La déclaration judiciaire de délaissement parental est le nouveau nom donné par la loi du 14 mars 2016 à la déclaration judiciaire d’abandon, anciennement définie par l’article 350 du Code civil. Cette procédure permet au juge aux affaires familiales de constater l’abandon de l’enfant.
Alors que la déclaration judiciaire d’abandon était placée au sein du Code civil sous le titre de la filiation adoptive, la réforme du 14 mars 2016 fait de la déclaration judiciaire de délaissement parental une nouvelle section au sein du Code civil, au sein de la partie qui traite de l’autorité parentale (C. civ., art. 381-1 et 381-2 nouveaux). Cette modification est importante car elle présente la déclaration judiciaire de délaissement parental non plus comme posant la question de la filiation, mais comme étant relative à l’autorité parentale. Autrement dit, il ne s’agit plus d’insister sur l’abandon de l’enfant, mais sur le manquement des titulaires de l’autorité parentale à l’exercice de leurs responsabilités.
Cette possibilité suscite depuis longtemps de vifs débats. Comme le montre une étude de l’Observatoire national de l’enfance en danger publiée en 2009, « deux cadres de lecture sont couramment utilisés [...[ pour aborder le délaissement parental : un cadre psycho-socio-éducatif qui prend en compte la qualité de la relation parent-enfant, les compétences parentales et les besoins de l’enfant et un cadre juridique qui s’appuie sur le délai d’absence des parents ou l’âge de l’enfant » (1).
Le cadre juridique devrait en principe l’emporter sur toute autre considération plus subjective ; pourtant, en pratique, les professionnels ne recourent pas toujours à une déclaration judiciaire de délaissement parental alors même que la loi rend cette procédure obligatoire. Les chiffres donnés par l’Observatoire national de l’enfance en danger confirment cette tendance.
Ainsi, sur la période 1989-2005, « les déclarations judiciaires d’abandon, ont baissé de près de 70 % » (2). Les rapports récents de l’Observatoire national de protection de l’enfance montrent néanmoins une inversion de cette tendance, ainsi, au 31 décembre 2016, 1 048 enfants admis en qualité de pupilles de l’État, le sont suite à une déclaration judiciaire d’abandon ou de délaissement parental, contre 645 en 2007 (3).
Les représentations fortes de la famille biologique, et la volonté d’assurer le droit de l’enfant à une vie familiale auraient longtemps été les principaux obstacles à la mise en œuvre systématique de la déclaration judiciaire d’abandon, aujourd’hui appelée déclaration judiciaire de délaissement parental. Le changement de dénomination substitue le terme d’abandon à celui de délaissement avec l’idée de favoriser l’introduction de ces procédures par l’utilisation d’un nouveau vocabulaire.
En 2011, le rapport élaboré par l’Académie de médecine sur l’adoption nationale affirme, quant à lui, que « ce n’est en moyenne qu’après cinq à six ans de suivi que l’enfant en souffrance peut accéder au statut de pupille de l’État » (4). Ce rapport créé une vive polémique car il encourage une application beaucoup plus systématique de ce texte en établissant un lien, non pas avec la protection de l’enfance, mais avec la nécessité de permettre à des candidats à l’adoption d’adopter.
Cette position a accru les craintes de certains professionnels sur une instrumentalisation de cette disposition pour satisfaire les demandes d’adoptions par une augmentation du nombre d’enfants pupilles de l’État, sans s’intéresser dans chaque situation à l’intérêt de l’enfant et au lien qui pourrait être un jour renoué entre ce dernier et ses parents.
À l’inverse, la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant et les outils qui l’accompagnent revalorisent le travail autour de la recherche d’un statut adapté à chaque enfant et peuvent en partie expliquer l’attrait renouvelé pour la procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental.
(1)
ONED, « Le délaissement parental : Conceptions et pratiques dans quatre pays occidentaux », dossier thématique, 2009, p. 4, disponible sur www.onpe.gouv.fr
(2)
ONED, « Rapport sur la situation des pupilles de l’État au 31.12.2005 », La Documentation française, Paris, janvier 2007, p. 9, disponible sur www.onpe.gouv.fr
(3)
ONPE, « La situation des pupilles de l’État. Enquête au 31 décembre 2016 », juin 2018, p. 18, disponible sur www.onpe.gouv.fr
(4)
Académie de médecine, Mantz J.-M., Marcelli A., Wattel F. ; « Faciliter l’adoption nationale », Bull. Acad. Natle. Méd., 2011, 195 n° 2, 431-446, séance du 22 février 2011, consultable sur www.academie-medecine.fr/publication100036281