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Article 226-14 du code pénal

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Trois situations autorisent les professionnels astreints au secret à révéler une information sans risquer de poursuites pour violation du secret professionnel. La première est d’ordre général, la deuxième spécifique au secteur médical et paramédical et la dernière concerne la détention d’armes.


A. CAS GÉNÉRAL

Selon l’article 226-13 du code pénal (1), on peut être astreint au secret professionnel en raison de son état, de sa profession, d’une mission temporaire ou encore d’une fonction. Ainsi par exemple y sont astreints par :
  • état : les ministres du culte en raison du secret de la confession ;
  • profession : médecins, infirmiers, avocats, assistants de service social, banquiers, magistrats... ;
  • fonction : les collaborateurs de personnes astreintes au secret (secrétaires médicales par exemple) ;
  • mission : toute personne participant aux missions de l’aide sociale à l’enfance (ASE), de la protection maternelle infantile (PMI), les membres de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), les membres des commissions d’admission à l’aide sociale...
La violation du secret professionnel constitue un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. Il s’agit d’une infraction volontaire qui implique, pour être retenue, de prouver que l’auteur avait la volonté de révéler l’information secrète. Autrement dit, une « révélation » involontaire ne peut être pénalement poursuivie sur le fondement de l’article 226-13 du code pénal. Pour autant, cette dernière laisse subsister une responsabilité civile pouvant se traduire par une condamnation au paiement de dommages et intérêts à la victime.
Toutefois, la loi prévoit des dérogations au secret professionnel. Aussi, selon l’article 226-14 du code pénal, l’article 226-13 de ce même code ne s’applique pas « à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou de mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ».
L’étude de l’article 226-14 du code pénal appelle quelques précisions quant aux professionnels concernés, à la nature des faits pouvant faire l’objet d’une révélation et, enfin, aux victimes auxquelles il s’agit d’assurer une plus grande protection.


I. Les professionnels concernés

Tout d’abord, cette disposition vise tous ceux qui sont astreints au secret professionnel. Bien entendu, il faut que l’information ait un caractère secret. La jurisprudence évoque les faits qui sont parvenus au professionnel à raison de l’exercice de sa profession ou de sa fonction. Rappelons que ce caractère s’applique à tout ce qui aura été appris, compris, connu ou deviné à l’occasion de l’exercice professionnel (2).


II. Les faits pouvant être révélés

Ensuite, la loi vise des faits qui peuvent s’analyser comme des privations, sévices, atteintes ou mutilations sexuelles. Il s’agit de concepts différents, et il y a lieu par conséquent, d’en préciser les contours. Afin de mieux cerner la notion de privations, nous pouvons nous référer à l’article 227-15 du code pénal introduit dans une section V intitulée « De la mise en péril des mineurs ». Cet article concerne les privations d’aliments ou de soins au point de compromettre la santé du mineur de 15 ans. Il prévoit à l’encontre du coupable une peine d’emprisonnement de sept ans et une amende pouvant aller jusqu’à 100 000 euros. L’article 226-14 du code pénal ne fait nullement référence à un degré de gravité de la privation. Ce qui semble signifier que l’autorisation de lever le secret s’applique dès lors que le professionnel constate une privation sans qu’il soit nécessaire de déterminer avec exactitude un risque particulier pour la santé de la personne. Remarquons ensuite que cette privation peut également concerner les soins entendus au sens large. Il peut s’agir de tout ce qui relève du domaine de la santé, y compris de l’hygiène. Par ailleurs, l’article 227-15 alinéa 2 prévoit également que « constitue notamment une privation de soins le fait de maintenir un enfant de moins de 6 ans sur la voie publique ou dans un espace affecté au transport collectif de voyageurs, dans le but de solliciter la générosité des passants ». Enfin, la privation d’aliments et de soins visée par l’article 227-15 du code pénal constitue une infraction volontaire. Or, il peut y avoir privation d’aliments ou de soins sans intention de l’auteur. Les professionnels astreints au secret sont donc autorisés à révéler l’information également dans ces hypothèses et, a fortiori, dans la première.
D’un point de vue strictement juridique, les sévices constituent des violences physiques volontaires qui, dans l’hypothèse étudiée ici, sont aggravées lorsqu’elles sont commises sur des mineurs ou des personnes particulièrement vulnérables par des ascendants ou des personnes ayant autorité. Ainsi par exemple, la condamnation de la directrice et de la surveillante d’un foyer d’enfants coupable d’avoir détourné des aliments destinés à ceux-ci et d’avoir insuffisamment veillé à l’hygiène des locaux (3).
Pour ce qui concerne les atteintes et les agressions sexuelles, il y a lieu de les distinguer. L’atteinte sexuelle est commise sans violence, contrainte, menace ou surprise contrairement à l’agression sexuelle. Pour ce qui est de la mutilation sexuelle (cas de l’excision notamment), il s’agit d’une violence aggravée faisant encourir à son auteur dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende (4).


