Selon les dispositions de l’article L. 1232-1 du Code du travail, tout licenciement doit reposer sur une cause réelle et sérieuse. La convention collective des salariés du particulier employeur précise de même que « le contrat de travail peut être rompu par l’employeur pour tout motif constituant une cause réelle et sérieuse » (1).
Il est utile de rappeler que le licenciement peut habituellement être prononcé pour un motif personnel ou un motif extérieur non inhérent au salarié : le motif économique. La convention collective rappelle expressément et à juste titre que le particulier n’étant pas une entreprise, le motif économique ne peut être invoqué (2). Ainsi donc le particulier n’aurait pas la possibilité de motiver son licenciement par une cause qu’il estimerait économique comme des difficultés financières. Est-ce à dire que le particulier ne peut pas licencier son salarié alors même qu’il n’a plus les moyens de l’employer ? En réalité, la convention collective fait état du fait que les règles de procédure relatives au motif économique ne sont pas applicables. L’obligation habituelle de reclassement est donc exclue et le motif de licenciement ne pourra pas être réellement économique mais il est permis à l’employeur d’invoquer « tout motif constituant une cause réelle et sérieuse » (3). Les difficultés financières devraient ainsi pouvoir justifier le licenciement. Au-delà des spécificités relatives au licenciement économique, la rupture du contrat de travail à l’initiative du particulier employeur pourra donc intervenir en premier lieu pour un motif personnel comme dans le cadre du droit commun divisé en sous-catégories : nature disciplinaire ou nature non disciplinaire.
Dès lors que le chèque emploi service universel (Cesu) a la faculté de dispenser le particulier de l’établissement d’un contrat de travail écrit, pour les salariés effectuant un volume horaire de moins de huit heures hebdomadaires ou si sa durée de travail n’excède pas quatre semaines consécutives par an, l’on peut s’interroger sur les modalités de rupture d’une telle relation. L’annexe III de la convention collective relative aux chèques emploi service universel ne fait aucune mention quant à la rupture du contrat de travail et à d’éventuelles dérogations. Le cadre commun semble donc devoir être respecté et l’employeur ne pourra pas simplement cesser le versement du salaire par le biais des Cesu pour considérer la relation contractuelle rompue.
On regrette toutefois l’absence totale de mention quant à la rupture à l’initiative de l’employeur quand l’annexe III précitée se contente de préciser en son article 4 : « La convention collective nationale de travail du personnel employé de maison s’applique aux emplois concernés par le présent accord. » Il faut alors comprendre que la rupture, ici le licenciement, doit respecter les prescriptions de la convention collective. Il faut souligner que les dispositions du Code du travail sur la rupture du contrat de travail ne sont pas écartées en cas de recours au Cesu. Cette réserve parfois oubliée a nourri un certain nombre de litiges prud’homaux, point sur lequel la Cour de cassation avait eu l’occasion de se prononcer (4).
La lettre de licenciement pourra être motivée par trois types de fautes : sérieuse, grave ou lourde. Le particulier employeur devra ainsi justifier la rupture du contrat par les fautes précitées. Pour précision, les trois types de fautes peuvent être gradués de la faute sérieuse à la faute lourde, motif le plus grave de licenciement disciplinaire du salarié. Comme pour tout type d’employeurs, la faute commise par le salarié devra répondre à l’une des trois définitions exposées ci-après.
Le licenciement peut également être prononcé par l’employeur pour des motifs non disciplinaires, ne relevant pas de la faute commise par le salarié mais de son incapacité, pour diverses raisons, à exécuter ses fonctions.
A. Insuffisance professionnelle et insuffisance de résultats
L’employeur peut fonder le licenciement du salarié sur l’incompétence du salarié à exécuter correctement sa prestation de travail. Aux fins de déterminer si le motif de l’insuffisance professionnelle peut être retenu, le particulier employeur peut se référer à la classification des emplois prévue par la convention collective. Si le salarié n’est pas en mesure d’assumer ses fonctions, l’on peut conclure à une insuffisance professionnelle.
L’insuffisance de résultats, dont les contours sont déterminés par la jurisprudence, nécessite une fixation précise d’objectifs dont le salarié doit avoir connaissance en début d’exercice. De plus, les résultats à atteindre doivent être raisonnables et compatibles avec les fonctions de l’employé (6).
