Après avoir rappelé ce que sont les conseils locaux et de prévention de la délinquance (CLSPD), nous nous intéresserons au cadre juridique du partage d’informations qui s’y applique.
A. MISE EN PLACE, RÔLE ET COMPOSITION
Dans les communes de plus de 10 000 habitants et dans les communes comprenant une zone urbaine sensible, le maire ou son représentant préside le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) (1). Lorsqu’est créé un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD), la mise en place par les communes membres de l’établissement public de coopération intercommunal (EPCI) d’un conseil local est facultative (2).
Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance constitue le cadre de concertation sur les priorités de la lutte contre l’insécurité et de la prévention de la délinquance dans la commune. Il favorise l’échange d’informations entre les responsables des institutions et organismes publics et privés concernés et peut définir des objectifs communs pour la préservation de la sécurité et de la tranquillité publique. Il assure l’animation et le suivi du contrat local de sécurité lorsque le maire et le préfet de département, après consultation du procureur de la République et avis du conseil, ont estimé que l’intensité des problèmes de délinquance sur le territoire de la commune justifiait sa conclusion. Il est consulté sur la définition, la mise en œuvre et l’évaluation des actions de prévention de la délinquance prévues dans le cadre de la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales en matière de politique de la ville définie à l’article 1er de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. À défaut des dispositifs contractuels susmentionnés, le conseil local peut proposer des actions de prévention ponctuelles, dont il assure le suivi et l’évaluation (3). Le décret du 6 mai 2016 portant modification des dispositions relatives à la prévention de la délinquance précise qu’« en fonction de la situation locale, les compétences du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (...) peuvent s’étendre aux actions de prévention de la radicalisation définies conjointement avec le représentant de l’État » (4).
Le CLSPD est présidé par le maire ou son représentant. Sa composition comprend divers acteurs publics et privés.
- le préfet du département et le procureur de la République, ou leurs représentants ;
- le président du conseil départemental ou son représentant ;
- des représentants des services de l’État désignés par le préfet de département ;
- le cas échéant, le président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre (5), compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance et auquel la commune appartient, ou son représentant ;
- des représentants d’associations, établissements et organismes œuvrant notamment dans le domaine de la prévention, de la sécurité, de l’aide aux victimes, du logement, des transports collectifs, de l’action sociale ou délinquance après accord des responsables des organismes dont ils relèvent.
Les EPCI sans fiscalité propre (syndicats) sont, par définition, dépourvus de tout pouvoir en matière fiscale (pas de vote des taux). Leurs ressources sont constituées soit d’une contribution budgétaire (les communes allouent les ressources nécessaires au fonctionnement de l’EPCI), soit d’une contribution fiscalisée (des taux additionnels aux taxes directes locales calculés par l’administration, sur la base du produit voté par le syndicat, s’ajoutent aux taux votés par la commune).
Les maires, les présidents des EPCI ainsi que des personnes qualifiées peuvent être associées aux travaux du conseil en tant que de besoin et selon les spécificités locales.
Le CLSPD se réunit une fois par an, en formation plénière à l’initiative de son président ou de droit à la demande du préfet de département ou de la majorité de ses membres. Il se réunit en formation restreinte à la demande du préfet de département, en tant que de besoin. Il détermine les conditions de fonctionnement des groupes de travail et d’échange d’informations. Son secrétariat est assuré sous l’autorité de son président.
B. LE COMITÉ LOCAL DE SÉCURITÉ ET DE PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE
Au nom de la prévention de la délinquance, la tentation de lever les barrages au partage d’informations est grande. Le législateur prévoit des garanties pour éviter toute forme d’abus. Aussi, convient-il de distinguer les lieux où se déroulent ces échanges, puisqu’ils sont déterminants des règles qui s’y appliquent.
Dans le cadre de la stratégie nationale 2013-2017 pour le développement du partenariat dans le champ de la prévention de la délinquance et l’échange d’informations, le comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD) a sollicité la participation du Conseil supérieur du travail social (CSTS) (6) aux fins de participer au groupe de travail ayant pour priorité de « faciliter et sécuriser l’échange d’informations confidentielles au sein des groupes opérationnels des CLSPD, dans le respect de la loi et de la déontologie des différents acteurs ». Le CIPD a sollicité l’avis du CSTS à propos du projet de « Charte déontologique type pour l’échange d’informations » (7) ainsi que du « Guide méthodologique sur l’échange d’informations dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention de la délinquance » (8).
