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LES SPÉCIFICITÉS DES SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

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Le législateur rappelle qu’« une personne ne peut sans son consentement ou, le cas échéant, sans celui de son représentant légal, faire l’objet de soins psychiatriques » hormis les cas prévus par la loi (CSP, art. L 3211-1).
La loi précise également qu’« une personne faisant l’objet de soins psychiatriques avec son consentement pour des troubles mentaux est dite en soins psychiatriques libres. » Elle dispose des mêmes droits liés à l’exercice des libertés individuelles que ceux qui sont reconnus aux malades soignés pour une autre cause (CSP, art. L 3211-2).
Il est également fait mention des droits dont dispose la personne faisant l’objet de soins psychiatriques sous contrainte, tels que les droits de contester cette décision de soins. Sont compris dans ce droit : la saisine de la commission départementale des soins psychiatriques, le droit de consulter un avocat ou un médecin de son choix, le droit d’exercer son droit de vote (CSP, art. L 3211-3).
Cette affirmation des droits des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement est le reflet d’une évolution toute récente de la législation à ce sujet et d’un long combat pour la reconnaissance de ces personnes en qualité d’être humain, doté des mêmes droits que tous citoyens.
L’évolution des termes employés pour les nommer en dit long sur la considération de leur personne : du « fou » que l’on internait sous la justice du roi avant 1790, à « l’insensé » ou au « furieux » laissé en liberté que l’on traitait au même titre que la divagation des animaux malfaisants et féroces à partir de 1790, à « l’aliéné », au « malade mental », et enfin à la « personne atteinte d’un trouble mental ».
Il en va de l’évolution des termes comme il en va de l’évolution des pratiques de « soins » sous contrainte.
Au début du XIXe siècle, les « fous » étaient enchaînés, enfermés dans des endroits sans lumière, humides et sales. Le docteur Philippe Pinel sera le précurseur d’un traitement plus humain, et cela est peu dire, fondé sur l’observation et l’écoute des « aliénés ».
La loi du 30 juin 1838 dite « loi des aliénés » (1) va définir des conditions plus respectueuses des personnes internées en distinguant le placement volontaire du placement d’office et en organisant les soins des aliénés par département.
Malgré d’importantes atteintes aux libertés individuelles de ces malades, cette loi restera en place jusqu’en 1990. Puis, suite à la loi du 27 juin 1990 (2) relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation, la circulaire « Veil » du 19 juillet 1993 (3) rappellera le droit fondamental d’aller et venir dans l’établissement dans lequel les personnes sont hospitalisées sous contrainte.
Ce fut véritablement en 2011 (4) que le législateur est venu à la fois encadrer de manière plus stricte les pratiques désormais de « soins psychiatriques sans consentement » et non plus seulement « d’hospitalisation sous contrainte », et renforcer les droits de ces malades. Il introduit notamment le contrôle systématique du juge des libertés et de la détention lors d’hospitalisations complètes.
Cette réforme de 2011 est une avancée significative en termes de droits des malades, spécifiquement hospitalisés sous contraintes : elle prévoit notamment la possibilité de soins à domicile, l’obligation d’examens médicaux toutes les 24 puis 72 heures lors de l’admission, le maintien des droits et devoirs de citoyen du malade, l’affirmation du respect de la dignité humaine, des restrictions à l’exercice des libertés individuelles des patients adaptées, nécessaires et proportionnées. La loi du 27 septembre 2013 (5) modifiant certaines dispositions de la loi du 5 juillet 2011 n’est venue que renforcer le dispositif mis en place par le législateur en 2011 en réduisant notamment les délais de saisine et de décision du juge des libertés et de la détention sur le maintien d’une hospitalisation complète.
Toutefois, nous n’en sommes qu’à une réflexion embryonnaire sur l’encadrement des pratiques de soins sans consentement. Cette loi de 2011 ne fait en effet, pas cas des autres formes de pratiques sous contrainte telles que l’isolement et la contention dont la définition verra enfin le jour en 2016 avec la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
Définitions
▸ PERSONNE VULNÉRABLE