Il ne s’agira pas dans les deux cas d’une inexécution fautive du salarié mais bien d’une incompétence conduisant au licenciement pour un motif non disciplinaire du salarié.
Attention : Si l’employeur souhaite utiliser les motifs d’insuffisance professionnelle ou de résultats, il doit veiller à vérifier que le salarié avait bien la compétence pour occuper le poste en question. La motivation relative à l’insuffisance de résultats pour le salarié du particulier employeur ne semble pas pertinente.
Attention : Si le particulier employeur entend mettre en avant une insuffisance professionnelle, il conviendra de rapporter la preuve que le particulier a fixé des objectifs quantifiables et raisonnables à son salarié, que ce dernier ne parviendrait pas à atteindre.
La question du licenciement reposant sur la mésentente entre l’employeur et son salarié trouve un écho spécifique dans la relation contractuelle entre le particulier et son salarié. Le contrat repose sur une forte dimension humaine et l’on peut penser à la relation entre le particulier en situation de dépendance et qui recourt aux services d’une salariée aide à domicile ou entre la famille et la garde d’enfant. Dans ces conditions, le particulier aurait-il la possibilité de rompre le contrat de travail au motif d’une mauvaise entente entre les parties au contrat ? Dès lors que la relation contractuelle connaît un fort caractère intuitu personae, une telle interrogation apparaît légitime.
L’inaptitude médicale du salarié est reconnue par le médecin du travail lors des visites médicales. La procédure de déclaration d’inaptitude n’étant pas évoquée par la convention collective, peuvent s’appliquer les règles de droit commun. Ainsi, dans cette hypothèse, le médecin prononcera l’inaptitude au cours d’une visite et remplira l’avis médical précisant l’incapacité du salarié à exercer ses fonctions (7).
Lorsque le salarié est reconnu inapte par le médecin du travail à exercer ses fonctions, l’employeur est contraint de procéder à son licenciement. Il doit préalablement, habituellement, rechercher le reclassement du salarié dans un autre poste de travail. Le médecin a la faculté de mentionner dans l’avis une dispense de reclassement dans deux hypothèses : le maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (8). Dans le cadre spécifique afférent au particulier employeur, la possibilité de reclassement dans un autre poste ne peut être envisagée : il ne s’agit pas d’une entreprise et il n’existe en principe pas d’autres postes de travail car le particulier n’emploie qu’un unique salarié. La convention collective précise en son article 12 c :
« Lorsque le salarié est reconnu inapte partiellement ou totalement par la médecine du travail, l’employeur, qui ne peut reclasser le salarié dans un emploi différent pour lequel il serait apte, doit mettre fin par licenciement au contrat de travail dans un délai d’un mois. »
Attention : L’inaptitude ne dispense pas l’employeur de suivre la procédure de licenciement. Il faut toutefois bien respecter le délai maximal d’un mois entre le prononcé de l’inaptitude par le médecin du travail et le licenciement. À défaut, il conviendrait, comme dans le cadre du droit commun, de reprendre le versement des salaires conformément à l’article L. 1226-4 (inaptitude non professionnelle) et à l’article L. 1226-11 (inaptitude suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle) du Code du travail.
Lorsque le salarié est victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, il bénéficie d’une protection contre le licenciement pendant son arrêt de travail. Le Code du travail précise à ce titre que le salarié ne peut faire l’objet d’une procédure de licenciement qu’en cas de faute grave ou d’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif extérieur à l’état de santé (9). Dans un arrêt rendu le 9 novembre 2010, la Cour de cassation retient que « [...[ que les dispositions protectrices de salariés victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle, prévues par les articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du Code du travail, sont applicables aux rapports entre un employeur et son salarié dont le contrat de travail est régi par la convention collective des salariés du particulier employeur » (10). Ainsi, est clairement énoncé que, si le contrat de travail est régi par la convention collective, cela n’exclut pas la protection prévue par le Code du travail pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. La formulation permet de déduire que malgré la rédaction de l’article L. 7221-2 du Code du travail, qui semble restreindre l’application du droit commun applicable à tout salarié, la nécessité de protéger la santé et la sécurité des salariés doit primer.
