(Code du travail, articles L. 3142-18, L. 3142-21, L. 3142-22 et L. 3142-23)
Pendant le congé, le contrat de travail du salarié est suspendu (sauf activité à temps partiel) et son absence n’est pas rémunérée, sauf dispositions conventionnelles plus favorables. Le salarié a la possibilité d’utiliser les droits épargnés sur un compte épargne temps pour compenser en partie ou totalement la perte de rémunération pendant cette absence. La durée de ce congé ne peut pas être imputée sur celle des congés payés.
Le salarié ne peut exercer aucune autre activité professionnelle durant ce congé. Toutefois, il lui est possible d’être rémunéré en tant qu’aidant familial par la personne aidée si celle-ci perçoit l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA), à condition de ne pas être son conjoint, son concubin ou son partenaire de pacte civil de solidarité.
Il bénéficie, pendant toute la durée du congé, de la prise en charge de ses frais de santé au titre de la protection universelle maladie applicable depuis le 1er janvier 2016 et de l’affiliation gratuite à l’assurance vieillesse du régime général, sur production à l’organisme débiteur des prestations familiales d’une attestation de l’employeur (CSS art. D. 381-2-2). Il bénéficie également du maintien de ses droits aux prestations en espèces des assurances maladie, maternité, invalidité et décès (CSS art. L. 161-8).
Pendant cette absence, le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis au sein de l’entreprise.
Par ailleurs, la durée du congé est prise en compte intégralement pour la détermination des avantages liés à l’ancienneté et pour le calcul des heures portées sur le compte personnel de formation (C. trav., art. L. 6323-12).
L’accompagnement d’un proche a des répercussions multiples sur la vie professionnelle. Les principales difficultés rencontrées par les proches aidants sont le manque de temps (39 %), du stress (21 %), de la fatigue (19 %). Les trois quarts des aidants actifs ont dû s’absenter au cours des 12 derniers mois en dehors des congés payés, du fait de leur rôle d’aidant. Pour faire face et quand cela est possible, les aidants négocient des aménagements dans leur vie professionnelle. Les plus fréquents sont le changement dans les horaires de travail (65 %), la réduction du nombre d’heures (36 %), le rapprochement du lieu de travail, voire le changement de la nature du travail. Par ailleurs, selon l’étude « Absentéisme 2015 » réalisée par Malakoff Médéric (1), la situation d’aidant se traduit par un taux d’absentéisme plus important que chez les autres salariés.
Les aidants familiaux représentent près de 24 % des arrêts non prévus de courte durée (de 3 à 5 jours). Le taux d’absences non prévues de cette population est 40 % supérieur à celui des salariés n’ayant pas de personne à charge. Enfin, dans certains cas, suite notamment à la dégradation de l’état de santé du proche, les aidants déclarent même avoir dû arrêter leur travail.
Selon l’étude « Agir pour les salariés-aidants » réalisée par le groupe Malakoff Médéric et la Fondation Médéric Alzheimer, publiée en octobre 2017, 47 % des proches aidants occupent un emploi et seuls 8 % ont recours aux congés existants (2). Pour accompagner les salariés-aidants dans leur enjeu de conciliation vie pro/vie perso, des congés « spécifiques » légaux ont été mis en place par les pouvoirs publics. L’étude met en exergue également un déficit d’information chez les salariés-aidants. Les « congés spécifiques » ne sont pas connus de 39 % des personnes interrogées. Seuls 12 % y ont eu recours. Par ailleurs, 70 % ignorent ce qu’est le congé de solidarité familiale, 59 % ignorent ce qu’est le congé de présence parentale, et 55 % ce qu’est le congé de proche aidant.
Les dépenses supportées par les entreprises en termes de perte d’activité, d’arrêts maladie, de moindre productivité, des proches aidants sont estimées à 6 milliards d’euros.
Le droit à un congé indemnisé pour les aidants, ce n’est pas pour tout de suite. L’Assemblée nationale a repoussé, le 8 mars 2018, une proposition de loi « Pour une reconnaissance sociale des aidants » prévoyant d’accorder une indemnisation quotidienne aux aidants (3). Ce texte porté par Pierre Dharréville, député communiste des Bouches-du-Rhône et rapporteur d’une « mission flash » sur les aidants familiaux, proposait un montant d’indemnisation du congé de proche aidant identique à de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP), soit 43,14 euros par jour. « Si 20 % des aidants demandaient un congé de 120 jours par an [...], le coût de cette mesure serait de 550 millions d’euros », a souligné Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé.
Dans un avis adopté le 1er décembre 2017, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HFCEA) s’est déclaré favorable à ce « qu’on étudie la possibilité d’indemniser le congé de proche aidant, qu’on l’ouvre au titre de chaque personne aidée et que le recours au temps partiel soit de droit » (4). Son financement pourrait être porté par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) (quitte à ce que sa gestion matérielle soit confiée à un réseau de caisses de sécurité sociale). Le HFCEA proposait également d’élargir le droit à congé de proche aidant compte tenu du fait que certains salariés peuvent aider plusieurs personnes sur l’ensemble de leur carrière professionnelle (s’occuper de son enfant handicapé puis de longues années après un ascendant en perte d’autonomie). Il suggère une durée maximale d’un an par personne aidée.
Selon le HCFEA, l’indemnisation du congé de proche aidant concernerait 30 000 personnes, et demanderait 250 millions d’euros.
Une proposition de directive concernant « l’équilibre entre la vie professionnelle et privée des parents et des aidants » que les salariés aidants puissent bénéficier d’un droit à congé d’un minimum de 5 jours par an pour les soins aux parents dépendants ou malades, indemnisés au moins au niveau d’un congé maladie (5).