De novembre 2013 à mai 2014, ce groupe interministériel et interpartenarial a examiné les propositions de modifications du projet de canevas du guide méthodologique et de la charte-type pour l’échange d’informations au sein des CLSPD (9). Le CSTS a rendu un avis favorable pour l’ensemble de ces documents lors de sa séance plénière du 17 juillet 2014.
La charte déontologique figurant en annexe du guide méthodologique, établie et validée par les membres du CLSPD, constitue le socle des relations de confiance réciproque qui animent les partenaires et les professionnels locaux de la prévention, dans le respect des règles déontologiques qui s’imposent à eux. Le guide méthodologique contient des éléments de cadrage des échanges autorisés au sein des groupes de travail du CLSPD. Tout d’abord, il convient de bien distinguer l’échange d’informations dans le cadre de la protection de l’enfance (article L. 226-2-1 du CASF) (10) et celui qui relève de la loi de prévention de la délinquance (article L. 121-6-2 du CASF).
Notons aussi que le CSTS, dans son avis du 17 juillet 2014 (11), appelle de ses vœux à une implication institutionnelle afin que soient mis en place, des ateliers d’analyse de la pratique, des lieux de réflexion éthique, des appuis techniques pour apporter aux professionnels les moyens de se positionner lors des réunions du CLSPD.
Ce dernier peut se réunir dans le cadre de différentes formations prenant soit la forme de groupes de travail territoriaux ou thématiques, soit la forme d’une réunion plénière. La nature des informations susceptibles d’être échangées est fonction de la forme en cause.
Pour autant, et dans le cadre sus-indiqué, « il appartient à chaque travailleur social, comme à chaque participant au groupe de travail, de déterminer en conscience et au cas par cas si une information qu’il détient relève ou non du secret professionnel (attaché à une profession ou une mission) dont la révélation est sanctionnée par le code pénal » (12).
C. LES GROUPES TERRITORIAUX OU THÉMATIQUES
L’article L. 132-5 du code de la sécurité intérieure créé par la loi du 5 mars 2007 dispose que « le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance peut constituer en son sein un ou plusieurs groupes de travail et d’échange d’informations à vocation territoriale et thématique. Les faits et informations à caractère confidentiel échangés dans le cadre de ces groupes de travail ne peuvent être communiqués à des tiers. L’échange d’informations est réalisé selon les modalités prévues par un règlement intérieur établi par le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance sur la proposition des membres du groupe de travail ».
Les groupes de travail sont constitués par le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) en concertation avec les membres du CLSPD ou du CISPD. La composition de chaque groupe de travail et d’échange fait l’objet d’une liste nominative. Chaque membre représente son institution ou son service et doit, par ailleurs, donner son accord et disposer d’une légitimité pour évoquer des situations ainsi que d’une compétence pour apporter des propositions aux problèmes exposés. Les institutions représentées doivent également adhérer à la charte en la signant. Des personnes qualifiées ou toute autre personne peuvent, à titre exceptionnel, être conviées à participer à une réunion de travail, dès lors que leur audition est de nature à favoriser la compréhension d’une situation. Leur audition n’est possible qu’avec leur accord. Par ailleurs, elles sont soumises aux règles de confidentialité édictées par la charte. En revanche, elles ne participent pas au processus décisionnel. La charte rappelle que « les membres des groupes thématiques sont tenus par le secret professionnel, le devoir de réserve et/ou l’obligation de discrétion inhérents à leurs professions respectives ».
Le maire ou le président de l’EPCI fait appel à un animateur pour les travaux des groupes de travail qui prépare les réunions, fixe l’ordre du jour ou encore établit un relevé de conclusions.
L’animateur doit prendre toute les mesures de prudence et de sécurité qui s’imposent pour que les informations partagées en réunion soient inaccessibles à des tiers. Tout manquement au respect de la charte entraîne, de facto, une exclusion des travaux de groupe (13).