La Haute juridiction avait également eu l’occasion de préciser, la même année, que le licenciement du salarié du particulier employeur inapte n’était soumis qu’aux prescriptions de l’article 12 de la convention collective des salariés du particulier employeur, excluant les règles spécifiques prévues par le Code du travail, notamment en matière d’indemnisation (11).
En réalité, comme dans le cadre commun, le licenciement reposant sur une unique cause de mésentente n’apparaît pas fondé sur une cause réelle et sérieuse. La Cour de cassation a ainsi précisé que le motif ne trouve de validité que lorsqu’il repose sur des faits objectifs et imputables au salarié (12). Dans ces conditions, aucune circonstance ne permet à l’employeur, et spécifiquement ici au particulier, de baser la rupture du contrat de travail sur la mauvaise entente avec son salarié ou d’éventuelles difficultés de communication ou échange. En l’état, le licenciement serait dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.
III. LES FAITS ISSUS DE LA VIE PRIVÉE DU SALARIÉ : ENTRE MOTIF DISCIPLINAIRE ET NON DISCIPLINAIRE
Épineuse question que celle du licenciement du salarié reposant sur un motif issu de son comportement dans le cadre de la vie privée. Peut-on envisager de prononcer la rupture du contrat de travail en raison d’un comportement qui n’est pas lié à la prestation de travail ? Doit-on alors en déduire qu’il s’agit d’un licenciement disciplinaire ou non disciplinaire ?
Afin de procéder au licenciement du salarié sur un motif tiré de la vie personnelle, l’employeur devra justifier d’un lien avec les fonctions professionnelles exercées. À titre d’exemple, le salarié qui se voit retirer son permis de conduire pour conduite en état d’ivresse en dehors de son temps de travail pourrait faire l’objet d’un licenciement dès lors que ledit permis est essentiel à ses fonctions professionnelles. Il ne s’agira pas de juger ou d’apprécier le comportement du salarié et la motivation du retrait du permis de conduire mais d’évaluer l’impact sur la capacité à occuper le poste de travail (13). Le licenciement n’aura donc pas de fondement disciplinaire car il ne s’agit pas d’une faute, mais il reposera sur un motif non disciplinaire. Au cas spécifique du particulier employeur, il sera donc nécessaire de vérifier quel est le poste de travail du salarié pour admettre que la perte du permis de conduire aura un impact sur la relation contractuelle comme l’assistance et la conduite de personnes âgées ou handicapées. La perte du permis de conduire, dans ce cas, empêche le salarié d’effectuer sa prestation de travail et la rupture du contrat devra pouvoir être envisagée.
Quid d’un licenciement fondé sur la découverte de faits mentionnés au casier judiciaire du salarié ?
En principe, dès lors que les antécédents judiciaires du salarié n’ont aucun lien avec les fonctions exercées, le particulier ne pourra procéder au licenciement en utilisant ce motif. L’on peut toutefois s’interroger sur la validité du licenciement qui serait prononcé alors que le salarié est embauché en qualité d’aide à domicile par une personne âgée ou handicapée, et donc dans une éventuelle situation de faiblesse. La Cour de cassation ne semble pas favorable, si l’employeur n’a pas pris la précaution d’interroger le salarié lors de l’entretien d’embauche, à décider que la rupture du contrat est fondée sur une cause réelle et sérieuse. Ainsi, s’agissant d’un veilleur de nuit dans une maison de convalescence spécialisée en postcure pour malades mentaux et sous tutelle de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la Haute juridiction décide que le licenciement prononcé au motif de la rétention d’informations concernant la commission d’infractions n’est pas valable : « Attendu [...[ qu’il était reproché au salarié d’avoir dissimulé lors de son embauche une condamnation pénale antérieure, les juges du fond, après avoir relevé que celui-ci n’avait pas l’obligation de faire mention d’antécédents judiciaires, en ont justement déduit, répondant ainsi aux conclusions prétendument délaissées, que son silence n’avait pas de caractère dolosif ; qu’en l’état de ces constatations et énonciations, par une décision motivée, la cour d’appel a décidé dans l’exercice des pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 122-14-3 du Code du travail que le licenciement de l’intéressé ne procédait pas d’une cause réelle et sérieuse » (14).
