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GESTION DE LA « CRISE »

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À la différence d’une crise, un conflit, selon Charles Rojzman (1), peut être « indispensable à la relation », « nous avons tendance à confondre le conflit et la violence, si bien que nous n’osons pas entrer en conflit par peur qu’il ne dégénère », « apprendre le conflit suppose trois étapes : je m’oppose sans être violent ; notre désaccord a un intérêt ; je respecte mon ennemi ».
La gestion d’un conflit est plus aisée lorsqu’on arrive à s’affirmer grâce à son raisonnement plutôt qu’à s’opposer : la gestion émotionnelle est inefficace, les émotions nous submergent parfois, ces dernières sont le langage du corps. Prendre du recul est nécessaire.
Le mot « crise » signifie étymologiquement « décision », l’idéogramme chinois qui signifie « crise » se lit « risque de chance ». La crise est une période d’évolution accélérée. Nous la vivons le plus souvent comme un épisode dramatique avec parfois une certaine fatalité. En considérant qu’elle nous donne l’occasion et la chance de prendre une décision, on réalise qu’il y aurait moins de dramaturgie à la vivre.
Il n’est pas aisé d’évaluer la gravité de la crise, car nous n’en possédons pas tous les éléments. Il faut donc en parler. Nous y avons intérêt psychologiquement que nous soyons victime, témoin, ou agresseur par réaction défensive.
Lorsqu’une personne est victime dans une famille, toute la famille se sent victime par effet miroir. Il en est de même dans une équipe. De la même façon, lorsqu’un membre familial est à l’origine de faits de violence, toute la famille s’en trouve impactée. Et il en est de même dans une équipe en institution.
Évoquer les faits, ce n’est pas trahir, c’est refuser un système toxique où les protagonistes n’ont le plus souvent pas conscience de leur implication. Certaines personnes ont du mal par loyauté à rompre le consensus mais ne se rendent pas compte qu’ils contribuent ainsi à des réactions en chaîne entraînant des dysfonctionnements majeurs.
Avoir connaissance d’une situation de violence ou d’une organisation de maltraitance peut nous affecter bien plus qu’il n’y paraît. Mais en relayant les informations de manière factuelle à notre hiérarchie et à l’équipe, nous transmettons la responsabilité de l’événement à ceux qui ont pour mission d’agir.
Le faire par écrit est encore plus efficace en utilisant la feuille « d’événement indésirable » ou « d’information préoccupante ». La présentation dans les services et institutions de ces outils, parfois perçus à tort comme des moyens de délation, a été souvent mal vécue. Le choix de leur appellation est source de questionnements mais, quelle que soit la terminologie choisie, elle satisfait rarement l’ensemble de l’équipe.
Il est prioritaire de travailler en équipe les objectifs de l’utilisation de ces outils, en prenant en compte les fragilités individuelles et collectives, afin d’anticiper au mieux les possibles crises. Il s’agit en fait d’accepter qu’il puisse arriver des crises et de comprendre leurs enjeux dans les environnements professionnels ou les sphères privées. Cruauté et adversité existent dans notre monde, les nier leur donne la possibilité d’exister. Accepter la crise nous permet de prendre position et de nous organiser avec circonspection et humilité. Il est important d’affiner en équipe les points à travailler dans les procédures « maltraitances » (lesquelles restent à construire dans de nombreuses structures) :
  • remplir la feuille d’événement indésirable en travaillant la forme (le choix des mots), le fond (les objectifs ciblés et l’intentionnalité à recentrer) ;
  • utiliser l’outil : réfléchir collectivement sur la composition du groupe pluridisciplinaire qui va gérer la situation et sur les retours légitimes que doivent recevoir ceux qui ont eu le courage de révéler la situation.
Le moindre dysfonctionnement peut avoir un impact important dont il est difficile d’imaginer les retentissements possibles sur les membres de l’équipe, les familles et les usagers. C’est la raison pour laquelle il est important de travailler sur la gestion des facteurs de risque. Tout acte violent doit être géré ainsi que toute organisation de maltraitance.
On ne saurait trop insister sur la nécessité de réunir, dès le signalement de faits de violence et/ou de maltraitance, un groupe pluridisciplinaire afin de réfléchir avec du recul sur les suites à donner, qu’elles soient sociales, médicales, administratives ou judiciaires. Le travail collégial est rassurant et il permet de partager les responsabilités. Pour affirmer et prétendre qu’il y a maltraitance, il faut s’appuyer sur les regards croisés et l’évaluation de l’ensemble des professionnels impliqués, ainsi que toutes les commissions d’usagers et le conseil de la vie sociale (CVS).
Dans tous les cas, il faut se questionner sur la déflagration de l’acte violent sur l’usager/patient. Il n’existe pas de règle qui définisse l’intensité du vécu de l’événement chez la victime : chacun en a une lecture et un ressenti propres. Ce qui sera de la violence pour l’un ne le sera pas forcément pour l’autre. Et il est aisé et commun de dénier l’importance, voire la nature des faits. Ce qui est infligé aux autres est souvent minimisé. Et pourtant l’autre, même vulnérable, nous montre qu’il ne vit et ne va pas bien. Car la personne vulnérable, face à la violence, est souvent dans l’incapacité de recourir aux réflexes habituels de défense ou de fuite.
Quelques pistes concernant les témoignages de faits de violence auprès de sa hiérarchie :
  • quel est l’objectif du témoignage ? (ex. : protéger l’usager et/ou protéger la personne à l’origine des faits de violence) ;
  • quelle intention sous-tend la démarche ? (ex. : ne salir l’image de personne) ;
  • prendre l’habitude de signaler par écrit (feuille d’événement indésirable) : on mesure davantage l’importance du choix des mots ;
  • engager sa responsabilité (signer), informer n’est pas de la délation ;
  • réfléchir à mettre en mots ce qui ne va pas, ce qui est violent ;
  • exposer en détail les circonstances et décrire simplement les faits : ce qui a été vu, entendu (date, heure, lieu de l’événement, protagonistes) :
    • description du type de violence (est-elle isolée, répétitive, chronique, de quelle intensité ?),
    • description du contexte dans lequel s’est déroulé l’événement, et des personnes présentes,
    • description du mode opératoire : menaces, manipulation, gestes répétitifs induits par la fatigue...,
    • description des conséquences visibles et compte rendu des mesures prises immédiatement,
    • suggestions d’actions correctives,
    • rappel d’événements similaires déjà signalés,
    • liste de tous les correspondants prévenus de l’incident,
    • recherche d’autres témoignages.
Attention à dissocier les faits des interprétations personnelles et des impressions subjectives.


(1)
Inventeur de la notion de « thérapie sociale » (TST). Philosophe et psychosociologue né en 1942.

SECTION 4 - PHASE AIGUË DE LA CRISE

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