La constitution de traitements de données à caractère personnel, permettant le suivi des situations en direction des personnes ou des familles dans le cadre des groupes de travail, est soumise aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 modifiée dite « Informatique et Libertés » assurant une protection proportionnée de la vie privée et des libertés individuelles des personnes concernées au regard des finalités de ce suivi. Ces traitements sont constitués sous la responsabilité du maire et gérés par une personne délégataire garante du respect des dispositions de la loi « Informatique et Libertés » (14).
Le CSTS considère que la « Charte déontologique type pour l’échange d’informations dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance » (15) est une garantie nationale qui respecte l’éthique et les responsabilités professionnelles des travailleurs sociaux (16). Par conséquent, il l’approuve. Par ailleurs, il considère que l’autorisation unique de la CNIL encadre précisément le traitement des informations mais il s’inquiète de leur diffusion placée sous l’autorité du maire et du « besoin d’en connaître » les divers acteurs assurant le suivi de jeunes basculant dans la délinquance ou participant aux groupes de travail des CLSPD.
La notion de « faits et informations » à caractère confidentiel contenue dans l’article L. 132-5 susvisé est à distinguer de ce qui relèvent du secret au sens de l’article 226-13 du code pénal. Selon le guide méthodologique de juillet 2014, cette notion correspond à deux types d’échanges possibles en fonction du groupe de travail et des membres le composant :
- les faits et informations relatifs à l’ambiance locale, aux problématiques de terrain et à la mise en œuvre concrète d’actions partenariales correspondant à la thématique ou au territoire considéré ainsi qu’aux orientations décidées dans le cadre de la formation plénière ou restreinte du CLSPD ;
- les informations portant sur des situations individuelles, personnelles ou familiales afin notamment de s’assurer qu’elles font l’objet d’une prise en charge appropriée (mais sans entrer dans le détail des suivis notamment sociaux et/ou éducatif).
Pour le CSTS, « le confidentiel ne peut pas être défini précisément dans l’abstrait : c’est un ensemble subjectif qui se situe au-delà de ce qui est public ou évident, et qui s’étend à ce qui est banal, commun, jusqu’à ce qui est personnel, intime, privé, voire secret. Il comprend le nom et certaines caractéristiques administratives permettant d’identifier une personne. Le secret est une partie particulière du confidentiel qui se caractérise par l’intention de celui qui confie cette information précisément à quelqu’un pour qu’elle reste non révélée/partagée, ou par la gravité de l’information, dont la possession et la divulgation sont déterminantes pour l’existence et l’histoire d’une personne » (17). L’article 3 de la charte, « Nature des informations échangées et protection de la confidentialité », exclue expressément du champ de l’échange des faits et d’informations, les informations à caractère secret. « Ainsi, au sein de l’ensemble des informations à caractère confidentiel les informations à caractère secret sont bien distinguées » (18).
Toujours selon l’article 3 de la charte susvisée, il appartiendra au travailleur social participant au groupe de travail de déterminer en conscience, et au cas par cas, si l’information qu’il détient peut-être communiquée aux autres membres du groupe. Il est également du devoir des membres de veiller strictement à ne communiquer que des informations factuelles et sûres. Pour le CSTS, les informations recueillies par les travailleurs sociaux comprennent ce qu’ils ont constaté et enregistré objectivement mais aussi ce qu’ils ont compris, deviné et évalué dans le cadre d’une intervention dont la finalité d’aide ne doit pas être détournée. De plus, le travailleur social à qui a été confiée la fonction de confident nécessaire doit préserver la relation de confiance qu’il a établie au titre de sa mission. La responsabilité d’apprécier ce qui peut être échangé ou non parmi les informations confidentielles appartient au participant du groupe de travail du CLSPD, en lien avec son institution employeur. Puis, l’article 3 de la charte déontologique précise que, concernant les informations afférentes à des situations personnelles ou familiales, seules sont communiquées, au cours des réunions des groupes de travail, celles qui sont strictement nécessaires à la réflexion collégiale sur la problématique, à l’évaluation de la situation et à la recherche de solutions. Toute information non nécessaire à la compréhension ou à la résolution du problème doit, par conséquent, ne pas être exposée. Les échanges peuvent porter sur des situations collectives ou individuelles, l’information confidentielle n’ayant en tout état de cause pas vocation à être diffusée en dehors du groupe. L’article 3 indique par ailleurs qu’« un partage d’informations plus précises sur une situation individuelle (éléments de l’histoire personnelle ou familiale, détails du travail social et éducatif en cours, éléments sur les éventuelles procédures judiciaires en cours mettant en cause l’intéressé, etc.) est exclu à ce niveau et ne peut s’envisager que dans le cadre de l’article 8 de la loi du 5 mars 2007 (art. L. 121-6-2 du code de l’action sociale et des familles) ou au sein d’autres dispositifs distincts (notamment ceux du conseil départemental en matière de protection de l’enfance ou de l’autorité judiciaire en matière de suivi des mineurs multiréitérants) ».
