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Dispositions du code de l’action sociale et des familles

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Le code de l’action sociale et des familles est de loin celui qui contient le nombre le plus important d’obligations de signalement. Par ailleurs, les acteurs tenus de procéder à ces signalements sont nombreux. En même temps, cela permet de mieux saisir les cohérences qui existent entre les différents dispositifs, malgré la complexité inhérente à l’ensemble.


A. LES OBLIGATIONS DE SIGNALEMENT DES MALTRAITANCES DANS LES ÉTABLISSEMENTS SOCIAUX ET MÉDICO-SOCIAUX ET LES LIEUX DE VIE ET D’ACCUEIL

En 1987, le Conseil de l’Europe a défini la maltraitance comme une violence se caractérisant « par tout acte ou omission commis par une personne, s’il porte atteinte à la vie, à l’intégrité corporelle ou psychique ou à la liberté d’une autre personne ou compromet gravement le développement de sa personnalité et/ou nuit à sa sécurité financière » (1).
En 1992, le Conseil a complété cette définition par une typologie des actes de maltraitance :
  • violences physiques : coups, brûlures, ligotages, soins brusques sans information ou préparation, non-satisfaction de demandes pour des besoins physiologiques, violences sexuelles, meurtres (dont euthanasie...) ;
  • violences psychiques ou morales : langage irrespectueux ou dévalorisant, absence de considération, chantage, abus d’autorité, comportement d’infantilisation, non-respect de l’intimité, injonctions paradoxales... ;
  • violences matérielles et financières : vols, exigence de pourboires, escroqueries diverses, locaux inadaptés... ;
  • violences médicales ou médicamenteuses : manque de soins de base, non-information sur les traitements ou les soins, abus de traitements sédatifs ou neuroleptiques, défaut de soins de rééducation, non prise en compte de la douleur... ;
  • négligences actives : toutes formes de sévices, abus, abandons, manquements pratiqués avec la conscience de nuire ;
  • négligences passives : négligences relevant de l’ignorance, de l’inattention de l’entourage ;
  • privation ou violation de droits : limitation de la liberté de la personne, privation de l’exercice des droits civiques, d’une pratique religieuse (2)...
Aujourd’hui, nul n’est en mesure d’évaluer quantitativement l’ampleur du phénomène (3). La seule certitude réside dans son existence et dans une volonté affichée des pouvoirs publics de lutter contre ce fait social, mais aussi de le prévenir. Pour assurer une plus grande cohérence de l’action menée, le bureau de la protection des personnes de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a été chargé du suivi de dispositifs transversaux relatifs :
  • au traitement des signalements de violences en institution accueillant des adultes ou des mineurs ;
  • aux contrôles des structures sociales et médico-sociales accueillant des adultes ou des mineurs) ;
  • à la mise en place dans ce domaine d’un système d’information.
La loi du 28 décembre 2015 d’adaptation de la société au vieillissement dite « loi ASV » instaure une obligation de signalement des maltraitances à l’égard de l’ensemble des établissements sociaux et médico-sociaux (ESSMS) et lieux de vie et d’accueil (LVA).
Désormais, l’article L. 331-8-1 du code de l’action sociale et des familles dispose que les ESSMS et LVA sont tenus d’informer sans délai les autorités administratives compétentes pour leur délivrer l’autorisation ou pour recevoir leur déclaration (4) de « tout dysfonctionnement grave dans leur gestion ou leur organisation susceptible d’affecter la prise en charge des usagers, leur accompagnement ou le respect de leurs droits et de tout événement ayant pour effet de menacer ou de compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes prises en charge ou accompagnées ».
Les modalités pratiques relatives à cette obligation de signalement sont définies par un décret du 21 décembre 2016 codifié aux articles R. 331-8 à R. 331-10 du code précité. Selon ce décret, il appartient au « directeur de l’établissement, du service, du lieu de vie ou d’accueil ou, à défaut, le responsable de la structure » de transmettre, sans délai et par tout moyen, à l’autorité administrative compétente le signalement. Lorsque la transmission a été faite oralement, elle doit faire l’objet d’une confirmation écrite soit par mail, soit par courrier postal dans les 48 heures. En cas d’événement indésirable grave associé à des soins, la déclaration au directeur général de l’agence régionale de santé vaut information à cette autorité au titre de l’article L. 331-8-1 du code de l’action sociale et des familles. Lorsque la structure concernée par l’événement relève d’une autre autorité administrative compétente, le directeur de la structure, à défaut le responsable de la structure, doit l’en informer.
Dans tous les cas, l’information transmise ne doit contenir aucune donnée nominative et garantir l’anonymat des personnes accueillies et du personnel.
Un arrêté viendra préciser la nature des dysfonctionnements et événements dont les autorités administratives doivent être informées ainsi que le contenu et notamment la nature du dysfonctionnement ou de l’événement. Les circonstances de sa survenue, ses conséquences ainsi que les mesures immédiates prises et les dispositions envisagées pour y mettre un terme sont également à transmettre.
Enfin, le conseil de la vie sociale ou, le cas échéant, les groupes d’expression sont informés des dysfonctionnements et événements qui affectent l’organisation ou l’activité de la structure, ainsi que des dispositions prises ou envisagées par celle-ci pour remédier à la situation et éviter qu’elle ne se reproduise.
L’obligation de signalement prévue par l’article L. 331-8-1 susvisé ne fait pas obstacle à l’application d’autres dispositions législatives prévoyant des obligations déclaratives ou de signalement et, le cas échéant, du rapport à l’autorité judiciaire.
À noter : Le législateur protège les salariés (secteur privé) et agents (secteur public) lorsqu’ils témoignent ou relatent des faits de mauvais traitements infligés à des personnes accueillies. Par conséquent, toute mesure visant à prononcer une sanction ou à empêcher une promotion professionnelle, notamment, est considérée, de facto, comme nulle et non avenue (5).
Le législateur a voulu assurer une protection légale aux salariés ou agents prenant la responsabilité d’un signalement. Ainsi, le code de l’action sociale et des familles fait notamment état de la protection et de son étendue pour les personnes susvisées. Au fond, ils sont, et de loin, les mieux placés pour rendre publiques des situations qui peuvent se dérouler dans l’intimité des institutions.


