I. LA DÉMISSION
La convention collective prévoit en termes laconiques la faculté de démissionner du salarié et précise : « Le contrat de travail peut être rompu par la démission du salarié. La démission doit résulter d’une volonté sérieuse et non équivoque, exprimée clairement par écrit » (1).
Malgré les dispositions de la convention collective restreignant la présentation de la démission à un écrit, la jurisprudence admet que la rupture à l’initiative de l’employeur peut être présentée par tout moyen.
En réalité, la convention collective ne fait aucune précision quant aux modalités et à la procédure afférente à la démission. On peut dans ces conditions retenir les modalités de droit commun et considérer que la démission est librement présentée par le salarié : aucune obligation n’existe et sera admise la rupture orale, par lettre simple ou lettre recommandée avec accusé de réception (2). Il est cependant utile, afin d’obtenir une preuve de la rupture par le salarié et de permettre un point de départ du préavis, d’obtenir du salarié qui aurait présenté oralement sa démission un courrier de confirmation écrit. À défaut, l’employeur peut accuser réception par courrier recommandé avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge de la démission présentée par le salarié.
La démission, pour être valable, doit être claire et non équivoque. Il n’est donc ni utile ni souhaité que le salarié expose les raisons de son départ. La jurisprudence a eu l’occasion de préciser les conséquences d’une démission prononcée en des termes équivoques, et notamment de la démission fondée sur des manquements imputés à son employeur. Dès lors que le salarié reproche des faits à son employeur dans la lettre de rupture, cette dernière est requalifiée par la Cour de cassation qui y voit une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur (3). Pour obtenir la requalification de la démission en prise d’acte de la rupture, le salarié devra faire la demande devant le conseil de prud’hommes.
À NOTER :
Les durées de préavis en cas de démission sont identiques à celles du licenciement. Le salarié devra exécuter un préavis d’une durée d’une semaine en cas d’ancienneté inférieure à six mois, de deux semaines en cas d’ancienneté supérieure à six mois et inférieure à deux ans et d’un mois dans l’hypothèse d’une ancienneté supérieure à deux ans.
La convention collective précise de plus et conformément au droit commun que si l’une des parties décide, sans l’accord de l’autre, de se dispenser du préavis, elle sera redevable d’une indemnité égale au montant de la rémunération pendant la période susmentionnée. Attention : Si le salarié démissionne et décide de se dispenser du préavis, l’employeur peut demander le paiement d’une indemnité compensatrice. Seul le conseil de prud’hommes pourra toutefois contraindre le salarié au paiement de l’indemnité et il conviendrait pour le particulier employeur de saisir la juridiction compétente.
Au-delà de la démission qui peut être requalifiée en prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, le salarié peut décider de choisir ce mode de rupture initialement. Le salarié rédige ainsi un courrier intégrant les reproches et manquements qu’il estime imputables à son employeur. La prise d’acte est un mode de rupture immédiate et définitive qui ne donnera lieu à aucune période de préavis. La lettre fait cesser sans aucun type de préavis le contrat de travail.
Il appartient toutefois au salarié de saisir la juridiction prud’homale pour obtenir que celle-ci décide de la gravité des manquements de l’employeur et admette que la rupture a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (4). À défaut, si les manquements ne sont pas considérés comme suffisamment graves, la rupture a les effets d’une démission et le salarié pourra être condamné à verser à son employeur l’indemnité compensatrice du préavis qu’il aurait dû effectuer (5). Les juges du conseil de prud’hommes doivent prendre en compte, pour décider de la requalification de la rupture, l’ensemble des griefs énoncés par le salarié dans la lettre mais également soulevés pendant le litige (6). Seront également examinées les circonstances et l’ancienneté des griefs invoqués par le salarié : des reproches anciens, n’ayant jamais généré de contestation auparavant, pourront difficilement être considérés comme suffisamment graves par les juges (7).
Que se passe-t-il si le salarié ne saisit pas le conseil de prud’hommes ? Rien n’oblige le salarié à le faire suite à la prise d’acte de la rupture. En revanche, on ne pourra pas connaître les effets de la prise d’acte. Notons que le salarié qui souhaite cesser la relation contractuelle sans attendre peut être tenté de prendre acte de la rupture de son contrat sans chercher à saisir la juridiction du travail par la suite. L’employeur aura dans ce cas, s’il estime la rupture totalement injustifiée et les reproches de son salarié sans fondement, décider de saisir lui-même la juridiction pour obtenir la requalification en démission et donc obtenir une indemnité compensatrice de préavis. Il faudra préciser que le conseil de prud’hommes est réfractaire à allouer à l’employeur des dommages et intérêts au-delà du « remboursement » du préavis (8).
(1)
Convention collective nationale des salariés du particulier employeur, art. 11, a.
(2)
Jurisprudence constante, v. notamment Cass. soc., 25 oct. 1994, n° 91-44310.
(3)
Arrêt de principe, v. Cass. soc., 4 mai 2007, n° 05-42847.
(4)
Cass. soc., 19 janv. 2005, n° 03-45018. Pour les effets, v. ci-après « Les effets de la contestation du licenciement devant le conseil de prud’hommes ».
(5)
Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-42335.
(6)
Cass. soc., 7 déc. 2017, n° 16-20470.
(7)
Cass. soc., 26 mars 2004, n° 12-23634. Attention toutefois car il s’agit d’une appréciation des juges « au cas par cas ». La Cour de cassation a pu juger dans une situation où le salarié était en arrêt de travail depuis de nombreux mois que les faits de harcèlement reprochés à l’employeur constituaient des éléments suffisamment graves, malgré leur ancienneté (v. par exemple Cass. soc., 11 déc. 2015, n° 14-15670).
(8)
Cass. soc., 15 avr. 2015, n° 13-25815.