Les images peuvent être des photos ou des vidéos sur lesquelles les personnes apparaissent et sont reconnaissables, quel que soit le contexte : vacances, événement familial ou professionnel, manifestation culturelle, politique ou religieuse. L’image de chacun mérite protection. C’est d’ailleurs le premier attribut de la personnalité à avoir été protégé par les juges(1). On parlera plutôt de « droit de l’image » ou de « droit à la protection de son image » que de « droit à l’image » car ce n’est pas tant l’image, en tant que telle, qui est protégée mais l’utilisation qui en est faite(2).
Le problème de l’image est complexe, qu’il s’agisse de sa captation ou de sa diffusion. Régulièrement amenés à trancher ces questions, les juges dessinent une frontière entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Exposer, publier, utiliser une photo ou une vidéo est constitutif d’une faute si plusieurs éléments sont réunis :
- l’identification de la personne photographiée. La personne photographiée (ou filmée) est reconnaissable(3) ;
- l’absence d’autorisation de captation de l’image. L’acte accompli n’a pas été autorisé, soit par l’autorité publique (par exemple, caméras de vidéo-protection sur la voie publique qui sont autorisées dans un cadre très strict) soit par la personne elle-même (ou son représentant légal), de façon expresse ou tacite. Cette autorisation peut-être donnée pour un temps limité et doit, en principe, prévoir la finalité visée ;
- l’absence de justification. La diffusion de l’image n’est pas justifiée, que ce soit par le droit à l’information sur un fait d’actualité ou pour une utilisation dans le cercle de l’entreprise.
L’atteinte à l’image pourra être sanctionnée civilement avec l’octroi de dommages et intérêts pour atteinte au droit de l’image et/ou atteinte au droit à la vie privée. Elle pourra également l’être pénalement en cas de fixation, d’enregistrement ou de transmission « de l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé » sans son consentement (C. pén., art. 226-1-2°).
Dans les ESSMS, les professionnels doivent se montrer vigilants sur l’utilisation de l’image des personnes qu’ils prennent en charge. On distinguera deux cas :
- d’une part, l’utilisation de l’image en interne (par exemple, les photos des résidants sur les portes de leur chambre ou de leur boîte aux lettres) qui ne pose pas de problème, à condition que la photo choisie pour être affichée l’ait été avec la personne accompagnée ;
- et, d’autre part, l’utilisation de l’image à l’extérieur de l’établissement (par exemple, pour son site Internet, dans un article de presse, dans la revue de l’association…). Dans le cas des mineurs, ce sont les titulaires de l’autorité parentale qui doivent donner leur accord, y compris dans le cadre de mesures d’assistance éducative (sauf si l’ordonnance du juge pour enfants en a disposé autrement). Dans le cas des majeurs, cette décision leur appartient. Pour les majeurs protégés, le droit de décider de l’utilisation de leur image fait partie des décisions personnelles au sens de l’article 459 du code civil pour lesquels ils disposent d’une autonomie « graduée ». Selon cet article, « la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet. Lorsque l’état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge [...] peut prévoir qu’elle bénéficiera, pour l’ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d’entre eux qu’il énumère, de l’assistance de la personne chargée de sa protection. Au cas où cette assistance ne suffirait pas, il peut, le cas échéant après ouverture d’une mesure de tutelle, autoriser le tuteur à représenter l’intéressé ». Cela signifie qu’en principe, si son état le permet, c’est à la personne elle-même de décider, qu’elle soit sous curatelle ou sous tutelle. Si son état ne le permet pas, elle est assistée de son tuteur ou de son curateur : ils prennent la décision ensemble. Et c’est seulement si cette assistance ne suffit pas que le juge doit autoriser le tuteur à agir à la place du majeur protégé. Donc, par exemple, pour une personne polyhandicapée pouvant difficilement communiquer, la décision est prise soit par les deux (la personne et le tuteur), soit par le tuteur seul si le juge en a décidé ainsi. Alors que pour une personne déficiente intellectuelle, si son état le permet, c’est à elle de décider seule.
les établissements psychiatriques
Dans un rapport rendu en 2016 et relatif à l’isolement et à la contention dans les établissements de santé mentale, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) faisait le constat du développement de la vidéosurveillance dans les chambres d’isolement.
Le CGLPL a pu constater le développement de la surveillance des chambres d’isolement par des caméras dont les images peuvent être reçues dans le bureau des infirmiers. « Dans certains cas, en fonction de leur charge de travail, plutôt que de se déplacer auprès de la personne isolée, les infirmiers se contenteront de vérifier son état à distance sur les écrans vidéo. Par ailleurs, le champ de vision de la caméra couvre souvent la totalité de la chambre : le lit mais aussi les toilettes, supprimant toute intimité au patient qui peut être « visionné » dans ses gestes les plus intimes. Le CGLPL déplore cette vidéosurveillance même s’il a pu être rencontré de très rares situations où les caméras sont désactivées au moment de la douche et des soins. »
Il en est de même avec les fenestrons des portes de ces chambres qui permettent la visualisation non seulement de la chambre mais aussi des sanitaires, et ce par le personnel mais également par les autres patients ou les visiteurs qui passent devant les portes. De plus, le CGLPL a pu constater que le renvoi d’images au bureau des infirmiers, souvent vitré, pouvait parfois permettre une visibilité depuis les espaces communs ; ainsi les patients, les visiteurs ou toute autre personne (techniciens, par exemple), peuvent voir ce qui se passe dans la chambre d’isolement.
« Le CGLPL a pu voir des chambres équipées, en plus de la vidéosurveillance, de microphones et de caméras thermiques permettant d’entendre et d’observer les faits et gestes du patient depuis le poste de soins, même la nuit. »
Il rappelle que l’utilisation de ce type de dispositif peut se révéler gravement attentatoire au respect de l’intimité et donc de la dignité des patients et ne doit pas remplacer la présence des professionnels auprès des patients.
[Contrôleur général des lieux de privation de liberté, « Isolement et contention dans les établissements de santé mentale », avril 2016, www.cglpl.fr]
En matière de vie affective, cela signifie par exemple que l’utilisation de la photographie de deux personnes en couple doit se faire avec l’accord des deux. En matière de vie sexuelle, un travail éducatif devra être mené auprès des personnes accompagnées afin de les informer des dangers de la « diffusion/publication » de photos ou de vidéos intimes sur les réseaux sociaux, les messageries électroniques, les téléphones portables…
(1)
T. civ., Seine, 16 juin 1858, affaire dite « Rachel ».
(2)
On distingue deux variantes du droit à la protection de son image : l’une morale (« extrapatrimoniale ») et l’autre économique (« patrimoniale »). Le droit de l’image peut ainsi être utilisé tantôt à des fins morales (par exemple pour protéger son intégrité morale en s’opposant à ce que son image soit associée à telle idée politique), tantôt à des fins économiques (par exemple en monnayant l’utilisation de son image dans la presse, ou en se plaignant en justice d’un manque à gagner résultant d’une utilisation non autorisée et non rétribuée de son image).
(3)
Des parents s’étaient plaints de la diffusion par un médecin de la photographie de leur enfant. La Cour de cassation relève : « La photographie litigieuse qui représentait une main d’adulte enfonçant une seringue dans un orteil de nourrisson ne permettait pas d’identifier [l’enfant] de sorte qu’elle ne pouvait constituer une atteinte à la vie privée et à l’image invoquée », Cass. civ. 1re, 9 avril 2014, JCP 3 novembre 2014, n° 45, doct. 1163, n° 11, obs. J. Antippas.