meilleure connaissance et une meilleure définition de ces publics » (19). Dans ce cadre, certains départements ont opéré des rapprochements entre les aides allouées au titre de la protection de l’enfance et le fonds d’aide aux jeunes, en définissant même parfois les jeunes suivis au titre de l’aide sociale à l’enfance comme un public prioritaire. Ces évolutions conduisent à remettre en cause l’approche universelle des fonds d’aide aux jeunes au profit d’une approche ciblée sur les jeunes les plus en difficulté.


III. LES FOYERS DE JEUNES TRAVAILLEURS

[Code de l’action sociale et des familles, articles D. 312-153-1 et D. 312-153-2[
Les foyers de jeunes travailleurs sont des établissements sociaux et médico-sociaux (CASF, art. L. 312-1, I, 10°) qui participent à la politique de lutte contre les exclusions.
Le décret du 31 juillet 2015 a précisé leur statut (20) : ces foyers « accueillent prioritairement des jeunes en activité ou en voie d’insertion sociale et professionnelle âgés de 16 à 25 ans, notamment à l’issue d’une prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance [...[. Ils ne peuvent accueillir de personnes ayant dépassé l’âge de 30 ans » (CASF, art. D. 312-153-1). Le décret établit ainsi un lien très clair entre les jeunes pris en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance et les foyers de jeunes travailleurs. Ces prises en charge permettent aux jeunes anciennement confiés à l’aide sociale à l’enfance de continuer à bénéficier d’un soutien et de finaliser ainsi leur projet social et professionnel.
Les foyers de jeunes travailleurs ont pour mission d’accompagner les jeunes qu’ils accueillent dans un projet socio-éducatif ayant pour objet l’accès à l’autonomie et au logement indépendant. L’accueil du jeune n’a par conséquent pas vocation à perdurer. Il est conçu comme un tremplin vers une intégration sociale et professionnelle réussie en l’aidant à se stabiliser dans un logement. Dans ce cadre, les foyers de jeunes travailleurs doivent assurer :
  • des actions d’accueil, d’information et d’orientation en matière de logement ;
  • des actions dans les domaines de l’emploi, de l’exercice de la citoyenneté, de l’accès aux droits et à la culture, de la santé, de la formation et de la mobilité, du sport et des loisirs ;
  • une restauration sur place ou à proximité lorsque le logement proposé ou les locaux affectés à la vie collective ne permettent pas la préparation des repas.
Aujourd’hui, certains foyers ont des places subventionnées par les services de l’aide sociale à l’enfance qui y orientent des jeunes. Ce subventionnement doit permettre la mise en place d’un accompagnement renforcé au sein du foyer pour répondre aux besoins des intéressés. L’enjeu de ce partenariat pour les conseils départementaux est alors double. D’une part, le service départemental doit pouvoir avoir une visibilité sur la nature et le contenu des prestations supplémentaires effectivement proposées par le foyer et facturé par le département dans le cadre du conventionnement ; d’autre part, ces prises en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance doivent être temporaires et permettre aussi rapidement que possible une fin de prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance. Cette fin de prise en charge peut avoir plusieurs issues, à savoir la pleine autonomie du jeune, mais aussi, dans certaines situations, une période transitoire durant laquelle le jeune glisse d’une place financée par l’aide sociale à l’enfance à une place « classique » au sein d’un foyer de jeunes travailleurs avec un suivi social plus léger, le temps de finaliser son projet d’insertion.


