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Les agressions sexuelles

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Le code pénal définit de façon générique les agressions sexuelles en se référant aux atteintes sexuelles. La répression des agressions sexuelles s’est progressivement durcie depuis l’adoption du code pénal actuel, qui distingue le viol et les autres agressions sexuelles.


A. LE VIOL

Le viol est un crime d’une particulière gravité. La CEDH a ainsi jugé que le viol d’une jeune fille pendant sa garde à vue « laisse chez sa victime des blessures psychologiques profondes qui ne s’effacent pas aussi rapidement que d’autres violences physiques et mentales. La requérante avait également subi la vive douleur physique que provoque une pénétration par la force, ce qui n’a pu manquer d’engendrer en elle le sentiment d’avoir été avilie et violée, tant sur le plan physique qu’émotionnel »(1). Il convient d’examiner la définition du viol avant d’aborder la façon dont il est réprimé.


I. La définition du viol

Le code pénal définit le viol de la façon suivante : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise (…) » (C. pén., art. 222-23, al. 1er). Cette définition permet de considérer que sont constitutifs d’un viol les actes de pénétration buccale et annale, ainsi que l’introduction d’un corps étranger dans le sexe ou l’anus. Ces actes peuvent être commis ou subis indifféremment dans des rapports hétérosexuels ou homosexuels. Comme pour tout crime, il faut distinguer l’élément matériel du viol de l’élément moral de l’infraction.

a. L’élément matériel du viol : une pénétration de nature sexuelle

L’acte de pénétration doit être commis sur la victime. Ainsi, alors que la Cour de cassation avait retenu que la fellation pratiquée par l’auteur de l’agression sur la victime pouvait être qualifiée de viol, elle estime désormais que cela ne constitue pas un viol mais une « autre agression sexuelle » : « l’élément matériel du crime de viol n’est caractérisé que si l’auteur réalise l’acte de pénétration sexuelle sur la personne de la victime »(2). En outre, la pénétration doit être de nature sexuelle, ce qui ne pose pas de difficulté en cas de pénétration d’un sexe par un sexe, tandis qu’en apparaît une lorsque la pénétration est réalisée par l’introduction d’un objet dans le corps de la victime. La lecture des décisions rendues en la matière peut sembler contradictoire. Ainsi, la Cour de cassation a estimé dans une affaire que le fait de tenter d’extorquer une somme d’argent à un jeune garçon après l’avoir contraint à se déshabiller, l’avoir frappé en le menaçant de mort et lui avoir introduit, à deux reprises, un bâton dans l’anus ne constitue pas un viol mais une tentative d’extorsion de fonds, accompagnée de tortures ou d’actes de barbarie(3). A l’opposé, dans un autre arrêt, elle a retenu la qualification de viol, aggravé de tortures ou d’actes de barbarie, pour le fait, entre autres, d’avoir introduit un morceau de bois recouvert d’un préservatif dans l’anus de la victime(4). Les juges cherchent à établir la connotation sexuelle ou non de la pénétration afin d’établir s’il s’agit ou non d’un viol, ce caractère sexuel pouvant résulter de l’acte ou de ses circonstances (par exemple, le préservatif sur le bâton). Enfin, comme pour toutes les atteintes sexuelles, le viol doit avoir été commis par violence, contrainte, menace ou surprise : c’est l’utilisation de l’un de ces procédés qui permet d’établir que la pénétration s’est faite sans le consentement de la victime (cf. supra, section 1).

b. L’élément moral du viol : une intention

Le viol étant un crime, il faut nécessairement qu’il y ait eu intention de le commettre (C. pén., art. 121-3), c’est-à-dire qu’il faut, d’une part, que l’auteur ait voulu commettre une pénétration de nature sexuelle, qu’il percevait comme telle, et, d’autre part, qu’il ait conscience d’aller à l’encontre de la volonté de la victime. Les juges retiennent ici toute atteinte à la liberté sexuelle de la victime sans prendre en compte les mobiles de l’auteur, ni son absence de recherche de plaisir(5).
Si la preuve de l’intention peut être plus délicate à établir lorsque les personnes avaient eu précédemment des relations puisque l’auteur pourrait alors affirmer qu’il a cru de bonne foi au consentement de la victime, les juges rappellent cependant régulièrement que le consentement doit subsister jusqu’au moment de la consommation de l’acte et c’est d’ailleurs à ce moment-là qu’il est apprécié. Entre époux, on rappellera que des relations sexuelles imposées doivent être qualifiées de viol (C. pén., art. 222-22, al. 2) : on ne peut exiger de son conjoint des relations sexuelles, c’est même un facteur d’aggravation de la peine encourue pour des faits de viol.