Les différentes définitions des pratiques de l’isolement et de la contention ci-dessus mentionnées, nomment la personne objet de ces mesures, « le malade », « la personne âgée » ou encore « le patient ». Selon Michel Boudjemaï, auteur du Guide de la protection juridique des majeurs : « Bien que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit, ils ne le sont guère en fait. De multiples facteurs sont susceptibles d’expliquer les raisons de ces fragilités différenciées : la santé, l’âge, le handicap, la situation économique, l’addiction [...] » (6)
Dans son avis du 16 avril 2015, la Commission nationale consultative des Droits de l’homme,, définit la personne vulnérable comme « celle qui n’est pas en mesure d’exercer tous les attributs de la personnalité juridique ».
Elle affirme : « Peuvent ainsi être considérés comme des personnes vulnérables, celles qui ne sont pas en mesure d’exercer suffisamment correctement leurs droits et libertés, du fait de leur situation pathologique ou de handicap, ou de leur âge, ou de leurs conditions économiques d’existence ; elles sont à ce titre, particulièrement exposées à des risques d’altérations physiques, mentales, sociales à court ou plus long terme, dont des violences et/ ou négligences de toute sorte. Entrent dans cette catégorie : les personnes âgées, les personnes handicapées ou dont la santé est précaire, les personnes physiquement ou psychologiquement faibles, les personnes vivant dans des conditions d’extrême pauvreté.
Il convient par conséquent de souligner que si la très grande majorité des personnes vulnérables ne sont pas placées sous un régime de protection judiciaire, elles doivent néanmoins pouvoir bénéficier de dispositifs protecteurs qui leur garantissent les moyens d’exercer leurs droits et libertés. »
Le Code pénal définit quant à lui, la personne vulnérable comme une personne qui n’est pas en état de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse (C. Pén., art. 434-3). Cette vulnérabilité ainsi définie constitue en droit pénal une circonstance aggravant les sanctions pour quiconque commettrait une infraction à l’encontre de ces personnes vulnérables.
Il apparaît donc primordial d’accorder une attention toute particulière aux atteintes à une liberté fondamentale d’une personne en situation de vulnérabilité.
Parmi les personnes vulnérables, est également cité le « malade ».
L’article L. 1110-1 du Code de la santé publique affirme un droit fondamental à la protection de la santé, permettant ainsi de garantir à tous un égal accès aux soins.
Cet accès aux soins ne va pas sans la proclamation des droits du patient assurant à cet effet la protection du malade contre toute atteinte à ses droits et libertés fondamentaux tels que le respect de sa dignité, de son intimité et de sa vie privée, le droit à l’information, le droit au soulagement de sa douleur ou encore le droit au libre choix de son praticien, dans le cadre de sa prise en charge par les professionnels de santé.
Cette vigilance de protection des droits fondamentaux des personnes en situation de vulnérabilité est d’autant plus de mise pour les patients faisant l’objet de mesures d’isolement et de contention dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement, que leur vulnérabilité est grande.
Le législateur énonce que les restrictions à l’exercice des libertés individuelles de ces patients « doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis ». Le législateur a pris soin d’ajouter que « la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée », en toute circonstance (CSP, art. L 3211-3).
Les dispositions du Code de la santé publique affirment un droit à l’information de ces mêmes patients des décisions d’admission et de maintien des soins psychiatriques sans consentement, de leurs droits, des voies de recours à leur disposition.
La loi offre à ces malades, des garanties de protection de leurs droits, par l’encadrement strict des restrictions à leur liberté d’aller et venir, notamment par l’intervention du juge des libertés et de la détention.
▸ ISOLEMENT
La pratique de l’isolement peut se définir comme la « séparation d’un individu ou d’un groupe d’individus des autres membres de la société. » (Définition Larousse)
Selon la Haute autorité de santé (HAS), il s’agit de « tout patient dans une chambre dont la porte est verrouillée et qui est séparé de l’équipe de soin et des autres patients. »
Le contrôleur général des Lieux de privation de liberté définit cette pratique ainsi : « Toutes les situations où le patient est placé, sur décision d’un médecin ou d’un soignant, dans un espace fermé qu’il ne peut ouvrir, qu’il s’agisse de la propre chambre d’hospitalisation du patient ou d’une pièce prévue à cet effet. »