B. L’OBLIGATION DE SIGNALEMENT SPÉCIFIQUE À LA PROTECTION DE L’ENFANCE

L’article L. 221-6 du code de l’action sociale et des familles impose aux professionnels qui interviennent dans le champ de la protection de l’enfance, c’est-à-dire ceux participant aux missions de l’aide sociale à l’enfance, « de transmettre sans délai au président du conseil départemental ou au responsable désigné par lui toute information nécessaire pour déterminer les mesures dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier. Il s’agit, notamment, de toute information relative à la protection des mineurs en danger et au recueil des informations préoccupantes.
Cette obligation de transmission a été étendue par le législateur du 5 mars 2007 (6) à l’ensemble des professionnels de l’action sociale. L’article L. 121-6-2, in fine, du code de l’action sociale et des familles dispose désormais que « lorsqu’il apparaît qu’un mineur est susceptible d’être en danger au sens de l’article 375 du code civil, le coordonnateur ou le professionnel de l’action sociale intervenant seul dans les conditions prévues au premier alinéa du premier article en informe sans délai le président du conseil départemental ; le maire est informé de cette transmission ».
Un décret du 7 novembre 2013 (7) définit l’information préoccupante comme « une information transmise à la cellule départementale mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 pour alerter le président du conseil départemental sur la situation d’un mineur, bénéficiant ou non d’un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risque de l’être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l’être. La finalité de cette transmission est d’évaluer la situation d’un mineur et de déterminer les actions de protection et d’aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier ».


