L’article L. 1224-1 du Code du travail prévoit : « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »
Au vu des dispositions de l’article précité et de l’application de la jurisprudence de la Cour de cassation, le contrat de travail du salarié doit se poursuivre en cas de succession de l’employeur. En principe, le décès de l’employeur n’entraîne pas la possibilité de rompre le contrat de travail des salariés : ce n’est pas un motif de cessation des relations contractuelles.
Dès lors, le contrat de travail du salarié du particulier employeur devrait pouvoir être transmis aux héritiers, successeurs du particulier décédé. Or, la Cour de cassation, avant même la naissance de la convention collective des salariés du particulier employeur, excluait expressément les dispositions relatives au transfert d’entreprise aux particuliers. Ainsi, par exception, le contrat de travail devait être rompu en cas de décès du particulier employeur (1).
La convention collective nationale des salariés du particulier employeur prévoyait ensuite des dispositions spécifiques confirmant l’impossibilité de considérer le décès du particulier employeur comme un transfert d’entreprise en droit commun.
La rupture du contrat du salarié du particulier employeur peut ainsi intervenir pour un motif spécifique non prévu habituellement par le Code du travail et contraire aux dispositions prévues pour le transfert d’entreprise. L’article 13 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur prévoit en effet la fin du contrat en cas de décès de l’employeur :
« Le décès de l’employeur met fin ipso facto au contrat de travail qui le liait à son salarié.
Le contrat ne se poursuit pas automatiquement avec les héritiers.
La date du décès de l’employeur fixe le départ du préavis.
Sont dus au salarié :
- le dernier salaire ;
- les indemnités de préavis et de licenciement auxquelles le salarié peut prétendre compte tenu de son ancienneté lorsque l’employeur décède ;
- l’indemnité de congés payés » (2).
La formulation de la convention collective, indiquant que le décès rompt « ipso facto » le contrat de travail, a pu interroger quant au respect de la procédure et de la notification du licenciement au salarié. La traduction latine de la formule « ipso facto » est « par le fait même ». Une lecture littérale du texte conventionnel conduirait à considérer que le décès de l’employeur rompt bien, de fait, le contrat de travail.
Ce sont les dispositions de l’article 12 de la convention collective qui prévoient les modalités de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur et le respect de la procédure de licenciement intégrant la convocation et la tenue d’un entretien préalable à la notification de la rupture du contrat de travail. Mais peut-on réellement parler, en cas de décès de l’employeur, d’une rupture à l’initiative de l’employeur ? L’article 12 semble bien prendre en considération la situation particulière du décès en ce qu’il exclut expressément la rupture consécutive au décès, dès le second alinéa.
La Cour de cassation a également été amenée à trancher et ne fait pas mention de la convocation ou de la tenue d’un entretien préalable au licenciement. La Haute juridiction s’attache uniquement à la notification du licenciement. Dans un arrêt rendu le 26 septembre 2012, on constate que la Cour de cassation ne s’attache pas à la procédure de licenciement mais uniquement à sa notification. Elle ne rappelle pas les dispositions de l’article 12 de la convention collective nationale des salariés du particulier employeur. Or, la procédure complète de licenciement est entièrement prévue par l’article précité. Dès lors, la Haute juridiction confirme l’absence d’application des conditions habituelles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée du salarié à l’initiative du particulier employeur. Il s’agira donc uniquement de préciser le motif de la rupture du contrat par écrit et le décès de l’employeur reste un cas particulier soumis à une procédure allégée et spécifique. L’absence de respect de la procédure de convocation et d’entretien préalable à un éventuel licenciement est aisément compréhensible. Le décès de l’employeur, par son caractère soudain, empêche de prévoir la procédure de licenciement : la rupture du contrat intervient brutalement et empêche le suivi de la procédure stricte de licenciement.
L’employeur étant décédé, la convocation comme l’entretien ne pourraient valablement être mis à sa charge et devraient échoir aux héritiers. Au regard des précisions apportées par la Cour de cassation, la rédaction de la lettre de rupture du contrat de travail incombe aux héritiers du défunt. Ces derniers, dès lors qu’ils acceptent l’ouverture de la succession, sont donc en charge de la rupture du contrat de travail et doivent procéder à la notification de la rupture du contrat de travail. La rupture est la conséquence du décès de l’employeur et relève alors, comme elle ne peut être imputable au salarié, du licenciement.