II. La répression du viol

Le viol est puni d’une peine principale de quinze ans de réclusion criminelle (C. pén., art. 222-23, al. 2). De nombreuses circonstances aggravantes sont cependant énoncées par le code pénal, portant la peine à vingt ans d’emprisonnement. Ces circonstances aggravantes résultent soit de la qualité de la victime, soit de la qualité de l’auteur (cf. supra, section 1, § 2), soit des modalités du viol (commis par plusieurs personnes, avec usage ou menace d’une arme, en raison de l’orientation sexuelle...), soit des résultats du viol (mutilation ou infirmité permanente...). La peine est portée à trente ans de réclusion criminelle lorsque le viol a entraîné la mort de la victime (C. pén., art. 222-25). Enfin, la réclusion criminelle à perpétuité est encourue lorsque le viol est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d’actes de barbarie (C. pén., art. 222-26).
Pour retenir la qualification de viol, les magistrats doivent d’abord établir l’absence de consentement (par violence, contrainte, menace ou surprise), y compris en relevant que la victime ne disposait pas de la volonté nécessaire pour consentir Puis, une fois l’absence de consentement établie, la circonstance aggravante sera prise en compte. Les magistrats ne doivent en effet pas faire d’une circonstance aggravante un élément constitutif de l’infraction : ce n’est pas parce qu’il s’agit d’un mineur de moins de 15 ans ou d’une personne d’une particulière vulnérabilité qu’il y a forcément eu absence de consentement(6).
Des peines complémentaires sont également prévues (C. pén., art. 222-44 et s.) : interdiction des droits civils, civiques et de famille, interdiction d’exercer certaines activités professionnelles (notamment auprès de mineurs), confiscation d’arme ou de véhicule, stage de responsabilisation pour lutter contre les violences sexistes, suivi socio-judiciaire...
Comme pour tout crime, la tentative de viol est punissable (C. pén., art. 121-4), dès lors qu’il y a eu un commencement d’exécution, de nature sexuelle. La Cour de cassation a ainsi retenu la tentative de viol dans le cas où l’agresseur avait maîtrisé sa victime, mis un préservatif, mais n’avait pas pu la pénétrer en raison « d’une déficience momentanée »(7).
Enfin, traditionnellement fixé à dix ans – comme les autres crimes –, le délai de la prescription de l’action publique est désormais porté à vingt ans en cas de viol. Dans un premier temps, par une loi de 2004(8), ce délai avait été porté à vingt ans lorsque la victime d’un viol était mineure au moment des faits, ledit délai commençant, en outre, à courir à compter de la majorité des victimes (C. proc. pén., art. 7, al. 3 ancien). Depuis 2017(9), le délai de prescription a été porté à vingt ans pour la plupart des crimes à compter du jour où l’infraction a été commise (C. proc. pén., art. 7) dont les viols, quel que soit l’âge de la victime. Pour les mineurs, ce délai continue à courir à partir de leur majorité (C. proc. pén., art. 9-1), soit jusqu’à leurs 38 ans.


B. LES AGRESSIONS SEXUELLES AUTRES QUE LE VIOL

Aux termes de l’article 222-27 du code pénal, « les agressions sexuelles autres que le viol sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende », sans plus de précision. Il faut donc voir ce qu’elles recouvrent avant d’évoquer la manière dont elles sont réprimées.


I. La définition des agressions sexuelles autres que le viol

L’agression sexuelle autre que le viol désigne « tout acte impudique, directement exercé sur une personne de l’un ou l’autre sexe, sans qu’elle y ait consenti et qui ne constitue pas une pénétration de sa personne »(10).
D’une part, il faut qu’il y ait eu atteinte physique, c’est-à-dire un acte sur la personne d’autrui (à défaut, il y aura harcèlement sexuel ou exhibition sexuelle) auquel elle n’a pas consenti (par violence, contrainte...).
D’autre part, l’atteinte doit être de nature sexuelle. Les magistrats distinguent à ce titre deux types d’atteintes : des actes à connotation sexuelle accomplis sur le corps de la victime, sans son consentement (attouchements, caresses, baisers...) et la pénétration sexuelle que la victime est contrainte de réaliser sur le corps de l’agresseur(11).
Depuis quelques années, la chambre criminelle de la Cour de cassation évolue vers davantage de rigueur puisqu’elle a retenu l’agression sexuelle dans des hypothèses où le coupable avait pincé les fesses de la victime(12), caressé le dos de la victime en passant la main sous son pull-over(13) ou baissé un bustier au moment où quelqu’un d’autre réalisait une photo de groupe(14).
Comme pour le viol, peu importe les liens entre auteurs et victimes, il s’agit un acte de nature sexuelle, commis sans le consentement de l’un des deux, il doit donc être réprimé. Mais le ministère public doit prouver l’élément moral, c’est-à-dire l’intention sexuelle de l’auteur des faits(15). Ainsi, un directeur d’établissement d’hébergement pour adultes en situation de handicap avait procédé à la toilette des parties intimes d’un résidant âgé de 41 ans en présence d’une élève aide médico-psychologique, allant « jusqu’à le décalotter, avec des mouvements répétés », ce qui avait provoqué une érection. Le directeur « reconnaissait avoir pratiqué des toilettes sur certains malades, et mettait en avant son désir de rendre service et de compenser le manque de personnel (...). Il reconnaissait les faits commis sur [le résidant) tout en leur attribuant une valeur strictement professionnelle (...) ; il niait toute connotation ou intention sexuelle de ses actes. » Selon la cour d’appel de Pau, le comportement du directeur « ne suffit pas à démontrer l’intention coupable de commettre une agression sexuelle sur la victime »(16) car son intervention s’était déroulée à la demande de l’élève, en sa présence et la porte de la chambre ouverte. La cour a souligné qu’il existait donc bien un doute quant à la nature sexuelle des actes pratiqués par le directeur, doute qui doit profiter au prévenu.
Dans une autre décision, la cour d’appel de Montpellier a condamne un kinésithérapeute pour des caresses, attouchements, masturbations et fellations sur un de ses patients alors que, selon l’auteur des faits, le patient ne s’étant pas opposé avec force à ses agissements, il avait déduit de cette absence de résistance que son patient consentait à ses caresses(17).


