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De la liberté de choisir son orientation sexuelle à la non-discrimination

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L’orientation sexuelle relève d’un choix personnel opéré par un individu. Elle mérite en ce sens d’être préservée de toute immixtion au nom du droit au respect de la vie privée et également du principe d’égalité entre les citoyens, dont la place ne peut se décider en fonction de leur orientation sexuelle. C’est en cela que l’Etat a dû légiférer afin de faire disparaître les discriminations dont les personnes homosexuelles étaient victimes, que ce soit dans leur vie sociale ou leur vie professionnelle.
L’article 225-1 du code pénal prévoit que « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison (...) de leur sexe, (...) de leur orientation ou identité sexuelle (...) ». Placer l’orientation sexuelle au côté d’autres facteurs d’aggravation des peines tels que la minorité ou la vulnérabilité n’est pas anodin. Cela rappelle le caractère intolérable de telles atteintes.
En outre, toute personne qui s’estime victime de discriminations, de quelque nature que ce soit (ou ses représentants légaux), peut saisir le Défenseur des droits. Parmi les misions de cette autorité indépendante, consacrée à l’article 71-1 de la Constitution, figurent la lutte contre les discriminations et l’égal accès de toutes et tous aux droits.
Le long chemin de la dépénalisation des relations homosexuelles
Durant les années 1950 et 1960, de nombreuses personnes homosexuelles saisirent la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) afin de faire constater une violation de leurs droits par les Etats qui réprimaient pénalement l’homosexualité, ces demandes étant alors systématiquement rejetées. C’est en 1981 que la CEDH opéra un revirement de jurisprudence, dans l’affaire « Dudgeon c/ Royaume-Uni »(1). La Cour admit que l’incrimination des actes homosexuels était une ingérence permanente dans la vie privée, la notion de « vie privée » recouvrant nécessairement la vie sexuelle de chacun. Depuis, cette jurisprudence de la CEDH est constante(2) et a impliqué une dépénalisation des relations entre individus majeurs et consentants. Subsistait une difficulté : dans la majorité des Etats membres, il existait des âges différents pour la « majorité » homosexuelle masculine (18 ou 21 ans, selon les pays), la « majorité » homosexuelle féminine (qui était la même que pour les hétérosexuels) et la « majorité » hétérosexuelle (15, 17 ou 18 ans, selon les pays). Cette différence de traitement était alors justifiée par l’opinion que « les homosexuels masculins étaient plus enclins à solliciter des relations sexuelles avec des adolescents »(3). Il fallut attendre 2001 et l’arrêt « Sutherland c/ Royaume-Uni »(4) pour que la CEDH mette fin à cette discrimination relative à l’âge minimal du consentement à une relation homosexuelle. Dans cette affaire, la Cour a relevé que « des recherches récentes démontrent que l’orientation sexuelle était en général établie avant la puberté, tant chez les filles que les garçons. [Donc, traiter différemment les actes homosexuels masculins] traduit les préjugés d’une majorité hétérosexuelle envers une minorité homosexuelle. La Cour ne saurait tenir ces attitudes négatives pour une justification suffisante en soi à la différence de traitement en cause »(5).
En France, l’homosexualité fut largement réprimée à partir du XIIIe siècle, surtout lorsqu’elle était masculine. La pénalisation des pratiques homosexuelles disparut en 1791 et elle ne fut pas reprise par le code d’instruction criminelle de 1808. Le mouvement répressif s’accentua à nouveau sous le régime de Vichy, qui créa un « délit d’homosexualité » en 1942 (loi dite « Darlan » du 6 août 1942). En 1960, une loi qualifia l’homosexualité de « fléau social »(6) à travers un amendement du député Mirguet(7), puis une ordonnance introduisit un article 330, alinéa 2, dans le code pénal, faisant de l’homosexualité une circonstance aggravante en cas d’outrage public à la pudeur(8). Du fait de leur orientation sexuelle, les individus homosexuels continuaient de se voir refuser l’accès à un certain nombre de droits et faisaient l’objet de discriminations (par exemple, en cas de divorce, l’homosexualité était constitutive de faute, empêchant de se voir attribuer la garde des enfants). Il fallut attendre une loi de 1982 pour que l’homosexualité soit dépénalisée en France(9).
Dans les établissements sociaux et médico-sociaux, des discriminations fondées sur l’orientation sexuelle seraient bien évidemment illégales. Mais on voit mal de telles mentions, par exemple dans un règlement de fonctionnement. En revanche, la question de l’homosexualité est rarement envisagée sous l’angle d’une liberté, voire d’une possibilité. Ainsi, certains établissements pratiquent encore la non-mixité dans les internats (notamment dans les établissements pour mineurs), pensant ainsi « empêcher » la survenue de relations sexuelles : ils n’envisagent donc la sexualité que sur le versant de l’hétérosexualité. Par ailleurs, si l’existence de couples homosexuels au sein d’établissements pour adultes en situation de handicap est une certitude, et qu’ils ont la possibilité théorique de bénéficier d’une chambre de couple (l’interdire dans le règlement de fonctionnement serait discriminatoire), très peu d’entre eux en bénéficient dans la réalité, sous couvert souvent d’une mauvaise acceptation par les familles. On rappellera qu’on parle ici de « personnes majeures », libres d’organiser leur vie privée, et que ni les professionnels ni leurs familles (et encore moins les familles des autres résidants) n’ont à y donner leur assentiment.