I. L’obligation des professionnels à l’égard du président du conseil départemental

Selon les termes de l’article L. 226-2-1 du code de l’action sociale et des familles, les personnes qui mettent en œuvre la politique de protection de l’enfance ainsi que celles qui lui apportent leur concours (8) transmettent sans délai au président du conseil départemental ou au responsable désigné par lui toute information préoccupante sur un mineur en danger ou risquant de l’être. Cette transmission a pour but de permettre d’évaluer la situation du mineur et de déterminer les actions de protection et d’aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. Le père, la mère, toute autre personne exerçant l’autorité parentale ou le tuteur sont préalablement informés de cette transmission, selon des modalités adaptées, sauf intérêt contraire de l’enfant. Il appartient aux professionnels d’apprécier si l’information des parents ou titulaires de l’autorité parentale est susceptible de constituer un risque de danger physique ou psychologique pour l’enfant. Tout cela dépend de la situation concrète dans laquelle se trouvent le mineur et sa famille. En particulier, lorsqu’il s’agit d’affaires de maltraitance grave sur enfant, la prudence semble s’imposer.
Ajoutons enfin que la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ajoute une hypothèse dans laquelle les professionnels sont tenus à une obligation de signalement. Lorsqu’un professionnel de l’action sociale constate que l’aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d’une personne ou d’une famille appelle l’intervention de plusieurs professionnels, il en informe le maire de la commune de résidence et le président du conseil départemental (9).


II. L’obligation du président du conseil départemental à l’égard du procureur de la République

Selon les termes de l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles, le président du conseil départemental (PCD) avise sans délai le procureur de la République (PR) lorsqu’un mineur est en danger au sens de l’article 375 du code civil dans le cadre des trois situations visées ci-après :
  • Le mineur a déjà fait l’objet d’une ou plusieurs actions qui n’ont pas permis de remédier à la situation (10).
  • Bien que n’ayant fait l’objet d’aucune des actions mentionnées ci-dessus, celles-ci ne peuvent être mises en place en raison du refus de la famille d’accepter l’intervention du service de l’aide sociale à l’enfance ou de l’impossibilité dans laquelle elle se trouve de collaborer avec ce service.
  • Le président du conseil départemental avise également sans délai le procureur de la République lorsqu’un mineur est présumé être en situation de danger au sens de l’article 375 du code civil mais qu’il est impossible d’évaluer cette situation.
Le président du conseil départemental fait connaître au procureur de la République les actions déjà menées, le cas échéant, auprès du mineur et de la famille intéressés.
Le procureur de la République informe dans les meilleurs délais le président du conseil départemental des suites qui ont été données à sa saisine.
Dans le cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil départemental, il s’assure que la situation entre dans le champ d’application de l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles.
Ce système de renvoi réciproque entre le code de l’action sociale et des familles et le code civil (11) marque le lien entre la protection administrative et la protection judiciaire de l’enfance. En principe, le dispositif de protection administrative ne doit jouer que lorsque l’enfant est en risque de danger. En revanche, lorsque la situation est avérée ou que des présomptions fortes de maltraitance existent, il y a basculement vers la protection judiciaire. Il en sera de même si la situation est impossible à évaluer du fait d’un refus opposé par les parents ou les titulaires de l’autorité parentale aux services sociaux. En général, lorsque la protection judiciaire est déclenchée, des présomptions d’infraction à l’encontre du mineur pèsent sur une ou plusieurs personnes. Rappelons que, dans la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance, la protection judiciaire ne doit être déclenchée qu’à titre subsidiaire c’est-à-dire lorsque toutes les possibilités de protection administrative ont été épuisées.
Selon le dernier alinéa de l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles, toute personne travaillant dans les services publics ainsi que dans des établissements publics ou privés susceptibles de connaître des situations de mineurs en danger ou qui risquent de l’être participent, de facto, au dispositif de protection de l’enfance. Aussi, lorsque l’un de ces professionnels avise directement le procureur de la République de la gravité de la situation d’un mineur en danger, il est également tenu d’adresser une copie de cette transmission au président du conseil départemental. Dans l’hypothèse où le procureur a été avisé par une autre personne, il transmet au président du conseil départemental les informations qui sont nécessaires à l’accomplissement de la mission de protection de l’enfance confiée à ce dernier et il informe cette personne des suites réservées à son signalement.


III. L’obligation du président du conseil départemental à l’égard du représentant de l’État dans le département

La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant (12) précise que le président du conseil départemental informe sans délai le représentant de l’État dans le département de tout événement survenu dans un établissement ou service qu’il autorise, dès lors qu’il est de nature à compromettre la santé, la sécurité, l’intégrité ou le bien-être physique ou moral des enfants accueillis (13).


