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L’ANGOISSE DE MORCELLEMENT

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Maintes fois décrites, ces angoisses extrêmes s’enracinent dans le vécu chaotique du patient : elles ont suscité des expressions qui tentent de rendre quelque chose de leur nature archaïque : angoisses d’anéantissement, d’implosion, de liquéfaction, agonies primitives (Winnicott), terreurs sans noms (Bion), démantèlement (Meltzer), immanence du morcellement, de l’éclatement, de l’effondrement, voire de l’explosion. Elles sont inhérentes aux fonctionnements Autistes / psychotiques. Le patient se vit comme un carafon lézardé par de multiples fêlures, selon l’image qu’emploie le pédopsychiatre Michel Lemay (1). Le dedans d’un tel contenant fragilisé à l’extrême peut être soumis aux vibrations pulsionnelles anarchiques, chaotiques et incontrôlables. Le verre fissuré pourra-t-il résister à ces ébranlements ? Quel sera l’effet sur les parois instables des chocs dus à toute confrontation, fut-elle d’effleurement, avec le monde extérieur ? Toute intervention, sollicitation ou même simple présence est une mise en péril de la stabilité fragile : devant cet étrange objet mystérieux, nous dit encore M. Lemay, l’observateur plein de sollicitude peut provoquer de l’effroi (2) : « Il s’immobilise, fixe intensément la carafe insolite, prononce quelques mots rassurants dont le souffle vient percuter la surface de verre. Un cri retentit, incompréhensible puisqu’aucun acte agressant ne semble avoir été commis. Le passant se tait, détourne le regard, retient sa respiration, n’esquisse plus aucun geste, mais sa simple présence échauffe le contenu du récipient, qui frémit et laisse échapper quelques bulles. L’angoisse réapparaît, lancinante et l’immobilité absolue, l’arrêt de l’écoulement du temps, le maintien pétrifié dans un espace clos deviennent les seules issues possibles ».
Se traduisant par le risque effarant d’un éparpillement des morceaux du soi, consécutifs à cet éclatement. Le sujet ainsi dispersé a perdu ce manteau-enveloppe qui le réunissait, et se voit contraint de subir chacune de ses sensations comme dissociées les unes des autres, « démantelées », selon l’expression de Meltzer : il se perçoit réellement comme autant de pièces désassemblées. En ce qui concerne la violence, elle est le plus souvent exercée contre soi-même, nous l’avons vu plus haut. Cependant, elle peut aussi se manifester vers les autres et les objets à l’encontre d’un environnement vécu comme menaçant dont il faut se défendre en tentant de le détruire avant qu’il ne porte atteinte à l’intégrité fragile du sujet.


(1)
Michel Lemay, Les Psychoses infantiles, tome 1, Paris, Fleurus, 1987


(2)
Michel Lemay, les psychoses infantiles, tome 1, Fleurus, 1987. Op cité

SECTION 3 - LES PSYCHOSES INFANTILES ET DÉFICITAIRES

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