Les structures médico-sociales sont de plus en plus souvent confrontées aux accès de violence et des conduites sans retenue des enfants, des adolescents et/ou des adultes qu’elles accueillent. Cette réalité n’est pas nouvelle, mais elle s’accroît avec les évolutions sociales et l’essor d’une population dont les troubles psychopathologiques, assortis de déficiences et carences éducatives sont avérés. Les crises clastiques sont inhérentes aux souffrances des individus, à l’incapacité de gérer l’insupportable pression qui habite ces personnes en difficulté psychique, mentale ou sociale.
Y être confronté est une réalité de tout temps pour qui travaille auprès de personnes en grande difficulté mentale ou psychique. S’en préoccuper humainement est plus récent. En effet, la contention corporelle, la camisole chimique ou encore l’enfermement étaient encore il y a peu les réponses classiques à ces comportements, utilisés sans discernement parfois aujourd’hui encore. Nos missions vont pourtant bien au-delà de ces entraves à l’acte : elles consistent surtout à aider l’autre à moins souffrir afin de se dégager de la prison de ses symptômes : penser, pour agir avec pertinence sont les garants de l’humanité et de la légitimité de nos pratiques. Pour autant, il est parfois nécessaire et même judicieux d’avoir recours à l’empêchement : c’est bien cette problématique qui a été traitée dans ce dossier.
Ces comportements, intolérables et traumatisants, laissent souvent les professionnels démunis, au sein d’institutions qui ne savent plus quelles ressources et soutiens sont à mobiliser dans le contexte actuel. Paradoxalement en effet, la clinique est souvent délaissée au « profit » de la formalisation de pratiques normatives, de protocoles stériles, de « déclarations d’évènements indésirables », toutes mesures inefficaces pour appréhender réellement ces conduites.
Que faire, face à ces expressions qui sont à la fois symptomatiques d’une souffrance et délictueuses au regard de l’appartenance à la communauté humaine ? Comment les entendre au regard des pathologies sous-jacentes et les contenir, voire les réprimer au nom de la cohésion sociale ? Comment permettre aux équipes de mieux aborder ces situations au quotidien ? Quelles sont les attitudes pertinentes, les modalités d’accompagnement et de régulation les plus justes, les prises en charge pédagogiques, éducatives, sociales, légales et thérapeutiques les plus adaptées, vis-à-vis des auteurs de ces actes ?
Les fondements de ces interrogations constituent la trame des réflexions qui ont été développées dans ce dossier : ces réflexions étayées par la clinique et la psychopathologie (Michel Brioul) et les aspects juridiques et sociétaux (Aurélie Grillot, Marie-Christine Borella, Virginie Giraud) ont tenté d’explorer l’ensemble des aspects à prendre en compte avant d’avoir recours à la contention ou l’isolement. Ces approches sont complémentaires et leurs complexités soulignent combien cette question doit faire débat dans l’institution, qu’elle soit sanitaire ou médicosociale, évitant toute position radicale.
Qu’elles soient mode d’expression, symptôme ou composante réactive, la violence et les conduites non contenues, hors limites, sont toujours une épreuve, à la fois pour qui les subit que pour celui qui les développe. Quel professionnel du champ social, médico-social ou sanitaire n’a pas été confronté à l’expression perturbante de la violence ? Ces manifestations, pour intolérables et traumatisantes qu’elles soient, ne sont pas rares. Il est inéluctable d’aborder la question de la compréhension, de la gestion et des réponses concrètes à apporter face à ces comportements d’éclatement.
Ce dossier constitue un outil d’analyse, de réflexion et de décision pour permettre aux équipes de mieux aborder les situations de violence et comportements débridés au quotidien afin de décliner les attitudes, les modalités d’abord de prévention, puis éventuellement d’accompagnement et de régulation, ainsi que les réponses pédagogiques, éducatives, sociales, légales et thérapeutiques à apporter aux usagers, fussent-elles contensives.