IV. L’obligation du président du conseil départemental à l’égard de l’observatoire départemental de protection de l’enfance

Il existe dans chaque département un observatoire départemental de la protection de l’enfance (14) dont l’une des missions consiste à recueillir et analyser des données relatives à l’enfance en danger dans le département, au regard notamment des informations anonymes transmises par les cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP). Ces données sont ensuite adressées par chaque département à l’Observatoire national de l’enfance de la protection de l’enfance.
La transmission d’informations sous forme anonyme aux observatoires départementaux de protection de l’enfance et à l’Observatoire national de la protection de l’enfance a été modifiée et mise en place par un décret du 28 février 2011 (15). Ce décret prévoit que les présidents des conseils départementaux transmettent des informations aux observatoires départementaux (ODPE) et au Conseil national de la protection de l’enfance (ONPE) (16) après leur anonymisation réalisée par un procédé de cryptage informatique irréversible garantissant l’anonymat du mineur, de ses responsables légaux et de toute autre personne ayant à connaître la situation.
La liste des informations anonymisées à transmettre fait l’objet de l’annexe 2-8 du CASF (17). Cette dernière les classe en neuf rubriques titrées. On y trouve notamment des informations initiales sur la situation de danger ou risque de danger du mineur/majeur, des informations concernant le cadre de vie social et familial du mineur/majeur ou encore des informations sur les décisions, mesures et interventions en protection de l’enfance.
Selon les termes de l’alinéa 2 de l’article D. 226-3-1 du code de l’action sociale et des familles, cette transmission vise deux objectifs distincts. D’une part, mieux connaître la population des enfants en danger et l’activité des CRIP et des services de protection de l’enfance. D’autre part, faciliter l’analyse et la cohérence de la politique départementale de la protection de l’enfance.


V. L’obligation de transmission d’informations entre départements

Cette transmission est définie à l’article L. 221-3 du code de l’action sociale et des familles (18). Lorsqu’une famille bénéficiaire d’une prestation d’aide sociale à l’enfance, hors aide financière, ou d’une mesure judiciaire de protection de l’enfance, change de département à l’occasion d’un changement de domicile, le président du conseil du département d’origine en informe le président du conseil du département d’accueil et lui transmet, pour l’accomplissement de ses missions, les informations relatives au mineur et à la famille concernés.
Il en va de même lorsque la famille est visée par une information préoccupante en cours de traitement ou d’évaluation. Le président du conseil du département d’origine peut saisir la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) et les caisses d’allocations familiales (CAF) compétentes pour obtenir la nouvelle adresse de la famille afin de s’acquitter de son obligation de transmission telles que définie par l’article L. 221-3 du code de l’action sociale et des familles.
La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance (19) renforce à trois niveaux les procédures de transmission d’informations. Tout d’abord, elle précise que pour l’accomplissement de sa mission de protection de l’enfance, le président du conseil départemental peut demander au président du conseil départemental d’un autre département des renseignements relatifs à un mineur et à sa famille. À condition toutefois que ce mineur ait fait l’objet par le passé, au titre de la protection de l’enfance, d’une information préoccupante, d’un signalement ou d’une prise en charge dans cet autre département. Le président du conseil départemental ainsi saisi doit transmettre les informations demandées.
La loi du 14 mars 2016 définit précisément les trois conditions à réunir pour que la transmission soit possible :
  • le mineur doit faire l’objet d’une information préoccupante en cours d’évaluation ou de traitement ;
  • sa famille doit être bénéficiaire d’une prestation d’aide sociale à l’enfance, hors aide financière, ou d’une mesure judiciaire de protection de l’enfance ;
  • le président du conseil départemental doit considérer que le mineur est en danger ou en risque de l’être.
Lorsque ces trois conditions sont réunies, la CPAM comme les CAF sollicitées ont un délai de dix jours pour transmettre l’information à compter de la réception de la demande et dans le respect du secret professionnel (article L. 226-3-2 alinéa 2). Pour finir, le président du conseil départemental doit alors transmettre sans délai au président du conseil départemental demandeur l’adresse de la famille et les informations qu’il détient à son sujet.
Enfin, la loi du 14 mars 2016 ajoute que le service de l’aide sociale à l’enfance doit répondre, dans les meilleurs délais, aux demandes de coopérations-transmises par une autorité centrale ou une autre autorité compétente fondée sur le règlement européen du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. Le règlement précité vise des situations impliquant le placement d’enfants ayant un parent français à l’étranger et la sollicitation, par les autorités du pays où vit l’enfant, des services de l’aide sociale à l’enfance. Il s’agit, en définitive, d’un aspect de la mise en œuvre des engagements internationaux de la France en matière de responsabilité parentale et de protection de l’enfant qui crée, ipso facto, des obligations à l’égard des services de l’aide sociale à l’enfance.
Les modalités de cette transmission d’informations sont définies par décret en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (20).