C. Le droit à la santé

La santé somatique et psychique des enfants accompagnés au titre de l’aide sociale à l’enfance constitue une dimension importante de leur vie et de leur bien-être. Or, comme le font remarquer de nombreux auteurs, la santé de ces enfants « s’avère un enjeu particulièrement crucial et problématique » (21), en raison notamment de la précarité des milieux dont la plupart de ces enfants sont issus, mais aussi des motifs du placement souvent liées à des maltraitances ou à des négligences importantes ne sont pas sans effet sur la santé des enfants mais aussi sur leur rapport à la santé. En 2015, le Défenseur des droits met en évidence les difficultés d’accès aux soins de ces enfants et considère que « la dimension “santé” apparaît insuffisamment prise en compte dans l’organisation des services de l’ASE » (22).
S’il apparaît indispensable de garantir un suivi médical régulier des enfants en danger, ce suivi n’est pas toujours évident et relève de la compétence partagée des parents, titulaires de l’autorité parentale, du service départemental de l’aide sociale à l’enfance, responsable de l’enfant mais aussi des différents lieux qui assurent l’accompagnement de l’enfant au quotidien.
La loi du 14 mars 2016 porte une attention accrue à la santé des enfants qu’ils soient confiés ou suivi dans le cadre d’une mesure de milieu ouvert. La loi contient d’abord des dispositions visant à renforcer ce suivi dans chaque situation individuelle. Dès la première évaluation, la loi insiste sur la nécessité de connaître l’état de santé de l’enfant. Le décret du 28 octobre 2016 déclare à ce titre que l’équipe en charge de l’évaluation préoccupante doit recueillir l’avis des professionnels qui connaissent le mineur dans son quotidien, notamment dans le cadre des soins. En outre, le texte ajoute que « lorsque l’évaluation en cours fait apparaître une problématique spécifique, relevant éventuellement du handicap, et nécessite d’être complétée, l’équipe pluridisciplinaire [...[ recourt à des experts ou des services spécialisés » (CASF, art. D. 226-2-5). Cette préoccupation pour la santé de l’enfant est renouvelée par le législateur à chaque étape de l’accompagnement. Ainsi, la loi impose-t-elle que le rapport de situation élaboré annuellement (ou tous les six mois pour les enfants âgés de moins de 2 ans) contienne un bilan régulier de la santé physique et psychique de l’enfant (CASF, art. L. 223-5). Enfin, le projet pour l’enfant doit désormais comprendre « une évaluation médicale et psychologique du mineur afin de détecter les besoins de soin qui doivent être intégrés au document » (CASF, art. L. 223-1-1). Ces différentes dispositions doivent permettre un meilleur suivi en santé des enfants confiés. En pratique néanmoins, un tel suivi n’a rien d’évident car les équipes de la protection de l’enfance sont, comme nous avons eu l’occasion de le dire, majoritairement composées de travailleurs sociaux qui ne se sentent pas toujours légitimes à émettre un avis sur les besoins en santé de l’enfant. Dans ce cadre, les partenariats avec le secteur sanitaire apparaissent indispensables, à la fois en ce qui concerne l’évaluation pluridisciplinaire et régulière des situations individuelle mais aussi dans la mise en œuvre des orientations médicales prescrites pour répondre aux besoins de l’enfant.
Conscient de cet enjeu, le législateur encourage, en 2016, le développement d’un partenariat plus importants entre le service départemental de l’aide sociale à l’enfance et le secteur sanitaire. Il crée ainsi un médecin référent « protection de l’enfance » au sein du service départemental de l’aide sociale à l’enfance (CASF, art. L. 221-2). Ce médecin est notamment chargé d’organiser un travail régulier et une coordination entre les services départementaux les médecins libéraux et hospitaliers, ou encore les médecins de santé scolaire. Le décret n° 2016-1503 du 7 novembre 2016 précise les missions de ce nouvel acteur qui doit permettre d’améliorer de sensibiliser les acteurs de la santé aux situations d’enfants en danger mais aussi d’assurer une coordination plus fine entre les services sociaux et les services sanitaires lorsqu’un enfant est en danger ou en risque de l’être (CASF, art. D. 221-25).
Aujourd’hui, l’accès aux soins de l’enfant en danger est un enjeu majeur, non seulement au regard de la durée des accompagnements mis en œuvre au titre de la protection de l’enfance, mais aussi au regard des traumatismes que l’enfant a pu vivre au sein de son milieu d’origine. L’accompagnement somatique mais aussi psychologique, voire psychiatrique, de l’enfant apparaît alors comme essentiel. Sur ce dernier point, la raréfaction des moyens alloués à la pédopsychiatrie française met à mal la mise en place d’un suivi adapté à la souffrance vécue par ces enfants. Un rapport récent du Sénat évoque ainsi une crise démographique et universitaire de la pédopsychiatrie française, et avance que le nombre de pédopsychiatre a été divisé par deux entre 2007 et 2016 (23).
Face à ces différents constats, la ministre a déclaré à l’occasion de l’anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, le 20 novembre 2018, sa volonté de favoriser l’accès aux soins des enfants en danger ou en risque de l’être en créant un « parcours santé » spécifique pour ces enfants, accompagné d’une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale. Cette déclaration relayée par plusieurs médias n’a pas, à ce jour, été suivie d’effet.