L’échange permet aux membres des groupes de signaler les situations difficiles, personnelles ou familiales, dont ils ont connaissance au regard du risque de délinquance. L’objectif étant de s’assurer qu’il y a effectivement une prise en charge en cours. À défaut, il conviendra de rechercher le ou les acteurs les mieux à même d’intervenir. Si l’un des acteurs déjà saisi estime que la situation implique l’intervention d’un ou plusieurs autres acteurs, alors il pourra lui transmettre les informations situationnelles nécessaires à son intervention. Dans tous les cas, l’usager devra être informé de l’échange d’informations à caractère confidentiel le concernant.
Le règlement intérieur type de CLSPD annexé au guide méthodologique reprend le positionnement donné par le CSTS dans son avis de juillet 2014. En effet, son article 16 précise que « Les échanges d’informations dans le cadre de ces groupes de travail et d’échange d’informations à vocation territoriale ou thématique peuvent porter sur des faits et des informations à caractère confidentiel » (19).
Toujours selon le guide précité, « concrètement, les acteurs de prévention, au sein d’un groupe de travail et d’échange d’informations, peuvent évoquer le nom d’une famille, d’un mineur ou d’une personne, pour signaler sa situation particulière au regard du risque de délinquance, aux autres partenaires présents » (20). L’objectif est de s’assurer que le jeune, par exemple, bénéficie d’une prise en charge sociale ou éducative ou encore de permettre son inscription dans un parcours de réinsertion sociale ou professionnelle. En revanche, un partage d’informations plus précises sur une situation (éléments de l’histoire personnelle ou familiale, détail du travail social et éducatif en cours, éléments sur les éventuelles procédures judiciaires mettant en cause l’intéressé, etc.) n’est pas possible dans ce contexte et ne peut s’envisager que dans le cadre de l’article 8 de la loi du 5 mars 2007 (21).
Retenons également que le guide méthodologique précise que les personnes intéressées doivent être averties de l’échange d’informations à caractère confidentiel les concernant. Il appartient à l’animateur des travaux de veiller au respect de cette obligation (22).
D. MISE EN ŒUVRE DU PROGRAMME PRIORITAIRE À L’INTENTION DES JEUNES EXPOSÉS À LA DÉLINQUANCE
Le guide méthodologique contient des conseils pour la mise en œuvre du programme prioritaire à l’intention des jeunes exposés à la délinquance (23) et concernant les groupes d’échange d’informations à vocation territoriale ou thématique. Tout d’abord, il est précisé que le préalable à la mise en place d’une instance d’échange d’informations confidentielles réside dans la confiance mutuelle entre les partenaires concernés et le respect de la place et du rôle de chacun.
L’identification des jeunes exposés au risque de délinquance peut être le fait de différentes institutions et des organismes partenaires de la prévention de la délinquance. Les services de l’État (éducation nationale, justice, police/gendarmerie, jeunesse et sport), les services du conseil départemental et de l’action sociale, les communes, les missions locales, les points d’écoute jeunes, les équipes de prévention spécialisées, les structures de médiation sociale sont en mesure d’apporter des informations pertinentes pour mesurer le risque de basculement dans la délinquance. Pour autant, tous ces partenaires n’ont pas vocation à participer au groupe opérationnel d’échanges et d’informations confidentiels des CLSPD. Notons également que les dispositifs de droit commun (santé, insertion, éducation, parentalité...) restent mobilisables en priorité, dès lors que la problématique ne relève pas spécifiquement de la prévention de la délinquance.
