Recevoir la newsletter

Introduction

Article réservé aux abonnés

Définir la vie privée s’avère vite complexe. A priori, la vie privée serait la vie cachée – ou en tout cas, discrète –, alors que la vie publique serait celle qui se déroule aux yeux de tous – en tout cas dans un lieu accessible à beaucoup. On voit vite la limite d’une telle césure : se promener dans la rue avec la personne que l’on aime est sans conteste du ressort de la vie privée. On retiendra donc la définition de Gérard Cornu : la vie privée c’est « la sphère d’intimité de chacun ; par opposition à la vie publique, ce qui dans la vie de chacun ne regarde personne d’autre que lui et ses intimes (s’il n’a consenti à le dévoiler) : vie familiale, conjugale, sentimentale… »(1) Dans le code civil, le droit à la vie privée est défini comme une prérogative de la personne, sujet actif de droit.
Une autre question se pose autour de la définition de l’« intimité ». Est-elle un synonyme de la « vie privée » ou seulement une partie de celle-ci ? La lecture des textes n’est guère éclairante et la jurisprudence de la Cour de cassation est elle-même fluctuante sur la question. Dans l’article 9 du code civil, le premier alinéa fait référence à « la vie privée », mais le second semble réserver la sanction en cas « d’atteinte à l’intimité de la vie privée ». L’intimité ne serait donc qu’une partie de la vie privée ? Peut-être faudrait-il s’inspirer du droit constitutionnel espagnol qui garantit « le droit à l’intimité » défini comme « le droit de toute personne d’exclure les tiers de toute ingérence au sein des éléments de sa vie personnelle directement liés à sa dignité et à son libre épanouissement »(2). L’avantage de cette approche serait d’évacuer la distinction inopérante entre « vie privée » et « vie publique » et de se centrer sur le droit de chaque individu de conserver les éléments de sa vie personnelle.
Toujours selon Gérard Cornu, le droit au respect de la vie privée c’est « le droit de n’être troublé par autrui ni chez soi (inviolabilité du domicile), ni dans son quant-à-soi (inviolabilité de la sphère d’intimité) ». Il figure dans de nombreux textes internationaux, dont l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950(3) et l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966(4). En droit interne, il est protégé par l’article 9, alinéa 1, du code civil qui énonce que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Depuis, le Conseil constitutionnel a rattaché le respect de la vie privée au principe de la liberté individuelle : il en a ainsi fait un principe à valeur constitutionnelle, qui doit cependant être concilié avec un autre principe à valeur constitutionnelle, la sûreté publique.
Les magistrats français sont très vigilants sur toutes les formes d’atteintes à la vie privée, qu’il s’agisse d’intrusions dans la vie privée ou de divulgations d’éléments en relevant. Les juges ont ainsi développé une importante jurisprudence visant à garantir de manière effective la vie privée, que ce soit au travers de ses supports fonctionnels (domicile, véhicule, correspondance…) ou de la protection des données à caractère personnel.
Dans le secteur social et médico-social, c’est la loi du 2 janvier 2002(5) qui a introduit dans le code de l’action sociale et des familles au titre des droits et libertés individuels qui doivent être garantis aux personnes prises en charge en ESSMS le respect de la vie privée et celui de l’intimité. Ils sont assurés au même titre que le respect de la dignité humaine, l’intégrité physique et la sécurité (CASF, art. L. 311-3, 1°). Si cette énumération peut paraître laborieuse et faire redite de droits par ailleurs garantis à tout citoyen, nul doute que la volonté du législateur de 2002 a été de les préciser de façon spécifique parce qu’ils faisaient alors l’objet de nombreuses atteintes. On songera particulièrement aux personnes hébergées dans des établissements pour lesquels la vie en collectivité pesait considérablement sur le respect des individus et notamment de leur vie privée et de leur intimité : les chambres hébergeant deux, voire quatre personnes n’étaient pas rares (qu’ils s’agissent d’établissement pour enfants, pour adolescents ou pour adultes) et tant les professionnels que les familles pouvaient avoir des attitudes très intrusives quant à la vie privée.


(1)
Cornu G., Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Presses universitaires de France, 11e éd., 2016.


(2)
Alcaraz H., « Le droit à l’intimité devant les juges constitutionnels français et espagnols », thèse Aix-Marseille III, 2003.


(3)
CEDH, article 8, alinéa 1 : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. »


(4)
Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ONU, 16 décembre 1966), article 17-1 : « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. »


(5)
Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002, modifiée.

SECTION 1 - LE DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ET DE L’INTIMITÉ

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur