Selon l’article L. 221-1, 7° du Code de l’action sociale et des familles créé par la loi du 14 mars 2016, le service de l’aide sociale à l’enfance a pour mission de « veiller à la stabilité du parcours de l’enfant confié et à l’adaptation de son statut sur le long terme ». Cet article invite les professionnels à porter une attention renouvelée au statut juridique de l’enfant confié depuis plusieurs années au service de l’aide sociale à l’enfance, et à mobiliser les différentes possibilités offertes par le droit de la famille (délégation d’autorité parentale, retrait de l’autorité parentale, déclaration judiciaire de délaissement parental, etc.) (cf. supra, sections 2, 3 et 4).
La loi du 14 mars 2016 accompagne cette disposition générale par la création d’une commission pluridisciplinaire et pluri-institutionnelle d’examen des situations des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance. Selon ce texte la commission examine les situations des enfants confiés « depuis plus d’un an lorsqu’il existe un risque de délaissement parental ou lorsque le statut de l’enfant apparaît inadapté à ses besoins » (CASF, art. L. 223-1). La commission s’appuie sur le rapport de situation pour envisager chaque fois que nécessaire un changement de statut juridique pour l’enfant et donc une modification durable des conditions d’exercice de l’autorité parentale.
Cette commission est mise en place à l’initiative du président du conseil départemental. La veille autour des situations individuelles comme la recherche du statut juridique qui sera le plus adapté pour chaque enfant relève ainsi explicitement des missions du département.
La composition et le fonctionnement de la commission sont fixés par le décret du 30 novembre 2016 (1). Elle est composée de responsables des services de l’aide sociale à l’enfance, d’un cadre éducatif, de magistrats, mais aussi de représentants du secteur sanitaire (CASF, art. D. 223-26). Le décret prévoit également une saisine élargie de cette commission, soit directement par le président du conseil départemental, soit sur proposition de « toute personne concernée par la situation de l’enfant », sur la base du rapport de situation. Cette ouverture est intéressante. Elle laisse penser qu’un particulier ou un professionnel extérieur au service de l’aide sociale à l’enfance peuvent saisir cette commission.
En ce qui concerne son fonctionnement, la loi rappelle que chacun de ses membres est soumis au secret professionnel. Cette affirmation permet de sécuriser le partage d’informations à caractère secret qui aura lieu au sein de cette instance. Le texte ajoute également que « sont associés à l’examen de la situation de l’enfant son référent éducatif et la personne physique qui l’accueille ou l’accompagne au quotidien » (CASF, art. L. 223-1, al. 5).
Cette disposition fait écho à l’élaboration du projet pour l’enfant qui associe ces mêmes acteurs. Elle participe également à la volonté du législateur de garantir la cohérence et la continuité du parcours de chaque enfant au sein des services de l’aide sociale à l’enfance en s’appuyant, d’une part, sur un référent éducatif clairement identifié, d’autre part, sur les personnes-ressources dans l’environnement de l’enfant.
Cette commission est une instance consultative et non décisionnelle. Elle rend un avis qu’elle adresse au président du conseil départemental. Il s’agit ainsi de recommandations que le service départemental de l’aide sociale à l’enfance pourra ou non décider de mettre en œuvre dans le cadre du projet pour l’enfant. Certains acteurs regrettent sur ce point que la loi ne soit pas allée plus loin en conférant un pouvoir de décision plus important à la commission.
Cet avis est communiqué à l’ensemble des personnes morales et physiques participant au projet pour l’enfant, c’est-à-dire, à titre non exhaustif, aux parents, à la personne à qui l’enfant est congé et aux services en charge de la mesure. Le juge des enfants a également communication de cet avis lorsqu’il existe une mesure d’assistance éducative. Cette communication élargie devrait favoriser la mise en œuvre des orientations proposées par la commission.
Comme le montrent les récents travaux de l’ONPE sur le sujet, les départements se sont rapidement saisis de ces évolutions législatives (2). Selon le rapport, 29 départements disposaient déjà avant la loi du 14 mars 2016 d’un dispositif d’examen de la situation des enfants et 51 départements sont en 2018 concernés par la création ou la réorganisation d’un tel dispositif. L’état des lieux fait ensuite état de l’hétérogénéité des pratiques qui existent en fonction de l’ancienneté de ces pratiques, mais aussi de la taille et des choix politiques réalisés par les départements.
Ces évolutions devraient néanmoins avoir pour conséquence un meilleur repérage des situations dans lesquels un changement de statut juridique est nécessaire pour l’enfant. Dans ce nouveau cadre conceptuel, le décret du 7 février 2017 portant diverses dispositions de procédure en matière d’autorité parentale (3) insiste sur la nécessité d’une procédure judiciaire respectueuse des droits en présence, qu’il s’agisse des droits de l’enfant, de ses parents biologiques ou encore de certains tiers proches de l’enfant.
Ainsi, et pour ne donner que quelques exemples, le texte prévoit en cas de retrait, de délégation de l’autorité parentale ou encore de déclaration judiciaire de délaissement parental, une convocation à l’audience, par lettre recommandée avec avis de réception, huit jours au moins avant la date de celle-ci, informant non seulement de la date de l’audience, mais aussi de la possibilité de consulter le dossier auprès du greffe du tribunal de grande instance. Ces convocations sont adressées :
- au requérant ;
- aux parents du mineur ;
- À la personne, l’établissement ou le service qui a recueilli l’enfant ;
- le cas échéant, au tuteur du mineur ;
- lorsque la demande tend à la délégation de l’exercice de l’autorité parentale, au tiers candidat à la délégation (C. proc. civ., art. 1204).
Le décret rappelle également que le dossier peut être consulté au greffe, jusqu’à la veille de l’audience, par le requérant, les parents, le tuteur, la personne ou le service à qui l’enfant a été congé ou leurs avocats s’ils sont assistés ou représentés. L’avocat peut se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces du dossier pour l’usage exclusif de la procédure. Il ne peut en revanche communiquer les copies obtenues ou leur reproduction à son client (C. proc. civ., art. 1208-1 nouveau). La formulation retenue rappelle celle de l’article 1187 du Code de procédure civile sur l’accès au dossier d’assistance éducative, qui différencie de la même manière, le droit de consultation du dossier par le justiciable du droit de communication des pièces à l’avocat d’une des parties.
Le décret du 7 février 2017 insiste enfin sur la nécessité de construire des ponts entre le juge des enfants qui peut connaître la situation de l’enfant au titre de l’assistance éducative et le juge compétent au titre des procédures engagées sur l’autorité parentale. Désormais, « dans tous les cas, le juge des enfants fait connaître son avis au regard de la procédure d’assistance éducative en cours » (C. proc. civ., art. 1205-1). Par ailleurs, une copie de la décision du juge ou du tribunal est transmise au juge des enfants ainsi que toute pièce que ce dernier estime utile. Ainsi, il existe un système d’information réciproque entre les différents juges appelés à intervenir auprès du même enfant.
Ces différentes dispositions sont essentielles car elles invitent les professionnels comme les institutions à faire évoluer leurs pratiques pour penser une protection de l’enfant au sens large qui peut conduire à une modification des conditions d’exercice de l’autorité parentale.
Bien consciente de l’atteinte alors portée au droit à la vie privée et familiale, la loi encourage non seulement une réflexion collective sur le sujet, mais aussi le renforcement des textes réglementaires applicables pour assurer, lorsque ces procédures sont engagées, le respect des droits de la défense.
(1)
Décret n° 2016-1639 du 30 novembre 2016, JO du 2-12-16.
(2)
ONPE, État des lieux de la mise en place des commissions pluridisciplinaires et pluri-institutionnelles d’examen de la situation des enfants confiés à l’ASE, avril 2018, disponible sur www.onpe.gouv.fr
(3)
Décret n° 2017-148 du 7 février 2017, JO du 9-02-17.