Le décès de l’employeur ne rompt donc finalement pas « ipso facto » le contrat de travail et la Cour de cassation retient : « [...[ que la disposition de l’article 13 de la convention collective stipulant que le contrat de travail prend fin du fait du décès de l’employeur n’exonère pas les héritiers de l’obligation de notifier le licenciement, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (3).
Une nouvelle spécificité, relative au préavis, doit être soulevée. Alors que le droit commun prévoit que le préavis doit débuter à la date de notification du licenciement, c’est ici la date du décès de l’employeur qui fixe de départ du préavis. L’article 12 de la convention collective précitée prévoit, suivant les mêmes règles que celles du Code du travail (4), que la date de première présentation de la lettre recommandée au salarié fixe le point de départ du préavis. Dans le cadre du décès, l’article 13 de la même convention indique que la date de décès fixe le point de départ du préavis. Dès lors, il apparaît clairement que le salarié bénéficie d’un préavis mais que son point de départ est différent du droit commun : la notification du licenciement prononcé par les héritiers ne vise qu’à rompre le contrat et interviendra en pratique pendant la période de préavis du salarié.
Une problématique identique subsiste concernant le calcul de l’indemnité de licenciement : la détermination de l’ancienneté est expressément fixée à la date du décès de l’employeur par l’article 13 de la convention collective des salariés du particulier employeur. De nouveau, la règle habituelle fixant le calcul de l’indemnité au moment de la notification de la lettre de licenciement est exclue : elle ne permet que la rupture du contrat de travail (5).
II. QUID DES DIFFÉRENTES INDEMNITÉS DE RUPTURE EN CAS DE DÉCÈS DE L’EMPLOYEUR : APPLICABILITÉ DE LA FORCE MAJEURE ET DÉBITEUR DES INDEMNITÉS ?
Comme précédemment énoncé, la convention collective prévoit sans ambiguïté que l’indemnité de licenciement est due même en cas de décès de l’employeur (6). Se pose toutefois la question bien légitime du débiteur de cette indemnité : le particulier étant décédé, à qui incombe alors l’obligation de paiement des indemnités de fin de contrat, y intégrant le préavis, le licenciement et un éventuel solde de congés payés ?
La Cour de cassation, de manière tout à fait pragmatique, tranche en désignant comme débiteurs les héritiers à la succession du défunt. Par un arrêt rendu le 31 octobre 2007, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle : « que M. X... avait été embauché par M. Joseph Y... en janvier 1971 et qu’il avait occupé diverses fonctions jusqu’au décès de l’employeur, en janvier 2000 ; qu’ayant constaté qu’aucun élément ne laissait présumer que le salarié était au service de Mme Y..., elle a exactement décidé qu’en application de l’article 13 de la convention collective nationale des employés de maison, alors en vigueur, le décès de l’employeur mettait fin au contrat en l’absence de reprise par les héritiers, ce dont il résultait que la créance du salarié était inscrite au passif de la succession » (7).
Se pose enfin la question, en l’absence d’héritiers, de déterminer à qui incombe la responsabilité de rompre le contrat de travail et ses conséquences pécuniaires.
La Cour de cassation n’ayant pas retenu de procédure à suivre dans ce cas précis, nous ne pouvons que nous référer au droit fiscal indiquant que les indemnités dues à l’employé suite au décès de l’employeur peuvent être prises en compte dans le passif de la succession et incomberaient donc au liquidateur de succession (8).
(1)
Cass. soc., 5 déc. 1989, n° 86-43165, inédit, RJS 1990, n° 91.
(2)
Convention collective nationale des salariés du particulier employeur, art. 13 – « Décès de l’employeur ».
(3)
Cass. soc., 26 sept. 2012, n° 11-11697, confirmé par Cass. soc., 27 sept. 2017, n° 16-17831.
(4)
L’article L. 1234-3 du Code du travail précise : « La date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement au salarié fixe le point de départ du préavis. »
(5)
Convention collective nationale des salariés du particulier employeur, art. 12, a, 3.
(6)
Cette solution est très ancienne, v. notamment Cass. soc., 5 déc. 1989, n° 86-43165. Le salarié ne saurait se prévaloir des dispositions relatives au transfert d’entreprise pour demander la poursuite des relations contractuelles avec les héritiers du défunt.
(7)
Cass. soc., 31 oct. 2007, n° 05-45939.
(8)
« Droits de succession : déductibilité de l’actif successoral des sommes dues à l’employé de maison du défunt », Les Nouvelles fiscales Lamy 2000, n° 829.