Trois lois de 2002, 2003 et 2016 ont eu pour objectif commun de pénaliser les clients des personnes qui se livrent à la prostitution. La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale(1) a affirmé le principe de l’interdiction de la prostitution des mineurs sur tout le territoire de la République (art. 13, I). Cette interdiction n’est assortie d’aucune sanction pour le mineur lui-même(2), seul le client du mineur prostitué pouvant être incriminé. La loi du 18 mars 2003(3) relative à la sécurité intérieure a étendu le mécanisme dans le cas du recours à des prostitués présentant une particulière vulnérabilité due à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse (C. pén., art. 225-12-1, al. 2). Dans ces deux cas, la peine encourue par les clients est de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende, et jusqu’à sept ans et 100 000 € pour un mineur de moins de 15 ans (C. pén., art. 225-12-2 in fine). On notera que la loi du 13 avril 2016, visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées(4), a remplacé les termes de « déficience physique ou psychique » par celui de « handicap » dans l’article 225-12-1, alinéa 2 du code pénal.
A propos de la pénalisation des clients de personnes particulièrement vulnérables, on remarquera comme Bruno Py qu’il est « incohérent que la grossesse et la maladie emportent systématiquement présomption de fragilité du consentement ». Et d’ajouter qu’« en matière de pornographie, le législateur n’a absolument pas assimilé handicap et minorité »(5).
de handicap qui recourt
à un accompagnant sexuel ?
Dans les établissements sociaux et médico-sociaux, la question se pose dès lors qu’une personne accompagnée souhaite recourir à un assistant sexuel. En effet, si les accompagnants sexuels ne se considèrent pas comme des prostitués, en droit, la pratique de l’accompagnement sexuel s’apparente à de la prostitution si l’on se réfère à la définition de la Cour de cassation de 1996, dès lors qu’il y a contact physique, dans un but sexuel et contre rémunération, y compris si cette pratique n’est que très occasionnelle pour l’accompagnant sexuel. La personne ayant recours à un accompagnement sexuel pourrait alors encourir une contravention de 5e classe.
A notre connaissance, depuis l’entrée en vigueur de la loi, il n’y a eu aucun cas de recours à un accompagnement sexuel sanctionné pénalement. Si tel était le cas, les associations qui militent pour la reconnaissance de l’accompagnement sexuel, telles que l’Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (APPAS), présidée par Marcel Nuss, viendraient très certainement soutenir la personne poursuivie afin de contester devant la justice la légalité d’une disposition qui porte atteinte au respect de la vie privée et donc à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
La loi du 13 avril 2016 a franchi un cap en créant une contravention de 5e classe pour les clients de prostitués, soit 1 500 €, montant porté à 3 750 € en cas de récidive (C. pén., art. 225-12-1). En effet, le nouvel article 611-1 du code pénal énonce que « le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe ». En outre, les clients encourent des peines complémentaires telles que l’obligation d’accomplir un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels (C. pén., art. 131-16, 9° bis). La loi de 2016 vise à lutter contre le phénomène prostitutionnel et adopte ainsi une politique abolitionniste qui n’incrimine pas la prostitution mais sanctionne les clients qui y ont recours. C’est également pour aller dans le sens de la protection des personnes prostituées que la loi de 2016 a également abrogé l’article 225-10-1 du code pénal qui réprimait le délit de racolage (loi de 2016, art. 15).
(1)
Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, JO du 5-03-02.
(2)
En revanche, la loi de 2002 prévoit que le mineur sera alors considéré comme en danger et relèvera alors du juge des enfants au titre de la procédure d’assistance éducative (art. 13, II).
(3)
Loi n° 2013-239 du 18 mars 2003, JO du 19-03-03.
(4)
Loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 JO du 14-04-16.
(5)
Py B., Rép. pén. et proc. pén. Dalloz, « Prostitution – proxénétisme – racolage », actualisation février 2017, n° 35.