L’objectif reste d’éviter que se réalise le risque de délinquance en apportant et en mobilisant tous les moyens nécessaires. Un suivi individualisé du jeune sera assuré par le groupe opérationnel. Un référent de parcours pourra être désigné pour la mise en place d’un projet d’insertion sociale et professionnelle. Le référent suit le jeune pendant la durée de son parcours pouvant aller de six mois à deux ans. Il met en place un suivi régulier et plus ou moins intensif (hebdomadaire, mensuel) en fonction des différentes phases de suivi du jeune, après avoir obtenu un accord exprès et formalisé des parents pour les mineurs.
Pour le CSTS, le référent de parcours mérite d’être choisi parmi les professionnels ayant déjà une relation éducative avec le jeune plutôt qu’une personne recrutée à cet effet.
Le guide contient des précisions sur le rôle du coordonnateur du CLSPD. Il a pour missions principales de :
- faire fonctionner les instances partenariales locales en matière de sécurité et de prévention de la délinquance. Il coordonne ainsi le CLSPD et la mise en œuvre de la stratégie territoriale de sécurité et de prévention de la délinquance ;
- animer le réseau partenarial à travers des groupes de travail de nature variée qui permettent de mobiliser les acteurs du territoire autour de thématiques, d’améliorer grâce au partage d’informations, dans le respect du cadre déontologique, les prises en charge des situations individuelles repérées ;
- impulser et d’évaluer des actions décidées dans le cadre de la stratégie territoriale ;
- accompagner techniquement les acteurs de terrain dans la mise en œuvre des priorités de la prévention de la délinquance.
Il a donc un rôle de conciliateur et de facilitateur du fait de son positionnement. À ce titre, il est le réceptacle de multiples informations, y compris à caractère individuel, provenant des différents acteurs concernés. Au plan local, la qualité du partenariat opérationnel dépend, en grande partie, de la légitimité du coordonnateur et sa capacité à mobiliser les différents acteurs concernés.
Pour le CSTS, le choix de cet intervenant (coordonnateur ou animateur) ayant un rôle d’encadrement déterminant pour la finalité des actions conduites et pour la qualité du travail effectué sous l’autorité du maire, doit faire l’objet d’une grande attention quant à sa qualification et à son expérience aux fins d’offrir des garanties aux jeunes en situation de vulnérabilité ou difficultés.
Relevons que le guide précise que, le plus souvent le coordonnateur dispose d’une formation initiale en droit ou dans le travail social, la politique de la ville ou l’animation complétée d’une expérience dans le domaine juridique, de la sécurité et de la prévention de la délinquance, de l’intervention sociale, de l’animation, de l’éducation ou encore de la politique de la ville.
E. RÉUNION EN FORMATION RESTREINTE OU PLÉNIÈRE DU CLSPD
Dans tous les cas, les informations échangées en formation plénière ou restreinte du CLSPD sont de nature générale (statistiques de la délinquance, description d’actions menées, de problématiques générales rencontrées, d’objectifs fixés...) et ne peuvent en aucune manière concerner des situations individuelles. L’article 6 du canevas de règlement intérieur type de CLSPD dispose que « pour les séances plénières du CLSPD, la loi ne prévoit pas d’exception aux règles habituelles de respect du secret professionnel » (24). Cette règle vaut également pour les séances restreintes.
F. LES CAS DE DIFFICULTÉS SOCIALES ÉDUCATIVES OU MATÉRIELLES AGGRAVÉES
La loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance accorde une importance toute particulière à la prévention fondée sur l’action sociale et éducative. Cette loi insère dans le code de l’action sociale et des familles, un article L. 121-6-2 qui prévoit, sous certaines conditions, une obligation d’informer le maire ou le président du conseil départemental lorsqu’une famille ou une personne connaît une aggravation de ses difficultés sociales, éducatives ou matérielles. Cette transmission ne tombe pas sous le coup de l’article 226-13 du code pénal qui sanctionne la violation du secret professionnel.