VI. L’obligation de transmission d’informations par l’autorité judiciaire à l’autorité administrative

Un décret d’application du 18 mai 2016 (21) de la loi du 14 avril 2016 relative à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs (22) fixe la liste des professions ou activités concernées par cette obligation de transmission. L’article 3 du décret du 18 mai 2016, codifié à l’article D. 47-9-1 du code de procédure pénale, établit un tableau, ci-après reproduit, dans lequel figurent dans une première colonne les « Professions ou activités concernées » et dans la seconde les « Administrations devant être informées » par le ministère public.
Selon les termes du décret du 18 mai 2016 (23), l’information de l’autorité administrative par l’autorité judiciaire est donnée par le procureur de la République. En revanche, s’il y a mise en examen décidée par la chambre de l’instruction ou condamnation prononcée par la cour d’appel, l’information est donnée par le procureur général ou, sur instruction de ce dernier, par le procureur de la République.
Il est précisé par ailleurs, dans le décret susvisé, que le document écrit contenant l’information porte sur l’identité et l’adresse de la personne, la nature de la décision judiciaire la concernant, la qualification juridique détaillée des faits reprochés, leur date et lieu de commission, et leur description sommaire, la nature et le lieu d’exercice de l’activité professionnelle ou sociale ayant justifié la transmission de l’information à l’administration ou à l’autorité compétente et le nom de l’employeur. Si l’information porte sur une condamnation, même non définitive, le ministère public adresse soit la copie de la décision, soit un avis de condamnation qui comporte l’ensemble des informations sus-énumérées et le dispositif de la décision. De plus, il est précisé si le délai de recours contre la décision n’est pas expiré, si un recours a été exercé ou si la décision est définitive. Par ailleurs, si l’administration ou l’autorité compétente le demande, la transmission d’une copie de la décision de condamnation est de droit.
Afin de permettre à l’autorité administrative de prendre les décisions relevant de sa compétence, une copie de tout ou partie des pièces de la procédure peut être adressée par l’autorité judiciaire à l’administration soit d’office, soit sur sa demande. Ainsi, les pièces de la procédure susvisée peuvent être transmises en cas de condamnation, même non définitive, de saisine d’une juridiction par le parquet ou le juge d’instruction ou de mise en examen.
Le décret du 18 mai 2016 (24) précise également que le ministère public doit informer la personne concernée de sa décision de transmission et des formes qu’elle doit revêtir selon qu’il s’agit d’une poursuite (mention dans la citation directe...), d’une mise en examen (mention dans le procès-verbal de première comparution...) ou d’une condamnation (information verbale...).
Lorsque le ministère public notifie à l’administration une décision définitive de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, il doit rappeler à l’administration l’obligation de supprimer du dossier de l’intéressé les éléments d’informations déjà transmis, sauf si est intervenue une décision prononçant une sanction légalement fondée sur ces éléments. Quel que soit le support contenant l’information, l’obligation de destruction s’applique. L’administration doit informer par écrit l’intéressé de la destruction ou de l’effacement des informations qu’elle détient.
Enfin, lorsqu’une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale, un établissement d’enseignement du second degré ou un service de l’éducation nationale employant une personne exerçant dans une école prend à l’encontre de ladite personne une décision de suspension de fonction à titre conservatoire ou une mesure disciplinaire après information par le ministère public, elle informe le recteur et le vice-recteur. Lorsque l’information transmise au directeur général de l’agence régionale de santé concerne un personnel de l’éducation nationale, il en informe le recteur et le vice-recteur (25).