III. Les victimes protégées

L’article 226-14 alinéa 1er du code pénal vise les mineurs, c’est-à-dire toute personne âgée de moins de 18 ans. Par ailleurs, toute personne qui, en raison de son âge, de son incapacité physique ou psychique, n’est pas en mesure de se protéger est comprise dans cette protection. Il s’agit là d’une catégorie que l’on qualifie habituellement de « personnes particulièrement vulnérables ». On peut citer, à titre d’exemples, les personnes âgées, les personnes handicapées (déficiences physiques et/ou mentales) ou encore les femmes enceintes (5).


B. CAS PARTICULIER DES MÉDECINS ET AUTRES PROFESSIONNELS DE SANTÉ

Comme le prévoit l’article 226-14, 2° du code pénal, l’article 226-13 du même code ne s’applique pas non plus « au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République ou de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou risquant de l’être, mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, les sévices ou privations qu’il a constatés sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises ».
L’article 226-14, 2° du code pénal précité appelle quelques observations. Jusque-là applicable aux seuls médecins, il s’étend, depuis la loi du 5 novembre 2015, à tout autre professionnel de santé (6). Les seules autorités habilitées à recevoir le signalement sont le procureur de la République et la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP). Avant 2015, l’article 226-14, 2° n’habilitait que le procureur de la République.
Le législateur précise, par ailleurs, qu’aucun signalement n’est possible sans l’accord de la victime lorsqu’elle est majeure et capable. Aucun formalisme n’est requis pour établir cet accord mais la prudence invite à la recueillir par écrit.
Pour la chambre criminelle de la Cour de cassation, le médecin « a nécessairement agi en accord avec la victime d’un viol, même si cet accord n’est pas expressément mentionné dans la procédure, le médecin qui a remis un certificat médical descriptif à l’officier de police judiciaire chargé de l’enquête, après que ladite victime eut accepté de se soumettre à l’examen auquel il a été procédé » (7).
Ajoutons également que les sévices ou privations constatées doivent permettre au médecin ou au professionnel de santé de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Il s’agit bien d’une présomption de violences, ce qui signifie précisément que le législateur ne demande pas au médecin ou au professionnel de santé d’avoir une certitude. Bien entendu, il faut au minimum établir un lien entre les constats de privations ou sévices et les violences supposées, le législateur ayant choisi de se référer au concept de violences, entendu dans son acception la plus large. Y sont intégrées, par exemple, les violences morales ou psychologiques. Il est tout aussi intéressant de constater qu’aucune précision n’est donnée à propos de l’auteur présumé des violences ; ni d’ailleurs du contexte supposé dans lequel elles ont été exercées. Aussi, rien ne s’oppose à considérer qu’il peut s’agir de violences conjugales, familiales ou encore professionnelles.
La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ajoute à l’article 226-14, 2° du code précité que « lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n’est pas nécessaire » (8). On peut aisément comprendre que l’objectif de protection des mineurs ou des personnes particulièrement vulnérables victimes d’infractions explique qu’il ne soit pas nécessaire d’obtenir leur accord. Pour autant, il semble toujours pertinent de tenter de rechercher l’adhésion des victimes à la démarche envisagée, sauf si cela est jugé contraire à leur intérêt (risque de fugue, culpabilité exacerbée...).
Par ailleurs, dans le cas spécifique des médecins, l’article R. 4127-44 alinéa 1er du code de la santé publique (9) dispose que « lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection.
Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience ». Il convient pour le médecin de prendre en compte l’ensemble des paramètres relatifs à la situation constatée afin que son intervention ne fasse pas encourir un danger supplémentaire à son patient. La prudence doit, dans tous les cas, être la règle. À la différence de ce qui a été vu précédemment, cet article concerne davantage des hypothèses où le médecin a acquis la conviction que son patient est victime de violences ; il semblerait qu’il ne s’agisse pas de simples présomptions mais de quasi-certitudes.
À noter : L’article L. 3711-3 du code de la santé publique habilite le médecin à signaler les interruptions de traitement au juge de l’application des peines ou à l’agent de probation sans que puisse lui être opposé le secret médical (10).


