Le bénéficiaire du RSA a droit à un accompagnement social et professionnel adapté à ses besoins et organisé par un référent unique désigné par l’organisme vers lequel l’intéressé aura été orienté. Lorsque le bénéficiaire est orienté vers Pôle emploi, il devra élaborer conjointement avec son référent un projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE). Pour les bénéficiaires ne pouvant faire l’objet d’une telle orientation, à cause de leurs difficultés spécifiques les rendant inaptes à rechercher un emploi, ils seront orientés vers un organisme qui se chargera de leur insertion sociale. Dans les deux mois suivant cette orientation, ils devront conclure avec le département un contrat contenant des engagements réciproques (CER), en matière d’insertion sociale et professionnelle.
Toujours au titre de l’accompagnement du bénéficiaire, le président du conseil départemental désigne un correspondant chargé de suivre les évolutions de la situation des bénéficiaires et d’appuyer les actions des référents. En réalité, on attend du correspondant qu’il crée une cohérence d’ensemble aux fins de réaliser un accompagnement satisfaisant du bénéficiaire.
L’article L. 262-39 du CASF prévoit qu’afin de mettre en œuvre le droit à un accompagnement social et professionnel personnalisé du bénéficiaire, le président du conseil départemental constitue des équipes pluridisciplinaires (1).
Les équipes susvisées sont composées de professionnels de l’insertion sociale et professionnelle (agents de Pôle emploi notamment), de représentants du département et de maisons de l’emploi ou, à défaut, des personnes morales gestionnaires des plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi (PLIE) (2). Lesdits plans associent, à l’échelle d’une ou plusieurs communes, l’ensemble des acteurs institutionnels et des partenaires socio-économiques concernés. Présidée par un élu local, la structure juridique du PLIE assure la responsabilité financière et juridique de tous les engagements contractuels du plan. Ce dernier peut prendre quatre formes : régie au sein d’une collectivité locale, établissement public, association ou groupement d’intérêt public (GIP). Enfin, des représentants des bénéficiaires du RSA font partie de l’équipe pluridisciplinaire.
Les équipes pluridisciplinaires sont consultées préalablement aux décisions de réorientation vers les organismes d’insertion sociale ou professionnelle (3) et de réduction ou de suspension du RSA (4). Notons que leur rôle est purement consultatif.
La complexification des situations des bénéficiaires du RSA (travail, santé, logement, éducation, gestion des ressources...) appelle nécessairement l’intervention d’acteurs et partenaires diversifiés. Ces derniers sont issus de formations et de cultures professionnelles différentes. Il peut s’agir indifféremment de travailleurs sociaux, médico-sociaux mais également de bénévoles issus du secteur associatif. Le point de tension se situe très exactement au niveau de la circulation des informations entre les différents acteurs et partenaires.
Rappelons tout d’abord les termes de l’article L 262-44 du CASF :
« Toute personne appelée à intervenir dans l’instruction des demandes ou l’attribution du revenu de solidarité active ainsi que dans l’élaboration et la mise en œuvre du projet personnalisé d’accès à l’emploi mentionné à l’article L. 262-34 ou de l’un des contrats mentionnés aux articles L. 262-35 et L. 262-36 est tenu au secret professionnel, sous peine des sanctions prévues à l’article 226-13 du code pénal.
Toute personne à qui les informations relatives aux personnes demandant le bénéfice ou bénéficiant du revenu de solidarité active ont été transmises, en application de l’article L. 262-40, est tenue au secret professionnel dans les mêmes conditions. »
L’instruction administrative de la demande est effectuée par les services du département ou l’organisme chargé du service du RSA (5). Peuvent également procéder à cette instruction, le CCAS/CIAS du lieu de résidence du demandeur lorsqu’il a décidé d’exercer cette compétence, ou, par délégation du PCG dans les conditions définies par la convention, des associations ou des organismes à but non lucratif.
Comme le précise clairement l’article L. 262-44 sus-énoncé, toute personne participant à l’instruction ou l’attribution du RSA est tenue au secret professionnel. Le sont également les membres de l’équipe pluridisciplinaire, le référent unique ainsi que le correspondant désigné par le président du conseil départemental. Il faut ajouter à cette liste toutes les personnes intervenant dans le cadre de la mise en œuvre du PPAE ou du CER.
La composition multipartenariale de l’équipe pluridisciplinaire implique que les règles de circulation des informations soient rigoureusement respectées car la soumission de tous ses membres au secret professionnel ne suffit pas à garantir le droit à la confidentialité des informations concernant le bénéficiaire. Par ailleurs, et contrairement à d’autres dispositifs comme celui de la protection de l’enfance par exemple, le législateur n’a pas prévu expressément la possibilité de partager des informations. Aussi, des règles de prudence s’imposent. Il convient de ne partager que ce qui est strictement nécessaire à l’accompagnement et à l’individualisation de la prise en charge.
L’une des questions épineuses qui agite le débat concerne la participation des représentants des usagers aux équipes pluridisciplinaires.