VII. L’obligation de transmission d’informations par l’autorité judiciaire aux responsables d’établissements scolaires

Le 28 juin 2013, la cour d’assises des mineurs de Haute-Loire (26) a condamné un jeune homme de 19 ans, Matthieu, pour le viol et l’assassinat en 2011 d’une mineure âgée de 13 ans et pour celui d’une autre mineure âgée de 16 ans, un an plus tôt. Dans cette affaire, il était reproché à la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) de ne pas avoir transmis à l’établissement scolaire d’accueil de l’auteur des faits d’informations concernant sa situation pénale.
Suite à cette affaire et avant la condamnation de l’auteur par la cour d’assises, la loi du 27 mars 2012 relative à l’exécution des peines (27) a été adoptée. Elle prévoit des transmissions d’informations entre l’autorité judiciaire et les responsables d’établissements scolaires. En effet, l’article 6 de la loi a inséré dans le code de procédure pénale un article 138-2 relatif au contrôle judiciaire (mais par nature également applicable à l’assignation à résidence sous surveillance électronique) et un article 712-22-1 applicable à toutes les personnes condamnées placées sous le contrôle du juge de l’application des peines ou du juge des enfants s’agissant des mineurs. Il est désormais prévu que, pour certaines infractions, l’autorité judiciaire est tenue de transmettre aux autorités scolaires une copie des décisions de placement sous contrôle judiciaire, de condamnation, d’aménagement de peine, de surveillance judiciaire ou de surveillance de sûreté. Ces dispositions ayant pour objet de permettre un partage d’informations susceptible de prévenir la commission de nouvelles infractions.
Les infractions pour lesquelles l’information doit être transmise, que la personne poursuivie ou condamnée soit mineure ou majeure, sont, notamment, les suivantes :
  • crime, quelle que soit sa nature ;
  • agression sexuelle, atteinte sexuelle sur mineur, proxénétisme à l’égard d’un mineur, recours à la prostitution d’un mineur (28).
Les destinataires de l’information sont, d’une part, l’autorité académique (directeur académique des services de l’éducation nationale), et d’autre part, le directeur d’école ou chef d’établissement concerné. Une circulaire du 14 mars 2012 précise que les personnes à qui ont été transmises les informations ne peuvent en faire état qu’aux personnels qui sont responsables de la sécurité et de l’ordre dans l’établissement (29). Sont concernés les personnels de direction et les conseillers principaux d’éducation ; le cas échéant, dans les structures assurant l’hébergement des élèves, les personnels sociaux et de santé tenus au secret professionnel chargés du suivi des élèves. Par conséquent, il est interdit de communiquer des renseignements aux enseignants, aux parents d’élèves et aux élèves.
La circulaire du 14 mai 2012 expose à ce titre : « Le partage d’informations prévu par la loi a évidemment pour objet de permettre aux autorités scolaires de mieux apprécier le comportement de la personne au regard des éventuels risques de renouvellement de l’infraction et d’en tirer les conséquences dans le cadre de leurs attributions (par exemple à l’occasion de poursuites disciplinaires ou pour l’affectation d’un mineur dans un établissement). Il est donc souhaitable que ces autorités disposent d’une connaissance relativement précise des faits reprochés ou ayant donné lieu à condamnation. Dans la mesure où la simple qualification juridique des faits figurant dans la décision judiciaire qui leur a été transmise ne permettra pas, le plus souvent, une connaissance suffisante de ces faits, il n’y aurait que des avantages, notamment dans les cas les plus graves, à ce que le magistrat contacte verbalement ces autorités, ou autorise les personnes chargées du suivi de la personne, contrôleurs judiciaires ou agents du service pénitentiaire d’insertion ou de probation ou du service de protection judiciaire de la jeunesse, à le faire ».
Ajoutons enfin que les personnes à qui des décisions ont été transmises dans ce cadre ne peuvent pas communiquer ces décisions ou leur contenu à des personnes non habilitées. Le cas échéant, ils encourent une peine d’amende de 3 750 euros (30), sans préjudice des peines prévues pour violation du secret professionnel (31) à savoir un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.