(1)
IGSJ, IGAS, IGEN, Mission sur les morts violentes d’enfants au sein des familles Évaluation du fonctionnement des services sociaux, médicaux, éducatifs et judiciaires concourant à la protection de l’enfance, mai 2018, p. 45 et s. http://www.justice.gouv.fr/art_pix/2018-044%20Rapport_Morts_violentes_enfants.pdf


(2)
Mainaud T., « Échec et retard scolaire des enfants hébergés par l’aide sociale à l’enfance », Drees, Études et résultats n° 845, juillet 2013, http://drees.socialsante.gouv.fr/IMG/pdf/er845.pdf


(3)
Bulletin de l’Observatoire départemental de protection de l’enfance de la Seine-Saint-Denis, ODPE 93, octobre 2015.


(4)
Frechon I. et Marquet L., « Comment les jeunes placés à l’âge de 17 ans préparent-ils leur avenir ? », Ined, Documents de travail, n° 227, juillet 2016.


(5)
Source : eduscol.education.fr


(6)
Ministère des Solidarités et de la Santé, Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, « Investir dans les solidarités pour l’émancipation de tous », octobre 2018, https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/strategie_pauvrete_vfhd.pdf


(7)
Vérot C., Dulin A., « Arrêtons de les mettre dans les cases ! », Rapport au Premier ministre, mars 2017, p. 87 www.jeunes.gouv.fr


(8)
Pour aller plus loin sur le sujet : Capelier F., Quelles politiques pour la jeunesse en France ? Les non-dits de la stratégie pauvreté, RDSS, novembre-décembre 2018, p. 963.


(9)
Conditions et contenu précisés par la circulaire n° 2018-086 du 24 juillet 2018, NOR : MENE1818323C.


(10)
Conditions et contenu précisés par la circulaire n° 2018-058 du 23 mai 2018, NOR : MENE1810939C.


(11)
Conditions et contenu précisés par la circulaire n° 2017-122 du 22 août 2018, NOR : MENE1718891C.


(12)
Conditions et contenu précisés par la circulaire n° 2018-079 du 25 juin 2018, NOR : ESRS1816798C et l’arrêté du 19 juillet 2018, NOR : ESRS1816863A.


(13)
Circulaire n° 2014-0016 du 8 octobre 2014, NOR : MENS1420893C, BOEN n° 40.


(14)
Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, modifiée.


(15)
Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, JO du 27-01-16.


(16)
Loi n° 92-722 du 29 juillet 1992, JO du 30-07-92.


(17)
Loi n° 2004-809 du 13 août 2004, article 51, JO du 17-08-04.




(19)
Salzberg L., Boulanger J.-M., Viossat L.-C. « Rapport sur les fonds d’aide aux jeunes », IGAS, La Documentation française, février 2001, p. 5.


(20)
Décret n° 2015-951 du 31 juillet 2015, JO du 2-08-15.


(21)
Euillet S., Halifax J., Moisset P., Séverac N. « L’accès à la santé des enfants pris en charge au titre de la protection de l’enfance : accès au soin et sens du soin », mars 2016, disponible sur www.defenseurdesdroits.fr


(22)
Défenseur des droits, « Handicap et protection de l’enfance : des droits pour des enfants invisibles », novembre 2015, consultable sur www.defenseurdesdroits.fr


(23)
Amiel M., Rapport d’information, « Situation de la psychiatrie des mineurs en France », Sénat, n° 464, 4 avril 2016, disponible sur www.senat.fr

SECTION 3 - DES ACTIONS PARTENARIALES POUR RÉPONDRE AUX BESOINS PLURIELS DES ENFANTS

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