En conséquence, il apparaît que le licenciement qui serait fondé sur le motif extrait de faits commis par le salarié et mentionnés dans son casier judiciaire peut difficilement reposer sur une cause réelle et sérieuse. En revanche, dès lors que le métier exercé est considéré comme « sensible », la présentation du casier judiciaire pourra être justifiée, par exemple pour les métiers de la petite enfance.
Convictions religieuses, politiques ou syndicales
En aucun cas le licenciement ne pourra être fondé sur les convictions personnelles du salarié, qu’il s’agisse de pratiques religieuses, politiques ou ayant un caractère syndical. Le licenciement serait alors nul car prononcé pour un motif discriminatoire. Toutefois, la question des pratiques du salarié contrevenant à sa mission, sa prestation de travail, pourrait éventuellement permettre la rupture du contrat de travail. Le motif devrait être fondé sur l’absence d’exécution du travail du salarié et non sur des convictions politiques, religieuses ou syndicales qui ne constitueront jamais en tant que telles un motif de licenciement acceptable.
(1)
Convention collective nationale des salariés du particulier employeur, art. 12.
(2)
Convention collective nationale des salariés du particulier employeur, art. 12 : « Le particulier employeur n’étant pas une entreprise et le lieu de travail étant son domicile privé, les règles de procédure spécifiques au licenciement économique (...). »
(3)
À ce titre, v. par analogie le licenciement d’un gardien d’immeuble pour un motif d’ordre économique. Dans cet arrêt, la Cour de cassation avait retenu que si le fondement pouvait relever d’un motif non inhérent au salarié – et donc ici de nature économique –, le syndicat de copropriété, en ce qu’il ne pouvait être considéré comme une entreprise, n’était soumis concernant la procédure qu’aux dispositions de la convention collective applicable, Cass. soc., 1er févr. 2017, n° 15-26853.
(4)
V. notamment à ce titre Cass. soc., 6 nov. 2013, n° 12-24053.
(5)
Jurisprudence constante depuis Cass. soc., 26 févr. 1991, n° 88-44908.
(6)
Cass. soc., 2 déc. 2003 n° 01-44192 ; Cass. soc., 2 avr. 2014 n° 12-29381.
(7)
C’est la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels qui a modifié et harmonisé les procédures de reconnaissance d’inaptitude professionnelle et non professionnelle.
(8)
C. trav., art. R. 4624-42, concernant la déclaration d’inaptitude du salarié.
(9)
C. trav., art. L. 1226-9.
(10)
Cass. soc., 9 nov. 2010, n° 09-65637.
(11)
Cass. soc., 17 févr. 2010, n° 08-45205.
(12)
Cass. soc., 27 nov. 2001, n° 99-45163. La Cour de cassation avait jugé, dans cet arrêt, que le licenciement était dépourvu de toute cause réelle et sérieuse au motif « [...[ que la mésentente entre un salarié et tout ou partie du personnel ne peut constituer une cause de licenciement que si elle repose objectivement sur des faits imputables au salarié concerné ; que la cour d’appel, qui a constaté par une appréciation souveraine des faits et preuves qui lui étaient soumis qu’il n’était justifié d’aucun fait dans le comportement du salarié propre à justifier le comportement du personnel à son égard, a, sans encourir aucun des griefs du moyen, légalement justifié sa décision [...[ ».
(13)
Dans un arrêt rendu le 1er avril 2009 par la chambre sociale, la Cour de cassation a précisé concernant un chauffeur livreur que le licenciement motivé par la suppression du permis de conduire était justifié en ces termes : « Mais attendu que la cour d’appel qui, restant dans les limites fixées par la lettre de licenciement, a retenu que M. X... n’était plus en mesure d’effectuer sa prestation de travail du fait de la suspension de son permis de conduire, a, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qu’elle tient de l’article L. 1232-1 du Code du travail, décidé que le licenciement procédait d’une cause réelle et sérieuse », Cass. soc., 1er avr. 2009, n° 08-42071.
(14)
Cass. soc., 25 avr. 1990, n° 86-44148.