VIII. L’obligation de transmission d’informations au juge mandant

Les situations dans lesquelles les professionnels de l’action sociale peuvent être sollicités par la justice (juge, tribunal, procureur) sont nombreuses et variées. Malgré cette diversité, elles ont toutes pour point commun de rendre le secret professionnel inopposable à l’autorité judiciaire qui a délivré le mandat.
L’inopposabilité du secret ne joue qu’à l’égard du juge ayant pris l’ordonnance d’une part, et qu’à l’égard des faits concernant la mission visée par l’ordonnance d’autre part.
L’affaire Montjoie correspond à la situation type de professionnels qui n’ont pas pris réellement conscience du fait que l’ordonnance du juge leur fixe une obligation de rendre des comptes et les oblige à signaler sans délai tout incident en lien avec la mise en œuvre de l’ordonnance. Dans son arrêt du 8 octobre 1997, la Cour de cassation va confirmer la position de la cour d’appel dans des termes particulièrement clairs et précis. « Qu’en effet, le secret professionnel imposé aux membres d’un service éducatif sur la situation d’un mineur confié à celui-ci par le juge des enfants est inopposable à cette autorité judiciaire, à laquelle ils sont tenus de rendre compte de son évolution et notamment de tous mauvais traitements... (32) »
Nous entendons par « information », tout type de renseignement acquis directement ou indirectement par un professionnel du champ médical, paramédical, social, médico-social ou psychologique à propos d’un usager ou d’un patient relevant de l’établissement ou du service. Cette information peut également concerner l’entourage, familial ou non, de la personne concernée. Par ailleurs, il peut s’agir d’une information nominative, anonyme, couverte ou non par le secret professionnel.
Pour le Conseil supérieur du travail social (CSTS) (33), le partage d’informations vise à mieux comprendre les situations et les problèmes, mais aussi à produire une décision en connaissance de cause. Il est « ... un enjeu essentiel tant dans sa pertinence et sa validité (qualité et référence de la source, objectivation du contenu, affinement de l’analyse) que dans sa finalité éthique et sociale. La philosophie du partage n’est donc jamais neutre. Elle interroge en permanence le positionnement entre une attitude à orientation démocratique, ayant le souci de créer un espace collaboratif, de participer au dialogue social, de favoriser avec d’autres de meilleures actions et interventions sociales dans l’intérêt et le respect des usagers, et l’injonction de “tout dire, tout dévoiler” qui est contraire au droit et sans considération et respect de la finalité de la pratique professionnelle » (34).
Dans l’action sociale, révéler une information peut s’avérer nécessaire soit pour permettre une meilleure prise en charge, soit pour protéger un usager parfois même malgré lui. Mais l’information peut également servir d’autres causes comme la prévention ou encore le contrôle.
Rappelons que la finalité du travail social est l’aide à toutes personnes, fondée sur leur respect et leur dignité (35). Si le secret professionnel postule de se taire, il ne doit pas être un frein aux missions de personnalisation des prises en charge et, a fortiori, de protection des personnes. Le partage d’informations est un impératif professionnel, mais il ne peut se dérouler que dans un cadre précis et dans le seul intérêt de l’usager.


(1)
Conseil de l’Europe, commission « Violence au sein de la famille », 1987.




(3)
Éléments qualitatifs produits par ALMA (Allo maltraitance personnes âgées). Dans 70 % des cas, il s’agit de maltraitance à domicile et dans 30 % des cas de maltraitance en établissement. Dans les deux cas, les victimes sont majoritairement des femmes (70 % des cas) âgées de plus de 80 ans (respectivement dans 73 % et 67 % des cas). Les maltraitances au domicile sont d’ordre psychologique alors qu’en établissements elles consistent en des négligences. Les auteurs présumés sont dans 73 % des cas de violence à domicile membres de la famille. En établissement, les auteurs sont des membres du personnel dans 65 % des cas appartenant au personnel soignant dans 41 % des cas (source : www.social-santé.gouv.fr).