(1)
CEDH, 22 octobre 1981, req. n° 7525/76, Dudgeon c/ Royaume-Uni.


(2)
Cf. par exemple : CEDH, 26 octobre 1988, req. n° 8225/78, Norris c/ Irlande ; CEDH, 22 avril 1993, req. n° 15070/89, Modinos c/ Chypre ; CEDH, 19 février 1997, req. n° 33290/96, Salgueiro da Silva Mouta c/ Portugal.


(3)
Bugnon C., « La construction d’un ordre public sexuel », thèse, Université de Bourgogne, 2008.


(4)
CEDH, 25 mars 2001, req. n° 25186/84, Sutherland c/ Royaume-Uni.


(5)
Cf. notamment CEDH, 9 janvier 2003, req. n° 39392/98, L. et V. c/ Autriche ; CEDH, 9 janvier 2003, req. n° 45330/99, S. L. c/ Autriche ; CEDH, 10 février 2004, req. n° 53760/00, B. B. c/ Royaume-Uni.


(6)
Loi n° 60-773 du 30 juillet 1960 autorisant le gouvernement à prendre, par application de l’article 38 de la Constitution, les mesures nécessaires pour lutter contre certains fléaux sociaux, JO du 2-08-60.


(7)
Pour défendre sa position, le député Mirguet soutenait, lors des travaux parlementaires : « Je pense qu’il est inutile d’insister longuement car vous êtes tous conscients de la gravité de ce fléau qu’est l’homosexualité, fléau contre lequel nous avons le devoir de protéger nos enfants. Au moment où notre civilisation est dangereusement minoritaire dans un monde en pleine évolution et devient si vulnérable, nous devons lutter contre tout ce qui peut diminuer son prestige. Dans ce domaine comme dans d’autres, la France se doit de montrer l’exemple » (cité in Mecary C., Droit et homosexualité, Dalloz, 2000).


(8)
Code pénal, article 330, alinéa 2, ancien : « Lorsque l’outrage public à la pudeur consistera en un acte contre nature avec un individu du même sexe, la peine sera un emprisonnement de six mois à trois ans et une amende de 1 000 à 15 000 francs » (ordonnance n° 60-1245 du 25 novembre 1960 relative à la lutte contre le proxénétisme, JO du 27-11-60).


(9)
Loi n° 82-683 du 4 août 1982, JO du 5-08-82.

SECTION 2 - LE LIBRE CHOIX DE SON ORIENTATION ET DE SON IDENTITÉ SEXUELLES

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