Combien coûterait un dispositif de congés spécifiques pour les aidants actifs ?
La Chaire « Transitions démographiques, Transitions économiques » (TDTE) a imaginé l’instauration d’une caisse de congés rémunérés en faveur des aidants en emploi (6). Il s’agit d’une étude préliminaire avec des hypothèses simplifiées ayant pour objectif de présenter les enjeux en termes de coûts, soulignent ses responsables.
Le chiffrage a été établi à partir de deux hypothèses :
- les aidants qui apportent leur soutien à une personne qui rentre en dépendance. En règle générale, cette situation arrive brutalement. De fait, le proche aidant a alors besoin de temps pour trouver une solution en établissement ou à domicile, ce qui peut justifier le besoin des congés rémunérés.
- Les aidants qui aident des personnes déjà en situation de perte d’autonomie.
Les deux solutions ont été étudiées en proposant 5 jours de congé rémunérés liés à l’entrée en dépendance et 5 jours de congé annuels pour les aidants de personnes qui sont en dépendance. À titre de comparaison, les salariés aidants prennent en moyenne 6 jours supplémentaires de congés par rapport aux salariés non aidants, précise la Chaire TDTE.
Les coûts ont été d’abord évalués pour des niveaux de dépendance GIR 1-2 puis étendus aux niveaux GIR 3-4, sur les horizons 2021 et 2040, pour lesquels des données de la DREES existent.
Les résultats sont les suivants :
• à l’horizon 2021, environ 164000 personnes rentreraient en dépendance aux niveaux GIR 1 et GIR 2 et 77 000 salariés pourraient demander à bénéficier de la caisse. Le coût du dispositif peut être estimé à 51 millions d’euros (sur une base de rémunération aux salaires moyens) entraînant une cotisation de 0,006 % (taux rapporté à la masse salariale brute).
En cas d’extension aux GIR 3-4, le coût double pour atteindre 111 millions d’euros avec un taux de cotisations de 0,013 %.
• À l’horizon 2040, environ 219 000 personnes rentreraient en dépendance en GIR 1-2 et le nombre de salariés sollicitant le dispositif s’élèverait à 103 000, soit un coût annuel de 79 millions d’euros et un taux de cotisation de 0,007 % (les masses salariales devraient augmenter ce qui n’induit pas d’effet majeur sur le taux de cotisations). En étendant au GIR 3-4, le coût triple et les taux de cotisation passent à 0,017 %.
Si l’on raisonne sur le second cas (aide aux personnes déjà dépendantes), les montants vont augmenter fortement, compte tenu du nombre important des personnes dépendantes aux deux horizons étudiés. Sur 2021, le coût atteindrait 150 millions d’euros pour un taux de cotisation d’environ 0,018 %. Le coût triplerait si le bénéfice de la caisse était étendu aux GIR 3-4. Au maximum sur 2040, sur des niveaux de GIR 1 à 4, le coût annuel est estimé à 700 millions d’euros et le taux de cotisation à 0,065 %.
Un dispositif à affiner qui n’est pas déraisonnable
« Si le coût du premier dispositif destiné à l’entrée en dépendance est raisonnable, celui du second est très onéreux. Il reste à le mettre en relation avec les dépenses supportées par les entreprises en termes de perte d’activité, d’arrêts maladie, de moindre productivité, estimées à 6 milliards d’euros », commente la Chaire TDTE (7). Elle se propose de pousser la réflexion dans cette voie, en réalisant des évaluations plus précises et surtout des expérimentations.
En revanche, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, la durée du congé n’est pas assimilée à du temps de travail effectif pour le calcul de la durée des congés payés.
À l’issue du congé ou de la période d’activité à temps partiel, le salarié retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente ainsi que, le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé (C. trav., art. L. 3142-21).
Avant et après son congé, le salarié doit bénéficier de l’entretien professionnel consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi et comporter des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience (C. trav., art. L. 3142-23 et L. 6315-1). Le texte ne prévoit pas de disposition spécifique selon la durée effective de l’absence, de sorte que le salarié qui se serait absenté un mois devra en bénéficier de la même façon que s’il s’était absenté un an. Le texte ne dit pas non plus comment organiser ces deux entretiens lorsque le salarié s’absente de façon fractionnée.
(1)
« L’absentéisme maladie des salariés du privé », étude Malakoff Médéric, septembre 2015.
(2)
« Agir pour les salariés-aidants », étude réalisée par le Groupe Malakoff Médéric et la Fondation Médéric Alzheimer, octobre 2017.
(3)
Proposition de loi de Pierre Dharréville plusieurs de ses collègues « pour une reconnaissance sociale des aidants », n° 589, déposée le 24 janvier 2018.
(4)
« La prise en charge des aides à l’autonomie et son incidence sur la qualité de vie des personnes âgées et de leurs proches aidants », Avis du Conseil de l’âge adopté le 1er décembre 2017, page 7.
(5)
Proposition de Directive du Parlement européen et du concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil.
(6)
« Aider et travailler : quels enjeux, quels dispositifs ? », conférence organisée par la chaire Transitions démographiques-Transitions économiques avec la Caisse des dépôts, l’OCIRP et la Fondation Médéric Alzheimer, 16 novembre 2017. Synthèse disponible sur www.tdte.fr
(7)
« Aider et travailler : quels enjeux, quels dispositifs ? », Chaire TDTE synthèse, page 5, 2017.