Les professionnels concernés par l’article L. 121-6-2 du code l’action et des familles sont ceux de l’action sociale telle qu’elle est définie par l’article L. 116-1 du même code. La circulaire du 9 mai 2007 (25) contient une liste indicative des professionnels concernés. Sont notamment visés :
- « Les travailleurs sociaux chargés de l’accompagnement ou du suivi des personnes ou familles en difficultés (en particulier, les assistants de services social, les éducateurs spécialisés, les conseillers en économies sociales et familiales, les techniciens de l’intervention sociale et familiales, les aides à domiciles et les assistants familiaux) ;
- les médiateurs sociaux en contact direct avec les personnes (par exemple, les agents locaux de médiation sociale, les agents de médiation sociale ou culturelle ou « femmes relais », les agents d’ambiance ou correspondant de nuit ;
- les autres professionnels de l’action sociale qui interviennent au service des familles, comme les assistants maternels, dont le rôle n’est pas d’assurer l’accompagnement ou le suivi des familles en difficulté, mais qui peuvent être amenés à connaître de situations difficiles ou à prendre en charge des enfants appartenant à ces familles, avec l’appui des services sociaux compétents » (26).
L’article L. 121-6-2 du même code précise que l’information du maire ou du président du conseil départemental est conditionnée par le constat d’une aggravation de la situation sociale, éducative ou matérielle de la personne ou la famille. Par conséquent, un élément subjectif entre en ligne de compte. Le professionnel doit constater ladite aggravation. Aussi, le texte l’oblige à saisir l’autorité administrative qu’à partir de ce constat. Ce qui, de toute évidence, donne une marge de manœuvre au professionnel. Enfin, l’aggravation constatée doit impliquer l’intervention de plusieurs professionnels pour tenter de répondre à la problématique de la personne ou de la famille.
Une fois que le maire est saisi dans les conditions ci-dessus décrites et que l’efficacité et la continuité de l’action sociale le rendent nécessaire, le maire désigne, s’il le juge utile, parmi les professionnels qui interviennent auprès d’une même personne ou famille, un coordonnateur.
Ceci dit, l’accord de l’autorité dont relève la personne pressentie est nécessaire. Dans tous les cas, le président du conseil départemental est consulté pour simple avis. Si l’ensemble des professionnels relèvent de l’autorité du président du conseil départemental, alors le maire désigne le coordonnateur sur proposition de celui-ci.
Le 4e alinéa de l’article L. 121-6-2 soumet le coordonnateur au secret professionnel, conformément aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. Puis, le texte, pose une exception du secret professionnel en autorisant les professionnels intervenant auprès d’une même personne ou famille « à partager entre eux des informations à caractère secret ». Ce partage vise exclusivement à évaluer la situation, à déterminer les mesures d’action sociale nécessaires et à les mettre en œuvre. Le coordonnateur a connaissance des informations transmises. Le législateur rappelle clairement la règle selon laquelle « le partage de ces informations est limité à ce qui est strictement nécessaire à l’accomplissement de la mission d’action sociale ». Il est à noter qu’il s’agit d’une faculté de partager et non pas d’une obligation.
Le professionnel qui intervient seul ou le coordonnateur sont autorisés à révéler au maire et au président du conseil départemental ou à leur représentant les informations confidentielles qui sont strictement nécessaires à l’exercice de leur compétence. Soulignons qu’il s’agit de révéler des informations confidentielles et non pas secrètes. Par ailleurs, ces deux autorités administratives en sont les seuls destinataires. Toute transmission à des tiers non habilités s’analyse comme une violation du secret professionnel. La circulaire du 9 mai 2007, toujours en vigueur, précise que « l’échange d’informations entre le professionnel, le maire et le président du conseil départemental peut faire l’objet d’une information préalable de la personne ou de la famille en difficulté concernée mais cet échange n’est pas rendu obligatoire par la loi puisqu’il s’inscrit dans la pratique professionnelle et relève de l’appréciation des circonstances par le professionnel » (27). Ajoutons que l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles prévoit, en son 3°, qu’une prise en charge et un accompagnement individualisé doivent « systématiquement être recherché(s) lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. À défaut, le consentement de son représentant légal doit être recherché ».
Enfin, et dans le cadre de la protection de l’enfance, le professionnel qui intervient seul ou le coordonnateur sont tenus de saisir le président du conseil départemental si un mineur est en danger ou en risque de l’être.
(1)
Code de la sécurité intérieur, art. L. 132-1 à L. 132-7 et D. 132-7 à D. 132-10. Les CLSPD ont été créés par décret n° 2002-999 du 17 juillet 2002, JORF n° 166 du 18 juillet 2002, p. 12 256. Ils remplacent les conseils communaux de prévention de la délinquance (CCPD) créés par le décret n° 83-459 du 8 juin 1983, JORF du 9 juin 1983, p. 1 727.
