La procédure « maltraitance » doit être un guide réfléchi et élaboré par toute structure pour anticiper des événements indésirables. L’objectif est que chaque membre d’un établissement social et médico-social (ESMS) en connaisse le déroulement : modalités de gestion dans la crise mais également modalités de prévention. Cette procédure doit apporter des réponses claires sur la sécurité des protagonistes, une lisibilité des prises en charge et prévoir des contrôles. La procédure liste l’enchaînement ordonné des étapes à conduire et des personnes à contacter. Elle permet dans les périodes de stress générées par les crises de gagner un temps précieux, et surtout de recentrer les actions sur les personnes concernées afin de réduire les déflagrations psychiques qui peuvent être lourdes de conséquences pour tous les protagonistes. Elle contribue à limiter les erreurs de gestion. Elle cible :
- les modalités des actions à mener au sein de l’institution en cas de situation de violence quelle qu’elle soit : responsabilité et engagement (propos et postures), respect des droits de chacun, protection, instances concernées dans la structure (crises et prévention), échéancier rigoureux, organisation de réunion de synthèse, retour d’expérience... ;
- la nomination d’un référent bientraitance ;
- les démarches à accomplir : accueil de la victime, de la personne à l’origine des faits incriminés, information de l’équipe et des partenaires, signalement externe auprès du référent maltraitance ARS/conseil départemental, voire saisine du procureur de la République (1), et éventuellement procédures disciplinaires ;
- les outils recentrés : lettres types, grilles d’évaluation, liste des personnes contact et des personnes-ressources... ;
- les modes de régulation et de contrôle ;
- les modes de communication dans l’alerte et dans la gestion, les retours à l’alerteur et à l’équipe...
Pour être efficaces, la gestion de crise et le travail de veille sont une culture à partager. Plus la lisibilité sera construite et en phase avec la réalité de terrain, plus les employés adhéreront à la démarche. En rendant actrices les personnes, leurs capacités d’action et leur citoyenneté sont reconnues.
Les actions conduites grâce à la procédure « maltraitance » et au travail de prévention qu’elle génère permettent de limiter le nombre et la gravité des crises induites par des mal-être au travail et permettent également d’éviter qu’elles ne se renouvellent. Plus la gestion des risques sera comprise, plus les membres de l’équipe anticiperont. C’est un moyen de lutter contre la routine et les mauvaises habitudes. Attention de ne pas transformer cette démarche en outil « d’espionnage ». Il deviendrait alors contre-productif. Simone Weil (2) disait, reprenant les propos de Gandhi (3) : « En opposant la haine à la haine, on ne fait que la répandre en surface comme en profondeur. »
En ce qui concerne les violences au sein des familles, cette approche ne réduira pas leur nombre mais permettra aux professionnels d’interagir de façon plus pertinente et sans doute de contribuer à limiter leur gravité.
La procédure « maltraitance » est un outil qui permet de maintenir éveillée la vigilance de l’équipe quant à ses postures professionnelles individuelles et de renforcer son unité et sa vigilance auprès des usagers et familles. Cette procédure ne fait pas concurrence à la commission « qualité », elle devient un gage d’efficacité car elle permet de maintenir les engagements et les responsabilités professionnels de chacun. Elle renforce les positions individuelles et collectives où confiance, coconstruction et reconnaissance doivent devenir la norme du travail d’équipe.
(1)
Circulaire n° DGCS/SD2A/2014/58 du 20 mars 2014 relative au renforcement de la lutte contre la maltraitance et au développement de la bientraitance des personnes âgées et des personnes handicapées dans les établissements et services médico-sociaux relevant de la compétence des ARS.
(2)
Philosophe, écrivain (1909-1943).
(3)
Dirigeant politique et guide spirituel en Inde (1869-1948).