(4)
Il s’agira du président du conseil départemental, agence régionale de santé, représentant de l’État dans le département.


(5)
Article L. 313-24 du code de l’action sociale et des familles.


(6)
Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, JORF n° 0056 du 7 mars 2007, page 4 297.


(7)
Décret 2013-997 du 7 novembre 2013 relatif à l’organisation de la transmission d’informations entre départements et application de l’article L.221-3 du code de l’action sociale et des familles.


(8)
Il s’agit principalement des services publics (ASE, PJJ, Éducation nationale...), des établissements publics ou privés (secteur associatif habilité notamment) susceptibles de connaître des situations de mineurs en danger ou qui risquent de l’être, participant au dispositif départemental de protection de l’enfance.


(9)
Article L. 121-6-2 du code de l’action sociale et des familles.


(10)
Il s’agit d’actions d’aide à domicile, d’accueil de jour, ou d’accueil administratif provisoire.


(11)
L’article L. 226-4 du CASF renvoie au code civil qui lui-même, dans son article 375, renvoie au CASF.


(12)
Loi n° 2016-297 relative à la protection de l’enfance, JORF n° 0056, page 4297.


(13)
Article L. 313-13 du code de l’action sociale et des familles.


(14)
Article L. 226-3-1 du code de l’action sociale et des familles.


(15)
Décret n° 2011-222 du 28 février 2011, JORF n° 0050 du 1er mars 2011, page 3766, codifié aux articles D. 226-3-1 à D. 226-3-7 du CASF.


(16)
L’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) remplace l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED) depuis la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance. L’ONPE et le service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger (SNATEM) constituent les deux piliers du groupement d’intérêt public « Enfance en danger ».


(17)
Décret n° 2016-1966 du 28 décembre 2016, JORF n° 0303 du 30 décembre 2016.


(18)
Article issu de la loi n° 2012-301 du 5 mars 2012 relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations, JORF n° 0056 du 6 mars 2012, p. 4 143.


(19)
Loi n° 2016-297 relative à la protection de l’enfance, JORF n° 0063 du 15 mars 2016.


(20)
CASF, art. R. 221-5 à R. 221-10.


(21)
Décret n° 2016-612 du 18 mai 2016 relatif aux informations communiquées par l’autorité judiciaire aux administrations, notamment en cas de procédures concernant des personnes exerçant une activité les mettant en contact habituel avec des mineurs, JORF n° 0115 du 19 mai 2016.


(22)
Loi n° 2016-457 du 14 avril 2016 relative à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs, JORF n° 0089 du 15 avril 2016.


(23)
Décret n° 2016-612 du 18 mai 2016 relatif aux informations communiquées par l’autorité judiciaire aux administrations, notamment en cas de procédures concernant des personnes exerçant une activité les mettant en contact habituel avec des mineurs, JORF n° 0115 du 19 mai 2016.


(24)
Ibid.


(25)
Article D. 47-9-1 du code de procédure pénale.


(26)
Cour d’assises des mineurs, arrêt du 28 juin 2013. Affaire Agnès Martin, Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire).


(27)
Loi de programmation n° 2012-409 du 27 mars 2012 relative à l’exécution des peines, JORF n° 0075 du 28 mars 2012, page 5 592.


(28)
Article 706-47 du code de procédure pénale.


(29)
Circulaire du 14 mai 2012 présentant les dispositions du droit pénal et de procédure pénale de la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines.


(30)
Article 138-2, in fine, et 712-22-1, in fine, du code de procédure pénale.


(31)
Article 226-13 du code pénal.


(32)
Cass. crim, 8 octobre 1997, pourvoi n° 94-84801.


(33)
Le Haut Conseil du travail social (HCTS) a succédé le 1er juillet 2016 au CSTS. Il est une instance consultative placée auprès du ministre chargé des affaires sociales.


(34)
Rapports du CSTS, « Le partage d’informations dans l’action sociale et le travail social », Presse de l’EHESP, 2013, p. 58.


(35)
Article L. 116-1 et L. 116-2 du code l’action sociale et des familles.

SECTION 2 - CAS OÙ LA LOI IMPOSE LE PARTAGE

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