(2)
Code de la sécurité intérieure, art. L. 132-4.
(3)
Code de la sécurité intérieure, art. D. 132-7.
(4)
Décret n° 2016-553 du 6 mai 2016 portant modifications des dispositions relatives à la prévention de la délinquance, JORF n° 0106 du 7 mai 2016.
(5)
Il existe des EPCI sans fiscalité propre comme les syndicats de communes. Ces derniers sont dépourvus de tout pouvoir en matière fiscale (pas de vote de taux). Leurs ressources sont constituées soit d’une contribution budgétaire allouée par les communes, soit d’une contribution fiscalisée.
(6)
Plus particulièrement de la commission du CSTS « Éthique et déontologie ».
(7)
« Charte déontologique type pour l’échange d’informations dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance », 2014. La première charte a été élaborée en 2010. Il s’agit donc d’une réactualisation visant à apporter des clarifications juridiques et à donner des gages déontologiques de nature à rassurer les professionnels du champ social et à lever leurs réticences à participer aux CLSPD.
(8)
« Guide méthodologique sur l’échange d’informations dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention de la délinquance », Secrétariat général du CIPD, juillet 2014.
(9)
La première charte déontologique type pour l’échange d’informations n’était qu’un document de référence non contraignant. À l’inverse, celle qui a été adoptée en 2014 a une valeur contraignante et une portée nationale. En effet, les chartes locales de déontologie qui doivent être adoptées par le CLSPD doivent strictement respecter les dispositions de la charte déontologique type.
(10)
Se reporter au B, §3, section 1 du chapitre 2.
(11)
« Guide méthodologique sur l’échange d’informations dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention de la délinquance », Secrétariat général du CIPD, juillet 2014, Annexe 4, avis CST, « L’échange d’informations et le partenariat dans le cadre de la prévention de la délinquance », adopté en séance plénière du 17 juillet 2014.
(12)
Ibid, Annexe 4, avis CST du 17 juillet 2014, 1b.
(13)
Articles 6 et 8 de la charte déontologique type de 2014, précitée.
(14)
Article 9 de la charte déontologique type de 2014, précitée. Voir également la délibération de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) portant autorisation unique concernant les traitements de données relatifs aux personnes faisant l’objet de suivi par le maire dans le cadre de ses missions de prévention de la délinquance (délibération n° 2014-262). Cette délibération constitue l’annexe 3 du « Guide méthodologique sur l’échange d’informations dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention de la délinquance », secrétariat général du CIPD, juillet 2014.
(15)
« Charte déontologique type pour l’échange d’informations dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance », 2014.
(16)
Avis CST sur l’échange d’informations et le partenariat dans le cadre de la prévention de la délinquance, adopté en séance plénière du 17 juillet 2014.
(17)
Avis CSTS, 17 juillet 2014 p. 2-3, précité.
(18)
Avis CSTS, 17 juillet 2014, p. 2, précité.
(19)
« Guide méthodologique sur l’échange d’informations dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention de la délinquance », secrétariat général du CIPD, juillet 2014, annexe 2 « Proposition de canevas de règlement intérieur type de CLSPD ».
(20)
Ibid, p. 7, point 1.1.3.
(21)
CASF, art. L. 121-6-2.
(22)
« Guide méthodologique sur l’échange d’informations dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention de la délinquance », secrétariat général du CIPD, juillet 2014, p. 7, point 1.1.4.
(23)
« Programme à destination de jeunes sortis du système scolaire sans qualification, sans solution d’insertion et généralement très éloignés de l’emploi », ibid, II, p. 9 et suivantes.
(24)
Annexe 2 du Guide méthodologique sur l’échange d’informations dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention de la délinquance, Secrétariat général du CIPD, juillet 2014.
(25)
Circulaire N° NOR INT/07/00061/C du 9 mai 2007, application des articles 8 à 10 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
(26)
Ibid.
(27)
Circulaire n° NOR INT/K/07/00061/C du 9 mai 2007 prise en application des articles 8 à 10 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.