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INTRODUCTION

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Parlons maintenant des différentes formes de psychose qui ont pour point commun un rapport incertain au réel. Les personnes qui en sont atteintes ne peuvent se fier aux informations que leurs sens leur fournissent.
Toutes les dimensions auxquelles renvoient les sens sont fondamentalement perturbées chez le patient psychotique : les sensorialités, domaines des informations, la sensualité, concernant le plaisir et la souffrance, l’historicité, situant le sujet par rapport au temps et les signifiances, le champ des signes et du langage.
Ne jamais être assuré de la constance ni de l’intégrité de la réalité, n’en percevoir que des bribes, sous la menace permanente d’une intrusion, ne pas savoir si ce que l’on perçoit émane de soi-même ou du monde extérieur, confondre le pensé avec le concret, l’imaginé avec le tangible, considérer le mot entendu, ou éventuellement lu, comme une chose mouvante, malléable, effrayante eu égard à son pouvoir magique. C’est pourtant ainsi que le patient psychotique vit la réalité, l’ensemble des données cliniques l’attestent : un monde évanescent, ou, à l’instar du héros du film Shutter Island (1), le sujet perdu en cet état indistinct et sans repères stables ne sait jamais s’il est dans le matériel ou le virtuel... Ni nous non plus d’ailleurs qui sommes embarqués dans la folie du héros. Mais, le psychotique sait-il même ce que sont ces deux entités distinctes puisqu’elles sont confondues en un subjectif insaisissable ? C’est par exemple ce que décrit Hugo Von Hofmannstahl également, faisant parler son personnage principal, Lord Chadlos (2) : « Il arrivait parfois, dans les chambres d’hôtel allemandes, que la cruche et la cuvette apparaissent parfois si irréelles, si totalement dépourvues de réalité qu’elles se substituaient en quelque sorte pour un instant, à la cruche réelle, à la cuvette réelle emplie d’eau ». Pour le psychotique, ainsi en est-il des choses de l’environnement autant que de son corps propre et donc du sentiment de son existence. Ceci fait vivre le psychotique dans l’angoisse permanente de disparaître, de se dissoudre dans les éléments et les autres.
Pour décrire ces errements, la psychopathologie décrit l’indifférenciation, la porosité, les failles ou la désagrégation des limites, l’absence de sentiment continu d’exister, tout autant que le morcellement. À l’instar d’Alice au pays de ce que Lewis Carroll a appelé des merveilles mais qui frise souvent l’épouvante, le patient psychotique vit la disjonction du temps et de l’espace, la confusion du dedans et du dehors, l’inconstance de la représentation de son corps. On peut concevoir que « ça brouille les idées de changer si souvent de taille dans la même journée ». (3)
Ces modus vivendi prennent des aspects divers qui sont finalement caractéristiques des formes pathologiques rencontrées : la fuite, et l’isolement, la tentative de toute puissance, le refus de toute appréhension du monde réel et objectif chez celui qui s’installe dans un fonctionnement déficitaire, ou délirant, pour d’autres. Ces processus défensifs, protecteurs et/ou organisateurs sont, bien sûr, totalement indépendants de la volonté ou de choix conscient du sujet. Ils s’imposent comme des solutions à son insu, tout en générant des effets néfastes qui peuvent paraître pires à nos yeux mais qui sont en fait salvateurs et bien moins douloureux malgré tout que les angoisses non régulées. Les aménagements symptomatiques, invalidants mais seules ressources de survie, témoignent des angoisses fondamentales et traduisent, selon leur nature, le niveau d’évolution du patient quant à son rapport à lui-même et à l’environnement : états autistiques, psychoses infantiles dominées par les angoisses de morcellement ou dépressives, fonctionnements symbiotiques ou maniaques, manifestés par des symptomatologies diverses : stéréotypies et ritualisations, automutilations, débordements pulsionnels incoercibles et inopinés, (éclatements, agitation, cris, tourbillonnements, violences non adressées mais visant soi-même, les autres ou les choses.), troubles massifs des conduites instinctuelles (alimentation, sexualité, élimination.), projections clivées, manifestations dépressives, conduites paradoxales, plaintes corporelles incessantes, délires, hallucinations.


(1)
Film de Martin Scorcese (2010), d’après le livre éponyme de Dennis Lehan, shutter Island, Rivages/noir, 2009


(2)
Hugo von Hofmannstahl, « lettre du voyageur à son retour » in lettre de Lord Chandlos et autres textes, Gallimard, 1992


(3)
Propos tenus par Alice in Alice au pays des merveilles Carroll Lewis, Gallimard, Folio junior, 1984

SECTION 2 - L’AXE DE L’ÉVANESCENCE DU RÉEL

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