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LES ENVELOPPES PSYCHIQUES : PRINCIPES, PROPRIÉTÉS ET FONCTIONS

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Afin de mieux comprendre comment ces concepts peuvent être mis à profit pour aider les patients décontenancés, nous pouvons, à la suite de Didier Houzel, en synthétiser les différents aspects (1).
Les enveloppes psychiques répondent à trois principes :
  • elles trouvent leur étayage sur la peau corporelle, et se constituent grâce à l’élaboration mentale. Il faut noter qu’il s’agit de liens homologiques plus qu’analogiques qui ont néanmoins leurs ancrages physiologiques, la peau et psyché étant des « frères embryologiques et nostalgiques » (2) ;
  • elles entretiennent des relations homéomorphiques avec l’environnement (et cela est vrai au-delà du cadre thérapeutique) : on peut observer en institution que souvent les patients introjectent le cadre environnemental, matériel et humain, comme leur propre enveloppe psychique. Lorsque celle-ci commence à se constituer le processus se symétrise et c’est le carde qui devient récepteur des projections, et qu’il est testé en ce sens, dans sa fiabilité contenante ;
  • elles possèdent des qualités plastiques qui leur donnent leur consistance, à la fois souple, malléable et déformable, élastique afin de pouvoir épouser les modulations et évolutions internes et externes et une certaine résistance, solidité qui leur confère la force nécessaire pour supporter les assauts éventuellement menaçants des pulsions et/ou de l’environnement.
Les enveloppes psychiques se structurent selon trois propriétés :
  • l’appartenance : elles définissent si tel élément appartient à un ensemble ou à un autre : moi/non-moi – dedans/dehors – perçu/vécu. Elles permettent de reconnaître ces distinctions ;
  • la connexité : les enveloppes psychiques possèdent leur propre unité, sont continues, entières et fluides ;
  • la compacité : à l’image d’un moule, les enveloppes psychiques permettent que se ressemblent les unités éparses qu’elles ont mission de contenir. Les sensorialités partielles par exemple qui s’associent dans l’intersensorialité.
Les enveloppes psychiques remplissent six fonctions essentielles :
  • le « sac » contenant : les contenus psychiques y sont à la fois contenus et rassemblés de façon cohérente. Les fantasmes de vidange, d’absence de délimitation entre le dedans et le dehors sont coutumiers chez les patients autistes ou psychotiques. Les failles de cette fonction sont également responsables des angoisses de morcellement souvent à l’origine des explosions clastiques ;
  • ce substrat et le tabloïd de la pensée : cette fonction est directement corollaire de la précédente. Les processus de pensée doivent trouver un terrain ou s’inscrire pour se développer. Les enveloppes psychiques constituent cette surface où peut croître la vie psychique ;
  • le pare-excitation : cette fonction assure la protection contre l’effraction, tant des pulsions que des sollicitations du monde extérieur. Les psychotiques, particulièrement sujets aux failles de cette protection, sont en butte aux fantasmes d’intrusion, de capacité de l’autre à pénétrer jusqu’à leur pensée ;
  • la discrimination : qui permet de repérer ce qui est du registre réel, imaginaire, sémiotique ou symbolique, capacité dont beaucoup des patients, déficients, psychotiques ou en proie à la labilité du narcissisme sont singulièrement privés.
  • l’interface : l’enveloppe psychique possède une face interne et une face externe : c’est ainsi que transite la pensée qui peut se traduire en mots pour être communiquée. Cette fonction de passage du corps au code est difficile chez les patients qui nous intéressent ici ;
  • la démarcation : c’est le rôle de différenciation entre soi et l’autre qui est ici soulignée. On sait, depuis que Winnicott a développé le concept de phénomènes transitionnels que cette individuation est soumise à la traversée d’étapes, souvent à peine engagées pour la plupart des patients concernés par l’impossibilité de contrôle et de limitation de l’expression pulsionnelle.
Nous verrons comment l’institution peut contribuer à servir de prothèse à ces fonctions défaillantes.
Il convient également de veiller à assurer suffisamment du nécessaire travail clinique dont l’un des axes principaux consiste justement en une dynamique de décryptage des signes de souffrances, des comportements, des manifestations. C’est cette fonction alpha de détoxication, de capacité de rêverie, de faculté de recevoir et d’interpréter, de mettre en mots, en jeux, en gestes et en sentiments les explosions informes des émotions chaotiques, de mise en sens que Bion repère justement comme principale fonction contenante.
La violence prend souvent ses racines dans les dérives de l’institution. L’aphorisme de Jean Oury et des tenants de la psychothérapie institutionnelle prend ici tout son sens : « Prétendre soigner des personnes psychotiques sans se préoccuper d’abord de la santé de l’institution, c’est de l’imposture. » (3)


(1)
Nous nous inspirons ici du travail que nous livre cet auteur sur ce point dans son article « Le concept d’enveloppe psychique » in Les enveloppes psychiques, DUNOD, collection Inconscient et Culture, seconde édition, Avril 2013.


(2)
On lira à ce propos avec intérêt le petit livre de Misery Laurent, La peau neuronale, les nerfs à fleur de peau, éditions Ellipses, 2000.


(3)
On rencontre cet aphorisme à de maintes reprises dans la bouche (lors de conférences) et sous la plume (divers articles) de Jean Oury, et pour la première fois, in Oury Jean, Psychiatrie et psychothérapie institutionnelle (collection Traces, Payot, 1974), réédité par « champ social », 2001.

SECTION 3 - L’INSTAURATION DE LA CONTENANCE PSYCHIQUE

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