Afin de laisser à disposition du débiteur des sommes lui permettant de faire face, dans une certaine mesure, aux dépenses de la vie courante, le code du travail met en place un système de plafonnement de la saisie de ses rémunérations.
A. LA PROCÉDURE
[Code du travail, articles L. 3252-2, R. 3252-2 et R. 3252-3]
Une procédure spécifique permet au créancier de procéder au recouvrement des sommes qui lui sont dues par la saisie de la rémunération d’un salarié. Les sommes ainsi saisissables ne le sont que dans la limite de proportions fixées par un décret en Conseil d’État pour l’année en cours. L’assiette de la saisie prend en compte la rémunération du débiteur ainsi que les avantages en nature dont il bénéficie et la part saisissable est calculée sur le montant de la rémunération nette annuelle constatée lors des douze mois qui précèdent la notification de la saisie.
B. LE CAS PARTICULIER DES PENSIONS ALIMENTAIRES
[Code des procédures civiles d’exécution, articles L. 213-1 à L. 213-6 et R. 213-1 à R. 213-10]
Afin de garantir le budget du créancier d’aliment et de limiter les effets du plafonnement de la quotité saisissable de la rémunération du débiteur, une procédure spécifique de paiement des pensions alimentaires a été mise en place par une loi n° 73-5 du 2 janvier 1973 relative au paiement direct de la pension alimentaire (1). Les procédures de droit commun se sont en effet avérées trop lourdes, trop complexes et trop coûteuses à mettre en œuvre. Le texte de 1973 a donc mis en place une procédure simple, rapide, peu onéreuse et très efficace qui est actuellement intégrée dans le code des procédures civiles d’exécution.
I. Le mécanisme
Tout créancier d’une pension alimentaire peut se faire payer directement le montant de cette pension par les tiers débiteurs de sommes liquides et exigibles envers le débiteur de la pension. Le créancier peut, en particulier, exercer ce droit auprès de l’employeur (débiteur de salaires) ou du dépositaire de fonds.
II. Sa mise en œuvre
La demande est recevable dès qu’une échéance d’une pension alimentaire, fixée par une décision judiciaire devenue exécutoire, n’a pas été payée à son terme.
La demande de paiement direct est faite par l’intermédiaire de l’huissier de justice du lieu de résidence du créancier de la pension. Toutefois, si une administration publique est subrogée dans les droits d’un créancier d’aliments, elle peut elle-même former la demande de paiement direct. L’organisme débiteur de prestations familiales (CAF ou CMSA) qui agit pour le compte d’un créancier d’aliments peut former lui-même la demande de paiement direct.
Dans les huit jours de sa saisine, l’huissier procède à la notification par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Si les documents remis par le créancier ne permettent pas cette notification, dans ce même délai de huit jours, l’huissier doit mettre en œuvre les moyens qui lui permettront de la réaliser (recherche de renseignements auprès des administrations par exemple).
III. Le recueil des informations
Pour faciliter la mise en œuvre de la procédure, les administrations, les organismes de sécurité sociale ainsi que les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales sont tenus de réunir et de communiquer, en faisant toutes les diligences nécessaires, à l’huissier qui forme la demande de paiement direct, tous les renseignements qui permettent de déterminer l’adresse du débiteur, l’identité et l’adresse de son employeur ou de tout tiers débiteur ou dépositaire de sommes liquides ou exigibles (CPCE, art. L. 152-1).
IV. Les effets
[Code des procédures civiles d’exécution, articles L. 213-2, R.213-1 et R. 231-6]
Dans les huit jours de la notification, le tiers doit accuser réception de la demande de paiement direct et préciser s’il peut y donner suite.
La demande de paiement direct vaut, par préférence à tout autre créancier, attribution au bénéficiaire des sommes qui en font l’objet au fur et à mesure qu’elles deviennent exigibles. À la différence de la saisie-attribution, la procédure de paiement direct produit donc des effets échelonnés puisque le tiers est tenu de verser directement ces sommes au bénéficiaire selon les échéances fixées par le jugement.
La demande de paiement direct peut être contestée devant le juge, mais cette contestation ne suspend pas l’obligation qui pèse sur le tiers de payer directement les sommes dues au créancier de la pension alimentaire.
V. Les termes de pension concernés
[Code des procédures civiles d’exécution, article L. 213-4]
La procédure est applicable aux termes échus (les six derniers mois précédant la notification de la demande de paiement direct pouvant être recouvrés par ce moyen (2)) et produit également des effets pour le futur car elle permet le recouvrement des termes de pension alimentaire à échoir.
VI. Les frais de la procédure
[Code des procédures civiles d’exécution, article R. 213-7]
Les frais de la procédure de paiement direct sont à la charge du débiteur ; aucune avance ne peut être demandée au créancier pour la mise en œuvre de la procédure.
Si le débiteur ne peut être retrouvé ou si le paiement direct ne peut être obtenu, les émoluments de l’huissier de justice sont avancés par le Trésor public.
VII. L’utilisation amiable du paiement direct
[Code des procédures civiles d’exécution, article R. 213-9]
Devant le juge saisi d’une demande de pension alimentaire, le débiteur d’aliment peut accepter que la pension donne lieu à paiement direct. Dans ce cas, il indique le tiers débiteur qui sera chargé du paiement et l’extrait du jugement qui constate l’accord des parties est notifié au tiers débiteur.
VIII. L’échec à l’insaisissabilité partielle des revenus
[Code du travail, articles L. 3252-5 et R. 3252-5 ; code des procédures civiles d’exécution, article R. 213-10]
Aux termes de l’article L. 3252-5 du code du travail, le prélèvement direct du terme mensuel courant et des six derniers mois impayés des pensions alimentaires peut être poursuivi sur la totalité de la rémunération. Ce paiement est d’abord imputé sur la fraction insaisissable et ensuite, s’il y a lieu, sur la fraction saisissable. Toutefois, dans tous les cas, est laissée à la disposition du débiteur de la pension une somme qui correspond au montant forfaitaire du revenu de solidarité active pour un allocataire (RSA « socle »).
Si le compte faisant l’objet de la procédure de paiement direct est alimenté par des rémunérations du travail, le tiers saisi doit donc laisser cette somme à la disposition du débiteur, sans qu’aucune demande ne soit nécessaire. Si le débiteur est titulaire de plusieurs comptes, cette somme est imputée sur un seul d’entre eux.
C. LE SOLDE BANCAIRE INSAISISSABLE
Lorsque la saisie a lieu sur un compte bancaire, le banquier teneur de compte doit laisser à disposition du client dont le compte est saisi une somme à caractère alimentaire d’un montant égal au RSA « socle » pour un allocataire (CPCE, art. L. 162-2). Le teneur de compte doit spontanément laisser cette somme à disposition : le débiteur n’a pas à formuler de demande pour bénéficier du « solde bancaire insaisissable » (CPCE, art. R. 162-2, al. 1).
Cette somme ne peut être laissée à disposition du débiteur que dans la limite du solde créditeur du ou des comptes au jour de la saisie (CPCE, art. L. 162-2).
(1)
Pour lutter contre les impayés de pension alimentaire, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 (L. n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, JORF du 24 décembre 2016) a créé l’Agence de recouvrement des pensions alimentaires (ARIPA). Confiée à la Branche famille de la sécurité sociale, l’ARIPA s’appuie sur la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole. L’ARIPA propose notamment un service d’aide au recouvrement des impayés et une aide financière aux parents isolés (www.pension-alimentaire.caf.fr).
(2)
Le règlement de ces sommes est fait par fractions égales sur une période de 12 mois.