▸ CONTENTION
La pratique des contentions se définit comme un « procédé thérapeutique permettant d’immobiliser un membre, de comprimer des tissus ou de protéger un malade agité ». Il s’agit d’un ensemble d’actions destinées à entraver ou limiter les mouvements du corps. Selon la HAS, « La contention physique, dite passive, se caractérise par l’utilisation de tous moyens, méthodes, matériels ou vêtements qui empêchent ou limitent les capacités de mobilisation volontaire de tout ou d’une partie du corps dans le seul but d’obtenir de la sécurité pour une personne âgée qui présente un comportement estimé dangereux ou mal adapté. »
Cette définition est intervenue dans un contexte de réflexions de la direction générale de la Santé qui, au vu du recours important à la contention auprès des personnes âgées, souhaitait un état des lieux sur l’évaluation de ce type de pratiques qui ne semblaient pas satisfaisantes eu égard aux atteintes aux droits fondamentaux de ces personnes.
Dans ce rapport, l’Anaes distingue plusieurs sortes de contention physique des personnes âgées :
la contention dite posturale qui participe au maintien d’une attitude corrigée, dans le cadre d’un traitement rééducatif ;
la contention dite active réalisée le plus souvent par un masseur kinésithérapeute qui prépare la verticalisation après une période d’alitement prolongée.
Ces contentions à visée rééducative ne doivent pas être confondues avec la contention physique dite passive.
En février 2017, la HAS a publié une recommandation de bonnes pratiques au sujet de la pratique des contentions. Elle en a donné la définition suivante :
« Il existe plusieurs types de contentions, dont les contentions physique et mécanique.
Contention physique (manuelle) : maintien ou immobilisation du patient en ayant recours à la force physique.
Contention mécanique : utilisation de tous moyens, méthodes, matériels ou vêtements empêchant ou limitant les capacités de mobilisation volontaire de tout ou partie du corps dans un but de sécurité pour un patient dont le comportement présente un risque grave pour son intégrité ou celle d’autrui. La contention mécanique est une mesure d’exception, limitée dans le temps, sur décision d’un psychiatre, conformément à la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, dans le cadre d’une démarche thérapeutique, après concertation pluriprofessionnelle, qui impose la prescription d’une surveillance et d’un accompagnement intensifs. L’utilisation d’une mesure de contention mécanique représente un processus complexe, de dernier recours, justifié par une situation clinique. »
La loi et les recommandations ne traitent que des contentions mécaniques et non des contentions manuelles ou chimiques.
Concernant ces dernières, le contrôleur général des Lieux de privation de liberté renvoie vers le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) selon lequel lorsque des moyens de « contention chimique » sont utilisés, ils doivent être assortis des mêmes exigences de traçabilité que les autres mesures de contention.
Le Code de la santé publique dans son chapitre dédié à l’organisation des établissements de santé chargés des soins psychiatriques sans consentement, définit les mesures d’isolement et de contention comme des « pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d’un psychiatre, prise pour une durée limitée. Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin. » (Article L 3222-5-1 du Code de la santé publique)
Ces définitions de l’isolement et de la contention soulignent la finalité de ces pratiques : restreindre le mouvement et la circulation d’individus.
Le constat est clair : ces pratiques constituent une atteinte grave à une liberté fondamentale, celle d’aller et venir.


(1)
Loi n° 7443 du 30 juin 1838 sur les aliénés.


(2)
Loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation.


(3)
Circulaire DGS/SP 3 n° 48 du 19 juillet 1993 relative au rappel des principes relatifs à l’accueil et aux modalités de séjours des malades hospitalisés pour troubles mentaux - Bulletin officiel du ministère chargé de la Santé n° 93/35 p. 51-52.


(4)
Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.


(5)
Loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.


(6)
Décret n° 74-27 du 14 janvier 1974 relatif aux règles de fonctionnement des centres hospitaliers et des hôpitaux locaux.

SECTION 1 - ÉVOLUTION DU DROIT DES PATIENTS DANS NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ

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