Rappelons d’abord que le principe de la participation des usagers à l’élaboration et à la définition des politiques publiques s’est développé, petit à petit, sous l’influence européenne (6) et associative. La démarche participative a été expérimentée en France dès la fin des années 1970 dans le cadre de la politique de la ville « Habitat et vie sociale » (HVS) puis dans les années 1980 suite, notamment, au rapport Dubedout intitulé « Ensemble refaire la ville » (7). Dans les années 1990, la participation s’institutionnalise et s’étend à différents champs d’activités, comme le handicap, la santé, la lutte contre les exclusions, la citoyenneté etc. Plusieurs lois vont inscrire le glissement d’une démocratie représentative à une démocratie participative (8).
Ceci étant rappelé, il n’empêche que la participation des bénéficiaires du RSA aux réunions de l’équipe pluridisciplinaire continue de produire son lot d’inquiétudes. Ce que ne manque pas de souligner le CSTS. « En effet, lorsque les informations examinées dans ces instances afin de prendre les décisions prévues par le législateur sont dévoilées, même de manière anonyme, le risque que le bénéficiaire siégeant dans cette instance ait connaissance des personnes en cause existe. Même soumis au secret professionnel comme prévu à l’article L. 62 du CASF (article L. 262-44 CASF nouveau), la question peut se poser des capacités à garder pour lui les éléments qui peuvent par exemple concerner un voisin. La remontée des informations nécessaires à la décision par l’équipe pluridisciplinaire doit donc être particulièrement ciblée et restreinte aux éléments strictement nécessaires... » (9).
Le guide de recommandations de la Direction Générale de la cohésion sociale (DGCS) souligne tout d’abord « qu’il est important de ne pas sous-estimer l’ampleur de la révolution culturelle que constitue la mise en place d’une démarche de participation des personnes bénéficiaires du RSA » (10). D’autre part, il stipule que « certains professionnels peuvent craindre que la consultation directe des personnes bénéficiaires relègue leur propre expertise au second rang. Des représentants des conseils généraux se sont fait l’écho des inquiétudes pouvant s’exprimer au sein des équipes de travailleurs sociaux, dans un contexte où ceux-ci peuvent parfois développer le sentiment d’être insuffisamment entendus des décideurs. Aussi apparaît-il essentiel de pouvoir donner la parole aux professionnels, de solliciter leur expertise et de veiller à ce que les personnes bénéficiaires et des professionnels cohabitent au service du dispositif. L’enrichissement doit être mutuel. Cela suppose que l’on prenne le temps, en amont de la démarche de participation, de clarifier le rôle de chacun dans le processus de participation (...) » (11). Enfin, « l’initiation de la participation implique une prise de recul sur les pratiques professionnelles et une évolution de celles-ci. En intégrant la question de la participation des personnes bénéficiaires du RSA de manière transversale, les pratiques du travail social remettent en cause la prépondérance de l’approche individuelle » (12).
Certes, il s’agit bien d’une révolution culturelle. À ce titre, un temps d’adaptation est nécessaire. Pour autant, il faudra toujours garder à l’esprit que le partage d’informations doit se faire avec prudence et discernement. De façon générale, une police de la réunion doit veiller à la bonne application des règles éthiques et déontologiques aux fins de minimiser le risque de dérives. L’information et la formation pluridisciplinaire ne pourront que contribuer à créer le climat de confiance nécessaire pour que ces rencontres deviennent des outils au service d’une individualisation de l’accompagnement social et professionnel du bénéficiaire.
(1)
(3) Elles se substituent aux anciennes commissions d’insertion. Contrairement à ces dernières qui faisaient l’objet d’un encadrement légal strict, notamment quant à leur composition, les équipes pluridisciplinaires sont très peu encadrées par la loi.
(2)
Circulaires DGEFP du 21/12/1999 relative au développement des PLIE et du 08/06/2009 relative aux modalités de financement de l’activité des PLIE au titre des programmes du Fonds social européen 2017/2013.
(3)
Article L. 262-31.
(4)
Le bénéficiaire du RSA peut voir son allocation réduite ou suspendue en cas de manquements à ses devoirs comme, par exemple, le non-respect du contrat d’engagements réciproques (voir CASF, art. L. 262-3).
(5)
Caisses d’allocations familiales (CAF) ou caisses de la mutualité sociale agricole (CMSA) selon les situations.
(6)
Stratégie pour l’inclusion sociale définie à Lisbonne en 2000.
(7)
Hubert Dubedout, « Ensemble refaire la ville », rapport au Premier ministre du président de la commission nationale pour le développement des quartiers, janvier 1983, La Documentation française, 122 p.
(8)
On peut, notamment citer la loi d’orientation de la politique de la ville du 13 juillet 1991, la loi du 6 février 1992 permettant à des représentants d’associations de participer à des conseils municipaux pour faire entendre la voix des quartiers via les comités de quartiers, la loi « Barnier » du 2 février 1995 créant le Conseil national de participation au débat public (CNDP), la loi « démocratie de proximité » du 27 février 2002 qui crée des conseils de quartiers pour les villes de plus de 80 000 habitants, la loi sanitaire du 4 mars 2002 faisant référence à la « démocratie sanitaire », la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées...
(9)
Rapport du CSTS, « Le partage d’informations dans l’action sociale et le travail social », 2013, p. 182
(10)
Guide de recommandations sur la participation des personnes bénéficiaires du revenu de solidarité active, Ministère des solidarités et de la cohésion sociale, mars 2012, p. 30.
(11)
Ibid, p 30-31.
(12)
Ibid, p. 31.