Le droit d’accès aux documents administratifs est reconnu à tout administré par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 désormais codifié au sein du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA). En ce qui concerne les usagers du secteur social et médico-social, ce droit est également rappelé par la loi du 2 janvier 2002 précisé (CASF, art. 311-3). Il est néanmoins important de distinguer en la matière, l’accès restreint à l’information préoccupante vis-à-vis de l’accès plus élargi au rapport d’évaluation.
I. L’ACCÈS RESTREINT À L’INFORMATION PRÉOCCUPANTE
L’accès à l’information préoccupante a fait l’objet de nombreux débats et est soumis à des règles dérogatoires au droit commun. En effet, la jurisprudence de la Commission d’accès aux documents administratifs met en évidence le statut tout à fait particulier de l’information préoccupante au sein des documents administratifs. La Commission rappelle que les informations préoccupantes sont bien des documents administratifs puisqu’elles se rattachent à l’exécution d’une activité de service public à savoir le recueil, le traitement et l’évaluation de ces informations par la cellule départementale de recueil des informations préoccupantes (CASF, art. L. 226-3).
Néanmoins, les dispositions de la loi de 1978 prévoient que « ne sont pas communicables les documents dont la communication porterait atteinte aux secrets protégés par la loi » (CRPA, art. L. 311-5, 2° h) (1). Or, elle considère que le secret professionnel fait partie de ces secrets protégés par la loi. La commission est alors amenée à distinguer les informations préoccupantes adressées par les agents du Service national d’accueil téléphonique (Snated) qui sont tenus au secret professionnel par l’article L. 226-9 du Code de l’action sociale et des familles (2) des autres informations préoccupantes. Autrement dit, la possibilité pour l’administré d’accéder à l’information préoccupante qui le concerne dépendra de la nature de cette information :
- lorsqu’il s’agit d’un document produit par le Snated, ce document ne sera dans aucun cas communicable ;
- lorsqu’il s’agit d’un document qui n’est pas produit par le Snated, par exemple l’information préoccupante adressée directement à la cellule départementale de recueil des informations préoccupantes par un particulier ou un professionnel, le document sera communicable sous certaines conditions. La Commission d’accès aux documents administratifs considère « que la divulgation du document contenant l’information préoccupante révèle le comportement de son auteur dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice. [...[ La commission en déduit que lorsque le signalement est le fait d’une personne physique, et non pas celui d’une autorité administrative agissant dans l’exercice de sa compétence pour diriger et organiser le service en édictant des actes en son nom, le document est communicable à elle seule, à l’exclusion des personnes visées par l’information préoccupante, à moins que des occultations ne permettent d’interdire l’identification de son auteur » (3).
Autrement dit, l’accès à l’information préoccupante par la personne qu’elle concerne dépend en réalité de la qualité de l’auteur de cette information. S’il s’agit d’une autorité administrative (comme l’Éducation nationale, le service de protection maternelle et infantile ou encore le service social de polyvalence), l’information préoccupante pourra être communiquée à la personne qu’elle vise.
À l’inverse, lorsque l’information préoccupante est le fait d’une personne physique, le document ne sera accessible qu’à elle seule. Autrement dit, la personne qui fait l’objet de l’information préoccupante ne pourra pas en avoir communication. Il s’agit ainsi de protéger la personne qui repère un enfant qui lui semble en danger.
La CADA estime en effet que le droit d’accès aux documents administratifs risque ici de porter préjudice à l’auteur de l’information préoccupante. Elle considère par conséquent que le document n’est pas communicable à la personne visée « à moins que des occultations ne permettent d’interdire l’identification de son auteur ». Or, souvent, l’auteur de l’information préoccupante fait mention d’éléments d’observation qui permettent de remonter jusqu’à lui.
II. L’ACCÈS DES PARENTS ET DE L’ENFANT AU RAPPORT D’ÉVALUATION
Les titulaires de l’autorité parentale, et l’enfant, ont dans certaines conditions prévues par la loi, le droit d’accéder aux documents administratifs ou judiciaires qui les concernent. En ce qui concerne le rapport d’évaluation, on distinguera les situations dans lesquelles une mesure administrative est proposée à la famille, et celles dans lesquels l’autorité judiciaire est saisie. En cas de saisine de l’autorité judiciaire, les parents et l’enfant auront un droit de consultation du document jusqu’à la veille de l’audience dans les conditions fixées par l’article 1187 du Code de procédure civile. En cas de mesure administrative, il existe un droit à communication des documents administratif dans les conditions fixées à l’article L. 300-2 et suivants du CRPA et rappeler dans le chapitre suivant (cf. partie sur le dossier ASE, chapitre 4).
Les mesures ainsi proposées à la suite de l’information préoccupante et de l’évaluation de la situation peuvent s’inscrire dans un cadre administratif ou judiciaire, prendre la forme d’un placement ou au contraire d’une mesure de milieu ouvert. L’enjeu est alors d’assurer une individualisation des aides proposées à l’enfant et à sa famille, pour garantir une réponse adaptée aux besoins et au développement de l’intéressé. Cet enjeu est de taille car la protection de l’enfance recouvre des situations très variées. Sont ainsi concernés des enfants issus de familles en situation de précarité ayant besoin d’un soutien social et éducatif, d’enfants maltraités, victimes d’infractions pénales notamment sexuelles, mais aussi les mineurs isolés étrangers privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, etc. Ces enfants réagissent par ailleurs de manière différente selon leur histoire, leurs ressources et leurs besoins souvent très hétérogènes. L’évaluation fine des besoins et des ressources de chaque enfant apparaît alors déterminante pour assurer un juste équilibre entre le respect des droits de l’enfant et le respect de l’autorité parentale.
(1)
CADA, avis n° 20142331, conseil départemental de l’Isère, séance du 4 septembre 2014.
(2)
CADA, avis n° 20101913, directrice générale du groupement d’intérêt public enfance en danger (GIPED), séance du 6 mai 2010.
(3)
CADA, avis n° 20142331, conseil départemental de l’Isère, préc.