C. LA DÉTENTION D’ARMES

L’article 226-13 du code pénal ne s’applique pas « aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une ». On peut, d’ores et déjà, constater que le législateur étend le champ d’application de cet article à l’ensemble des professionnels de santé et de l’action sociale. Cela représente environ 2,5 millions de personnes (11). L’article 226-13 précité n’impose pas aux professionnels d’avoir pris connaissance de la détention ou de l’intention de détenir une arme suite à une confidence de la personne venue les consulter. L’information peut, en effet, provenir de sources indirectes comme la famille ou l’entourage par exemple. L’état de dangerosité doit être établi à partir d’éléments objectifs. Le destinataire du signalement est une autorité administrative et non pas judiciaire. Excepté Paris où il s’agit du préfet de police, partout ailleurs l’autorité compétente est le préfet. Cela s’explique simplement par le fait que c’est précisément l’autorité préfectorale qui est compétente pour autoriser l’acquisition comme la détention d’armes (12). L’article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure précise que « si le comportement ou l’état de santé d’une personne détentrice d’armes et de munitions présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui, le représentant de l’État dans le département peut lui ordonner, sans formalité préalable ni procédure contradictoire, de les remettre à l’autorité administrative, quelle que soit leur catégorie ».
Enfin, notons que, dans tous les cas, la décision de signaler la situation appartient aux seuls professionnels ; que par ailleurs, il ne s’agit pas d’une obligation mais d’une simple faculté. Précisons également que l’article 226-14 du code pénal, in fine, prévoit que la responsabilité civile, pénale et administrative du professionnel ayant effectué le signalement ne peut être recherchée sauf dans l’hypothèse d’une mauvaise foi avérée. Il s’agit, en définitive, de sécuriser le cadre du signalement.


(1)
Article 226-13 du code pénal : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. »


(2)
Cass. crim., 24 janvier 1957, Bull. crim., 1957, n° 86.


(3)
Cour d’appel de Paris, 15 juin 1951, D. 1951, 568.


(4)
Article 227-26 du code pénal.


(5)
Voir également sur le « concept de vulnérabilité », Michel Boudjemaï, « Guide de la protection juridique des majeurs », ASH Professionnels, 2013, p. 14-15.


(6)
Loi n° 2015-1402 du 5 novembre 2015 relative à la clarification de la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé, JORF n° 0258 du 06/11/15, p. 20 706.


(7)
Cass. crim., 8 mars 2000, pourvoi n° 99-87319.


(8)
Article 226-14, 2° du code pénal.


(9)
Le code de déontologie médicale est codifié aux articles R. 4127-2 à R. 4127-112 du code de la santé publique.


(10)
Cette disposition se situe dans un livre du code de la santé publique intitulé « Prévention de la délinquance sexuelle, injonction de soins et suivi socio-judiciaire ».


(11)
Pinaud Michel, « Le recrutement, la formation et la professionnalisation des salariés du secteur sanitaire et social », rapport du conseil économique et social, 2004, p. 137


(12)
Les armes sont classées par catégories (A, B, C, D) ce qui détermine leur régime juridique. Voir pour plus d’informations les articles L. 311-1 à L. 311-4 et R. 311-2 à R. 311-4 du code de la sécurité intérieure.

SECTION 1 - CAS OÙ LA LOI AUTORISE LE PARTAGE

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