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INTRODUCTION

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La mise en place de la contenance constitue une ressource préventive contre l’essor de la violence auprès des patients. Elle doit donc s’exercer dans les quatre registres reconnus comme terrain de la subjectivation et de la communication interhumaine :
  • le réel : qui est le siège du senti, du ressenti et qui peut se manifester dans l’accompagnement des patients par les enveloppes, les bordages, les sollicitations et les stimulations des sensorialités (montrer, donner à entendre, toucher, etc. sans oublier cénesthésies et kinesthésies) ;
  • l’imaginaire : qui recouvre tout ce qui permet la représentation, c’est-à-dire la construction d’images mentales, tels les calendriers, les trombinoscopes. Tout ce qui contribue à figurer et illustrer le réel afin qu’il puisse trouver le chemin de la pensée ;
  • la sémiotique : c’est ce qui fait signe. Il s’agit de préciser la cohérence des « coutumes », des habitudes institutionnelles. Il convient alors de les formaliser et de rendre ces données accessibles à tous. En particulier le règlement de fonctionnement devra être explicite car c’est lui qui va cadrer le possible et l’interdit, les contraintes, les limites et les libertés, ce qui constitue le Code de référence qu’il conviendra de rappeler lors d’éventuels passages à l’acte ;
  • le symbolique : c’est le langage verbal qui en est le plus éminent porteur. Parler est essentiel pour structurer les rapports sociaux et les réguler. Il s’agit par exemple de ne jamais omettre de prendre le temps de dire à la fois les reproches et la compréhension à la suite d’une incartade et d’écouter celui qui commet un épisode violent.
Il s’agit aussi de développer et de décliner les axes de la dynamique institutionnelle, son système de valeurs, ses modalités d’interactions communicantes, afin qu’elle soit explicite pour tous : « inter-dire » n’est-ce pas d’abord partager un discours d’accord communautaire ? Le jeu entre ces registres peut se moduler, évoluer d’un champ à un autre pour un même patient.
Exemple :
Guy B., après avoir pendant des années plutôt manifesté des besoins du côté des contenants réels, ayant nécessité des réponses en termes de prises en charge de médiations corporelles (massages), semble maintenant réclamer plutôt des contenants imaginaires et sémiotiques. Il le manifeste clairement en réclamant sans cesse de vérifier les dates des calendriers, les horaires, les coutumes et les rites qui régissent la vie de groupe.
Cependant, il est des situations, des circonstances et des états pathologiques qui résistent à toute emprise de la contenance. Le recours à la contention n’est pas toujours le dernier, mais parfois le seul possible pour éviter l’explosion. La psychopathologie peut aider à comprendre cette nécessité.
Avant d’aborder les fonctionnements psychopathologiques et leurs interactions avec la violence, il est intéressant de considérer les caractéristiques communes aux individus qui s’expriment de façon préférentielle par la violence, que ce soit dans une situation de frustration ou de difficulté d’adaptation. En effet, l’observation clinique permet de dégager certains traits que l’on retrouve de façon transversale chez les sujets violents. Il s’agit de constats auxquels l’étude psychopathologique tentera ensuite de donner sens. Au CHU de Saint-Etienne, l’équipe du docteur Maurice Berger et de la psychologue clinicienne Emmanuelle Bonneville a dressé un tableau descriptif des composantes de personnalité chez les enfants, portrait qui correspond également à ce que l’on observe chez les adultes (1).
Ces patients présentent une difficulté de différenciation entre les différentes sphères d’identification, entre le passé et le présent, entre le moi et le non-moi. Cela correspond à ce que l’on repère comme une pathologie des limites. Cela ne fait pas d’eux des psychotiques mais marque tout de même une difficulté majeure dans l’organisation de leur personnalité et perturbe sérieusement leur relation à eux-mêmes et au monde. Ils sont incapables de jouer, de faire la part entre le réel et l’imaginaire. Cela évoque l’aphorisme de Winnicott qui dit que la thérapie consiste à permettre à un patient d’accéder à cette capacité de faire semblant, d’introduire entre lui et le réel un espace intermédiaire.
Ils présentent une perturbation profonde du schéma corporel et de la représentation de soi. Le corps n’est pas connu, ses limites et sa configuration sont imprécises : les fonctions de ce que Anzieu a décrit en termes de Moi Peau ne sont pas assurées. Ces individus ne se sentent ni contenus dans une enveloppe, ni délimités dans la différenciation avec l’environnement, ne percevant pas ou très mal la séparation du dedans et du dehors, ni ne peuvent gérer les échanges avec le monde extérieur, n’ayant constitué aucune interface entre le moi et le non-moi.
Ils sont souvent en situation de déficience intellectuelle, avec des retards parfois importants dans leur développement cognitif et staturo-pondéral, symptôme souvent rencontré chez les sujets abandonniques. Nous avons déjà noté par ailleurs une atteinte spécifique de la fonction verbale, entravant la maîtrise du langage et donc les interactions et les communications symboliques.
Ils ont une tendance récurrente à fuir, ces fugues éperdues prenant valeur d’échappatoire devant toute situation réveillant l’angoisse qui les envahit sans qu’ils aient la possibilité de s’en délivrer autrement que par ces tentatives de disparition. Ils n’ont pas structuré de fonction contenante et ne peuvent donc que se répandre sans but. En termes de structure, la violence s’exprime différemment selon les trois axes qui définissent les organisations psychiques : discordance, évanescence du réel et retrait autistique.


(1)
Maurice Berger, Voulons nous des enfants barbares ? Prévenir et traiter la violence extrême, Dunod, 2008, rééd 2013, 2015

CHAPITRE 4 - ANALYSE PSYCHOPATHOLOGIQUE par Michel Brioul

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