II. La répression des agressions sexuelles autres que le viol

Le code pénal retient trois peines distinctes en fonction de la personnalité de la victime :
  • l’agression sexuelle commise sur une victime « ordinaire » (hors personnes vulnérables et mineurs de moins de 15 ans) est un délit puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende (C. pén., art. 222-27) ;
  • celle commise sur une victime vulnérable est punie de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende (C. pén., art. 222-29) ;
  • celle imposée à un mineur de 15 ans et moins est punie de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende (C. pén., art. 222-29-1).
Comme pour le viol, des circonstances aggravant la peine sont également prévues (C. pén., art. 222-28), selon l’auteur de l’agression (ascendant, personne ayant autorité, le conjoint...), ses modalités (usage ou menace d’une arme, grâce à l’utilisation d’un réseau de communication électronique, en état d’ivresse...), ou ses conséquences (blessure ou lésion). Et, à l’instar du viol, des peines complémentaires sont applicables (C. pén., art. 222-44, 222-45 et 222-47).
Depuis 2017(18), la prescription en matière de délits, applicable pour les agressions sexuelles autres que le viol, a été portée de trois à six ans pour les victimes majeures au moment des faits (C. proc. pén., art. 8, al. 1er). Pour les victimes mineures au moment des faits, elle est toujours de dix ans, suspendue jusqu’à la majorité de la victime (C. proc. pén., art. 8, al. 2), voire de vingt ans lorsque les agressions sexuelles ont été commises sur des mineurs de moins de 15 ans (C. proc. pén., art. 8, al. 3).


(1)
CEDH, 25 septembre 1997, requête n° 23178/96, Aydýn c/ Turquie.


(2)
Cass. crim., 21 octobre 1998, n° 98-83843, , www.legifrance. gouv.fr. Cf. dans le même sens : Cass. crim., 22 août 2001, n° 01-84024, www.legifrance.gouv.fr


(3)
Cass. crim., 9 décembre 1993, n° 93-81044, Bull. crim., n° 383, www.legifrance.gouv.fr


(4)
Cass. crim., 6 décembre 1995, n° 95-84881, Bull. crim., n° 372.


(5)
Cass. crim., 27 octobre 1994, n° 94-80547, Bull. crim., n° 157 : une mère voulait « parfaire » l’éducation sexuelle de sa fille par des pénétrations anales pratiquées avec le doigt ou avec des carottes.


(6)
Cf. par exemple, Cass. crim., 21 octobre 1998, n° 98-83843, préc.


(7)
Cass. crim., 10 janvier 1996, n° 95-85284, www.legifrance.gouv.fr


(8)
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, JO du 9-03-04.


(9)
Loi n° 2017-242 du 27 février 2017, JO 28-02.17.


(10)
Rassat M.-L., « Agressions sexuelles », préc., n° 81.


(11)
Cass. crim., 21 octobre 1998, n° 98-83843, préc. (fellation imposée à autrui).


(12)
Cass. crim., 15 avril 1992, n° 91-85214, www.legifrance.gouv.fr


(13)
Agen, 27 octobre 1997, Juris-Data, n° 1997-049263.


(14)
Cass. crim., 19 septembre 2006, n° 06-80514, www.legifrance.gouv.fr


(15)
Rassat M.-L. et Roujou de Boubée G., Droit pénal spécial, Ellipses, 2e éd., 2012, p. 151.


(16)
Pau, 12 novembre 2002, JCP G 2003, IV, 2986.


(17)
Montpellier, 9 juin 2009 (non publié), cité par Vialla F., Jurisprudences du secteur social et médico-social, Dunod, 2012, p. 454.


(18)
Loi n° 2017-242 du 27 février 2017, préc.

SECTION 2 - LES ATTEINTES SEXUELLES

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